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19/12/2019 | FRANCE | N°18-24.213

France | France, Cour de cassation, Deuxième chambre civile - formation restreinte hors rnsm/na, 19 décembre 2019, 18-24.213


CIV. 2

CH.B



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 19 décembre 2019




Cassation partielle


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 2154 F-D

Pourvoi n° R 18-24.213

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. J....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 20 septembre 2018.







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇA

IS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par M. V... J..., domicilié [...] ,

contre...

CIV. 2

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 19 décembre 2019

Cassation partielle

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 2154 F-D

Pourvoi n° R 18-24.213

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. J....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 20 septembre 2018.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par M. V... J..., domicilié [...] ,

contre l'arrêt rendu le 7 décembre 2017 par la cour d'appel d'Amiens (5e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. G... S..., domicilié [...] , pris en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Metares SAS,

2°/ à la société Synergie SE, dont le siège est [...] ,

3°/ à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Oise, dont le siège est [...] ,

défendeurs à la cassation ;

M. S..., ès qualités, a formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt ;

Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Le demandeur au pourvoi incident éventuel invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 20 novembre 2019, où étaient présents : M. Pireyre, président, Mme Coutou, conseiller rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, Mme Szirek, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Coutou, conseiller, les observations de la SCP Jean-Philippe Caston, avocat de M. J..., de la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat de la société Synergie SE, de la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat de M. S..., ès qualités, l'avis de M. de Monteynard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. J..., salarié de la société Synergie (l'employeur), mis à disposition de la société [...], devenue Metares (la société utilisatrice), en qualité de conducteur de ligne, a été victime le 18 février 2011 d'un accident qui a été pris en charge au titre de la législation professionnelle par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise (la caisse) ; qu'il a saisi une juridiction de sécurité sociale d'une demande en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident éventuel :

Attendu que la société utilisatrice fait grief à l'arrêt de juger l'action récursoire de la société Synergie à son encontre recevable, alors, selon le moyen :

1°/ que si l'entreprise de travail temporaire, tenue de rembourser aux organismes de sécurité sociale les indemnités complémentaires dont ils ont fait l'avance à raison de la faute inexcusable de l'employeur, dispose elle-même d'un recours récursoire contre l'entreprise utilisatrice, auteur de la faute inexcusable sur laquelle pèse la charge définitive du paiement des indemnités dont la victime est créancière, l'action de l'entreprise de travail temporaire contre l'entreprise utilisatrice est soumise à la prescription applicable à l'action directe de la victime dans les droits de laquelle l'entreprise de travail temporaire et l'organisme de sécurité sociale sont subrogés ; que cette action directe se prescrit par le même délai que l'action de la victime contre le responsable de la faute inexcusable ; qu'en l'espèce, il est constant que la victime a saisi la caisse de sécurité sociale d'une action aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de l'entreprise de travail temporaire le 18 décembre 2012 et que celle-ci a été informée d'une absence de conciliation le 16 juillet 2013, de sorte qu'informée de cette action et de l'échec de la conciliation, cette entreprise devait appeler en garantie l'entreprise utilisatrice, en raison du risque de condamnation financière, avant l'expiration d'un délai de deux ans à compter du procès-verbal de non-conciliation, soit le 16 juillet 2015 ; qu'en jugeant néanmoins l'action de l'entreprise de travail temporaire recevable aux motifs erronés que le délai de prescription court uniquement à compter de l'action en justice devant le tribunal des affaires de sécurité sociale le 6 septembre 2013 et que ce délai est soumis au délai de prescription quinquennale de droit commun, la cour d'appel a violé les articles L. 412-6, L. 431-2, L. 452-1 et L. 451-3 du code de la sécurité sociale et l'article 2224 du code civil ;

