SOC.
IK
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 24 mai 2018
Rejet
M. X..., conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 776 F-D
Pourvoi n° Z 17-10.302
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par la société Cilomate transports, société par actions simplifiée, dont le siège est [...],
contre l'arrêt rendu le 9 novembre 2016 par la cour d'appel de Nancy (chambre sociale), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme Nathalie Y..., domiciliée [...],
2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [...],
défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 10 avril 2018, où étaient présents : M. X..., conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Z..., conseiller référendaire rapporteur, M. Maron, conseiller, Mme Lavigne, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Z..., conseiller référendaire, les observations de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de la société Cilomate transports, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de Mme Y..., et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 9 novembre 2016), que Mme Y... a été engagée le 14 septembre 1991 par la société Cilomate transports par contrat à durée indéterminée en qualité d'employée de comptabilité ; qu'elle exerçait en dernier lieu les fonctions de responsable des ressources humaines et était membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ; que le 11 décembre 2009, elle a saisi la juridiction prud'homale aux fins de voir condamner l'employeur au paiement d'heures supplémentaires et de diverses primes ; que par arrêt du 20 novembre 2013, la cour d'appel de Nancy a partiellement fait droit à ses demandes ; que la salariée a été licenciée pour motif économique le 5 juillet 2010, après autorisation de l'inspection du travail, annulée par arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy le 14 avril 2014 ; que la salariée a saisi la juridiction prud'homale le 13 mai 2014, au visa des articles L. 2422-4 et L. 1235-3 du code du travail, aux fins d'obtenir la condamnation de l'employeur à lui payer diverses sommes au titre de la rupture du contrat de travail ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt d'avoir implicitement rejeté la fin de non-recevoir tirée de la règle de l'unicité de l'instance en le condamnant à verser à la salariée diverses sommes à titre d'indemnité au visa de l'article L. 2422-4 du code du travail, de licenciement sans cause réelle et sérieuse, de préjudice moral et en le condamnant au remboursement des indemnités de chômage servies à la salariée par l'organisme concerné dans la limite de six mois d'indemnités alors, selon le moyen, que toutes les demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties font l'objet d'une seule instance ; que sont irrecevables les demandes formées dans une nouvelle procédure dès lors que les causes du second litige étaient connues avant la clôture des débats de l'instance antérieure; qu'en retenant, pour écarter la fin de non-recevoir opposée par la société Cilomate transports aux demandes d'indemnisation de Mme Y... et tirée de la règle de l'unicité de l'instance, que l'annulation de l'autorisation de son licenciement était devenue définitive postérieurement à la clôture des débats de la première procédure prud'homale, cependant qu'il résultait, d'une part, de ses propres constatations que la première instance prud'homale était encore pendante lorsque le tribunal administratif de Nancy avait annulé, par jugement du 28 juin 2013, l'autorisation de licenciement de Mme Y... et, d'autre part, des pièces de la procédure que la clôture des débats de l'instance prud'homale primitive était intervenue le 18 septembre 2013, en sorte que la salariée avait, nonobstant l'exercice d'un recours devant la cour administrative d'appel, eu la possibilité d'agir pour faire réserver ses droits liés à la rupture de son contrat de travail et de demander un sursis à statuer devant la juridiction prud'homale, la cour a violé l'article R. 1452-6 du code du travail, alors applicable ;
Mais attendu qu'ayant constaté que l'annulation de l'autorisation administrative de licenciement n'avait acquis le caractère définitif auquel est subordonné l'ouverture du droit à réparation de la salariée, qui constitue le fondement de la demande nouvelle, que postérieurement au dessaisissement de l'instance primitive, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Cilomate transports aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mai deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat aux Conseils, pour la société Cilomate transports
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir implicitement rejeté la fin de non-recevoir opposée par la société Cilomate Transports aux demandes de Mme Nathalie Y... et tirée de la règle de l'unicité de l'instance en condamnant la société Cilomate Transports SAS à verser à Mme Nathalie Y... la somme de 42 563,73€ brut à titre d'indemnité au visa de l'article L. 2422-4 du Code du travail, celle de 50 000€ au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse et celle de 8 000€ au titre du préjudice moral et en la condamnant au remboursement des indemnités de chômage servies à Mme Nathalie Y... par l'organisme concerné dans la limite de six mois d'indemnités ;
