CIV. 2
FD
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 10 octobre 2024
Cassation partielle
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 897 F-D
Pourvois n°
Y 23-13.039
G 23-14.198 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 OCTOBRE 2024
I. La Société Gmf assurances, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], [Localité 10], a formé le pourvoi n° Y 23-13.039 contre un arrêt rendu le 12 janvier 2023 par la cour d'appel de Versailles (3e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Matmut, dont le siège est [Adresse 6], [Localité 8],
2°/ à M. [H] [C], domicilié [Adresse 4], [Localité 9],
3°/ à M. [F] [D], domicilié [Adresse 11], [Localité 1],
4°/ à Mme [S] [D], épouse [Y], domiciliée [Adresse 7], [Localité 1],
5°/ à la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, dont le siège est [Adresse 5], [Localité 2],
défendeurs à la cassation.
II. M. [F] [D], a formé le pourvoi n° G 23-14.198 contre le même arrêt dans le litige l'opposant :
1°/ à la Mutuelle assurance des travailleurs mutualistes,
2°/ à M. [H] [C],
3°/ à Mme [S] [D] épouse [Y],
4°/ à la société Gmf assurances,
5°/ à la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse au pourvoi n° Y 23-13.039 invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.
Le demandeur au pourvoi n° G 23-14.198 invoque, à l'appui de son recours, cinq moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Cassignard, conseiller, les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de M. [D], de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société Gmf assurances, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la Mutuelle assurance des travailleurs mutualistes, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 septembre 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Cassignard, conseiller rapporteur, Mme Isola, conseiller, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° Y 23-13.039 et G 23-14.198 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 12 janvier 2023), le 22 juillet 2014, M. [C] a été victime d'une chute depuis le toit du garage d'un immeuble assuré au titre d'une assurance habitation par la société Gmf assurances (la société Gmf), bien appartenant en indivision à M. [D] et à sa soeur, Mme [Y], dont la responsabilité civile est assurée auprès de la société Matmut.
3. M. [C] a assigné devant un tribunal de grande instance les sociétés Gmf et Matmut, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, en indemnisation de ses préjudices.
4. M. [D] et Mme [Y] ont été attraits à la procédure, M. [C] recherchant la responsabilité du premier sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1er, devenu 1242, du code civil et de la seconde sur le fondement d'une convention d'assistance bénévole.
5. Par jugement du 14 janvier 2021, le tribunal a, notamment, débouté M. [C] de ses demandes à l'encontre de M. [D] et de la société Gmf, a déclaré Mme [Y] responsable du dommage, au titre d'une convention d'assistance bénévole conclue dans son intérêt exclusif, et a dit que la société Matmut devait sa garantie à Mme [Y].
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches, du pourvoi n° Y 23-13.039, et sur les premier, deuxième et quatrième moyens du pourvoi n° G 23-14.198
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche, du pourvoi n° Y 23-13.039
Enoncé du moyen
7. La société Gmf fait grief à l'arrêt de la condamner in solidum avec M. [D], à indemniser M. [C] de son entier dommage, alors « que lorsque plusieurs gardiens exercent une garde commune sur une même chose, ils engagent tous leur responsabilité ; qu'en ne retenant que la responsabilité de M. [D], assuré par la Gmf, à l'exclusion de celle de Mme [Y] assurée par la Matmut, après avoir expressément constaté que les coïndivisaires, propriétaires du bien à l'origine du dommage, étaient présumés responsables du fait de cette chose, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 1384 du code civil, devenu 1242. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
8. La société Matmut conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient qu'il est nouveau, la Gmf s'étant bornée dans ses conclusions à exclure l'application de la responsabilité du fait des choses au litige et à demander la confirmation du jugement, sans solliciter la condamnation de Mme [Y], en qualité de coïndivisaire de l'immeuble, responsable du fait de la chose.
9. Si la société Gmf soutient à juste titre qu'un moyen peut naître de la décision attaquée, encore faut-il qu'une demande ait été formulée devant les juges du fond. Or, dans ses écritures, la société Gmf se bornait à solliciter la confirmation du jugement et demandait sa mise hors de cause, sans demander aucune condamnation contre Mme [Y] en sa qualité de coïndivisaire.