2°/ que lorsque l'entreprise de travail temporaire, dont la responsabilité est recherchée par le salarié qui a été victime d'un accident du travail, est informée de cette action et du procès-verbal de non-conciliation établi par la caisse primaire d'assurance maladie, l'employeur qui entend agir par une action récursoire contre la société utilisatrice du salarié intérimaire, doit l'attraire dans la procédure dans le délai de deux ans qui court à compter du procès-verbal de non-conciliation, qu'en jugeant le contraire au prétexte « que le délai de prescription ne court pas à l'encontre de celui qui est dans l'impossibilité d'agir » la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé le principe susvisé et les articles L. 412-6, L. 431-2, L. 452-1 et L. 451-3 du code de la sécurité sociale et l'article 2224 du code civil ;

Mais attendu que l'action en remboursement que l'employeur peut, en application de l'article L. 412-6 du code de la sécurité sociale, exercer contre l'auteur de la faute inexcusable n'est pas soumise à la prescription biennale prévue par l'article L. 431-2 du même code ;

Et attendu qu'ayant constaté que M. J... avait saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale le 6 septembre 2013, et que la société utilisatrice avait été mise en cause le 10 août 2015, la cour d'appel en a déduit à bon droit que cette action en remboursement n'était pas prescrite ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa troisième branche :

Vu l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale ;

Attendu que pour rejeter la demande de M. J..., l'arrêt retient que si un témoin confirme que l'environnement immédiat du poste de travail était encombré de rocades et que cet encombrement a contribué à la survenance de l'accident, il ressort des écritures mêmes de la victime que cet encombrement résultait des mesures de police mises en oeuvre à la suite d'un autre accident du travail survenu trois semaines avant l'accident litigieux, et que, s'agissant d'une circonstance ponctuelle, M. J... ne fournit aucun élément de fait permettant de retenir que la société utilisatrice a pu être alertée sur le danger qui pouvait naître d'une telle situation ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations
que la société utilisatrice, substituée à l'employeur, avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, la cour d'appel, qui n'a pas tiré toutes les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen unique du pourvoi principal :

REJETTE le pourvoi incident éventuel de la société Metares ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté M. J... de sa demande en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, l'arrêt rendu le 7 décembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens, autrement composée ;

Condamne M. S..., en qualité de liquidateur de la société Metares, aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé et signé par le président en son audience publique du dix-neuf décembre deux mille dix-neuf et signé par Mme Thomas, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.

Moyen produit AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Jean-Philippe Caston, avocat aux Conseils, pour M. J....

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. J... de ses demandes de reconnaissance de la faute inexcusable de la société Synergie ;

