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12/07/2023 | FRANCE | N°21-19.265

France | France, Cour de cassation, Première chambre civile - formation de section, 12 juillet 2023, 21-19.265


CIV. 1

CF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 12 juillet 2023




Rejet


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 496 FS-D

Pourvoi n° Z 21-19.265





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 12 JUILLET 2023

M. [W] [T], domicilié [Adresse 1] (Royaume-Uni), a for

mé le pourvoi n° Z 21-19.265 contre l'arrêt rendu le 11 mai 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-1), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [M] [L], domicilié ...

CIV. 1

CF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 12 juillet 2023




Rejet


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 496 FS-D

Pourvoi n° Z 21-19.265





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 12 JUILLET 2023

M. [W] [T], domicilié [Adresse 1] (Royaume-Uni), a formé le pourvoi n° Z 21-19.265 contre l'arrêt rendu le 11 mai 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-1), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [M] [L], domicilié [Adresse 3] (Suisse),

2°/ à M. [D] [X], domicilié [Adresse 2] (Suisse),

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Ancel, conseiller, les observations de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de M. [T], de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de MM. [L] et [X], et l'avis de M. Poirret, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 13 juin 2023 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Ancel, conseiller rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, MM. Hascher, Bruyère, conseillers, Mmes Kloda, Dumas, Champ, Robin-Raschel, conseillers référendaires, M. Poirret, premier avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 11 mai 2021), le 27 mai 2020, MM. [X] et [L] ont présenté à un président de tribunal judiciaire, au visa de la Convention de Lugano du 30 octobre 2007 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (la Convention de Lugano de 2007), une requête en exécution d'un jugement rendu le 3 mars 2010 par le tribunal de district de Zurich dans une affaire les opposant à M. [T].

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses deuxième et quatrième branches, et sur le second moyen, pris en sa troisième branche

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en ses première et troisième branches

Enoncé du moyen

3. M. [T] fait grief à l'arrêt de déclarer exécutoire en France la décision rendue le 3 mars 2010 par le tribunal de district de Zurich et contenant sa condamnation envers MM. [X] et [L], d'autoriser l'apposition de la formule exécutoire sur ladite décision et, y ajoutant, de rejeter sa demande en dommages-intérêts, alors :

« 1°/ que les dispositions de la Convention de Lugano du 16 septembre 1988 n'ont pas été reprises à droit constant par la Convention de Lugano du 30 octobre 2007 ; qu'en énonçant, pour considérer que nonobstant le visa de la Convention de Lugano du 30 octobre 2007 (Lugano II) dans la requête de MM. [X] et [L] et l'ordonnance entreprise, il fallait considérer que la requête avait été formée par application des dispositions de celle de Lugano du 16 septembre 1988 (Lugano I), que ces deux conventions sont pour l'essentiel identiques, quand la première en date prévoit que la requête doit être présentée au président du tribunal de grande instance, soit actuellement celui du tribunal judiciaire (article 32) et la seconde, que la requête doit être présentée au greffier en chef du tribunal de grande instance, soit au directeur de greffe du tribunal judiciaire (art. 39 et annexe II), la cour d'appel a violé les articles 32 de la Convention de Lugano du 16 septembre 1988 et 39 de la Convention de Lugano du 30 octobre 2007 ;

3°/ que, la cour d'appel, saisie de l'appel d'une ordonnance sur requête, est investie des attributions du juge qui l'a rendue et doit statuer, après débat contradictoire, sur les mérites de la requête au jour de son introduction ; que, lorsque la requête est fondée sur une convention internationale qui n'était pas encore en vigueur dans l'Etat d'origine ni dans l'Etat requis au jour où le jugement étranger avait été rendu, la cour ne peut lui substituer un autre texte ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la Convention de Lugano du 30 octobre 2007 que visait la requête de MM. [X] et [L] aux fins d'exécution en France d'un jugement suisse, fondant également l'ordonnance frappée d'appel, n'était pas applicable au litige dès lors que le jugement suisse dont les requérants demandaient l'exécution, en date du 3 mars 2010, était antérieur à son entrée en vigueur, le 1er janvier 2011, en France et en Suisse ; qu'en décidant néanmoins qu'il convenait de lui substituer la Convention de Lugano du 16 septembre 1998, la cour d'appel, qui a excédé ses pouvoirs, a violé les articles 496 et 561 du code de procédure civile, ensemble l'article 12 du même code ; »

Réponse de la Cour

4. Ayant relevé que la requête avait été présentée au président du tribunal judiciaire, conformément aux règles de compétence et de procédure en vigueur sous l'empire de la Convention de Lugano du 16 septembre 1988 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matières civile et commerciale (Convention de Lugano de 1988), applicable au regard de la date du jugement suisse, la cour d'appel, à qui il incombait de trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui étaient applicables, en a exactement déduit, abstraction faite du motif surabondant tiré du caractère pour l'essentiel identique de ces deux conventions, et sans excéder ses pouvoirs, que le visa inexact, par la requête, de la Convention de Lugano de 2007 constituait une erreur purement matérielle et qu'il convenait d'examiner la requête au regard des stipulations de la Convention de Lugano de 1988.

5. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen, pris en ses deux premières branches

Enoncé du moyen

6. M. [T] fait le même grief à l'arrêt, alors :


« 1°/ qu'aux termes de l'article 27 § 2 de la Convention de Lugano du 16 septembre 1988, « les décisions ne sont pas reconnues si l'acte introductif d'instance ou un acte équivalent n'a pas été signifié ou notifié au défendeur défaillant, régulièrement et en temps utile, pour qu'il puisse se défendre » ; que l'article IV du Protocole n° 1 de cette convention prévoit que « les actes judiciaires et extra-judiciaires dressés sur le territoire d'un Etat contractant et qui doivent être notifiés ou signifiés à des personnes se trouvant sur le territoire d'un autre Etat contractant sont transmis selon les modes prévus par les conventions ou accords conclus entre les Etat contractants » ; que la Convention de la Haye du 15 novembre 1965, à laquelle la Suisse, la France et le Royaume-Uni sont parties, prévoit que la notification ou la signification est effectuée selon la loi de l'Etat requis ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément relevé que lors de la procédure suisse ayant donné lieu au jugement du tribunal de district de Zurich en date du 3 mars 2010, M. [T] était domicilié en Angleterre ; qu'en relevant, pour déclarer exécutoire en France ce jugement, qu'il résulte de ses énonciations et de la constitution d'un avocat qu'il mentionne, que le défendeur a eu connaissance de l'acte introductif d'instance et que la procédure suisse a été respectée de ce chef, quand la notification de l'assignation aurait dû être conduite selon la loi anglaise, la cour d'appel a violé l'article 3 de la Convention de la Haye du 15 novembre 1965 relative à la signification et la notification à l'étranger des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale, l'article 27 § 2 de la Convention de Lugano du 16 septembre 1988 et l'article IV de son Protocole n° 1 ;

2°/ qu'en application des articles 20 de la Convention de Lugano du 16 septembre 1988 et 15 de la Convention de la Haye du 15 novembre 1965, lorsque l'acte introductif d'instance aurait dû être transmis en exécution de cette dernière convention et que le défendeur domicilié sur le territoire d'un État contractant est attrait devant une juridiction d'un autre État contractant et ne comparaît pas, le juge est tenu de surseoir à statuer aussi longtemps qu'il n'est pas établi que ce défendeur a été mis à même de recevoir l'acte introductif d'instance ou un acte équivalent en temps utile pour se défendre ou que toute diligence a été faite à cette fin ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de l'arrêt que la juridiction suisse a rendu un jugement en l'absence de M. [T] sans surseoir à statuer ni constater qu'il avait été mis à même de recevoir l'acte introductif d'instance selon les règles anglaises de la procédure ; qu'en rendant ce jugement exécutoire sur le territoire français, la cour, qui a méconnu les droits de la défense de M. [T], a violé les articles 20 de la Convention de Lugano du 16 septembre 1988 et 15 de la Convention de la Haye du 15 novembre 1965 ; »



Réponse de la Cour

7. Il résulte des articles 20, 27, § 2, de la Convention de Lugano de 1988 et IV de son Protocole n° 1 que, lorsque le défendeur domicilié sur le territoire d'un État contractant est attrait devant une juridiction d'un autre État contractant et ne comparaît pas, le juge est tenu de surseoir à statuer aussi longtemps qu'il n'est pas établi que ce défendeur a été mis à même de recevoir l'acte introductif d'instance ou un acte équivalent en temps utile pour se défendre ou que toute diligence a été faite à cette fin, que les décisions ne sont pas reconnues si l'acte introductif d'instance ou un acte équivalent n'a pas été signifié ou notifié au défendeur défaillant, régulièrement et en temps utile, pour qu'il puisse se défendre et que les actes judiciaires et extrajudiciaires qui sont dressés sur le territoire d'un État contractant et qui doivent être notifiés ou signifiés à des personnes se trouvant sur le territoire d'un autre État contractant sont transmis selon les modes prévus par les conventions ou accords conclus entre les États contractants.

8. Il ressort en outre de l'article 5 de la convention du 15 novembre 1965 relative à la signification et la notification à l'étranger des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale que l'Autorité centrale de l'Etat requis procède ou fait procéder à la signification ou à la notification de l'acte, a) soit selon les formes prescrites par la législation de l'Etat requis pour la signification ou la notification des actes dressés dans ce pays et destinés aux personnes se trouvant sur son territoire, b) soit selon la forme particulière demandée par le requérant, pourvu que celle-ci ne soit pas incompatible avec la loi de l'Etat requis.

9. Ayant relevé que l'ordonnance du 8 juillet 2009, qui fixait le délai dans lequel M. [T] devait remettre son mémoire en réponse devant le juge suisse, avait été notifiée à l'avocat qui le représentait et que celui-ci avait, le 7 août 2009, adressé au tribunal une lettre l'informant de son dessaisissement au profit d'un confrère de Genève, la cour d'appel a pu en déduire qu'un avocat ayant été constitué pour la défense de M. [T] dans la procédure, celui-ci n'était pas défaillant, au sens de l'article 27.2 de la Convention de Lugano de 1988, de sorte qu'elle n'avait pas à s'interroger sur la régularité de l'acte introductif d'instance au regard de la loi anglaise.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [T] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [T] et le condamne à payer à MM. [L] et [X] la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille vingt-trois.


Synthèse
Formation : Première chambre civile - formation de section
Numéro d'arrêt : 21-19.265
Date de la décision : 12/07/2023
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1A


Publications
Proposition de citation : Cass. Première chambre civile - formation de section, 12 jui. 2023, pourvoi n°21-19.265, Bull. civ.Non publié
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Non publié

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:21.19.265
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