N° K 18-81.202 FS-P+B
N° 1433
CG10
24 MAI 2018
REJET
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :
REJET et irrecevabilité des pourvois formés par Mme Virginie X..., contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 15 février 2018, qui, dans l'information suivie contre elle des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants, association de malfaiteurs, infractions à la législation sur les armes et détention de faux documents administratifs, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention la plaçant en détention provisoire
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 9 mai 2018 où étaient présents : M. Soulard, président, M. Stephan, conseiller rapporteur, M. Moreau, Mme Drai, MM. de Larosière de Champfeu, Guéry, conseillers de la chambre, M. Laurent, Mme Carbonaro, M. Beghin, conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Salomon ;
Greffier de chambre : Mme Guichard ;
Sur le rapport de M. le conseiller STEPHAN, les observations de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général SALOMON ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
I - Sur la recevabilité du pourvoi formé le 22 février 2018 :
Attendu que Mme X..., ayant épuisé, par l'exercice qu'elle en avait fait par l'intermédiaire d'un avocat, le 19 février 2018, le droit de se pourvoir contre l'arrêt attaqué, était irrecevable à se pourvoir à nouveau contre la même décision le 22 février 2018 ; que seul est recevable le pourvoi formé le 19 février 2018 ;
II - Sur le pourvoi formé le 19 février 2018 :
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 114, 115, 137, 144, 194, 197, 591 et 593 du code de procédure pénale :
"en ce que la chambre de l'instruction a demandé à Maître Y..., avocat choisi par la personne mise en examen par lettre du 23 janvier 2018, de se retirer et a confirmé l'ordonnance de placement en détention provisoire entreprise ;
"aux énonciations qu'en audience publique le 14 février 2018, Mme Virginie X... qui avait demandé à comparaître en application des dispositions de l'article 199, alinéa 6, du code de procédure pénale, a adressé à la cour une lettre ainsi rédigée : "Je refuse mon extraction de ce jour car mon avocate n'a pas été désignée auprès de la juge d'instruction et je ne peux assurer ma défense" ; que de fait, s'il apparaît que Mme X... a engagé le processus de désignation d'un nouvel avocat il y a lieu de constater qu'à la date de l'audience ce processus n'avait pas été mené à son terme dans les formes et conditions prévues à l'article 115 du code de procédure pénale ; que Maître Z..., avocat de la mise en examen, bien que régulièrement avisé de la date d'audience, est absent à la barre ; que Maître Y..., présente à l'audience, a pris connaissance et a pris acte des termes du courrier de Mme X... et elle s'est retirée avant l'examen de l'affaire ;
"et aux motifs que saisie du seul appel de l'ordonnance du 18 janvier 2018 par laquelle le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Marseille a placé Mme X... en détention, la chambre de l'instruction doit constater l'existence ou l'absence d'indices graves ou concordants rendant vraisemblable la commission par l'intéressée des faits au titre desquels elle a été mise en examen et dans l'affirmative, en considération de l'ensemble des éléments pertinents du dossier, en tirer les conséquences au regard des dispositions des articles 137 et suivants du code de procédure pénale, particulièrement de l'article 144 ; que Mme X... s'est peu expliquée au cours de sa garde à vue et a fait valoir son droit au silence en première comparution ; qu'en l'état des éléments soumis à la cour, sa mise en cause dans la commission des faits sur lesquels porte l'instruction résulte notamment :
- des surveillances physiques,
- des circonstances de son interpellation, et des objets découverts en perquisition tant à son domicile que dans les autres logements et boxes qu'elle louait ainsi que dans son véhicule (produits stupéfiants, sommes importantes en numéraire, compteuse de billets, feuilles de comptes, armes et munitions ...),
- de l'analyse de l'activité et de l'interception des communications de la ligne téléphonique dont il est établi qu'elle était l'utilisatrice à l'époque des faits ; qu'en l'état de ces éléments qui rendent vraisemblable sa participation à la commission des infractions d'une toute particulière gravité sur lesquelles porte le dossier s'agissant d'un trafic de stupéfiants d'envergure visant à alimenter le point de vente de la cité [...a Paternelle] à Marseille et s'inscrivant dans une organisation criminelle structurée et active, la détention provisoire de Mme X... est nécessaire à l'instruction et à titre de mesure de sûreté et il résulte des éléments précis et circonstanciés de la procédure précédemment exposés que cette mesure de contrainte constitue l'unique moyen de satisfaire les objectifs prévus par la loi qui ne sauraient être atteints par son placement sous contrôle judiciaire ou par son assignation à résidence avec surveillance électronique ; qu'il résulte en effet de ces éléments qu'il existe un risque significatif :
- de concertation frauduleuse entre l'intéressée et ses coauteurs ou complices ;
- que l'intéressée se soustraie à sa nécessaire représentation en justice ;
