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28/05/2024 | FRANCE | N°23-85.848

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle - formation de section, 28 mai 2024, 23-85.848


N° P 23-85.848 FS-B

N° 00567


SL2
28 MAI 2024


REJET


M. BONNAL président,






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 28 MAI 2024



MM. [N] [U] et [J] [P] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, en date du 29 septembre 2023, qui, dans l'information

suivie contre eux des chefs de vols et escroqueries aggravés, en récidive, et associations de malfaiteurs, a prononcé sur leurs demandes d'annulation d...

N° P 23-85.848 FS-B

N° 00567


SL2
28 MAI 2024


REJET


M. BONNAL président,






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 28 MAI 2024



MM. [N] [U] et [J] [P] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, en date du 29 septembre 2023, qui, dans l'information suivie contre eux des chefs de vols et escroqueries aggravés, en récidive, et associations de malfaiteurs, a prononcé sur leurs demandes d'annulation de pièces de la procédure.

Par ordonnance du 18 décembre 2023, le président de la chambre criminelle a joint les pourvois et prescrit leur examen immédiat.

Des mémoires ampliatif et personnel ont été produits.

Sur le rapport de M. Seys, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de MM. [N] [U] et [J] [P], et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 avril 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Seys, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, MM. Cavalerie, Maziau, Dary, Mmes Thomas, Chaline-Bellamy, M. Hill, conseillers de la chambre, Mme Merloz, M. Michon, conseillers référendaires, M. Quintard, avocat général, et Mme Lavaud, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. MM. [N] [U] et [J] [P] ont été mis en examen des chefs susvisés le 25 octobre 2022.

3. Ils ont saisi chacun la chambre de l'instruction d'une requête en nullité le 21 avril 2023.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen proposé pour les demandeurs

4. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le premier moyen proposé pour les demandeurs

Enoncé du moyen

5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté leurs requêtes, en tant qu'elles concluaient à l'annulation des cent-trente-sept réquisitions du procureur de la République tendant à connaître le trafic des relais téléphoniques sur les zones où les vols ont eu lieu, alors :

« 1°/ que fait nécessairement grief au requérant un acte attentatoire à la vie privée accompli par une autorité qui n'était pas compétente, à défaut d'y avoir été autorisée ; qu'il ressort de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que l'article 15, paragraphe 1, de la directive 2002/58/CE, telle que modifiée par la directive 2009/136/CE, lu à la lumière des articles 7, 8 et 11 ainsi que de l'article 52, paragraphe 1, de la Charte des droits fondamentaux, doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une réglementation nationale donnant compétence au ministère public, dont la mission est de diriger la procédure d'instruction pénale et d'exercer, le cas échéant, l'action publique lors d'une procédure ultérieure, pour autoriser l'accès d'une autorité publique aux données relatives au trafic et aux données de localisation aux fins d'une instruction pénale, et qu'il est indispensable qu'une telle autorisation soit accordée par une juridiction ou une entité administrative indépendante au terme d'un contrôle préalable (CJUE, 2 mars 2021, H.K./Prokuratuur, C-746/18) ; qu'il en découle que l'accès aux données de localisation de boîtiers téléphoniques accompli par procureur de la République, sans y avoir été préalablement autorisé par une juridiction ou par une entité administrative indépendante, est irrégulier et fait nécessairement grief au requérant ; qu'en retenant, après avoir constaté que les réquisitions afin de connaître le détail géolocalisé du trafic des deux boîtiers téléphoniques étaient irrégulières faute d'avoir été préalablement autorisées par une juridiction ou une entité administrative indépendante (arrêt p.9), que MM. [U] et [P] ne démontraient pas l'existence d'un grief, la chambre de l'instruction a violé les articles 171, 802, 77-1-1 et 77-1-2 du code de procédure pénale, ensemble l'article 15 §1 de la directive 2002/58/CE telle que modifiée par la directive 2009/136/CE, lu à la lumière des articles 7, 8 et 11, ainsi que de l'article 52 §1, de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

2°/ que l'accès aux données de trafic et de localisation ne peut être autorisé que s'agissant de procédures visant à la lutte contre la criminalité grave ; que pour retenir que la procédure vise des faits relevant d'une telle criminalité, l'arrêt attaqué retient que sont visés des « agissements nombreux » des deux personnes mises en examen, que l'enquête a été ouverte en septembre 2022 à la suite de la découverte de faits pouvant être qualifiés de vols en réunion sur personne vulnérable et d'escroquerie au préjudice d'une personne vulnérable, que les peines encourues seraient de sept ans d'emprisonnement et 750 000 euros d'amende, que les faits auraient été commis de manière sérielle et faisant de nombreuses victimes (p. 9, § 7) ; qu'en statuant de la sorte, par des motifs impropres à caractériser des faits relevant de la criminalité grave, la chambre de l'instruction a encore violé les articles 77-1-1 et 77-1-2 du code de procédure pénale, ensemble l'article 15§1 de la directive 2002/58/CE telle que modifiée par la directive 2009/136/CE, lu à la lumière des articles 7, 8 et 11, ainsi que de l'article 52§1, de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. »

