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01/06/2016 | FRANCE | N°15-13.238

France | France, Cour de cassation, Première chambre civile - formation de section, 01 juin 2016, 15-13.238


CIV. 1

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 1er juin 2016




Rejet


Mme BATUT, président



Arrêt n° 585 FS-ND

Pourvoi n° Z 15-13.238







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par la société L'Echo des Vosges, société à

responsabilité limitée, dont le siège est [...] , anciennement dénommée société d'Edition du journal Gérardmer Républicain,

contre le jugement rendu le 15 décembre 2014 par la juridicti...

CIV. 1

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 1er juin 2016

Rejet

Mme BATUT, président

Arrêt n° 585 FS-ND

Pourvoi n° Z 15-13.238

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par la société L'Echo des Vosges, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , anciennement dénommée société d'Edition du journal Gérardmer Républicain,

contre le jugement rendu le 15 décembre 2014 par la juridiction de proximité d'Epinal, dans le litige l'opposant à M. U... H..., domicilié [...] ,

défendeur à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 3 mai 2016, où étaient présents : Mme Batut, président, Mme Canas, conseiller référendaire rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, M. Girardet, Mmes Wallon, Verdun, Ladant, Duval-Arnould, M. Truchot, Mme Teiller, M. Avel, conseillers, M. Vitse, Mmes Barel, Le Gall, Kloda, conseillers référendaires, M. Ingall-Montagnier, premier avocat général, Mme Laumône, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Canas, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat de la société L'Echo des Vosges, de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de M. H..., l'avis de M. Ingall-Montagnier, premier avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique, ci-après annexé :

Attendu, selon le jugement attaqué (juridiction de proximité d'Epinal, 15 décembre 2014), que M. H..., député-maire d'Epinal, a participé, le 27 avril 2013, à l'inauguration du monument aux morts de la commune de P..., aux côtés d'autres personnalités officielles locales ; que cet événement a été relaté, le 2 mai suivant, dans un article du journal L'Echo des Vosges, édité par la Société d'édition du journal Gérardmer Républicain, devenue la société L'Echo des Vosges (la société) ; que, soutenant que la photographie illustrant cet article avait été falsifiée afin qu'il n'apparaisse pas sur l'image, M. H... a assigné cette société, sur le fondement de l'article 1382 du code civil, en réparation du préjudice qu'il estimait avoir subi ;

Attendu que la société fait grief au jugement de la condamner à verser à M. H... la somme d'un euro à titre de dommages-intérêts et celle de 900 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens ;

Attendu que la juridiction de proximité a retenu que le choix délibéré de supprimer, dans un journal d'informations, l'image du député-maire d'Epinal de la photographie des personnalités ayant participé à un événement officiel local, ne pouvait être légitimé par le principe de la liberté de la presse ; qu'ayant ainsi fait ressortir que cette falsification caractérisait une violation de la liberté d'information, composante de la liberté d'expression, elle a pu en déduire que la retouche litigieuse, qui laissait croire à l'absence de cet élu local, lors de la cérémonie, lui avait causé un préjudice moral, que la mention de son nom dans l'article de commentaire ne pouvait avoir compensé ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société L'Echo des Vosges aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société L'Echo des Vosges et la condamne à payer à M. H... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat aux Conseils, pour la société L'Echo des Vosges.

Il est fait grief au jugement attaqué D'AVOIR condamné la SARL Société d'Edition du Journal GERARDMER REPUBLICAIN à verser à Monsieur U... H... la somme d'un euro à titre de dommages et intérêts, D'AVOIR condamné la SARL Société d'Edition du Journal GERARDMER REPUBLICAIN à verser à Monsieur U... H... la somme de 900 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et D'AVOIR condamné la SARL Société d'Edition du Journal GERARDMER REPUBLICAIN aux dépens,