AUX MOTIFS QUE sur la fin de non-recevoir, l'employeur sollicite l'irrecevabilité de la demande de la salariée en raison de l'application de la règle de l'unicité d'instance à la présente instance, telle que visée par les dispositions de l'article R. 1452-6 du Code du travail ; qu'en l'espèce, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Longwy par requête du 11 décembre 2009 pour voir condamner son employeur à lui payer différentes sommes à titre de rappels d'heures supplémentaires et de primes, de fractionnement de congés et de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, et a obtenu gain de cause partiellement par arrêt rendu par la cour d'appel de Nancy le 20 novembre 2013 ; que l'employeur soutient qu'à aucun moment, la salariée n'a sollicité la réserve de ses droits au regard de la violation de son statut protecteur et qu'au jour de la saisine du conseil de prud'hommes de Longwy en date du 14 mai 2014, l'arrêt précité, était devenu définitif, de sorte que la nouvelle saisine du conseil de prud'hommes est irrecevable de droit par application des dispositions de l'article R.1452-6 du Code du travail ; qu'or, les demandes formées dans une nouvelle procédure sont recevables dès lors que leur fondement est né après la clôture des débats de l'instance antérieure ; que l'article L.2422-4 du Code du travail prévoit que lorsque l'annulation d'une décision d'autorisation est devenue définitive, le salarié concerné a droit à une indemnité ; que l'annulation est réputée définitive lorsqu'elle n'a pas fait l'objet d'un recours, ou s'il y a eu recours, lorsque la cour administrative d'appel a rejeté l'appel dirigé contre le jugement d'annulation ; qu'en l'espèce, l'employeur ayant fait appel du jugement rendu le 28 juin 2013 par le tribunal administratif de Nancy, l'annulation de l'autorisation de licenciement est devenue définitive par l'arrêt rendu le 14 avril 2014 par la cour administrative d'appel de Nancy, de sorte que le fondement de la nouvelle demande formée au visa des articles L.2422-4 et L.1235-3 du Code du travail est né après la clôture des débats de l'instance antérieure en vue du prononcé de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Nancy le 20 novembre 2013 ; que par ailleurs, l'exécution provisoire ordonnée par jugement rendu le 28 juin 2013 par le tribunal administratif de Nancy ne peut signifier que le droit indemnitaire visé par les dispositions de l'article L.2422-4 du Code du travail peut naître avant que la décision d'annulation de l'autorisation de licenciement soit devenue définitive ; que les présentes demandes sont, dès lors, recevables ; que le jugement sera, en conséquence, confirmé sur ce point ;
ET AUX MOTIFS, A LES SUPPOSER ADOPTES, QUE le tribunal administratif de Nancy, le 28 juin 2013 a annulé la décision de l'inspecteur du travail ; qu'à partir de ce moment, naissent le droit à réintégration de Mme Nathalie Y... et son droit à indemnisation ; que l'appel n'étant pas suspensif, Mme Nathalie Y... avait deux mois pour demander sa réintégration à compter de la décision du tribunal administratif et non celui de la cour administrative d'appel de Nancy, donc jusqu'au 28 août 2013 ; que le conseil déboute la société Cilomate de sa demande de non-recevoir en application du principe de l'unicité d'instance et dit et juge Mme Nathalie Y... bien fondé en ses demandes, fins et conclusions ;
ALORS QUE toutes les demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties font l'objet d'une seule instance ; que sont irrecevables les demandes formées dans une nouvelle procédure dès lors que les causes du second litige étaient connues avant la clôture des débats de l'instance antérieure; qu'en retenant, pour écarter la fin de non-recevoir opposée par la société Cilomate Transports aux demandes d'indemnisation de Mme Y... et tirée de la règle de l'unicité de l'instance, que l'annulation de l'autorisation de son licenciement était devenue définitive postérieurement à la clôture des débats de la première procédure prud'homale, cependant qu'il résultait, d'une part, de ses propres constatations que la première instance prud'homale était encore pendante lorsque le tribunal administratif de Nancy avait annulé, par jugement du 28 juin 2013, l'autorisation de licenciement de Mme Y... et, d'autre part, des pièces de la procédure que la clôture des débats de l'instance prud'homale primitive était intervenue le 18 septembre 2013, en sorte que la salariée avait, nonobstant l'exercice d'un recours devant la cour administrative d'appel, eu la possibilité d'agir pour faire réserver ses droits liés à la rupture de son contrat de travail et de demander un sursis à statuer devant la juridiction prud'homale, la cour a violé l'article R.1452-6 du Code du travail, alors applicable.