Réponse de la Cour

6. La Cour de cassation juge que l'article L. 34-1, III, du code des postes et des communications électroniques, dans sa version issue de la loi n° 2021-998 du 30 juillet 2021, est conforme aux exigences du droit de l'Union, en ce qu'il permet au Premier ministre, pour des motifs tenant à la sauvegarde de la sécurité nationale, lorsqu'est constatée une menace grave, actuelle ou prévisible contre cette dernière, d'enjoindre aux opérateurs de communications électroniques de conserver, pour une durée d'un an, les données de trafic et de localisation mentionnées à l'article R. 10-13 dudit code, dans sa version issue du décret n° 2021-1361 du 20 octobre 2021 (Crim., 16 janvier 2024, pourvoi n° 23-80.268).

7. Les données ainsi conservées peuvent, en application de l'article L. 34-1, III bis, précité, faire l'objet d'une injonction de conservation rapide par les autorités disposant, en application de la loi, d'un accès aux données relatives aux communications électroniques à des fins de prévention et de répression de la criminalité, de la délinquance grave et des autres manquements graves aux règles dont elles ont la charge d'assurer le respect, afin d'accéder à ces données (CJUE, arrêt du 6 octobre 2020, La Quadrature du Net e.a., French Data Network e.a., C-511/18, C-512/18, C-520/18).

8. Les réquisitions effectuées en application de l'article 77-1-2, 1er alinéa, du code de procédure pénale, dans sa version résultant de la loi n° 2022-299 du 2 mars 2022, valent injonction de conservation rapide, au sens de la Convention du Conseil de l'Europe signée à Budapest le 23 novembre 2001.

9. En application des dispositions de l'article 60-1-2 du code de procédure pénale, issues de la loi précitée, de telles réquisitions ne sont possibles que si les nécessités de la procédure l'exigent, et dans certains cas seulement, notamment lorsque celle-ci porte sur un crime ou sur un délit puni d'au moins trois ans d'emprisonnement. Ces exigences sont prescrites à peine de nullité.

10. Le respect de ces exigences légales ne saurait dispenser le juge de contrôler, en outre, que les faits de l'espèce relèvent de la criminalité grave au sens de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, et selon la méthodologie définie par la Cour de cassation (Crim., 12 juillet 2022, pourvoi n° 21-83.710, publié au Bulletin, § 38).

11. Par ailleurs, l'accès à ces mêmes données ne peut être autorisé que, notamment, s'il est soumis à un contrôle préalable d'une juridiction ou d'une entité administrative indépendante (CJUE, arrêt du 2 mars 2021, H.K./Prokuratuur, C-746/18).

12. Toutefois, l'absence d'un tel contrôle ne peut faire grief au requérant que s'il établit l'existence d'une ingérence injustifiée dans sa vie privée et dans ses données à caractère personnel, de sorte que cet accès aurait dû être prohibé (Crim., 12 juillet 2022, précité ; Crim., 21 novembre 2023, pourvoi n° 23-82.028, publié au Bulletin).

13. Il appartient à la chambre de l'instruction, saisie d'un tel grief, de vérifier que, d'une part, l'accès a porté sur des données régulièrement conservées, d'autre part, la ou les catégories de données visées, ainsi que la durée pour laquelle l'accès à celles-ci a eu lieu, étaient, au regard des circonstances de l'espèce, limitées à ce qui était strictement justifié par les nécessités de l'enquête (Crim., 25 octobre 2022, pourvoi n° 21-87.397, publié au Bulletin).

14. Pour rejeter le moyen de nullité présenté par les demandeurs, pris de l'irrégularité des réquisitions adressées aux opérateurs aux fins d'obtention des données de trafic et de localisation du boîtier IMEI utilisé par M. [U] et de celui détenu par M. [P], l'arrêt attaqué, après avoir exposé la jurisprudence pertinente de la Cour de cassation, énonce que chacun des requérants a qualité pour agir, dès lors qu'en considération des éléments de procédure qu'il énumère, ils ont été chacun l'utilisateur d'un des deux boîtiers.

