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04/09/2024 | FRANCE | N°23-10.710

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale - formation restreinte hors rnsm/na, 04 septembre 2024, 23-10.710


SOC.

CH9



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 4 septembre 2024




Cassation partielle


M. FLORES, conseiller le plus ancien
faisant fonction de président.



Arrêt n° 817 F-D

Pourvoi n° S 23-10.710




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 SEPTEMBRE 2024

M. [

R] [Y], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° S 23-10.710 contre l'arrêt rendu le 10 novembre 2022 par la cour d'appel de Nancy (chambre sociale, section 2), dans le li...

SOC.

CH9



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 4 septembre 2024




Cassation partielle


M. FLORES, conseiller le plus ancien
faisant fonction de président.



Arrêt n° 817 F-D

Pourvoi n° S 23-10.710




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 SEPTEMBRE 2024

M. [R] [Y], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° S 23-10.710 contre l'arrêt rendu le 10 novembre 2022 par la cour d'appel de Nancy (chambre sociale, section 2), dans le litige l'opposant à la société Pharma Lab, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Ala, conseiller référendaire, les observations de Me Ridoux, avocat de M. [Y], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Pharma Lab, après débats en l'audience publique du 19 juin 2024 où étaient présents M. Flores, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Ala, conseiller référendaire rapporteur, Mme Deltort, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 10 novembre 2022), M. [Y] a été engagé en qualité de responsable de zone par la société Cerp Lorraine à compter du 1er octobre 1988.

2. Une convention individuelle de forfait en jours a été conclue par avenant du 1er janvier 2001.

3. A compter du 1er septembre 2010, à la suite d'une opération d'absorption, le contrat de travail de M. [Y] a été transféré à la société Pharma Lab.

4. Le salarié a été licencié le 25 janvier 2017.

5. Le 24 janvier 2019, M. [Y] a saisi la juridiction prud'homale de demandes se rapportant à l'exécution et à la rupture du contrat de travail.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. Le salarié fait grief à l'arrêt de déclarer prescrites les demandes relatives aux heures supplémentaires antérieures au 24 janvier 2016, de constater que la rémunération servie a opéré paiement des heures supplémentaires qui lui sont dues, de le débouter de sa demande en paiement d'une certaine somme à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires, outre les congés payés afférents, ainsi que d'une certaine somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'impossibilité de prise de repos compensateur, outre les congés payés afférents, alors « qu'aux termes de l'article L. 3245-1 du code du travail, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que la demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat ; qu'il résulte de la combinaison des articles L. 3242-1 et L. 3245-1 du code du travail que le délai de prescription des salaires court à compter de la date à laquelle la créance salariale est devenue exigible ; que pour les salariés payés au mois, la date d'exigibilité du salaire correspond à la date habituelle du paiement des salaires en vigueur dans l'entreprise et concerne l'intégralité du salaire afférent au mois considéré ; que l'arrêt constate que M. [Y], qui a fait l'objet d'un licenciement par lettre du 25 janvier 2017, a saisi le conseil de prud'hommes le 24 janvier 2019 d'une action en paiement d'un rappel de salaire fondée sur l'invalidité de sa convention de forfait, ce dont il résulte que la saisine du conseil de prud'hommes le 24 janvier 2019, intervenue moins de trois ans à compter de la date d'exigibilité des salaires de janvier 2016 jusqu'au licenciement, a interrompu la prescription et que la demande de rappel de salaire pouvait porter sur la période de janvier 2014 à janvier 2017, correspondant aux trois années précédant la rupture du contrat ; qu'en jugeant l'action prescrite pour les demandes antérieures au 24 janvier 2016, la cour d'appel a violé les textes susvisés. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

7. L'employeur conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que le moyen est nouveau, mélangé de fait et de droit.

8. Cependant le moyen, qui ne repose sur aucun élément de fait qui n'ait été constaté par les juges du fond, est de pur droit.

9. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles L. 3242-1 et L. 3245-1 du code du travail, ce dernier dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 :

10. La durée de la prescription étant déterminée par la nature de la créance invoquée, l'action en paiement d'un rappel de salaire fondée sur l'invalidité d'une convention de forfait en jours est soumise à la prescription triennale prévue par l'article L. 3245-1 du code du travail.

11. Aux termes de l'article L. 3245-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

12. Il résulte de la combinaison des articles L. 3245-1 et L. 3242-1 du code du travail que le délai de prescription des salaires court à compter de la date à laquelle la créance salariale est devenue exigible. Pour les salariés payés au mois, la date d'exigibilité du salaire correspond à la date habituelle du paiement des salaires en vigueur dans l'entreprise et concerne l'intégralité du salaire afférent au mois considéré.

13. Pour déclarer prescrite la demande en paiement d'un rappel de salaire relative aux heures supplémentaires antérieures au 24 janvier 2016, l'arrêt, après avoir rappelé que l'employeur soutenait que la prescription, pour les demandes portant sur une période antérieure de trois ans à la saisine du conseil de prud'hommes, en date du 25 janvier 2019, était acquise, retient que la prescription de l'article L. 3245-1du code du travail court à partir du jour où le salarié a connu ou aurait dû connaître le fait qu'il invoque, à savoir l'existence d'heures supplémentaires par l'effet de l'inopposabilité de la convention de forfait en jours, que cette connaissance résulte du constat, à la fin de chaque année, de l'absence d'entretien sur son exécution, et l'accomplissement des heures de travail.

