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26/02/2007 | FRANCE | N°60-67.

France | France, Cour de cassation, Autre, 26 février 2007, 60-67.


COUR DE CASSATION

06 CRD 067

Audience publique du 26 janvier 2007

Prononcé au 26 février 2007

La commission nationale de réparation des détentions instituée par l'article 149-3 du code de procédure pénale, composée lors des débats de M. Gueudet, président, Mme Nési, M. Chaumont, conseillers référendaires, en présence de M. Charpenel, avocat général et avec l'assistance de Mme Bureau, greffier, a rendu la décision suivante :

Statuant sur le recours formé par :

- Monsieur Gjergi X..., contre la décision du premier président de la

cour d'appel de Lyon en date du 21 juin 2006 qui lui a alloué une indemnité de 7 000 euros sur le fond...

COUR DE CASSATION

06 CRD 067

Audience publique du 26 janvier 2007

Prononcé au 26 février 2007

La commission nationale de réparation des détentions instituée par l'article 149-3 du code de procédure pénale, composée lors des débats de M. Gueudet, président, Mme Nési, M. Chaumont, conseillers référendaires, en présence de M. Charpenel, avocat général et avec l'assistance de Mme Bureau, greffier, a rendu la décision suivante :

Statuant sur le recours formé par :

- Monsieur Gjergi X..., contre la décision du premier président de la cour d'appel de Lyon en date du 21 juin 2006 qui lui a alloué une indemnité de 7 000 euros sur le fondement de l'article 149 du code précité et une somme de 800 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Les débats ayant eu lieu en audience publique le 26 janvier 2007; l'avocat du demandeur ne s'y étant pas opposé ;

Vu les dossiers de la procédure de réparation et de la procédure pénale ;

Vu les conclusions de Me Bohe, avocat au Barreau de Lyon représentant M. X... ;

Vu les conclusions de l'agent judiciaire du Trésor ;

Vu les conclusions de M. le procureur général près la Cour de cassation ;

Vu les conclusions en réponse de Me Bohe ;

Vu la notification de la date de l'audience, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, au demandeur, à son avocat, à l'agent judiciaire du Trésor et à son avocat, un mois avant l'audience ; M. X... ne comparaît pas personnellement. Il est représenté à l'audience par Me Froment substituant Me Bohe conformément aux dispositions de l'article R.40-5 du code de procédure pénale ;

Sur le rapport de Mme le conseiller Nési, les observations de Me Froment, avocat représentant le demandeur , et de Me Couturier-Heller, avocat représentant l'agent judiciaire du Trésor, les conclusions de M. l'avocat général Charpenel, l'avocat du demandeur ayant eu la parole en dernier ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi, la décision étant rendue en audience publique ;

LA COMMISSION,

Attendu que, par décision du 21 juin 2006 le premier président de la cour d'appel de Lyon a alloué à M. X... la somme de 7 000 euros en réparation du préjudice moral à raison d'une détention provisoire d'une durée de deux mois et vingt trois jours, soit 83 jours effectuée du 30 avril au 22 juillet 2003 pour des faits ayant conduit à un arrêt d'acquittement prononcé le 21 mai 2005 ;

Que le premier président a en revanche rejeté les demandes au titre du préjudice matériel, des frais de défense et des conséquences du contrôle judiciaire qui comprenait l'interdiction de quitter le territoire français ;

Attendu que M. X... a formé le 17 août 2006 un recours régulier contre cette décision, pour obtenir les sommes de 200 000 euros au titre de son préjudice matériel, pour lequel il a également sollicité subsidiairement une mesure d'expertise, 30 000 euros en raison de l'obligation de rester sur le territoire français, 30 000 euros pour frais de défense, et 50 000 euros au titre de son préjudice moral ainsi que 1 500 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Attendu que l'agent judiciaire du Trésor a conclu principalement à l'irrecevabilité du recours comme tardif et subsidiairement à son mal fondé ; Attendu que l'avocat général a estimé quant à lui que le recours était recevable, mais qu'il devait être rejeté au fond ;