15. Les juges, citant la jurisprudence de la Cour de cassation, observent que les réquisitions critiquées, prises au cours d'une enquête préliminaire, n'ont pas fait l'objet d'un contrôle par une juridiction ou une entité administrative indépendante, et en déduisent qu'elles sont irrégulières.

16. Ils relèvent que cette irrégularité ne peut faire grief aux requérants que s'ils établissent une ingérence injustifiée dans leur vie privée et leurs données à caractère personnel.

17. Ils retiennent que tel n'est pas le cas, dès lors que, d'une part, l'accès aux données a été réalisé dans une procédure visant des faits d'une particulière gravité, s'agissant de vols aggravés, punis d'une peine de sept ans d'emprisonnement, commis en grand nombre, au préjudice de personnes vulnérables.

18. Ils ajoutent que, d'autre part, cet accès n'a pas excédé les limites du strict nécessaire, compte tenu de l'extrême prudence des auteurs, du ciblage des lieux concernés par les investigations et de la faible durée de ces dernières, qui ont conduit, dès le mois d'octobre 2022, à la mise en place de mesures de géolocalisation en temps réel.

19. En l'état de ces seuls motifs, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen, pour les motifs qui suivent.

20. En premier lieu, par décret n° 2021-1363 du 20 octobre 2021, le Premier ministre a émis l'injonction de conservation visée au paragraphe 6, mesure réitérée par décret n° 2022-1327 du 17 octobre 2022, pour une durée identique, les réquisitions critiquées ayant été réalisées entre le 4 octobre 2022 et le 20 octobre suivant.

21. En deuxième lieu, d'une part, la Cour de cassation est en mesure de s'assurer que les faits sur lesquels a porté l'enquête sont punis d'une peine d'emprisonnement d'au moins trois ans, conformément à l'article 60-1-2 précité.

22. D'autre part, la chambre de l'instruction a exactement caractérisé que ces faits relevaient de la criminalité grave.

23. En troisième lieu, elle a, sans insuffisance, caractérisé la nécessité des actes visés au moyen.

24. Dès lors, ce moyen, irrecevable en ce qu'il est proposé pour M. [P] et vise le boîtier utilisé par M. [U] et en ce qu'il est présenté pour ce dernier et se rapporte au boîtier utilisé par M. [P], doit être écarté.

Sur le premier moyen proposé par M. [P] et le quatrième moyen proposé pour les demandeurs

Enoncé des moyens

25. Le moyen proposé par M. [P], pris de la violation des articles 230-32 et 230-33 du code de procédure pénale, critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré régulières les opérations de géolocalisation ordonnées par le procureur de la République, alors que ce dernier n'avait autorisé de telles mesures qu'en ce qu'elles visaient les deux boîtiers IMEI utilisés par l'intéressé et M. [U], et non les deux lignes téléphoniques des mis en cause, dont la surveillance a ainsi été demandée et obtenue par les enquêteurs.

26. Le moyen commun aux demandeurs critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté leurs requêtes, en ce qu'elles concluaient à l'annulation des mesures de géolocalisation des lignes téléphoniques [XXXXXXXX02] et [XXXXXXXX01], alors :

« 1°/ que la géolocalisation requise par l'officier de police judiciaire ne peut porter que sur l'objet désigné par la décision du procureur de la République autorisant cette mesure ; qu'après avoir constaté que le procureur de la République a uniquement autorisé la géolocalisation des deux boîtiers téléphoniques, identifiés par leurs numéros IMEI n° [Numéro identifiant 3] et [Numéro identifiant 4] (p. 10), l'arrêt attaqué écarte la nullité de la géolocalisation des lignes téléphoniques, requise par l'officier de police judiciaire, au motif que ces lignes étaient associées aux boîtiers lors de la connexion (p. 11) ; qu'en refusant ainsi de tirer les conséquences légales de ses constatations, dont il ressortait que les réquisitions de l'officier de police judiciaire excédaient les termes de l'autorisation du procureur de la République, la chambre de l'instruction a violé l'article 230-33 du code de procédure pénale ;

2°/ que la géolocalisation d'une ligne téléphonique, acte attentatoire à la vie privée de l'intéressé, réalisée par un officier de police judiciaire sans y avoir été autorisé par le procureur de la République fait nécessairement grief au requérant ; qu'en jugeant que la géolocalisation des lignes téléphoniques requise par l'officier judiciaire, en dehors de l'autorisation du procureur qui ne visait que les boîtiers téléphoniques, ne faisait pas grief à MM. [U] et [P], au motif inopérant que les numéros n'avaient pas été associés à d'autres boîtiers, la chambre de l'instruction a violé les articles 230-33, 171 et 802 du code de procédure pénale ;

3°/ subsidiairement, qu'en se bornant à retenir qu'aucun grief ne pouvait résulter de l'irrégularité alléguée dès lors que les numéros n'ont pas été associés à d'autres boîtiers IMEI, sans expliquer quels actes de la procédure lui permettaient de l'affirmer, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision et a violé l'article 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

27. Les moyens sont réunis.

28. Pour rejeter le grief d'irrégularité des mesures de géolocalisation des deux lignes téléphoniques utilisées, l'une par M. [P], l'autre par M. [U], l'arrêt attaqué énonce que le procureur de la République a autorisé le recours à une telle mesure pour les deux boîtiers IMEI utilisés par les requérants.