14. L'arrêt ajoute que la prescription a commencé à courir le 1er janvier 2015 pour l'année 2014, le 1er janvier 2016 pour l'année 2015, et le 1er janvier 2017 pour l'année 2016 et que pour 2014, l'action était prescrite le 1er janvier 2017, pour 2015, elle était prescrite le 1er janvier 2018, pour 2016, elle était prescrite le 1er janvier 2019, que le salarié ayant saisi le conseil des prud'hommes le 24 janvier 2019 et qu'aux termes de l'article 2248 du code civil, les juges ne peuvent pas suppléer d'office le moyen résultant de la prescription, la prescription opposée par l'employeur étant moins rigoureuse que celle résultant de l'application de la loi, l'action doit être considérée comme prescrite pour les demandes antérieures au 24 janvier 2016.

15. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le salarié avait été licencié le 25 janvier 2017, qu'il avait saisi la juridiction prud'homale le 24 janvier 2019 de demandes en paiement d'un rappel de salaire pour la période courant du mois de janvier 2014 au mois de janvier 2017, soit au titre des trois années précédant la rupture du contrat, ce dont elle aurait dû déduire que la demande de rappel de salaire pouvait porter sur l'intégralité de cette période, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le second moyen

Enoncé du moyen

16. Le salarié fait grief à l'arrêt de constater que la rémunération servie a opéré paiement des heures supplémentaires, et de le débouter de sa demande en paiement d'une certaine somme à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires, outre les congés payés afférents, ainsi que d'une certaine somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'impossibilité de prise de repos compensateur, outre les congés payés afférents, alors « que le versement d'un salaire supérieur au minimum conventionnel ne peut tenir lieu de règlement des heures supplémentaires ; que l'arrêt constate que le salarié est titulaire d'une créance de 13 617 euros, outre les congés payés y afférents, au titre des heures supplémentaires effectuées à compter du 25 janvier 2016 ; qu'en le déboutant de sa demande en paiement de cette somme, au motif que la rémunération qu'il avait perçue dans le cadre de la convention de forfait en jours était supérieure au salaire minimum conventionnel et avait dès lors emporté paiement des heures supplémentaires, outre les congés payés y afférents, réclamées par le salarié à la suite de l'inopposabilité de ladite convention, la cour d'appel a violé l'article L. 3121-28 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

17. L'employeur conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que le moyen est nouveau, mélangé de fait et de droit.

18. Cependant le moyen, qui ne repose sur aucun élément de fait qui n'ait été constaté par les juges du fond, est de pur droit.

19. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article L. 3121-22 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'article L. 3121-36 et l'article L. 3171-4 du même code :

20. Selon le premier de ces textes, les heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale hebdomadaire fixée par l'article L. 3121-10, ou de la durée considérée comme équivalente, donnent lieu à une majoration de salaire de 25 % pour chacune des huit premières heures supplémentaires. Les heures suivantes donnent lieu à une majoration de 50 %.

21. Selon le deuxième, à défaut d'accord les heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale hebdomadaire fixée par l'article L. 3121-27, ou de la durée considérée comme équivalente, donnent lieu à une majoration de salaire de 25 % pour chacune des huit premières heures supplémentaires. Les heures suivantes donnent lieu à une majoration de 50 %.

22. Selon le dernier, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

23. Il résulte de ces textes que le salarié, qui a été soumis à tort à un forfait annuel en jours, peut prétendre au paiement d'heures supplémentaires dont le juge doit vérifier l'existence et le nombre conformément aux dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail et que le versement d'un salaire supérieur au minimum conventionnel ne peut tenir lieu de règlement des heures supplémentaires.

24. Pour débouter le salarié de sa demande en paiement d'une certaine somme à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires, l'arrêt, après avoir constaté que le salarié avait accompli des heures supplémentaires, retient qu'il résulte de l'accord du 14 janvier 2016, rattaché à la convention collective nationale de la fabrication et du commerce des produits à usage pharmaceutique, parapharmaceutique et vétérinaire s'applique au contrat de travail, relatif aux salaires minima pour l'année 2016, que pour le niveau IX, soit le niveau du salarié indiqué sur ses bulletins de salaire, notamment pour 2016, la rémunération annuelle garantie était de 42 455 euros, soit 3 538 euros par mois.

25. L'arrêt ajoute qu'il ressort des bulletins de paie pour l'année 2016 que le salaire mensuel de base était de 5 104,08 euros en sorte que le différentiel est de 1 566,08 euros par mois, soit 18 792,96 euros pour l'année.

26. L'arrêt retient dès lors que la rémunération perçue par le salarié dans le cadre de la convention de forfait en jours a emporté paiement des heures supplémentaires, outre les congés payés afférents.

27. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

28. La cassation des chefs de dispositif se rapportant aux demandes en paiement de sommes à titre de rappels de salaire au titre des heures supplémentaires et au titre des repos compensateurs n'emporte pas celle des chefs de dispositifs condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à son encontre et non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare prescrites les demandes en paiement d'un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires antérieures au 24 janvier 2016, dit que la rémunération servie à M. [Y] a opéré paiement des heures supplémentaires qui lui sont dues, déboute M. [Y] de sa demande en paiement d'un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et limite la condamnation de la société Pharma Lab à verser à M. [Y] la somme de 1 589,96 euros au titre des repos compensateurs, outre congés payés afférents, l'arrêt rendu le 10 novembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;

Condamne la société Pharma Lab aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Pharma Lab et la condamne à payer à M. [Y] la somme de 3 000 euros.

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé par le président en son audience publique du quatre septembre deux mille vingt-quatre, et signé par lui et par Mme Deltort, conseiller, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale - formation restreinte hors rnsm/na
Numéro d'arrêt : 23-10.710
Date de la décision : 04/09/2024
Sens de l'arrêt : Cassation

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc. - formation restreinte hors rnsm/na, 04 sep. 2024, pourvoi n°23-10.710


Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2024
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:23.10.710
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