AUX MOTIFS PROPRES QU'en application de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, commet une faute inexcusable l'employeur qui, ayant ou devant avoir conscience du danger auquel est exposé le salarié, ne prend pas les mesures nécessaires pour l'en préserver ; qu'en l'espèce, alors que M. J... manipulait une bobine suspendue à un Cé de manutention, la bobine a basculé et la main du salarié s'est trouvée coincée entre la bobine et le montant d'une rocade de stockage ; que salarié intérimaire, M. J... se prévaut de la présomption résultant des articles L. 4154-2 et L. 4154-3 du code du travail, lorsqu'affecté à un poste de travail présentant des risques particuliers pour sa santé ou sa sécurité, un salarié n'a pas bénéficié d'une formation renforcée à la sécurité ainsi que d'un accueil et d'une information adaptés dans l'entreprise dans laquelle il est employé ; qu'or, par des motifs que la cour adopte sans réserve au vu des pièces versées aux débats, le premier juge a retenu que la société Metares justifiait tant de l'accueil que de la formation renforcée dispensée au salarié ; qu'il appartient donc à M. J... de rapporter la preuve de l'existence d'un danger dont l'employeur ou l'entreprise qui s'est substitué à lui dans la direction du salarié avait ou devait avoir conscience ; que dans ses écritures, M. J... expose que le Cé de manutention qu'il utilisait était inadapté à la tâche qui lui était confiée en ce qu'il ne comportait pas un dispositif de retenue en position basse et que son poste de travail était particulièrement encombré l'empêchant de se replier en cas de difficulté ; qu'à l'audience, il ajoute que la forme du mandrin sur lequel il devait placer les bobines rendait la manipulation très délicate et aggravait le risque de basculement alors qu'un mandrin de forme conique aurait permis de réaliser l'opération de façon plus sûre ; qu'il affirme avoir informé à plusieurs reprises son chef d'équipe et un agent de la société d'intérim de cette situation de danger ; qu'or, il ressort des éléments du dossier que le Cé de manutention avait été vérifié le 14 janvier 2010 et aucun élément de ce contrôle ne fait état d'une non-conformité ou d'une inadaptation du matériel à l'usage qui en était fait le jour de l'accident ; que le fait que, postérieurement à l'accident, le CHSCT ait recommandé d'y ajouter un mécanisme susceptible d'empêcher la chute de la bande telle qu'elle était survenue ne suffit pas à établir que le danger de chute aurait dû être identifier et il convient de relever que l'ajout de ce mécanisme est suffisamment inhabituel pour que le CHSCT envisage un contact avec des sociétés spécialisées ; qu'aucun élément du dossier ne permet de retenir qu'une inadéquation du Cé de manutention au soulèvement des bobines destinées à être encastrées sur un mandrin avait été évoquée en quelques circonstances au sein de l'entreprise avant l'accident litigieux ; que si M. Y... confirme que l'environnement immédiat du poste de travail de M. J... le jour de l'accident était encombré de rocades et que cet encombrement a contribué à la survenance de l'accident, il ressort des écritures même de la victime de l'accident que cet encombrement résultait des mesures de police mises en oeuvre à la suite d'un autre accident du travail survenu le 27 janvier 2011, soit trois semaines avant l'accident litigieux ; que s'agissant d'une circonstance ponctuelle, M. J... ne fournit aucun élément de fait permettant de retenir que la société Metares a pu être alertée sur le danger qui pouvait naître d'une telle situation et il convient de relever que le CHSCT, saisi postérieurement à la survenance de l'accident a suggéré uniquement la pose d'un miroir pour améliorer la visibilité arrière de l'opérateur et la mise en place d'un groupe de travail afin de mener une réflexion globale sur le stockage, la circulation et la manutention des rouleaux dans l'atelier concerné ce qui est peu compatible avec l'existence d'une situation de danger manifeste et évidente qui n'aurait pas dû échapper à la vigilance de l'entreprise ; qu'en outre, M. J... relève à l'audience qu'un mandrin d'une autre forme que le mandrin « galette » sur lequel il devait encastrer la bande aurait facilité la manoeuvre et, possiblement, évité le basculement de la bobine ; qu'il fait ainsi référence à la première action de prévention préconisée a posteriori par le CHSCT et tendant à généraliser l'usage de mandrins de 400 mm munis d'une encoche en V permettant un meilleur guidage du Cé de manutention ; qu'or, aucun élément du dossier ne fait état d'une alerte de l'employeur sur une difficulté de manoeuvre et un risque de basculement des bandes en lien avec les conditions d'encastrement de ces bandes sur les mandrins et il convient de relever que le CHSCT, qui propose d'utilisation de mandrins d'une autre section, souligne aussi que cette solution doit être soumise à la validation de la production ; qu'enfin, M. J... fait valoir qu'il a fait mentionner dans un cahier de consigne ses observations sur la dangerosité du poste qu'il occupait ; qu'or, il ne fournit aucun élément circonstancié susceptible d'étayer le fait allégué ; que le chef d'équipe et le chef d'atelier concernés ne sont pas identifiés, la date d'une telle mention n'est pas précisée ; que M. J... ne fournit pas davantage d'informations sur les circonstances dans lesquelles l'agence d'intérim aurait été informée de ses conditions de travail ; que les seules déclarations de la victime de l'accident du travail ne peuvent suffire à caractériser la connaissance du risque par l'employeur ou par l'entreprise utilisatrice ; que dans ces circonstances, il n'est pas avéré que l'employeur ou l'entreprise qui s'est substituée à l'employeur dans la direction du salarié connaissait ou devait connaître le risque qui s'est réalisé et qu'il n'a pas mis en oeuvre un moyen susceptible de l'éviter ; qu'en conséquence, il convient de réformer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que l'accident du travail subi par M. J... le 18 février 2011 résultait de la faute inexcusable de l'employeur et de débouter M. J... de ses demandes (v. arrêt, p. 6 à 8) ;

AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES QUE l'information préalable à la déclaration d'accident du travail établie par la société utilisatrice, H... le 22 février 2011 mentionne les circonstances de l'accident ainsi : « lors de la manipulation d'une bobine, la main droite de la victime s'est écrasée entre la bobine et le montant de la rocade de stockage » ; que les faits sont datés du 18 février 2011 à 18 h 35, l'accident ayant été connu de la société le 21 février à 11 h 00 ; que M. J... a déclaré dans le questionnaire assuré le 9 mars 2011 : « suite à la manipulation du pont roulant servant à placer des bobines de cuivre d'environ 150 kg, le crochet qui tient la bobine s'est décroché sans raison et la bobine a basculé. En dégageant mon corps ma main est restée bloquée entre la bobine et la rocade. Notez bien que j'avais à plusieurs reprises alerté mon chef du risque de sécurité imminent dû au manque de place sur ce poste de travail » ; qu'il a également indiqué que son formateur au poste a été la première personne avisée ; qu'il effectuait ce travail depuis 40 jours ; que M. Y..., première personne avisée, a attesté le 11 mars 2011 que M. J... s'était fait écraser et couper la main droite en manipulant une bande mère au chargement, laquelle est tombée sur sa main lorsqu'il a voulu se rattraper à la rocade qui se trouvait juste derrière lui ; qu'il a apporté des précisions par attestation du 27 décembre 2015, par laquelle il a déclaré : « en voulant manipuler une bande mère (au chargement) s'est fait écraser et couper la main droite. Cette bande mère lui est tombée dessus car il n'avait pas la possibilité de se dégager vu que la ligne était encombrée de rocades. A cause de cette rocade, il a trébuché en voulant s'échapper car son pied a tapé dans cette rocade, c'est en voulant se rattraper que la bande lui est tombé sur la main » ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. J... effectuait ce travail depuis une première mission en qualité de conducteur de ligne effectuée du 17 janvier au 4 février 2011, l'accident ayant eu lieu au cours d'une seconde mission entamée le 7 février 2011 ; que bien que le curriculum vitae du salarié indique qu'il a été conducteur de ligne, qu'il a une expérience professionnelle en tant qu'agent de production monteur régleur sur presses et qu'il a obtenu e casses industrie en 2007 et le permis pontier en 2008, il devait nécessairement bénéficier d'une formation spécifique au poste sur lequel il allait travailler au sein de l'entreprise utilisatrice ; que cette dernière produit le livret d'accueil complet fourni à M. J... et qui contient la présentation du site, les règles de sécurité générale et de circulation ; qu'il y a lieu de relever que M. J... a signé lors de son premier jour, le 17 janvier 2011, avoir eu une formation générale à la sécurité et une sensibilisation aux risques liés au poste de travail (risques spécifiques de l'atelier, du poste, les consignes de sécurité, le port des EPI et la manutention mécanique) ; que M. I..., salarié de l'entreprise, atteste avoir assuré la formation portant sur les risques spécifiques au poste et les manutentions dont les opérations de chargement et déchargement des bandes et qu'à l'issue de la formation, M. J... a été affecté à la ligne F96 pour une période de formation en binôme avec un opérateur confirmé ; que la formation était toujours en cours au moment de l'accident ; qu'il ne saurait ainsi être reproché à la société utilisatrice l'absence de formation au poste de travail, telle que soutenue par le salarié (v. jugement, p. 3 et 4) ;