29. Les juges relèvent que la géolocalisation d'un boîtier IMEI qui, démuni de carte SIM, est un objet inerte et non géolocalisable, ne peut être effective que s'il y est inséré une telle carte, à laquelle est attaché un numéro de téléphone mobile permettant une connexion, de sorte que la géolocalisation d'un boîtier emporte nécessairement celle de la ligne téléphonique qui y est associée lors de la connexion.

30. Ils observent que la géolocalisation des lignes téléphoniques résulte en conséquence de la même opération technique, qui a été régulièrement autorisée, et ajoutent que lesdits numéros n'ont pas été associés à d'autres boîtiers qui n'auraient pas été visés par la mesure critiquée.

31. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction a justifié sa décision, pour les motifs qui suivent.

32. En premier lieu, il ressort des pièces de la procédure, dont la Cour de cassation a le contrôle, que chacune des deux lignes téléphoniques visées par les demandes adressées aux opérateurs de téléphonie était liée à l'un des deux boîtiers IMEI dont la géolocalisation avait été autorisée par le procureur de la République.

33. En deuxième lieu, la demande de géolocalisation des lignes téléphoniques ci-dessus avait pour seul objectif de permettre la mise en oeuvre de celle des deux boîtiers visés par ce magistrat.

34. En troisième lieu, il n'est pas allégué que les lignes ainsi surveillées auraient été utilisées à partir d'un boîtier dont la géolocalisation n'avait pas été autorisée.

35. Ainsi, les moyens, irrecevables en ce que, proposés par et pour M. [P], ils visent la ligne téléphonique et le boîtier utilisés par M. [U], et en ce que, proposé pour ce dernier, il se rapporte au boîtier et à la ligne téléphonique utilisés par M. [P], doivent être écartés.



Sur les deuxième et troisième moyens proposés par M. [P], et le troisième moyen proposé pour les demandeurs

Enoncé des moyens

36. Le deuxième moyen proposé par M. [P], pris de la violation de l'article 230-35, alinéa premier, du code de procédure pénale, critique l'arrêt attaqué en ce que, d'une part, il a dénié à M. [P] qualité pour demander l'annulation de la décision de géolocalisation du véhicule Peugeot 308, d'autre part, il a rejeté le grief d'irrégularité de ladite décision, dont il ne peut être déterminé, faute d'horodatage, si elle a été prise dans le délai de vingt-quatre heures prescrit par ce texte.

37. Le troisième moyen proposé par M. [P] critique l'arrêt attaqué en ce que, d'une part, il a dénié à M. [P] qualité pour demander l'annulation des consultations du système d'immatriculation des véhicules, d'autre part, il a rejeté le grief pris de l'impossibilité de vérifier l'identité et l'habilitation de l'agent ayant procédé auxdites consultations.

38. Le moyen commun aux demandeurs critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté leurs requêtes, en tant qu'elles concluaient à l'annulation du procès-verbal d'identification de M. [U] (D 20), du procès-verbal relatant la consultation du système d'immatriculation des véhicules, et de l'autorisation du procureur de poursuivre la mesure de géolocalisation du véhicule Peugeot 308, alors :

« 1°/ que l'utilisateur d'un véhicule, qu'il en soit conducteur ou passager, justifie de ce fait d'une atteinte à sa vie privée lui donnant qualité à agir pour contester la régularité des conditions dans lesquelles les données du système d'immatriculation des véhicules ont été consultées ; que l'arrêt attaqué constate que MM. [U] et [P] ont été identifiés au cours de l'enquête préliminaire comme utilisateurs du véhicule (pp. 3, 14) ; qu'en retenant toutefois que MM. [U] et [P] n'établissaient pas une atteinte à leur vie privée et qu'ils étaient dès lors irrecevables à contester la régularité des opérations, la chambre de l'instruction, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles 171 et 802 du code de procédure pénale. »

