CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 5 septembre 2024
Cassation partielle
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 713 FS-B
Pourvoi n° C 22-19.502
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 SEPTEMBRE 2024
La caisse primaire d'assurance maladie des Vosges, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° C 22-19.502 contre l'arrêt rendu le 31 mai 2022 par la cour d'appel de Nancy (chambre sociale, section 1), dans le litige l'opposant à la Société de gestion des cliniques d'[Localité 3] réunies, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Pédron, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie des Vosges, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la Société de gestion des cliniques d'[Localité 3] réunies, et l'avis de Mme Tuffreau, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 11 juin 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Pédron, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, Mme Coutou, M. Rovinski, Mme Lapasset, M. Leblanc, conseillers, Mme Dudit, MM. Labaune, Montfort, Mme Lerbret-Féréol, conseillers référendaires, Mme Tuffreau, avocat général référendaire, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 31 mai 2022), la caisse primaire d'assurance maladie des Vosges (la caisse) a, après investigations, pris en charge, au titre de la législation professionnelle, l'accident dont Mme [D] (la victime), salariée de la Société de gestion des cliniques d'[Localité 3] réunies (l'employeur), a été victime le 28 mai 2020.
2. L'employeur a saisi une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale d'une demande en inopposabilité de cette décision de prise en charge.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. La caisse fait grief à l'arrêt de déclarer inopposable à l'employeur la décision de prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels de l'accident de la victime, alors « qu'aucune disposition n'impose à la caisse d'informer l'employeur du délai de remise du questionnaire ; que la caisse n'est pas plus tenue de porter à la connaissance de l'employeur les textes, publiés au Journal officiel, instaurant, dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, une prorogation du délai de remise du questionnaire ; que dès lors, aucun manquement ne peut être imputé à la caisse pour n'avoir pas informé l'employeur que le délai réglementaire de 20 jours pour la remise du questionnaire, visé dans sa lettre, est prorogé de 10 jours en application de l'ordonnance n° 2020-460 du 22 avril 2020 ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article R. 441-8 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 11 de l'ordonnance n° 2020-460 du 22 avril 2020. »
Réponse de la Cour
Vu l'article R. 441-8 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2019-356 du 23 avril 2019, et l'article 11, I et II, 4° de l'ordonnance n° 2020-460 du 22 avril 2020, modifiée par l'ordonnance n° 2020-737 du 17 juin 2020, applicables au litige :
4. Selon le premier de ces textes, lorsque la caisse engage des investigations avant de statuer sur le caractère professionnel d'un accident, elle adresse un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de celui-ci à l'employeur ainsi qu'à la victime ou ses représentants, dans le délai de trente jours francs mentionné à l'article R. 441-7 et par tout moyen conférant date certaine à sa réception. Ce questionnaire est retourné dans un délai de vingt jours francs à compter de sa réception.
5. Selon le second, dès lors qu'ils expirent entre le 12 mars 2020 et une date fixée par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale qui ne peut être postérieure au 10 octobre 2020 inclus, les délais impartis aux salariés et employeurs pour répondre aux questionnaires sont prorogés, pour les accidents du travail et les maladies professionnelles, de dix jours.
6. Le délai imparti à l'employeur et à la victime ou ses représentants pour répondre aux questionnaires est seulement indicatif de la célérité de la procédure à l'issue de laquelle la caisse doit statuer sur le caractère professionnel de l'accident. Il n'est assorti d'aucune sanction.
7. Il en résulte que la caisse n'est pas tenue d'informer l'employeur et la victime ou ses représentants du délai dans lequel ils doivent lui retourner le questionnaire qu'elle leur a adressé.
8. Pour déclarer inopposable à l'employeur la décision de la caisse, l'arrêt relève que celle-ci a, par lettre du 12 juin 2020, indiqué un délai de réponse au questionnaire de vingt jours sans mentionner les règles de prorogation de délais applicables. Il en déduit qu'en ne permettant pas à l'employeur de bénéficier des garanties de délais de réponse au questionnaire adressé à ce dernier et en ne le faisant pas bénéficier des règles de prorogation de délai de l'ordonnance du 22 avril 2020, la caisse a manqué à ses obligations tenant au respect des garanties de délais bénéficiant à l'employeur et d'information envers ce dernier, entraînant par voie de conséquence l'inopposabilité à son égard de la décision de reconnaissance qu'elle a prise.
9. En statuant ainsi, en mettant à la charge de la caisse une obligation d'information, la cour d'appel qui a ajouté aux textes susvisés une condition qu'ils ne comportent pas, les a violés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a confirmé le jugement en tant qu'il déclare l'employeur recevable en son recours, l'arrêt rendu le 31 mai 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;
Condamne la Société de gestion des cliniques d'[Localité 3] réunies aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Société de gestion des cliniques d'[Localité 3] réunies et la condamne à payer à la caisse primaire d'assurance maladie des [Localité 4] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq septembre deux mille vingt-quatre.