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24/05/2018 | FRANCE | N°17-14.738

France | France, Cour de cassation, Deuxième chambre civile - formation restreinte hors rnsm/na, 24 mai 2018, 17-14.738


CIV. 2

IK



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 24 mai 2018




Cassation partielle


Mme FLISE, président



Arrêt n° 719 F-D

Pourvoi n° W 17-14.738







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par M. X... Y..., domicilié [...],>
contre l'arrêt rendu le 7 novembre 2016 par la cour d'appel de Basse-Terre (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. Z... A..., domicilié [...],

2°/ à la société M...

CIV. 2

IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 24 mai 2018

Cassation partielle

Mme FLISE, président

Arrêt n° 719 F-D

Pourvoi n° W 17-14.738

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par M. X... Y..., domicilié [...],

contre l'arrêt rendu le 7 novembre 2016 par la cour d'appel de Basse-Terre (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. Z... A..., domicilié [...],

2°/ à la société MAAF assurances, dont le siège est [...],

3°/ à la caisse de sécurité sociale de la Guadeloupe, dont le siège est [...],

défendeurs à la cassation ;

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 11 avril 2018, où étaient présents : Mme Flise, président, Mme C... Dauphin, conseiller rapporteur, M. Savatier, conseiller doyen, Mme Parchemal, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme C... Dauphin, conseiller, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. Y..., de Me D..., avocat de M. A... et de la société MAAF assurances, l'avis de M. Grignon B..., avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Y... a été blessé, le 8 octobre 2009, par un véhicule automobile conduit par M. A..., assuré auprès de la société MAAF assurances (l'assureur) ; qu'il a assigné ceux-ci en paiement de certaines sommes, en présence de la caisse de sécurité sociale de la Guadeloupe ;

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier et le troisième moyens annexés qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le deuxième moyen :

Vu le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime ;

Attendu que pour fixer à la somme de 25 000 euros l'indemnisation de la perte de gains professionnels futurs subie par M. Y... et condamner in solidum M. A... et l'assureur à lui payer cette somme, l'arrêt retient qu'il justifie avoir créé sa propre entreprise le 11 septembre 2009 et qu'il n'est pas douteux que les séquelles de l'accident litigieux ne lui ont pas permis de mener à bien son projet de création d'entreprise, qu'il convient de prendre en compte pour l'avenir la privation de ressources professionnelles engendrée par le dommage en se référant à une indemnisation par « estimation qualifiée de perte de chance » de mener à bien son projet d'entreprise et qu'eu égard au fait que le secteur d'activité dans lequel M. Y... créait son entreprise à l'âge de 29 ans était en plein essor, ce poste de préjudice doit être évalué à la somme forfaitaire de 25 000 euros ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, comme M. Y... le soutenait dans ses conclusions, la réparation des préjudices ne doit pas être évaluée de manière forfaitaire, la cour d'appel a violé le principe susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe le poste de préjudice perte de gains professionnels futurs à la somme de 25 000 euros et condamne in solidum M. A... et la société MAAF assurances à payer à M. Y... cette somme en réparation du poste de préjudice perte de gains professionnels futurs, l'arrêt rendu le 7 novembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Basse-Terre, autrement composée ;