2/° que tout procès-verbal doit contenir les mentions suffisantes à établir la régularité de l'opération qu'il constate ; que l'arrêt attaqué constate que le procès-verbal d'identification ne mentionne aucun nom de fichier ; qu'en refusant néanmoins d'en prononcer la nullité en retenant qu'il ne peut être conclu qu'auraient été consultés des fichiers nécessitant une habilitation spéciale de l'agent (p. 12), la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision et a violé les articles 174, 206 et 593 du code de procédure pénale ;

3°/ que M. [U] faisait valoir dans ses conclusions régulièrement déposées que le procès-verbal d'identification (cote D20) était nul, dès lors que celui-ci mentionnait exclusivement la « consultation de fichiers », sans que l'on sache lesquels, par un « agent expressément habilité », sans que celui-ci soit identifié (p. 10) ; que la chambre de l'instruction retient qu'il ne peut être conclu à la consultation de fichiers nécessitant une habilitation spéciale de l'agent dès lors que le procès-verbal litigieux ne mentionne aucun nom de fichier déterminé (arrêt, p. 12) ; qu'en statuant de la sorte, quand il lui appartenait de rechercher quel était le fichier consulté et l'identité de l'agent ayant procédé à cette consultation, au besoin en ordonnant un complément d'information, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision et a violé l'article 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

39. Les moyens sont réunis.

Sur les deuxième et troisième moyens proposés par M. [P] et le moyen commun aux demandeurs, pris en sa première branche

40. Pour dire que MM. [P] et [U] n'avaient pas qualité pour agir, l'arrêt attaqué énonce qu'il n'est pas allégué que les policiers auraient eu recours à un procédé déloyal.

41. Les juges relèvent que le véhicule Peugeot 308 utilisé par les intéressés pour commettre les faits supportait une fausse plaque d'immatriculation et que la vignette de contrôle technique apposée sur ce même véhicule était fausse et mentionnait un faux numéro de série.

42. Ils ajoutent que cette voiture a été cédée très peu de temps avant les faits à un acquéreur fictif, domicilié à une adresse également fictive.

43. En se déterminant par ces motifs, dont il se déduit que MM. [P] et [U], utilisateurs du véhicule, dont ils ne revendiquent pas être propriétaires ou possesseurs, le détenaient de manière frauduleuse, la chambre de l'instruction a justifié sa décision.

44. Ainsi, les moyens doivent être écartés.

Sur le moyen, commun aux demandeurs, en ce qu'il est proposé pour M. [P]

45. Le moyen, qui, renvoyant au procès-verbal cote D 20, vise en réalité, en ses deuxième et troisième branches, les vérifications opérées sur deux véhicules, de marque BMW, série 1, et Citroën, type C4, dont l'usage a été attribué à M. [U] seul, est irrecevable en ce qu'il est proposé pour M. [P].

Sur le moyen, commun aux demandeurs, en ce qu'il est proposé pour M. [U]

46. Pour rejeter le grief d'irrégularité du procès-verbal de consultation de fichier ayant contribué à l'identification de M. [U], pris de l'impossibilité de vérifier l'habilitation de son auteur, l'arrêt attaqué énonce que la requête est imprécise et non fondée en ce qu'il ne peut être conclu, en l'absence de résultats ou d'exploitation de tels résultats, que des fichiers nécessitant une habilitation spéciale de l'agent ont été consultés.

47. Les juges relèvent que le procès-verbal critiqué ne renvoie à aucun fichier spécifique et que seul le fichier dénommé système d'immatriculation des véhicules a été consulté.

48. C'est à tort que la chambre de l'instruction, constatant qu'il avait été recouru à la consultation d'un fichier pour la réalisation de laquelle une habilitation est exigée, a refusé de procéder à la vérification de la réalité de cette habilitation, au besoin en ordonnant un supplément d'information en application de l'article 15-5 du code de procédure pénale.

49. L'arrêt n'encourt néanmoins pas la censure, dès lors que, comme la Cour de cassation est en mesure de s'en assurer par le contrôle des pièces de la procédure, l'habilitation de l'officier de police judiciaire ayant consulté le fichier et rédigé le procès-verbal du 20 octobre 2022 (D 20) est expressément mentionnée dans un autre procès-verbal dressé par la même personne le 18 octobre précédent (D 17).

50. Ainsi, le moyen n'est pas fondé.

51. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mai deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle - formation de section
Numéro d'arrêt : 23-85.848
Date de la décision : 28/05/2024
Sens de l'arrêt : Rejet

Publications
Proposition de citation : Cass. Crim. - formation de section, 28 mai. 2024, pourvoi n°23-85.848, Bull. civ.Publié au
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Publié au

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2024
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:23.85.848
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