AUX MOTIFS QUE « Sur la demande de dommages et intérêts : Aux termes des dispositions de l'article 1382 du Code civil, celui qui cause à autrui un dommage s'oblige à le réparer. En l'espèce, il n'est pas contesté que la photographie litigieuse, parue dans l'édition de l'Echo des Vosges, journal appartenant à la défenderesse, du 02 mai 2013, a été retouchée, faisant ainsi disparaître Monsieur U... H... de la haie de personnalités participant à l'inauguration du monument aux morts de P.... Cette modification d'une photographie, qui ne peut être assimilée à un choix d'une photographie parmi d'autres, ou à un choix de cadrage de l'image, Monsieur U... H... se trouvant sur la photographie originale non pas en dernière position à droite, mais en avantdernière position, à côté d'une dame qui, elle, est bien présente dans le cadre droit de la photographie publiée dans le journal, ne peut être légitimée par le principe de liberté de la presse. Ce choix délibéré de supprimer, dans un journal d'informations locales, l'image de Monsieur U... H..., personnalité officielle en sa qualité de député-maire d'EPINAL, et à ce titre connue dans les Vosges, d'une photographie de personnalités officielles locales, participant à un événement officiel local, a nécessairement causé un préjudice moral au demandeur, en laissant croire à son absence à cette cérémonie, que la mention de son nom dans l'article de commentaire ne peut avoir compensé, alors que les autres personnalités maintenues sur la photographie ont elles aussi été mentionnées dans l'article. Dans ces conditions, il sera fait droit à la demande de Monsieur U... H... de condamnation de la SARL SOCIETE D'EDITION DU JOURNAL GERARDMER REPUBLICAIN à la somme de un euro en réparation de son préjudice. Sur l'article 700 du Code de procédure civile. L'article 700 du Code de procédure civile dispose que, dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire n'y avoir lieu à cette condamnation. En l'espèce, il paraît inéquitable de laisser à la charge de Monsieur U... H... les sommes exposées par lui et non comprises dans les dépens. Dès lors, il convient de condamner la SARL SOCIETE D'EDITION DU JOURNAL GERARDMER REPUBLICAIN à lui payer à Monsieur U... H... [sic] la somme de 900 euros à ce titre. Sur les dépens En application de l'article 696 du Code de procédure civile, il convient de condamner la SARL SOCIETE D'EDITION DU JOURNAL GERARDMER REPUBLICAIN, partie perdante, aux entiers dépens de la présente procédure » ;

1°) ALORS QUE hors restriction légalement prévue, la liberté d'expression est un droit dont l'exercice, sauf dénigrement de produits ou services, ne peut être contesté sur le fondement de l'article 1382 du code civil ; qu'en l'espèce, Monsieur H..., député-maire d'EPINAL, a saisi la juridiction de proximité d'une demande de condamnation de la SARL Société d'Edition du Journal GERARDMER REPUBLICAIN, sur le fondement de l'article 1382 du code civil, à raison de la publication dans le journal l'ECHO DES VOSGES d'une photographie illustrant un article relatif à l'inauguration du monument aux morts de P..., de laquelle Monsieur H..., présent sur l'original, avait disparu au profit d'une personne inconnue ; que pour accueillir cette demande, le juge de proximité a considéré que cette modification d'une photographie ne pouvait être légitimée par le principe de liberté de la presse, et que ce choix délibéré de supprimer, dans un journal d'informations locales, l'image de Monsieur H..., personnalité officielle en sa qualité de député-maire d'EPINAL, et à ce titre connue dans les Vosges, d'une photographie de personnalités officielles locales, participant à un événement officiel local, lui avait nécessairement causé un préjudice moral, en laissant croire à son absence à cette cérémonie, que la mention de son nom dans l'article de commentaire ne peut avoir compensé, alors que les autres personnalités maintenues sur la photographie avaient elles aussi été mentionnées dans l'article ; qu'en statuant de la sorte, le juge de proximité a violé, par fausse application, l'article 1382 du code civil, ensemble l'article 10 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

2°) ALORS EN TOUTE HYPOTHESE QUE la mise en jeu de la responsabilité civile suppose rapportée la preuve d'une faute en lien de causalité avec un préjudice ; qu'en l'espèce, la Société d'Edition du Journal GERARDMER REPUBLICAIN faisait valoir que l'article en cause était consacré à l'inauguration d'un monument aux morts et que le principal intérêt de cet événement résidait dans la présence du dernier déporté survivant du 5 septembre 1944 et de ses compagnons de CHARMES, de sorte que l'absence de Monsieur H... de la photographie illustrant l'article n'avait ni pour objet ni pour effet de travestir la réalité ; que le juge de proximité constate au demeurant que le nom de Monsieur H... est mentionné dans l'article du journal illustré par la photographie litigieuse, comme ayant participé à la manifestation relatée par son auteur (jugement, p. 3, 4ème §) ; qu'en jugeant néanmoins que la modification de l'original de cette photographie, ayant consisté à faire disparaître Monsieur H... de la photographie publiée au profit d'une autre personne, avait laissé croire à l'absence de ce dernier à la cérémonie relatée dans l'article, et constituait une faute civile de nature à engager la responsabilité du journal, au motif inopérant que les autres personnalités maintenues sur la photographie avaient elles aussi été mentionnées dans l'article, le juge de proximité a statué par des motifs impropres à caractériser une faute en lien de causalité avec le préjudice moral allégué par le demandeur, a violé l'article 1382 du code civil, ensemble l'article 10 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales.


Synthèse
Formation : Première chambre civile - formation de section
Numéro d'arrêt : 15-13.238
Date de la décision : 01/06/2016
Sens de l'arrêt : Rejet

Publications
Proposition de citation : Cass. Première chambre civile - formation de section, 01 jui. 2016, pourvoi n°15-13.238, Bull. civ.Non publié
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Non publié

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.13.238
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