Sur la recevabilité du recours :

Attendu que l'agent judiciaire du Trésor soutient que M. X... ayant reçu le 2 août 2006 la lettre de notification de la décision du premier président lui indiquant expressément le délai et les conditions d'exercice du recours, celui-ci, qui n'a été déposé au greffe de la cour d'appel que le 17 août suivant, serait dès lors irrecevable ;

Mais attendu qu'aux termes de l'article 669 alinéa 3 du nouveau code de procédure civile, la date de notification par voie postale est celle de la réception de la lettre recommandée apposée par l'administration des postes lors de la remise de cette lettre à son destinataire; que seul le retour de l'avis de réception est en mesure d'attester de la remise effective de la lettre à son destinataire ; qu'il n'est pas versé aux débats ; qu'il ressort par ailleurs des productions que la date du 2 août invoquée par l'agent judiciaire du Trésor est celle de l'expédition de la lettre de notification et que M. X... a déclaré, sans être contredit sur ce point, que le document lui avait été remis le 13 août 2006 ; qu'il en résulte que son recours a bien été exercé dans le délai de dix jours fixé par les articles 149-3 et R 38 du code de procédure pénale ; qu'il doit donc être déclaré recevable ; Sur le fond : Vu les articles 149 à 150 du code de procédure pénale ;

Attendu qu'une indemnité est accordée, à sa demande, à la personne ayant fait l'objet d'une détention provisoire terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive ; que cette indemnité est allouée en vue de réparer intégralement le préjudice personnel, matériel et moral directement causé par la privation de liberté ;

Sur le préjudice matériel :

Attendu que le préjudice économique résultant de l'interdiction pour M. X... de quitter le territoire français, alors qu'il est de nationalité albanaise et qu'il avait ses activités dans ce pays, résulte exclusivement des obligations qui lui ont été imposées au titre du contrôle judiciaire ; qu'il ne peut donc être réparé à l'occasion de la procédure d'indemnisation de l'article 149 du code de procédure pénale qui concerne le préjudice lié exclusivement à la détention ;

Attendu que pour rejeter la demande d'indemnisation de la perte de revenus ainsi que la demande subsidiaire d'expertise, le premier président a retenu que M. X... ne rapportait pas la preuve que le chiffre d'affaires dégagé par son entreprise spécialisée dans l'installation et la maintenance d'ascenseurs était supérieur aux sommes déclarées aux services fiscaux albanais, ni que ces revenus n'aient pu être maintenus par ses salariés pendant la période de détention provisoire de leur dirigeant ;

Mais attendu qu'il résulte des pièces versées aux débats que M. X..., qui a toujours travaillé comme électro-mécanicien, est à la tête d'une entreprise, dénommée société API, qu'il a créée en 1992, dont l'activité a été élargie en 1994 et dont les taxes et impôts sont calculés, conformément à la législation en vigueur en Albanie pour des sociétés faisant partie du "petit business", sur la base du chiffre d'affaires ;

Que s'il emploie des ouvriers, leur nombre varie en fonction des chantiers en cours ; que les revenus proviennent à la fois, de façon constante, des travaux de maintenance, et également des marchés conclus pour la réalisation de nouvelles installations ;

Attendu qu'il est démontré que la direction de l'hôtel Colombo a résilié un contrat conclu avec la société API le 12 mai 2003, pendant la détention de M. X..., faute de sa présence auprès de l'investisseur du projet dans les quarante jours du contrat ; que, de même, la direction de l'hôtel ROZAFA a résilié le 30 juin 2003, pour absence à la date du 1er juin 2003, date fixée pour le commencement des travaux, un contrat conclu le 3 avril 2003 ;

