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22/01/2025 | FRANCE | N°22-20.526

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale financière et économique - formation de section, 22 janvier 2025, 22-20.526


COMM.

HM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 22 janvier 2025




Rejet


M. VIGNEAU, président



Arrêt n° 24 FS-B

Pourvoi n° R 22-20.526




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 22 JANVIER 2025

1°/ la société Trimax, société ano

nyme de droit luxembourgeois, dont le siège est [Adresse 1] (Luxembourg),

2°/ M. [W] [E], domicilié [Adresse 3],

ont formé le pourvoi n° R 22-20.526 contre l'arrêt rendu le ...

COMM.

HM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 22 janvier 2025




Rejet


M. VIGNEAU, président



Arrêt n° 24 FS-B

Pourvoi n° R 22-20.526




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 22 JANVIER 2025

1°/ la société Trimax, société anonyme de droit luxembourgeois, dont le siège est [Adresse 1] (Luxembourg),

2°/ M. [W] [E], domicilié [Adresse 3],

ont formé le pourvoi n° R 22-20.526 contre l'arrêt rendu le 29 juin 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 3), dans le litige les opposant :

1°/ à la société Trimax développement, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 5],

2°/ à M. [J] [B], domicilié [Adresse 6],

3°/ à la société Equitis gestion, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 7],

4°/ à la société OCM Luxembourg ECS Retail France, société à responsabilité limitée de droit luxembourgeois, dont le siège est [Adresse 2] (Luxembourg),

5°/ à la société Roosevelt 15-17 SPF, société anonyme de droit luxembourgeois, dont le siège est [Adresse 4] (Luxembourg),

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lefeuvre, conseiller référendaire, les observations de la SAS Hannotin Avocats, avocat de la société Trimax et de M. [E], de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de la société OCM Luxembourg ECS Retail France, de la SCP Spinosi, avocat de la société Trimax développement et de M. [B], et l'avis de M. Lecaroz, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 novembre 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Lefeuvre, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, Mmes Graff-Daudret, Ducloz, M. Alt, Mme de Lacaussade, M. Thomas, conseillers, Mmes Vigneras, Lefeuvre, Tostain, M. Maigret, conseillers référendaires, M. Lecaroz, avocat général, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la société Trimax du désistement de son pourvoi.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 juin 2022), le 30 juillet 2019, la société Trimax développement, filiale de la société Trimax, laquelle est détenue à concurrence de 95 % par M. [E], son dirigeant, et à concurrence de 5 % par la société Roosevelt 15-17 SPF (la société Roosevelt), a émis des obligations avec bon de souscription d'actions (OBSA) et, à cette fin, a conclu un contrat de souscription de ces obligations avec la société OCM Luxembourg ECS Retails France (la société OCM).

3. En garantie du remboursement de ces titres, la société Trimax a conclu un contrat de fiducie avec les sociétés OCM, Trimax développement et Equitis gestion prévoyant le transfert, à cette dernière, de l'intégralité des titres qu'elle détenait dans le capital de la société Trimax développement.

4. Le 27 janvier 2022, la société Equitis Gestion a révoqué M. [E] de ses fonctions de président de la société Trimax développement et a nommé M. [B] en cette qualité.

5. Le 2 mars 2022, M. [E] et la société Trimax ont assigné en référé devant le président d'un tribunal de commerce la société Trimax développement et M. [B] aux fins de voir désigner un administrateur provisoire de la société Trimax développement.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. M. [E] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande de sursis à statuer dans l'attente d'une décision définitive à intervenir des juridictions luxembourgeoises, alors :

