CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 22 janvier 2025
Cassation partielle
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 42 F-D
Pourvoi n° M 23-14.500
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 22 JANVIER 2025
M. [D] [W], domicilié [Adresse 4], [Localité 2], a formé le pourvoi n° M 23-14.500 contre l'arrêt rendu le 9 février 2023 par la cour d'appel de Rouen (chambre de la proximité), dans le litige l'opposant à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) de Normandie, dont le siège est [Adresse 3], [Localité 1], défenderesse à la cassation.
La caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) de Normandie a formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident éventuel invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Peyregne-Wable, conseiller, les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de M. [W], SAS Boucard-Capron-Maman, avocat de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Normandie, après débats en l'audience publique du 26 novembre 2024 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Peyregne-Wable, conseiller rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 9 février 2023), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 24 mars 2021, pourvoi n° 19-23.271), par acte notarié du 6 novembre 2004, M. [W] (l'emprunteur) a souscrit un contrat de prêt auprès de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Normandie (la banque), destiné à financer l'acquisition en l'état futur d'achèvement de lots au sein d'un ensemble immobilier vendu par la société Le Hameau du prieuré (le vendeur). A la suite de retards dans la livraison des lots, la résolution judiciaire des contrats de vente aux torts exclusifs du vendeur a été prononcée par un jugement du 12 mars 2009, confirmé sur ce point par un arrêt du 15 mars 2011.
2. Le 1er mars 2016, l'emprunteur a assigné en résolution du contrat de prêt la banque qui a opposé la prescription.
Examen des moyens
Sur le moyen unique du pourvoi incident, qui est préalable
Enoncé du moyen
1. La banque fait grief à l'arrêt de prononcer la résolution du contrat de prêt, et de la condamner aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris les dépens de l'arrêt de la cour d'appel de Caen du 27 juin 2019, et la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, alors :
« 1°/ que la partie qui entend voir infirmer par la cour d'appel des chefs d'un jugement doit formuler des prétentions en ce sens dans le dispositif de ses
conclusions d'appel ; qu'il en résulte que le dispositif des conclusions de l'appelant doit comporter, en vue de l'infirmation ou de l'annulation du jugement frappé d'appel, des prétentions sur le litige, sans lesquelles la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement frappé d'appel ; qu'en infirmant, dès lors, en toutes ses dispositions, le jugement du tribunal de grande instance de Lisieux du 14 avril 2017, qui avait déclaré irrecevables comme étant prescrites les demandes de l'emprunteur, quand le dispositif des conclusions d'appel de l'emprunteur ne comportait aucune demande tendant au rejet de la fin de non-recevoir tirée de la prescription des demandes de l'emprunteur, que soulevait la banque dans le dispositif de ses conclusions d'appel, en demandant la confirmation du jugement du tribunal de grande instance de Lisieux du 14 avril 2017, et quand, en conséquence, elle ne pouvait que confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Lisieux en date du 14 avril 2017, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 562 et 954 du code de procédure civile ;
2°/qu'en infirmant, dès lors, en toutes ses dispositions, le jugement du tribunal de grande instance de Lisieux du 14 avril 2017, qui avait déclaré irrecevables comme étant prescrites les demandes de l'emprunteur, sans motiver, d'une quelconque manière, son arrêt, en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription des demandes de l'emprunteur, que soulevait la banque, dans le dispositif de ses conclusions d'appel, en demandant la confirmation du jugement du tribunal de grande instance de Lisieux en date du 14 avril 2017, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
2. La cour de renvoi a statué en conformité de l'arrêt de cassation qui l'avait saisie.
3. Le moyen qui appelle la Cour de cassation à revenir sur la doctrine exprimée par le précédent arrêt est irrecevable.
Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en ses première et deuxième branches
Enoncé du moyen
3. L'emprunteur fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement de la somme de 21 400,17 euros avec intérêts à compter du 15 mars 2011, alors :
« 1°/ que la résolution d'un contrat de prêt emporte de plein droit la restitution des sommes versées en exécution de ce contrat ; qu'en retenant, pour débouter l'emprunteur de sa demande tendant à voir la banque condamnée à lui rembourser les sommes versées en exécution du contrat de prêt n°52010524033 dont elle a prononcé la résolution corrélativement à celle des contrats de ventes, qu'il ne justifiait pas du calcul des sommes qu'il réclamait, circonstance inopérante au regard de l'obligation de restitution attachée de plein droit à la résolution du contrat de prêt, la cour d'appel a violé l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
2°/ que le juge ne peut refuser de statuer en se fondant sur l'insuffisance de preuves qui lui sont soumises par les parties ; que dès lors, en retenant, pour rejeter la demande de l'emprunteur tendant à voir la banque condamnée à lui rembourser les sommes versées en exécution du contrat de prêt n°52010524033 dont elle a prononcé la résolution corrélativement à celle des contrats de ventes, qu'il ne justifiait pas du calcul des sommes qu'il réclamait et que les pièces versées aux débats ne permettaient de les calculer, la cour d'appel, qui a refusé de déterminer la créance de l'emprunteur à l'encontre de la banque qui n'en déniait pourtant pas l'existence en son principe, a violé l'article 4 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 4 et 1184 du code civil, ce dernier dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :
4. Il résulte du premier de ces textes que le juge ne peut refuser de statuer en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties.
5. Il résulte du second que la résolution du contrat entraîne l'anéantissement rétroactif du contrat ainsi que des restitutions réciproques qui en constituent des conséquences légales.
6. Pour rejeter la demande en remboursement des intérêts faisant suite à la résolution du contrat de prêt de l'emprunteur, l'arrêt retient que celui-ci réclame une certaine somme sans justifier du calcul de ses demandes et sans que les pièces versées aux débats permettent de calculer les intérêts intercalaires sollicités.
7. En statuant ainsi, alors que seul le montant de la créance de restitution de l'emprunteur était contesté et que l'obligation de restitution est une conséquence attachée à la résolution du contrat de prêt, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi principal, la Cour :
REJETTE le pourvoi incident
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de paiement des intérêts intercalaires formée par M. [W], l'arrêt rendu le 9 février 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;
Condamne la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Normandie aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Normandie et la condamne à payer à M. [W] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux janvier deux mille vingt-cinq.