Condamne M. A... et la société MAAF assurances aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à M. Y... la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mai deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. Y...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il avait débouté M. Y... de ses demandes formulées au titre des pertes de gains professionnels actuels ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE le jugement a débouté M. Y... de sa demande à ce titre faute de preuve de la réalité d'une perte de salaire effectivement subie ; que ce poste de préjudice est cantonné à la sphère professionnelle et à la perte de gains liée à l'incapacité provisoire de travail subie par la victime du fait de l'accident c'est-à-dire aux pertes actuelles de revenus du fait de son dommage et il appartient à la victime de prouver cette perte de revenus jusqu'au jour de sa consolidation ; qu'au jour de l'accident survenu le 8 octobre 2009 M. X... Y.... avait quitté son emploi de technicien installateur en télécommunications salarié auprès de la société World Satellite Guadeloupe depuis le 12 septembre 2009 et avait perçu ses indemnités de licenciement et transactionnelle ; qu'il invoque toutefois sa qualité d'entrepreneur individuel et un accord de garantie de marché de la part de la société qui l'employait et lui garantissait le maintien de sa rémunération soit 2 274,72 euros × 12 mois × 3 ans et 9 mois = 102 362,40 euros ; que le chiffre d'affaires et les bénéfices qu'il évalue à 102 362,40 euros entre le 8 octobre 2009 et la date de consolidation fixées par l'expert au 23 octobre 2010 sont purement hypothétiques ; qu'il doit être débouté de sa demande au titre de ce poste de préjudice ; que le jugement est donc confirmé ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE ce poste de préjudice tient compte des conséquences patrimoniales (pertes de revenus, inactivité ou indisponibilité temporaire) du fait de l'accident ; que l'évaluation peut être effectuée à partir des revenus déclarés à l'administration fiscale ou tout ensemble de documents permettant par leur cohérence et leur recoupement d'apprécier les revenus professionnels antérieurs et leur diminution pendant la période d'incapacité temporaire ; qu'en l'espèce, il ressort du bulletin de salaire de la victime relatif au mois de septembre 2009, que M. Y... X... a perçu une indemnité de licenciement ainsi qu'une indemnité transactionnelle ; qu'il a donc quitté son poste de travail le 12 septembre 2009 ; que l'accident de la circulation étant survenu le 8 octobre 2009, force est de relever que le seul document transmis afin de justifier de la situation financière de cette victime consiste en un récépissé de dépôt de dossier de création d'entreprise du 11 septembre 2009 ; qu'il n'est pas produit l'accord de garantie de marché qui aurait été conclu ; que par ailleurs, la victime a perçu au cours de la période d'incapacité de travail la somme de 14 033,58 euros à titre d'indemnités journalières ; qu'au vu des justificatifs produits, il n'est pas rapporté la preuve d'une perte de salaire effectivement subie ;

ALORS QUE les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans viser et analyser, serait-ce de façon sommaire, les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en jugeant que les pertes de gains professionnels actuels subies par M. Y... seraient « purement hypothétiques » (arrêt, p. 3, § 6) sans viser l'attestation de son ancien employeur, nouvellement produite en cause d'appel, établissant qu'il avait conclu avec la société GBooster, créée par M. Y..., un contrat de sous-traitance comprenant une garantie de marché d'un montant annuel de 90 000 euros, rémunération dont il avait été privé du fait de l'accident, ce dont résultait le caractère direct et certain de ses pertes de gains professionnels actuels, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

DEUXIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement sur l'indemnisation des pertes de gains professionnels futurs et, statuant à nouveau, fixé ce poste de préjudice à la somme de 25 000 euros et condamné in solidum M. A... et la société Maaf Assurances à payer à M. Y... la somme de 25 000 euros en réparation du poste de préjudice « perte de gains professionnels futurs » ;

AUX MOTIFS QU'il s'agit d'indemniser la victime de la perte ou de la diminution de ses revenus consécutive à l'incapacité permanente à laquelle il est désormais confronté dans la sphère professionnelle à la suite du dommage, et ce, à compter de la date de consolidation ; que le tribunal a alloué à Monsieur Y... la somme de 10 000 euros en réparation de ce préjudice pour tenir compte d'une perte de chance de mener à bien son projet de création d'entreprise ; qu'il sollicite en cause d'appel la somme de 778 143,23 euros en se fondant sur son dernier salaire mensuel perçu avant accident capitalisé (2 274,72 euros × 28,000 (prix de l'euro de rente) ; que M. Y... justifie avoir créé sa propre entreprise le 11 septembre 2009 ; qu'il n'est pas douteux que les séquelles de l'accident survenu le 8 octobre 2009 ne lui ont pas permis de mener à bien son projet de création d'entreprise ; qu'en l'absence de tout élément sur les gains professionnels que pouvait escompter M. Y... dans son domaine de technicien installateur en télécommunications, alors qu'il n'est pas douteux que les séquelles, qu'il a subies, l'empêchent de poursuivre dans les mêmes conditions son activité professionnelle selon le rapport d'expertise (rester debout longtemps, monter les escaliers ou sur une échelle, porter des charges), il convient de prendre en compte pour l'avenir la privation de ressources professionnelles engendrée par le dommage en se référant à une indemnisation par estimation qualifiée de perte de chance de mener à bien son projet d'entreprise ; que pour tenir compte de ce que le secteur d'activité dans lequel M. Y... créait son entreprise à l'âge de 29 ans était en plein essor, il convient d'évaluer ce poste de préjudice à la somme forfaitaire de 25 000 euros, étant précisé que M. Y..., ayant la qualité de travailleur handicapé depuis le 24 juillet 2013, ne fournit aucun élément sur sa situation professionnelle actuelle et ses revenus ;