« 1°/ que la demande de sursis à statuer n'est pas tardive lorsqu'elle est soulevée en appel, en réponse à un moyen nouveau en appel ; qu'au cas présent, la société Trimax et M. [E] faisaient valoir dans leurs conclusions que le juge est tenu de rechercher la date à laquelle le plaideur qui soulève une exception de procédure a eu connaissance du fait générateur de cette exception et que la demande de sursis à statuer qu'ils formaient était, en l'espèce, la réponse à un nouveau moyen qui n'avait été développé qu'en cause d'appel par les appelants ; qu'en ne répondant pas à ce moyen, la cour d'appel, qui a entaché sa décision d'un défaut de motifs, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que le juge ne peut déclarer irrecevable une demande de sursis à statuer formulée la première fois en cause d'appel sans préalablement rechercher si cette demande n'a pas été effectuée en réponse à un moyen nouveau soulevé par la partie adverse en cause d'appel ; qu'au cas présent, la cour d'appel a retenu que la société Trimax et M. [E] avaient eu connaissance de la saisine de la juridiction luxembourgeoise appelée à statuer sur les demandes formées par la société OCM à l'encontre de Monsieur [E] avant l'audience du juge des référés français, et ce pour déclarer irrecevable la demande de sursis à statuer formulée par la société Trimax et M. [E] ; qu'en statuant ainsi, sans avoir préalablement recherché si cette demande n'avait pas été elle-même effectuée en réponse à un moyen nouveau soulevé par la partie adverse en cause d'appel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 74 du code de procédure civile. »


Réponse de la Cour

7. Après avoir énoncé, à bon droit, qu'en vertu des articles 73 et 74 du code de procédure civile, une demande de sursis à statuer est une exception de procédure qui doit être présentée, à peine d'irrecevabilité, avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir, sauf au demandeur au sursis à démontrer que les faits justifiant la demande lui ont été révélés postérieurement, l'arrêt relève que l'audience devant le juge des référés s'est déroulée le 25 mars 2022 et que le 15 mars 2022, la société OCM a fait délivrer à M. [E] une assignation à comparaître devant la juridiction luxembourgeoise aux fins notamment de lui faire interdiction de se prévaloir, à quelque titre que ce soit, de la qualité d'administrateur et de président du conseil d'administration de la société Trimax. Il retient que lors de l'audience devant le juge des référés, M. [E] avait connaissance de la saisine de la juridiction luxembourgeoise appelée à statuer sur les demandes formées par la société OCM et, la procédure étant orale, qu'il pouvait, former avant toute défense au fond une demande de sursis à statuer dans l'attente de la décision de la juridiction luxembourgeoise, ce qu'il n'a pas entendu faire.

8. De ces énonciations, constatations et appréciations, la cour d'appel a exactement déduit que la demande de sursis à statuer formée pour la première fois en cause d'appel par M. [E], cependant que l'événement la fondant était connu de lui antérieurement à sa défense au fond, était irrecevable.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

10. M. [E] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande de désignation d'un administrateur provisoire de la société Trimax développement, alors :

« 1°/ que lorsqu'une opération de fiducie porte sur les parts d'une société, le constituant et son dirigeant conservent nécessairement un lien de droit avec ladite société ; qu'en effet, le fiduciaire se voit confier des intérêts, qu'il doit rendre compte de sa gestion et que le transfert de propriété de cette propriété dégradée que réalise la fiducie n'est que temporaire ; que, par suite, en pareille hypothèse, le constituant et son dirigeant ont un intérêt à agir pour voir désigner, si les conditions en sont par ailleurs réunies, un administrateur provisoire de la société dont les parts sont l'objet de la fiducie ; qu'au cas présent, la cour d'appel, tout en rappelant l'exigence de l'existence d'un "lien de droit" entre le demandeur à la désignation d'un administrateur provisoire et la société visée par cette administration provisoire, a retenu qu'en l'espèce, ce lien ferait défaut dès lors que "à la date de la demande de désignation d'un administrateur provisoire à la société Trimax développement, M. [E] n'en était plus président, sa révocation [intervenue après la mise en oeuvre de la fiducie] étant intervenue le 27 janvier 2022" ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'un lien de droit persistait nécessairement, du fait de la nature spécifique de la fiducie-sûreté, entre les demandeurs à la désignation d'un administrateur provisoire (la société Trimax et M. [E]), d'une part, et la société Trimax développement, d'autre part, la cour d'appel a violé l'articles 31 du code de procédure civile, ensemble les articles 2011, 2017, 2022 et 2030 du code civil ;