1°) ALORS QUE tout manquement à l'obligation contractuelle de sécurité de résultat a le caractère d'une faute inexcusable, dès lors que l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger et n'a pas pris les mesures de prévention ou de protection nécessaires pour en préserver son personnel ; que l'existence de la faute inexcusable de l'employeur est présumée établie pour les salariés sous contrat à durée déterminée et les salariés mis à la disposition d'une entreprise utilisatrice par une entreprise de travail temporaire, victimes d'un accident de travail ou d'une maladie professionnelle alors qu'affectés à des postes de travail présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité, ils n'auraient pas bénéficié de la formation à la sécurité renforcée ; qu'en retentant, par motifs expressément adoptés des premiers juges, qu'il ne pouvait être reproché à la société utilisatrice l'absence de formation de M. J... au poste de travail, tout en relevant, de la même manière, que « la formation était toujours en cours au moment de l'accident », la cour d'appel a violé les articles L. 452-1 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale, et 4121-1 et suivants, L. 4154-2, L. 4154-3, R. 4444-1 et suivants du code du travail ;

2°) ALORS QUE tout manquement à l'obligation contractuelle de sécurité de résultat a le caractère d'une faute inexcusable, dès lors que l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger et n'a pas pris les mesures de prévention ou de protection nécessaires pour en préserver son personnel ; qu'en toute hypothèse, en retenant que le « Cé » de manutention avait été vérifié le 14 janvier 2010 et qu'aucun élément de ce contrôle ne faisait état d'une non-conformité ou d'une inadaptation du matériel à l'usage qui en était fait le jour de l'accident, de sorte qu'il importait peu que, postérieurement à l'accident, le CHSCT ait recommandé d'y ajouter un mécanisme susceptible d'empêcher la chute de la bande telle qu'elle était survenue, quand cette circonstance était de nature à établir que le danger de chute aurait dû être identifié, la cour d'appel a violé les articles L. 452-1 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale, et 4121-1 et suivants, L. 4154-2, L. 4154-3, R. 4444-1 et suivants du code du travail ;

3°) ALORS QUE tout manquement à l'obligation contractuelle de sécurité de résultat a le caractère d'une faute inexcusable, dès lors que l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger et n'a pas pris les mesures de prévention ou de protection nécessaires pour en préserver son personnel ; que de même, en retenant encore que si M. Y... confirmait que l'environnement immédiat du poste de travail de M. J... était, le jour de l'accident, encombré de rocades et que cet encombrement avait contribué à la survenance de l'accident, il apparaissait que cet encombrement résultait des mesures de police mises en oeuvre à la suite d'un autre accident du travail survenu le 27 janvier 2011, soit trois semaines avant l'accident litigieux, et que, s'agissant d'une circonstance ponctuelle, M. J... ne fournissait aucun élément de fait permettant de retenir que la société Metares avait pu être alertée sur le danger qui pouvait naître d'une telle situation, quand il en résultait également l'existence d'une situation de danger qui n'aurait pas dû échapper à la vigilance de l'entreprise, la cour d'appel a violé les articles L. 452-1 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale, et 4121-1 et suivants, L. 4154-2, L. 4154-3, R. 4444-1 et suivants du code du travail ;

4°) ALORS QUE le juge ne peut exiger une preuve impossible ; qu'en estimant enfin, après avoir relevé que M. J... faisait valoir qu'il avait fait mentionner dans un cahier de consignes ses observations sur la dangerosité du poste qu'il occupait, qu'il ne fournissait aucun élément circonstancié susceptible d'étayer le fait allégué, quand il appartenait à l'employeur, s'il entendait contester ce fait, de produire le cahier de consignes, qu'il était seul à détenir, la cour d'appel a violé l'article 1315, devenu 1353, du code civil.Moyen produit AU POURVOI INCIDENT EVENTUEL par la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour M. S..., ès qualités.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR jugé l'action récursoire de la société Synergie à l'encontre de la société Metares recevable ;

