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03/07/2024 | FRANCE | N°22-20.592

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale - formation restreinte hors rnsm/na, 03 juillet 2024, 22-20.592


SOC.

CL6



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 3 juillet 2024




Cassation partielle


Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 725 F-D

Pourvoi n° N 22-20.592




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 3 JUILLET 2024

Mme [M] [P], d

omiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° N 22-20.592 contre l'arrêt rendu le 24 juin 2022 par la cour d'appel de Douai (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la so...

SOC.

CL6



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 3 juillet 2024




Cassation partielle


Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 725 F-D

Pourvoi n° N 22-20.592




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 3 JUILLET 2024

Mme [M] [P], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° N 22-20.592 contre l'arrêt rendu le 24 juin 2022 par la cour d'appel de Douai (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Peps diffusion, ayant comme nom commercial Pep's diffusion, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Laplume, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de Mme [P], de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la société Peps diffusion, après débats en l'audience publique du 4 juin 2024 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Laplume, conseiller référendaire rapporteur, Mme Salomon, conseiller, et Mme Thuillier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 24 juin 2022), et les productions, Mme [P] a été engagée le 5 mars 2009 en qualité de télévendeuse par la société Pep's Diffusion.

2. L'employeur a rompu le contrat de travail le 31 août 2012 alors que la salariée se trouvait en arrêt de travail pour maladie, arrêt qui s'est prolongé jusqu'au 30 avril 2014, date à laquelle celle-ci a été placée en invalidité de 1ère catégorie.

3. Par jugement du 2 juillet 2014, puis par arrêt du 30 septembre 2015, la juridiction prud'homale, saisie par la salariée le 1er février 2013, a statué sur la régularité de la rupture du contrat de travail et sur la demande de la salariée en paiement de dommages-intérêts en raison de l'inexécution fautive par l'employeur pour la période de novembre 2010 au 31 août 2012 de l'avenant du 19 janvier 2004 relatif au régime de prévoyance à la convention collective nationale de l'import-export et du commerce international du 18 décembre 1952 applicable à la relation de travail.

4. Le 28 novembre 2016, la salariée a de nouveau saisi la juridiction prud'homale d'une demande de dommages-intérêts pour perte de garantie pour la période postérieure.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. La salariée fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande de dommages-intérêts pour perte du droit à la prévoyance concernant la période antérieure au 28 novembre 2013 et de condamner l'employeur à lui payer la seule somme de 1 582,15 euros à titre de dommages-intérêts pour perte du droit à la garantie prévoyance, alors « qu'il résulte des articles 2241 et 2242 du code civil que la demande en justice interrompt le délai de prescription jusqu'à l'extinction de l'instance ; qu'en l'espèce, la salariée avait, le 1er février 2013, notamment saisi le conseil de prud'hommes de Lille d'une demande de dommages-intérêts pour non-respect de l'accord de prévoyance sur la période allant jusqu'à la rupture de son contrat de travail le 31 août 2012, demande à laquelle il avait été fait droit par arrêt de la cour d'appel de Douai du 30 septembre 2015 ; que la prescription applicable à la demande de dommages-intérêts pour perte du droit à la prévoyance pour la période postérieure au licenciement avait donc été interrompue par cette action en justice, et ce jusqu'au 30 septembre 2015, date d'extinction de l'instance, de sorte que la demande n'était pas prescrite, même partiellement, lors de la seconde saisine du conseil de prud'hommes le 28 novembre 2016 ; qu'en jugeant cependant que cette demande était prescrite pour la période du 1er septembre 2012 au 28 novembre 2013, la cour d'appel a violé les textes susvisés. »

Réponse de la Cour

6. La cour d'appel ayant constaté que la salariée avait saisi la juridiction prud'homale le 1er février 2013 d'une demande de dommages-intérêts pour non-respect de l'accord de prévoyance sur la période allant jusqu'à la rupture de son contrat de travail le 31 août 2012, à laquelle il avait été fait droit le 30 septembre 2015, puis le 28 novembre 2016 d'une demande de dommages-intérêts pour perte de droit à prévoyance en l'absence d'affiliation à compter du 1er septembre 2012, lesquelles demandes ne tendent pas aux mêmes fins dès lors qu'elles portent sur une période distincte, de sorte que le délai de prescription de la seconde demande n'a pas été interrompu par la première saisine de la juridiction prud'homale, en a exactement déduit que la demande de dommages-intérêts pour perte du droit à la prévoyance concernant la période antérieure au 28 novembre 2013 était irrecevable.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le second moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

