Audience publique du 10 octobre 2011Prononcé au 7 novembre 2011
La commission nationale de réparation des détentions instituée par l'article 149-3 du code de procédure pénale, composée lors des débats de M. Straehli, président, M. Kriegk, conseiller, Mme Leroy-Gissinger, conseiller référendaire, en présence de M. Charpenel, avocat général et avec l'assistance de Mme Bureau, greffier, a rendu la décision suivante :
INFIRMATION partielle sur le recours formé par Jean-François X..., contre la décision du premier président de la cour d'appel de Dijon en date du 15 mars 2011 qui lui a alloué une indemnité de 59 191 euros en réparation de son préjudice moral sur le fondement de l'article 149 du code précité.
Les débats ayant eu lieu en audience publique le 10 octobre 2011, le demandeur et son avocat ne s'y étant pas opposé ;
Vu les dossiers de la procédure de réparation et de la procédure pénale ;
Vu les conclusions de Me Dupond-Moretti, avocat au barreau de Lille, représentant M. X... ;
Vu les conclusions de l'agent judiciaire du Trésor ;
Vu les conclusions de M. le procureur général près la Cour de cassation ;
Vu les observations en réponse de l'agent judiciaire du Trésor ;
Vu la notification de la date de l'audience, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, au demandeur, à son avocat, à l'agent judiciaire du Trésor et à son avocat, un mois avant l'audience ;
Sur le rapport de Mme le conseiller Leroy-Gissinger, les observations de Me Cohen-Sabban, avocat substituant Me Dupond-Moretti, assistant M. X..., celles de M. X..., comparant, et de Me Meier-Bourdeau, avocat représentant l'agent judiciaire du Trésor, les conclusions de M. l'avocat général Charpenel, le demandeur ayant eu la parole en dernier ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi, la décision étant rendue en audience publique ;
LA COMMISSION NATIONALE DE REPARATION DES DETENTIONS,
Attendu que, par décision du 15 mars 2011, le premier président de la cour d'appel de Dijon, saisi par Jean-François X... d'une requête en réparation du préjudice subi à raison d'une détention provisoire effectuée du 15 mars 2006 au 15 février 2008, puis du 24 septembre 2008 au 27 novembre 2009, pour des faits pour lesquels il a été définitivement acquitté le 27 novembre 2009, lui a alloué la somme 55 500 euros en réparation du préjudice moral causé par la détention et celle de 1 691 euros en indemnisation des frais engagés pour sa défense ; que le premier président a rejeté la demande de M. X... présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu que M. X... a formé un recours régulier contre cette décision, en réitérant sa demande initiale de voir réparer son préjudice moral à hauteur de 111 288 euros et son préjudice économique représenté par ses frais d'avocats, à hauteur de 12 126,20 euros ; qu'il a sollicité, au titre des frais irrépétibles engagés devant le premier président, la somme de 3 000 euros et au titre de ces mêmes frais engagés devant la commission, celle de 1 000 euros ;
Attendu que l'agent judiciaire du Trésor a conclu au rejet du recours ;
Attendu que l'avocat général a estimé que l'indemnisation allouée par le premier président au titre du préjudice moral de M. X... était légèrement inférieure à ce qui est généralement accordé pour des personnes s'étant trouvées dans des situations similaires à celle de M. X... ;
Vu les articles 149 et 150 du code de procédure pénale ;
Attendu qu'une indemnité est accordée, à sa demande, à la personne ayant fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive ; que cette indemnité est allouée en vue de réparer intégralement le préjudice personnel, matériel et moral, directement causé par la privation de liberté ;
Sur la durée de la détention indemnisable :
Attendu qu'il résulte du dossier que, durant sa détention provisoire, M. X... a exécuté une peine résultant d'une condamnation pour d'autres faits, pendant une durée de deux mois et dix jours ; qu'en application de l'article 149 du code de procédure pénale, cette période doit être déduite de la durée de la période indemnisable, ce que ne conteste pas M. X... ; que ce dernier ayant été détenu pendant une durée de mille cent vingt-trois jours, la période au titre de laquelle il peut prétendre à une indemnisation en application des articles 149 et 150 du code susmentionné, est de mille cinquante-trois jours ;