2°/ que lorsqu'une opération de fiducie porte sur les parts d'une société, le constituant et son dirigeant ont nécessairement intérêt à agir afin de demander la désignation d'un administrateur provisoire de ladite société ; que la communauté d'intérêt devant exister, entre le demandeur à la désignation et la société à administrer, pour justifier la recevabilité de la demande de désignation d'administrateur provisoire, existe en effet nécessairement entre le constituant (et son dirigeant) et la société dont les parts sont mises en fiducie, celles-ci étant uniquement confiées, et non irrévocablement transférées, dans le cadre d'un contrat comportant des termes et conditions garantissant le maintien de ladite communauté d'intérêt ; qu'au cas présent, la cour d'appel a retenu que la fiducie garantirait toujours, à la date de la saisine du juge, soit le paiement de la créance garantie (OBSA), soit, en cas d'annulation des OBSA, la restitution des sommes versées par les souscripteurs d'OBSA, de sorte que, selon elle, tant que persisterait la cause de la constitution de la fiducie-sûreté, l'intérêt à agir des demandeurs à la désignation d'un administrateur provisoire ne serait pas caractérisé ; qu'en statuant ainsi, cependant que, y compris dans l'attente du dénouement de l'opération garantie par la conclusion du contrat de fiducie, le constituant conserve un intérêt éminent à garder un regard attentif sur le bien objet de la fiducie, la cour d'appel a violé l'articles 31 du code de procédure civile, ensemble les articles 2011, 2017, 2022 et 2030 du code civil ;

3°/ que lorsqu'une opération de fiducie porte sur les parts d'une société, le constituant et son dirigeant ont nécessairement intérêt à agir afin de demander sans attendre la désignation d'un administrateur provisoire de ladite société et de sécuriser ainsi leurs droits sur un bien ; que l'espérance légitime de voir l'opération se dénouer sans appréhension définitive des parts sociales au bénéfice du créancier constitue en effet un bien au sens des droits fondamentaux ; qu'au cas présent, en déclarant irrecevable, pour défaut d'intérêt à agir, l'action intentée par la société Trimax et M. [E] afin d'obtenir la nomination d'un administrateur provisoire de la société Trimax développement, dont les titres détenus par la société Trimax avaient fait l'objet d'une fiducie et dont M. [E] assumait la direction avant d'en avoir été évincé postérieurement à la mise en oeuvre de la fiducie, la cour d'appel, qui a négligé la circonstance qu'il était ainsi porté atteinte à un bien, a violé l'article 31 du code de procédure civile, ensemble les articles 6-1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 1er du protocole additionnel n° 1 à ladite convention. »

Réponse de la Cour

11. Il résulte des dispositions de l'article 31 du code de procédure civile que toute personne justifiant d'un intérêt légitime à agir est recevable à demander la désignation d'un administrateur provisoire.

12. Ayant relevé que M. [E] se bornait à soutenir qu'il disposait d'un intérêt à agir dès lors que la société Trimax avait vocation à se voir restituer les titres de la société Trimax développement en cas de remboursement de l'emprunt obligataire, ce dont il résultait que sa demande n'avait pas pour finalité la protection de l'intérêt de la société Trimax développement mais la protection de ses intérêts personnels, la cour d'appel en a exactement déduit, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la première branche, que cette demande était irrecevable.

13. Le moyen, irrecevable en sa troisième branche comme étant nouveau et mélangé de fait et de droit, n'est donc pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [E] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [E] et le condamne à payer à la société OCM Luxembourg ECS Retails France la somme de 3 000 euros et à la société Trimax développement et à M. [B] la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé en l'audience publique du vingt-deux janvier deux mille vingt-cinq et signé par M. Ponsot, conseiller doyen en ayant délibéré, en remplacement de M. Vigneau président, empêché, le conseiller référendaire rapporteur et M. Doyen, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt, conformément aux dispositions des articles 452, 456 et 1021 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale financière et économique - formation de section
Numéro d'arrêt : 22-20.526
Date de la décision : 22/01/2025
Sens de l'arrêt : Rejet

Analyses

Il résulte des dispositions de l'article 31 du code de procédure civile que toute personne justifiant d'un intérêt légitime à agir est recevable à demander la désignation d'un administrateur provisoire


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris


Publications
Proposition de citation : Cass. Com. financière et économique - formation de section, 22 jan. 2025, pourvoi n°22-20.526, Bull. civ.Publié au
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Publié au

Origine de la décision
Date de l'import : 24/01/2025
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:22.20.526
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