8. La salariée fait grief à l'arrêt de condamner l'employeur à lui payer la seule somme de 1 582,15 euros à titre de dommages-intérêts pour perte du droit à la garantie prévoyance, alors « que l'avenant du 19 janvier 2004 relatif au régime de prévoyance à la convention collective nationale de l'import-export et du commerce international du 18 décembre 1952 prévoit en son article 2.1.5 relatif à la durée de service des prestations, que « les prestations sont servies : - pendant la durée du service des indemnités journalières de la sécurité sociale ; - ou soit jusqu'à la reprise du travail ou la fin du contrat à durée déterminée ;- ou soit jusqu'au 1 095 euros jour d'arrêt de travail ; - ou jusqu'à la date de mise en invalidité, et au plus tard à la date de liquidation de la pension vieillesse de la sécurité sociale. En cas de rupture du contrat de travail, quelle qu'en soit la cause, les salariés bénéficiaires d'indemnités journalières complémentaires au moment de cette rupture continueront à les percevoir jusqu'à leur terme » ; qu'aux termes de l'article 3 de l'avenant du 19 janvier 2004 et de l'article 2 de annexe A à cet avenant, « Le salaire de référence servant de base au calcul des prestations fixées en fonction du salaire est égal à 4 fois le montant des rémunérations fixes brutes versées au cours du trimestre civil précédant immédiatement le décès ou l'incapacité de travail et ayant donné lieu à cotisation au cours de cette même période. Ce salaire de référence est majoré des rémunérations variables (commissions, gratifications, primes de rendement, etc.) perçues au cours des 4 derniers trimestres civils ayant précédé le décès ou l'incapacité de travail et ayant donné lieu à cotisation au cours de cette même période. Pour les salariés dont les conditions d'emploi impliquent la perception d'une rémunération d'un montant irrégulier, l'assureur est fondé, après examen de la situation, à se référer au montant global des rémunérations fixes et variables perçues au cours des 4 derniers trimestres civils ayant précédé le décès ou l'incapacité de travail et ayant donné lieu à cotisation au cours de cette même période. Pour les nouveaux entrants, le salaire annuel assuré sera rétabli pro rata temporis. » ; que l'article 2.7.3 de l'avenant du 19 janvier 2004, détermine le salaire de référence dans le cadre de la portabilité des droits de prévoyance complémentaire, en énonçant : « le salaire de référence servant de base au calcul des prestations est celui défini à l'article 3 de l'accord de branche du 19 janvier 2004 étant précisé que la période prise en compte est celle précédant la date de rupture ou de fin du contrat de travail. » ; que ce dernier texte n'est pas applicable lorsque le salarié était déjà en arrêt de travail au jour de la rupture du contrat de travail et même quand il est applicable, le salaire de référence, en cas d'arrêt de travail durant la période précédant la date de rupture, doit être calculé sur la période précédant cet arrêt de travail ; qu'en l'espèce, il était constant que Mme [P] avait été en congé maternité de janvier à juillet 2011 et que, placée en arrêt maladie à compter du 22 août 2011, elle avait alterné des périodes de congé maternité et d'arrêt maladie et de brèves périodes de reprise de travail et était en arrêt de travail lors de son licenciement ; que la cour d'appel a jugé qu'il y avait lieu de fixer le salaire de référence à 846 euros comme le soutenait la société Pep's diffusion, laquelle alléguait que Mme [P] ayant ponctuellement travaillé au cours des années 2011 et 2012, le salaire de référence devait être fixé à 846 euros, correspondant au SMIC pour le nombre d'heures de travail prévu par le contrat de travail ; qu'en statuant de la sorte, quand le salaire de référence devait être calculé sur la base des rémunérations fixe et/ou variable perçues dans la période ayant précédé l'incapacité de travail, la cour d'appel a violé les textes conventionnels susvisés, ensemble l'article L. 1132-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 3 de l'avenant du 19 janvier 2004 relatif au régime de prévoyance à la convention collective nationale de l'import-export et du commerce international du 18 décembre 1952 :

9. Selon ce texte, le salaire de référence servant de base au calcul des prestations fixées en fonction du salaire est égal à 4 fois le montant des rémunérations fixes brutes versées au cours du trimestre civil précédant immédiatement le décès ou l'incapacité de travail et ayant donné lieu à cotisation au cours de cette même période. Ce salaire de référence est majoré des rémunérations variables (commissions, gratifications, primes de rendement, etc.) perçues au cours des 4 derniers trimestres civils ayant précédé le décès ou l'incapacité de travail et ayant donné lieu à cotisation au cours de cette même période.
Pour les salariés dont les conditions d'emploi impliquent la perception d'une rémunération d'un montant irrégulier, l'assureur est fondé, après examen de la situation, à se référer au montant global des rémunérations fixes et variables perçues au cours des 4 derniers trimestres civils ayant précédé le décès ou l'incapacité de travail et ayant donné lieu à cotisation au cours de cette même période.

10. Pour condamner l'employeur au paiement d'une somme à titre de dommages-intérêts pour perte du droit à la garantie de la prévoyance, l'arrêt retient qu'en application de l'article 3 de l'accord, il y a lieu de fixer le salaire de référence à 846 euros comme le soutient l'employeur, et non à 1 444,20 euros correspondant à la moyenne des rémunérations de 2010 comme le prétend la salariée.

11. En statuant ainsi, alors que l'employeur invoquait un salaire de référence égal au salaire minimum garanti par le contrat de travail, la cour d'appel, qui n'a pas calculé le salaire de référence sur la base des rémunérations perçues dans la période ayant précédé l'incapacité de travail, a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

12. La cassation du chef de dispositif condamnant l'employeur à payer à la salariée une somme de 1 582,15 euros à titre de dommages-intérêts pour perte du droit à la garantie prévoyance n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Pep's Diffusion à payer à Mme [P] la somme de 1 582,15 euros à titre de dommages-intérêts pour perte du droit à la garantie prévoyance, l'arrêt rendu le 24 juin 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;

Condamne la société Pep's Diffusion aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par société Pep's Diffusion et la condamne à payer à Mme [P] la somme de 3000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois juillet deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale - formation restreinte hors rnsm/na
Numéro d'arrêt : 22-20.592
Date de la décision : 03/07/2024
Sens de l'arrêt : Cassation

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai A3


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc. - formation restreinte hors rnsm/na, 03 jui. 2024, pourvoi n°22-20.592


Origine de la décision
Date de l'import : 08/07/2024
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:22.20.592
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