AUX MOTIFS SUBSTITUES QUE « En application de l'article L431-2 du Code de la sécurité sociale, les droits de la victime ou de ses ayants-droit aux prestations et indemnités prévues par le présent livre se prescrivent par deux ans à compter de l'accident ou de la date de cessation du paiement de l'indemnité journalière. Selon l'article L.241-5-1 alinéa 3, dans le cas où le salarié intérimaire engage une action en responsabilité fondée sur la faute inexcusable de l'employeur, sans qu'il y ait eu mise en cause de l'entreprise utilisatrice, l'entreprise de travail temporaire est tenue d'appeler en la cause l'entreprise utilisatrice pour qu'il soit statué dans la même instance sur la demande du salarié intérimaire et sur la garantie des conséquences financières d'une reconnaissance éventuelle de faute inexcusable. En l'espèce, victime d'un accident de travail le 18 février 2011, monsieur J... a saisi la Caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise le 18 décembre 2012 d'une action aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, la société Synergie. Un procès-verbal de non conciliation a été dressé le 16 juillet 2013. Par requête en date du 6 septembre 2013, monsieur J... a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale à l'encontre de la société Synergie aux fins de faire reconnaître la faute inexcusable de celle-ci. Le 10 août 2015, la société Metares a été appelée à l'instance à la diligence de la société Synergie. Par des écritures déposées le 10 septembre 2015 et soutenues à l'audience du tribunal tenue le 10 décembre 2015, la société Synergie a sollicité la garantie de la société Metares pour les sommes susceptibles d'être mises à sa charge. Pour s'opposer à la recevabilité des demandes formées par la société Synergie à son encontre, la société Metares fait valoir qu'un délai supérieur à deux années s'est écoulé entre la date d'établissement du procès-verbal de non conciliation et sa mise en cause devant le premier juge. La société Synergie réplique que l'interruption de la prescription biennale attachée à l'action de monsieur J... à son encontre vaut "erga omnes" et qu'elle interrompt aussi la prescription de l'action engagée contre la société Metares. Elle ajoute qu'elle-même a agi à l'encontre de la société Metares dans le délai de deux années à compter de la saisine du tribunal par monsieur J... et que son action n'est donc pas prescrite. Il est constant que le salarié qui agit pour faire reconnaître la faute inexcusable d'un employeur interrompt la prescription de son action fondée sur les mêmes faits dommageables à l'égard de toute personne pouvant avoir la qualité d'employeur et que cette interruption de prescription bénéficie à ses ayants-droit le cas échéant. A cet égard, en saisissant la caisse le 18 décembre 2012 puis en agissant devant le tribunal des affaires de sécurité sociale le 6 septembre 2013 à l'encontre de la société Synergie, monsieur J... a aussi interrompu à l'encontre de la société Métares la prescription de l'action qui lui est ouverte afin de faire reconnaître la faute inexcusable de l'employeur. Pour autant, n'étant pas titulaire de cette action ouverte au salarié ni subrogé de quelque façon dans les droits de celui-ci, la société Synergie ne peut se prévaloir de cette interruption de prescription. En revanche, il est tout aussi constant que le délai de prescription ne court pas à l'encontre de celui qui est dans l'impossibilité d'agir. En la matière, l'action incombant à la société Synergie à l'encontre de la société Métares en application de l'article L241-5-1 précité impose nécessairement qu'une action aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur ait été engagée à l'encontre de la société de travail temporaire. C'est donc à compter de la saisine du tribunal des affaires de sécurité sociale par le salarié que court le délai de prescription de l'action en garantie de la société Synergie à l'encontre de la société Métares. Or, en l'espèce, moins de deux années se sont écoulées entre la saisine du tribunal par monsieur J... et la mise en cause de la société Métares (6 septembre 2013 - 10 août 2015). Il faut enfin relever que les demandes en garantie formulées par la société de travail temporaire à l'encontre de l'entreprise utilisatrice n'entrent pas dans les prévisions de l'article L431-2 précité qui ne visent que les droits des victimes et de leurs ayants-droit. En l'absence de disposition spéciale, seule la prescription quinquenale de droit commun est applicable aux demandes de l'entreprise de travail temporaire à l'encontre de l'entreprise utilisatrice. Or la société Synergie a formulé ses demandes devant le premier juge le 10 septembre 2015. En conséquence, substituant ces motifs à ceux du premier juge, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré la société Synergie recevable en ses demandes à l'encontre de la société Metares » ;