Qu'il en résulte que l'incarcération a incontestablement entraîné pour l'intéressé une perte de chance certaine de percevoir les revenus escomptés de ces contrats; que toutefois celle-ci ne peut être appréciée qu'en fonction du chiffre d'affaires déclaré par l'intéressé à l'administration fiscale, et qui a toujours été inférieur à 5 000 euros par an; qu'il apparaît en conséquence et sans qu'il soit nécessaire de recourir à une mesure d'expertise, que la somme de 2 000 euros constitue la réparation intégrale du préjudice économique de M. X... imputable à sa détention ;

Attendu qu'en ce qui concerne les frais d'avocat, qui ont été rejetés par le premier président faute de justificatifs, les pièces du dossier démontrent que les factures détaillées du 30 avril 2003 pour un montant de 956,80 euros, du 2 juin et du 30 juillet 2003 pour un même montant respectif de 1 794 euros ont trait à des prestations exclusivement liées à la remise en liberté de l'intéressé ; qu'il convient donc de faire droit à sa demande à concurrence de ces sommes ;

Attendu qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'il convient d'accueillir partiellement le recours de M. X... et de lui allouer au titre de son préjudice matériel la somme totale de 2.000 + 956,80+ 1794+1794 euros soit : 6 544,80 euros ;

Sur le préjudice moral :

Attendu que pour fixer à 7 000 euros le préjudice moral de M. X..., le premier président a pris en compte les mauvaises conditions matérielles de la détention et l'isolement de l'intéressé en raison de son ignorance de la langue française ;

Attendu que le requérant soutient que son incarcération serait également à l'origine de graves problèmes de santé ;

Attendu que s'il est incontestable que M. X... a été victime d'un accident vasculaire cérébral qui, selon les certificats médicaux de deux médecins neurologues, a été précédé d'une situation psychologique stressante, celui-ci est survenu en février 2004 soit sept mois après sa remise en liberté ; que les documents médicaux ne permettent pas d'établir un lien entre cette pathologie et la détention ; qu'aucun élément du dossier ne démontre davantage que l'intéressé, qui présentait plusieurs affections au moment de son incarcération, ait été victime, durant son emprisonnement, d'une absence ou d'un retard de soins qui ait contribué à la dégradation de son état de santé ;

Attendu cependant que compte tenu de l'âge de l'intéressé au moment de son emprisonnement (64 ans), de la durée de sa détention et des deux facteurs aggravants retenus par le premier président dont la réalité est établie, l'indemnité constituant la réparation intégrale du préjudice de M. X... doit être fixée à la somme de 10 000 euros ;

Sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile :

Attendu que l'équité commande d'allouer à M. X... une indemnité de 1 500 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

DECLARE le recours de M. Gjergi X... recevable ;

L'ACCUEILLE partiellement et statuant à nouveau ;

Lui ALLOUE la somme de 6 544,80 EUROS (SIX MILLE CINQ CENT QUARANTE QUATRE EUROS et QUATRE VINGTS CENTIMES) au titre de son préjudice matériel et celle de 10 000 EUROS (DIX MILLE euros) au titre de son préjudice moral ;

REJETTE le recours pour le surplus ;

ALLOUE à M. Gjergi X... la somme de 1 500 EUROS (MILLE CINQ CENTS euros) au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

LAISSE les dépens à la charge du Trésor public ;

Ainsi fait, jugé et prononcé en audience publique le 26 février 2007 par le président de la commission nationale de réparation des détentions,

En foi de quoi la présente décision a été signée par le président, le rapporteur et le greffier présent lors des débats et du prononcé.

Le président Le rapporteur M. Gueudet Mme Nési

Le greffier Mme Bureau


Synthèse
Formation : Autre
Numéro d'arrêt : 60-67.
Date de la décision : 26/02/2007

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon


Publications
Proposition de citation : Cass. Autre, 26 fév. 2007, pourvoi n°60-67., Bull. civ.Non publié
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Non publié

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2007:60.67.
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