10. Le moyen est, dès lors, irrecevable.
Sur le troisième moyen du pourvoi n° G 23-14.198
Enoncé du moyen
11. M. [D] fait grief à l'arrêt de le condamner, solidairement avec la Gmf, à réparer l'entier dommage dont M. [C] a été victime, alors « que le propriétaire est présumé gardien de la chose ; qu'ayant constaté que Mme [Y] était propriétaire indivise du bien à l'origine du dommage et que c'est elle qui avait donné l'autorisation d'y réaliser les travaux à l'occasion desquels l'accident était survenu, la cour d'appel, en condamnant le seul M. [D], coïndivisaire, à indemniser la victime de son entier dommage, a violé l'article 1384, alinéa 1er, devenu 1242, alinéa 1er, du code civil. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
12. La société Matmut conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient qu'il est nouveau, dès lors que M. [D] n'a pas soutenu dans ses conclusions qu'il y aurait eu une garde commune de la toiture et qu'une responsabilité commune devrait être reconnue entre lui et sa soeur s'agissant des dommages subis par M. [C].
13. M. [D] n'a sollicité la garantie de la société Matmut qu'en cas de condamnation sur le fondement de la convention d'assistance bénévole, et n'a ni demandé une condamnation de sa soeur en qualité de coïndivisaire, ni de l'assureur de cette dernière pour le cas où sa responsabilité serait retenue sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1er, du code civil.
14. Le moyen, qui se rapporte à une demande qui n'a pas été formée devant la cour d'appel, est, dès lors, irrecevable.
Mais sur le cinquième moyen du pourvoi n° G 23-14.198 et le second moyen du pourvoi n° Y 23-13.039, qui sont similaires, réunis :
Enoncé du moyen
15. Par son moyen, M. [D] fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement en ce qu'il avait condamné Mme [Y] et la société Matmut à réparer l'entier dommage subi par M. [C] au titre d'une convention d'assistance bénévole et de le condamner, solidairement avec la société Gmf, à réparer l'entier dommage dont M. [C] a été victime, alors « que les jugements doivent être motivés ; qu'en se bornant à reconnaître l'engagement de la responsabilité du fait des choses de M. [Y] (lire M. [D]) et de la société Gmf, sans aucun motif justifiant la remise en cause de la responsabilité de Mme [Y] et de la Matmut sur le fondement de la convention d'assistance bénévole, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
16. Par son moyen, la société Gmf fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement en ce qu'il avait condamné Mme [Y] et la société Matmut à réparer l'entier dommage subi par M. [C] au titre d'une convention d'assistance bénévole, alors « que lorsqu'une convention d'assistance bénévole a été tacitement conclue, une telle convention comporte nécessairement l'obligation, pour l'assisté, de garantir l'assistant des dommages subis lors de l'exécution de la prestation ; qu'en infirmant, sans motif, le jugement qui avait retenu la responsabilité de Mme [Y], assurée par la société Matmut sur le fondement d'une convention d'assistance bénévole, cependant qu'il était constant que Mme [Y] avait demandé à M. [C] de procéder au changement de trois plaques de fibrociment sur le toit du garage lui appartenant en indivision avec son frère, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
17. Après avoir constaté que M. [C] sollicitait, à titre principal, la confirmation du jugement, la cour d'appel, qui s'est bornée à examiner la responsabilité du fait des choses, qui concernait M. [D] et son assureur, sans motiver sa décision sur la convention d'assistance bénévole, qui concernait Mme [Y] et son assureur, n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il infirme le jugement en tant qu'il a condamné Mme [Y] et la société Matmut à réparer l'entier dommage subi par M. [C] au titre d'une convention d'assistance bénévole, et en ce qu'il condamne in solidum M. [D] et la société Gmf à indemniser M. [C] de son entier dommage, l'arrêt rendu le 12 janvier 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Dit n'y avoir lieu à mettre hors de cause la société Matmut ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;
Condamne la société Matmut et Mme [Y] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Matmut et Mme [Y] à payer à M. [D] la somme globale de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé et signé par le président en l'audience publique du dix octobre deux mille vingt-quatre et signé par Mme Cathala, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt.