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18/12/2006 | FRANCE | N°06-CRD053

France | France, Cour de cassation, Commission reparation detention, 18 décembre 2006, 06-CRD053


La commission nationale de réparation des détentions instituée par l'article 149-3 du code de procédure pénale, composée lors des débats de M. Gueudet, président, Mme Nési, M. Chaumont, conseillers référendaires, en présence de M. Boccon-Gibod, avocat général et avec l'assistance de Mme Bureau, greffier, a rendu la décision suivante :

Statuant sur le recours formé par :

- Monsieur Joël X...,

contre la décision du premier président de la cour d'appel d'Amiens en date du 24 mai 2006 qui lui a alloué une indemnité de 9 560 euros en réparation de son pré

judice moral et de 2 000 euros en réparation de son préjudice économique sur le fondemen...

La commission nationale de réparation des détentions instituée par l'article 149-3 du code de procédure pénale, composée lors des débats de M. Gueudet, président, Mme Nési, M. Chaumont, conseillers référendaires, en présence de M. Boccon-Gibod, avocat général et avec l'assistance de Mme Bureau, greffier, a rendu la décision suivante :

Statuant sur le recours formé par :

- Monsieur Joël X...,

contre la décision du premier président de la cour d'appel d'Amiens en date du 24 mai 2006 qui lui a alloué une indemnité de 9 560 euros en réparation de son préjudice moral et de 2 000 euros en réparation de son préjudice économique sur le fondement de l'article 149 du code précité ainsi qu'une somme de 500 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Les débats ayant eu lieu en audience publique le 20 novembre 2006 l'avocat du demandeur ne s'y étant pas opposé ;

Vu les dossiers de la procédure de réparation et de la procédure pénale ;

Vu les conclusions de Me Fontaine-Crepin, avocat au Barreau d'Abbeville, représentant M. X... ;

Vu les conclusions de l'agent judiciaire du Trésor ;

Vu les conclusions de M. le procureur général près la Cour de cassation ;

Vu la notification de la date de l'audience, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, au demandeur, à son avocat, à l'agent judiciaire du Trésor et à son avocat, un mois avant l'audience ;

M. X... ne comparaît pas personnellement. Il est représenté à l'audience par Me Fontaine-Crepin conformément aux dispositions de l'article R.40-5 du code de procédure pénale ;

Sur le rapport de M. le conseiller Chaumont, les observations de Me Fontaine-Crepin, avocat représentant le demandeur et de Me Couturier-Heller, avocat représentant l'agent judiciaire du Trésor, les conclusions de M. l'avocat général Boccon-Gibod, l'avocat du demandeur ayant eu la parole en dernier ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi, la décision étant rendue en audience publique ;

LA COMMISSION,

Attendu que, par décision du 24 mai 2006, le premier président de la cour d'appel d'Amiens a alloué à M. X... les sommes de 2 000 euros en réparation du préjudice matériel et 9 560 euros en réparation du préjudice moral à raison d'une détention provisoire de dix mois et trois jours effectuée du 15 mars 2002 au 17 janvier 2003 pour des faits ayant donné lieu à un arrêt de relaxe devenu définitif ;

Attendu que M. X... a formé, le 2 juin 2006, un recours régulier contre cette décision et, réitérant ses demandes initiales, a sollicité le paiement des sommes de 230 000 euros et 30 000 euros en réparation de ses préjudices matériel et moral, outre une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Vu les articles 149 à 150 du Code de procédure pénale ;

Attendu qu'une indemnité est accordée, à sa demande, à la personne ayant fait l'objet d'une détention provisoire terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive ; que cette indemnité est allouée en vue de réparer intégralement le préjudice personnel, matériel et moral causé par la privation de liberté ;

Sur la réparation du préjudice matériel :

Attendu que, pour limiter à la somme de 2 000 euros l'indemnité allouée de ce chef, le premier président a constaté que M. X... avait acquis, le 3 septembre 2001, pour la somme de 5 000 F, soit 10 % de sa valeur nominale, le capital social de la société Opti-Garde, spécialisée dans la surveillance et le gardiennage, et qu'il en était devenu le gérant ; que le premier président a relevé cependant que M. X... avait fait l'objet de condamnations pénales incompatibles avec l'exercice d'une telle activité et qu'il avait été ensuite condamné à une interdiction définitive ; qu'il a estimé que le demandeur avait subi, pendant la période comprise entre son incarcération et le prononcé de cette interdiction, un préjudice résultant de la perte de chance de céder ses parts sociales, relevant que la société avait acquis un potentiel commercial ;