Sur le préjudice moral :
Attendu que M. X..., qui était âgé de 38 ans au moment de son placement en détention, était célibataire et sans enfant ;
Attendu que l'indemnisation de son préjudice moral doit prendre en compte, ainsi que le fait observer l'agent judiciaire du Trésor, le fait qu'il avait déjà été incarcéré à plusieurs reprises ; qu'il doit également être tenu compte du fait que ces précédentes incarcérations résultaient de condamnations à des peines correctionnelles et que le préjudice moral causé par la détention peut être considéré comme ayant été aggravé par la première condamnation prononcée à l'encontre de M. X..., à une très longue peine, qui a conduit à sa réincarcération ;
Attendu que, compte tenu de ces éléments et de la durée de la détention indemnisable, il y a lieu de fixer à 60 000 euros le préjudice moral subi par M. X... ;
Sur les frais de défense :
Attendu que les frais de défense qui incluent les honoraires d'avocat ne sont pris en compte au titre du préjudice causé par la détention que s'ils rémunèrent des prestations directement liées à la privation de liberté et résultant de factures ou d'un compte établi par le défenseur, permettant d'identifier ces dépenses ;
Attendu qu'au soutien de sa demande d'indemnisaiton, M. X... produit les factures établies par trois avocats qui sont intervenus pour sa défense ;
Attendu que les deux factures détaillées établies par M. Brultet, avocat, d'un montant total de 2 691 euros, peuvent donner lieu à une indemnisation intégrale, comme l'admettent tant l'avocat général que l'agent judiciaire du Trésor, dès lors qu'elles se rapportent à des interventions liées à la détention de M. X... ; qu'il n'est pas contesté que la facture dressée par le cabinet Ducharme et Belleville peut être prise en compte pour la somme de 358,80 euros correspondant à un déplacement en maison d'arrêt ;
Attendu que le cabinet Dupond-Moretti et Squillaci a produit deux factures de provision, d'un montant de 4 000 euros chacune, en date des 8 octobre 2008 et 25 juin 2009 ; qu'il a également produit un état de frais correspondant à une visite en maison d'arrêt le 2 février 2009 ;
Attendu que, si ces dernières dépenses peuvent donner lieu à indemnisation, compte tenu de leur lien avec la privation de liberté de M. X..., tel n'est pas le cas des factures de provision, non détaillées, la commission ne pouvant déduire d'un rapprochement de dates que ces factures correspondent à des interventions se rapportant à la détention de M. X... ; qu'il sera donc alloué à ce dernier la somme de 719,07 euros au titre de l'intervention de ce cabinet ;
Qu'il résulte de ce qui précède qu'il doit être alloué à M. X... la somme totale de 3 768,87 euros au titre des frais de défense liés à la détention provisoire qu'il a effectuée ;
Sur les frais irrépétibles :
Attendu qu'aucun élément ne permet de remettre en cause la décision prise par le premier président, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; qu'il sera alloué, sur le même fondement, à M. X... la somme de 1 000 euros, au titre des frais irrépétibles qu'il a engagés devant la Commission ;
PAR CES MOTIFS :
ACCUEILLANT partiellement le recours de Jean-François X... ;
Lui ALLOUE la somme de 60 000 euros (soixante mille euros) au titre de son préjudice moral ;
Lui ALLOUE la somme de 3 768,87 euros (trois mille sept cent soixante huit euros quatre vingt-sept centimes) au titre de ses frais de défense ;
REJETTE le recours en ce qui concerne les frais irrépétibles engagés devant le premier président ;
Lui ALLOUE la somme de 1 000 euros (mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
LAISSE les dépens à la charge du Trésor public ;
Ainsi fait, jugé et prononcé en audience publique le 7 novembre 2011 par le président de la commission nationale de réparation des détentions ;
En foi de quoi la présente décision a été signée par le président, le rapporteur et le greffier présent lors des débats et du prononcé.