- que l'infraction se poursuive ou soit renouvelée ; qu'en effet, les interpellations sont récentes, toutes les personnes susceptibles d'être mises en cause n'ont pas encore pu être identifiées ou entendues et le cas échéant confrontées, alors que l'intéressée ne s'est pas expliquée, qu'elle est très proche des organisateurs et notamment de M. C... actuellement incarcéré en exécution de peine, qui paraît avoir été à la tête de ce trafic, que presque tous les mis en examen ont fait valoir leur droit au silence et il importe de ménager les chances de succès des investigations encore en cours et pour ce faire de prévenir les interférences de toutes sortes ; que les éléments soumis à la cour ne permettent pas de considérer établi que Mme X... qui officiellement exerçait une activité de prothésiste ongulaire se contentait des seuls revenus tirés de cette activité, notamment au vu des éléments de son train de vie, plusieurs locations de logements, de garages, plusieurs véhicules ; qu'il y a donc lieu de redouter qu'elle soit tentée pour disposer de ressources qu'elle estime satisfaisantes de se livrer à la commission de faits tels que ceux qui lui sont reprochés ; que dans ce contexte, ses garanties de représentation :
- un domicile et un travail,
- qui ne diffèrent pas de la situation qui était la sienne au moment des faits reprochés, et qui n'y ont pas fait obstacle, sont inadéquates ; qu'en effet, elles n'apparaissent aucunement de nature à contrebalancer le fait que la lourdeur particulière des sanctions auxquelles l'intéressée se sait exposée pourrait l'inciter à tenter sinon de fuir en tout cas de se soustraire aux actes à venir de la procédure ;
"1°) alors qu'en application de l'article 115 alinéa 3 du code de procédure pénale, lorsque la personne est détenue, elle peut faire le choix de son avocat par déclaration au chef de l'établissement pénitentiaire qui est adressée sans délai au greffier du juge d'instruction ; que dès lors, la chambre de l'instruction ne pouvait, sans méconnaître ces dispositions, considérer que le processus de désignation de Maître Y... n'avait pas été mené à son terme lorsqu'il résultait des pièces de la procédure que, par courrier du 23 janvier 2018, la personne mise en examen avait écrit au greffe de la maison d'arrêt pour faire part du choix de son avocat mais que cette désignation n'avait été transmise que le 16 février 2018, soit postérieurement à l'audience du 14 février 2018 relative à l'appel du placement en détention provisoire, privant ainsi la personne mise en examen d'être assistée par l'avocat choisi par elle ;
"2°) alors qu'en tout état de cause, lorsque la personne mise en examen est détenue, le choix de son avocat peut également résulter d'un courrier désignant un avocat pour assurer sa défense ; que la déclaration doit alors être faite par l'avocat désigné qui remet au greffier une copie du courrier qui lui a été adressé, la personne mise en examen devant confirmer son choix dans les quinze jours, la désignation étant tenue pour effective pendant ce délai ; qu'en l'espèce, il résulte des pièces de la procédure que le 30 janvier 2018, Maître Y... a reçu un avis de libre communication provisoire et que le 2 février 2018, une convocation à l'audience du 14 février 2018 a été adressée à l'ancien avocat de la personne mise en examen ; qu'en se bornant à considérer que le processus de désignation n'avait pas été mené à son terme lorsqu'à la date du 2 février 2018, la désignation de Maître Y... devait être tenue pour effective, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que le 22 janvier 2018, Mme X... a été mise en examen des chefs, notamment, d'infractions à la législation sur les stupéfiants et association de malfaiteurs, et placée le même jour en détention provisoire ; qu'elle a été assistée tant lors de l'interrogatoire de première comparution devant le juge d'instruction que lors du débat contradictoire devant le juge des libertés et de la détention par Me Z..., avocat ; qu'elle a interjeté appel de l'ordonnance de placement en détention provisoire le 1er février 2018 ; qu'à la fin du mois de janvier 2018, un autre avocat, Me Y..., a reçu un courrier de Mme X... dans lequel la détenue manifestait la volonté de désigner Me Y... en remplacement de Me Z... pour assurer sa défense ; que Me Y... a sollicité et obtenu le 30 janvier 2018 du juge d'instruction un permis de libre communication avec la détenue ; que l'examen de l'appel a été fixé à l'audience de la chambre de l'instruction du 14 février 2018 ; qu'une convocation a été adressée à Me Z... le 2 février 2018 ; que Me Z... ne s'est pas présenté à l'audience ; qu'en revanche Me Y... s'y est présentée ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt que Mme X..., qui avait demandé à comparaître personnellement, a fait parvenir à la cour une lettre ainsi rédigée : "Je refuse mon extraction de ce jour car mon avocate n'a pas été désignée auprès de la juge d'instruction et je ne peux pas assurer ma défense" ; que Me Y..., ayant pris connaissance de ce courrier, a quitté la salle d'audience avant l'examen de l'affaire ;
Attendu que, pour estimer la procédure régulière, l'arrêt retient que si Mme X... a engagé le processus de désignation d'un nouvel avocat, celui-ci n'a pas été mené à son terme dans les formes et conditions prévues par l'article 115 du code de procédure pénale ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a justifié sa décision, dès lors que le greffier du juge d'instruction n'était en possession ni de la déclaration prévue par le troisième alinéa de l'article 115 du code de procédure pénale ni, ainsi que le prévoit le quatrième alinéa dudit article, de la déclaration faite par Me Y... de sa désignation par Mme X..., de sorte que Me Z... a été valablement convoqué à l'audience ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier, tant en la forme qu'au regard des dispositions des articles 137-3, 143-1 et suivants du code de procédure pénale ;
I - sur le pourvoi formé le 22 février 2018 :
Le DECLARE irrecevable ;
II - sur le pourvoi formé le 19 février 2018 :
Le REJETTE ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-quatre mai deux mille dix-huit ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.