Attendu qu'à l'appui de sa demande, M. X... fait valoir que la société qu'il avait acquise était en plein développement lorsqu'il a été placé en détention provisoire et que sa mise sous écrou est à l'origine des difficultés financières puis de la liquidation judiciaire de l'entreprise ; qu'il précise que, compte tenu de l'interdiction judiciaire dont il a fait l'objet, il aurait pu se faire remplacer en désignant un autre gérant, et poursuivre son activité en qualité d'associé ;

Attendu que l'agent judiciaire du Trésor conclut au rejet du recours; qu'il relève que M. X... n'était que le gérant de fait de la société, la modification du capital social et le changement de gérant ayant été refusés le 30 novembre 2001 par le greffe du tribunal de commerce et estime qu'il ne peut obtenir l'indemnisation d'un préjudice résultant de la perte d'une activité qu'il exerçait de manière illicite ; qu'il ajoute que le demandeur ne rapporte pas la preuve de son préjudice économique ;

Attendu que l'avocat général estime qu'il pourrait être considéré que l'activité de gestion de la société de surveillance n'est réellement devenue illicite qu'à compter du jugement prononçant l'interdiction définitive d'exercice et que l'indemnité correspondant à la période comprise entre le placement sous écrou et ce jugement pourrait être réévaluée ;

Attendu que l'incarcération de M. X... a interrompu une activité professionnelle qu'il exerçait de façon illicite ; qu'ainsi, ayant été condamné à plusieurs reprises, de 1991 à 2000, à des peines d'emprisonnement pour des atteintes à la sécurité des personnes et des biens, il lui était interdit, de plein droit, d'être dirigeant de droit ou de fait d'une entreprise de surveillance et de gardiennage, ou d'être employé par celle-ci, en application de l'article 5 de la loi du 12 juillet 1983, alors applicable; qu'en conséquence, comme l'a retenu le premier président, seule la perte d'une chance de céder les parts sociales à un prix plus avantageux que celui auquel il les avait acquises peut être retenu ;

qu'en l'absence de pièces comptables ou fiscales, et au vu des quelques contrats et attestations produits, l'évaluation, par la décision déférée, du préjudice qui en est résulté, doit être confirmée ;

Sur la réparation du préjudice moral :

Attendu que, pour limiter à 9 560 euros l'indemnité allouée au titre du préjudice moral, le premier président a tenu compte du passé carcéral du demandeur ;

Attendu que M. X... conteste la prise en compte de ses détentions précédentes et souligne qu'il vivait maritalement lorsqu'il a été incarcéré ;

Attendu que l'agent judiciaire du Trésor, comme l'avocat général, concluent au rejet du recours de ce chef ;

Attendu que compte tenu de l'âge de l'intéressé au moment de son incarcération (33 ans), de la durée de celle-ci (dix mois et trois jours), du choc carcéral subi, qui a cependant été atténué par l'existence de précédentes détentions, il apparaît que l'indemnité est insuffisante à réparer l'intégralité du préjudice moral ; qu'il convient de la fixer à 15 000 euros ;

Sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile :

Attendu que l'équité commande d'allouer à M. X... la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles ;

PAR CES MOTIFS :

ACCUEILLE partiellement le recours de M. Joël X... et statuant à nouveau ;

Lui ALLOUE la somme de 15 000 euros (QUINZE MILLE EUROS) en réparation du préjudice moral et 1 500 euros (MILLE CINQ CENTS EUROS) sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

REJETTE le recours pour le surplus ;

LAISSE les dépens à la charge du Trésor public ;

Ainsi fait, jugé et prononcé en audience publique le 18 décembre 2006 par le président de la commission nationale de réparation des détentions.


Synthèse
Formation : Commission reparation detention
Numéro d'arrêt : 06-CRD053
Date de la décision : 18/12/2006
Sens de l'arrêt : Recevabilité

Références :

Décision attaquée : Premier président de la cour d'appel d'Amiens, 24 mai 2006


Publications
Proposition de citation : Cass. Commission reparation detention, 18 déc. 2006, pourvoi n°06-CRD053


Composition du Tribunal
Président : Président : M. Gueudet
Avocat général : Avocat général : M. Boccon-Gibod
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Chaumont

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2006:06.CRD053
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