1/ ALORS QUE si l'entreprise de travail temporaire, tenue de rembourser aux organismes de sécurité sociale les indemnités complémentaires dont ils ont fait l'avance à raison de la faute inexcusable de l'employeur, dispose elle-même d'un recours récursoire contre l'entreprise utilisatrice, auteur de la faute inexcusable sur laquelle pèse la charge définitive du paiement des indemnités dont la victime est créancière, l'action de l'entreprise de travail temporaire contre l'entreprise utilisatrice est soumise à la prescription applicable à l'action directe de la victime dans les droits de laquelle l'entreprise de travail temporaire et l'organisme de sécurité sociale sont subrogés ; que cette action directe se prescrit par le même délai que l'action de la victime contre le responsable de la faute inexcusable ; qu'en l'espèce, il est constant que la victime a saisi la caisse de sécurité sociale d'une action aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de l'entreprise de travail temporaire le 18 décembre 2012 et que celle-ci a été informée d'une absence de conciliation le 16 juillet 2013, de sorte qu'informée de cette action et de l'échec de la conciliation, cette entreprise devait appeler en garantie l'entreprise utilisatrice, en raison du risque de condamnation financière, avant l'expiration d'un délai de deux ans à compter du procès-verbal de non-conciliation, soit le 16 juillet 2015 ; qu'en jugeant néanmoins l'action de l'entreprise de travail temporaire recevable aux motifs erronés que le délai de prescription court uniquement à compter de l'action en justice devant le tribunal des affaires de sécurité sociale le 6 septembre 2013 et que ce délai est soumis au délai de prescription quinquennale de droit commun, la cour d'appel a violé les articles L. 412-6, L. 431-2, L. 452-1 et L. 451-3 du code de la sécurité sociale et l'article 2224 du code civil.

2/ ALORS QUE lorsque l'entreprise de travail temporaire, dont la responsabilité est recherchée par le salarié qui a été victime d'un accident du travail, est informée de cette action et du procès-verbal de non-conciliation établi par la CPAM, l'employeur qui entend agir par une action récursoire contre la société utilisatrice du salarié intérimaire, doit l'attraire dans la procédure dans le délai de deux ans qui court à compter du procès-verbal de non-conciliation, qu'en jugeant le contraire au prétexte « que le délai de prescription ne court pas à l'encontre de celui qui est dans l'impossibilité d'agir » la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé le principe susvisé et les articles L. 412-6, L. 431-2, L. 452-1 et L. 451-3 du code de la sécurité sociale et l'article 2224 du code civil.


Synthèse
Formation : Deuxième chambre civile - formation restreinte hors rnsm/na
Numéro d'arrêt : 18-24.213
Date de la décision : 19/12/2019
Sens de l'arrêt : Cassation

Références :

Cour de cassation Deuxième chambre civile, arrêt n°18-24.213 : Cassation

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens


Publications
Proposition de citation : Cass. Deuxième chambre civile - formation restreinte hors rnsm/na, 19 déc. 2019, pourvoi n°18-24.213, Bull. civ.Non publié
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Non publié

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.24.213
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