CIV. 1
IJ
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 15 mai 2024
Cassation partielle sans renvoi
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 246 F-D
Pourvoi n° M 22-24.110
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [Y].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 15 novembre 2022.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 15 MAI 2024
M. [V] [Y], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° M 22-24.110 contre l'ordonnance rendue le 9 septembre 2022 par le premier président de la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 12), dans le litige l'opposant :
1°/ au directeur de l'hôpital psychiatrique [5], domicilié [Adresse 4],
2°/ à Mme [G] [Y], domiciliée [Adresse 2],
3°/ à M. [F] [P], domicilié [Adresse 3], en qualités de tuteur de M. [V] [Y],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Dumas, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [Y], après débats en l'audience publique du 19 mars 2024 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Dumas, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à M. [Y] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mme [Y].
Faits et procédure
2. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 9 septembre 2022), le 7 juillet 2022, M. [Y], placé sous tutelle, a été admis en soins sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète au sein de l'hôpital psychiatrique [5], par décision du directeur d'établissement, en application de l'article L. 3212-1, II, 1°, du code de la santé publique, à la demande d'un tiers.
3. Le 24 août 2022, Mme [Y], soeur de M. [Y], a saisi un juge des libertés et de la détention d'une demande de mainlevée de la mesure, laquelle a été rejetée par ordonnance du 30 août 2022.
4. Mme [Y] et M. [Y] ont relevé appel de cette décision, ce dernier par l'intermédiaire de son avocat.
Examen des moyens
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. M. [Y] fait grief à l'ordonnance de déclarer son appel irrecevable, alors « que selon les dispositions spécifiques de l'article L 3211-12 du code de la santé publique, le juge des libertés et de la détention peut être saisi à tout moment aux fins d'ordonner la mainlevée immédiate d‘une mesure de soins psychiatriques prononcée sans le consentement de la personne concernée à la demande de : 1°/ de la personne faisant l'objet des soins (
), 6°/ d'un parent ou d'une personne susceptible d'agir dans l'intérêt de la personne faisant l'objet des soins ; son ordonnance est susceptible d'appel devant le premier président de la cour d'appel ou son délégué, comme le prévoit l'article R 3211-18 du code de la santé publique ; devant le juge des libertés et de la détention, et le premier président de la cour d'appel, la personne faisant l'objet de soins psychiatriques est assistée et représentée par un avocat (article R 3211-8 du code de la santé publique), et sa requête doit être communiquée par le greffe à "la personne chargée à son égard d'une mesure de protection juridique relative à la personne", s'il y a lieu (article R 3211-11 du code de la santé publique), qui est convoquée à l'audience (article R 3211-13) ; ainsi, si le défaut d'information et de convocation du tuteur est susceptible de constituer une irrégularité de fond, les dispositions spécifiques du code de la santé publique, dérogatoires au droit commun s'agissant de contrer une mesure attentatoire à la liberté, n'exigent absolument pas que la personne internée sans son consentement et assistée par un avocat, soit représentée par son tuteur dans la procédure tendant à obtenir la mainlevée de l'enfermement la concernant ; en l'espèce, le tuteur de M. [Y] ayant été régulièrement appelé en la cause, l'appel contre la décision de poursuite de la mesure d'hospitalisation complète formée par M. [V] [Y], personne placée en soins psychiatriques, assistée de son avocat ainsi que par sa sur, personne susceptible d'agir dans son intérêt, était parfaitement régulier et recevable ; qu'en décidant le contraire, la décision attaquée a méconnu les textes susvisés, ensemble l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme, outre l'article 468 du code civil par fausse application. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 415 et 459 du code civil et L. 3211-12 du code de la santé publique :
6. Il se déduit de ces textes que, tant la saisine du juge des libertés et de la détention aux fins d'obtenir la mainlevée d'une mesure de soins sans consentement que l'appel de sa décision maintenant une telle mesure, constituent des actes personnels que la personne majeure protégée peut accomplir seule.
7. Pour déclarer irrecevable l'appel formé par M. [Y], l'ordonnance retient qu'il a été relevé par celui-ci, seul, par l'intermédiaire de son conseil, sans représentation de son tuteur qui n'a, ni relevé appel lui-même, ni régularisé l'appel de l'intéressé.
8. En statuant ainsi, le premier président a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
9. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
10. Les délais légaux pour statuer étant expirés, il ne reste plus rien à juger.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'elle déclare l'appel de Mme [Y] irrecevable, l'ordonnance rendue le 9 septembre 2022, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Paris ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande.
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de la ordonnance partiellement cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mai deux mille vingt-quatre.