SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 22 janvier 2025
Cassation partielle
Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 8 F-B
Pourvoi n° P 22-23.468
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 22 JANVIER 2025
M. [J] [I], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° P 22-23.468 contre l'arrêt rendu le 29 septembre 2022 par la cour d'appel de Versailles (15e chambre), dans le litige l'opposant à la société NortonLifeLock France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2] anciennement dénommée société Symantec France, défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Carillon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de M. [I], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société NortonLifeLock France, après débats en l'audience publique du 26 novembre 2024 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Carillon, conseiller référendaire rapporteur, M. Barincou, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 29 septembre 2022), M. [I] a été engagé en qualité d'ingénieur support technique à compter du 5 mars 2007 par la société NortonLifeLock France, anciennement Symantec France (la société).
2. Il a été licencié le 31 juillet 2015, pour cause réelle et sérieuse, son employeur lui reprochant d'avoir refusé la proposition qui lui avait été faite d'occuper le poste d'ingénieur avant ventes spécialiste France, basé à [Localité 3], dans le cadre d'un projet d'externalisation des activités de l'entreprise et de suppression du poste qu'il occupait.
3. Contestant le bien-fondé de cette rupture, il a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir paiement de diverses sommes.
Examen des moyens
Sur le second moyen
4. En application de l'article 1014, alinéa 2 du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen relevé d'office
5. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.
Vu les articles 1134 du code civil, L. 1233-3 du code du travail, ce dernier dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, et l'article L. 1233-16 du même code :
6. Aux termes du deuxième de ces textes, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.
7. Selon le troisième, la lettre de licenciement comporte l'énoncé des motifs économiques invoqués par l'employeur. Cette obligation légale a pour objet de permettre au salarié de connaître les motifs de son licenciement pour pouvoir éventuellement les discuter et de fixer les limites du litige quant aux motifs énoncés.
8. Il en résulte, d'une part, que le seul refus par un salarié d'une modification de son contrat de travail ne constitue pas une cause réelle et sérieuse de licenciement et, d'autre part, que la rupture résultant du refus par le salarié d'une modification de son contrat de travail, proposée par l'employeur pour un motif non inhérent à sa personne, constitue un licenciement pour motif économique.
9. Pour dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que la société justifie de difficultés économiques et financières dont il résulte que la viabilité de l'entreprise nécessitait une externalisation de certaines fonctions, notamment celle occupée par le salarié.
10. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le motif de la modification du contrat de travail refusée par le salarié résidait dans la volonté de l'employeur d'externaliser ses activités commerciales dans un certain nombre de pays d'Afrique dont le salarié avait la charge depuis 2012 et qu'il n'était allégué, ni dans la lettre de licenciement, ni dans les conclusions de l'employeur qui se bornait à soutenir que le refus par le salarié des postes qui lui avaient été proposés caractérisait une situation intolérable et inacceptable, que cette réorganisation résultait de difficultés économiques ou de mutations technologiques ou qu'elle était indispensable à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise, en sorte que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le premier moyen du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute le salarié de sa demande de rappel de salaires et congés payés afférents, l'arrêt rendu le 29 septembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;
Condamne la société NortonLifeLock France aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société NortonLifeLock France et la condamne à payer à M. [I] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux janvier deux mille vingt-cinq.