ALORS QUE la réparation du préjudice doit correspondre à ce dernier et ne saurait être forfaitaire ; qu'en évaluant le poste de préjudice des pertes de gains professionnels « à la somme forfaitaire de 25 000 euros » (arrêt, p. 4, § 1er), sans se livrer à son appréciation in concreto, la cour d'appel a violé le principe de réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime.

TROISIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il avait fixé le poste de préjudice de l'incidence professionnelle à 70 000 euros, et condamné in solidum M. A... et la société Maaf Assurances à payer cette somme à M. Y... ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE M. Y... réclame à ce titre la somme de 105 383,24 euros en se fondant sur son revenu capitalisé (2 957,13 × 35,657 = 105 383,24 euros) tandis que la compagnie d'assurances conclut à la confirmation de la décision en ce qu'elle a fixé forfaitairement ce poste à la somme de 70 000 euros ; que ce poste d'indemnisation vient compléter celle déjà obtenue par Monsieur Y... au titre du poste "perte de gains professionnels futurs" lequel a pour objet d'indemniser seulement la perte de revenus liés à l'invalidité permanente de la victime ; que le préjudice d'incidence professionnelle a pour objet d'indemniser le préjudice subi par la victime en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail ou une augmentation de la pénibilité de l'emploi ou la nécessité de devoir abandonner la profession qu'il exerçait avant le dommage ; que ce poste de préjudice n'ayant pas de lien avec le montant des revenus de M. Y..., ce dernier est mal fondé à faire une référence à son revenu annuel pour calculer ce poste de préjudice ; que le jugement est confirmé en ce qu'il a fixé ce poste à la somme de 70 000 € ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE ce poste de préjudice indemnise les conséquences patrimoniales de l'incapacité ou de l'invalidité permanente du fait des séquelles, qui ne sont pas liées à une perte ou diminution de revenus : difficultés d'insertion ou de réinsertion professionnelle, dévalorisation sur le marché du travail, perte de chance professionnelle, augmentation de la pénibilité d'emploi ; que ce poste de préjudice est constitué en ce que la victime née le [...] conserve des séquelles à la suite de l'accident de la circulation ; qu'après la date de consolidation fixée au 9 décembre 2010, M. Y... X... souffre en effet d'une boiterie ; que le taux de déficit fonctionnel permanent a été évalué à 10 ù ; que M. Y... X... ne peut plus donc poursuivre dans les mêmes conditions une activité professionnelle, car il ne peut plus porter de charges lourdes, il ne peut plus rester debout longtemps, monter souvent les escaliers et des échelles à la lecture du rapport d'expertise judiciaire ; qu'il est indéniable que M. Y... X... subit une dévalorisation sur le marché du travail, en raison de la diminution notable de ses capacités physiques ; qu'est démontrée également la pénibilité accrue de tout emploi qu'il occupera ; que précisément, la victime exerçait la profession de technicien-installeur dans le domaine des télécommunications ; qu'il ne pourra plus faire valoir cette expérience professionnelle ; que dès lors, eu égard aux critères susmentionnés, lui sera allouée la somme de 70 000 euros ;

ALORS QUE la réparation du préjudice doit correspondre à ce dernier et ne saurait être forfaitaire ; qu'en confirmant le jugement déféré « en ce qu'[il avait] fixé forfaitairement » le poste de préjudice de l'incidence professionnelle « à la somme de 70 000 euros » (arrêt, p. 4, § 2), sans se livrer à son appréciation in concreto, la cour d'appel a violé le principe de réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime.


Synthèse
Formation : Deuxième chambre civile - formation restreinte hors rnsm/na
Numéro d'arrêt : 17-14.738
Date de la décision : 24/05/2018
Sens de l'arrêt : Cassation

Publications
Proposition de citation : Cass. Deuxième chambre civile - formation restreinte hors rnsm/na, 24 mai. 2018, pourvoi n°17-14.738, Bull. civ.Non publié
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Non publié

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.14.738
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