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02/05/2006 | FRANCE | N°05-07.0

France | France, Cour de cassation, Autre, 02 mai 2006, 05-07.0


INFIRMATION sur le recours formé par M. Fabrice X..., contre la décision du premier président de la cour d'appel de Metz en date du 16 septembre 2005 qui lui a alloué une indemnité de 18 000 euros en réparation du préjudice moral sur le fondement de l'article 149 du code de procédure pénale.



LA COMMISSION NATIONALE DE REPARATION DES DETENTIONS,


Attendu que, par décision du 16 septembre 2005, le premier président de la cour d'appel de Metz a alloué à M. X..., la somme de 18 000 euros au titre du préjudice moral résultant d'une détention de un an et dou

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INFIRMATION sur le recours formé par M. Fabrice X..., contre la décision du premier président de la cour d'appel de Metz en date du 16 septembre 2005 qui lui a alloué une indemnité de 18 000 euros en réparation du préjudice moral sur le fondement de l'article 149 du code de procédure pénale.

LA COMMISSION NATIONALE DE REPARATION DES DETENTIONS,

Attendu que, par décision du 16 septembre 2005, le premier président de la cour d'appel de Metz a alloué à M. X..., la somme de 18 000 euros au titre du préjudice moral résultant d'une détention de un an et douze jours effectuée du 10 novembre 1998 au 22 novembre 1999, pour des faits ayant donné lieu à une décision d'acquittement prononcée le 26 septembre 2001 par la cour d'assises de la Moselle ; que les autres demandes de l'intéressé ont été rejetées ;

Attendu que M. X... a régulièrement formé un recours contre cette décision le 12 octobre 2005, et a demandé des indemnités de 30 000 euros au titre de son préjudice matériel et de 25 000 euros au titre de son préjudice moral ;

Attendu que par conclusions du 2 février 2006 l'agent judiciaire du Trésor a conclu principalement à l'irrecevabilité du recours comme tardif et subsidiairement à son rejet ;

Attendu que l'avocat général a estimé pour sa part que le recours était recevable, qu'il pouvait être accueilli sur le préjudice matériel, dans la limite de l'indemnisation d'une perte de chance, mais a en revanche conclu à son rejet en ce qui concerne le préjudice moral ;

Attendu que, dans des conclusions en réponse déposées le 27 mars 2006, qui ont été notifiées le jour même à l'agent judiciaire du Trésor et au procureur général près la Cour de cassation par le secrétariat de la commission, M. X... a porté à 100 000 euros sa demande au titre du préjudice économique et a également demandé 1 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Sur la recevabilité du recours :

Attendu que, pour conclure à l'irrecevabilité du recours de M. X..., l'agent judiciaire du Trésor relève que celui-ci n'a pas été formé dans le délai de dix jours de la notification de la décision du premier président, contrairement à ce que prévoient les articles 149-3 et R. 40-4 du code de procédure pénale ; qu'il considère que le délai a couru dès lors que la notification a été faite au conseil du requérant, même si ce dernier n'en a pas été personnellement destinataire ;

Mais attendu que l'article R. 38 du code de procédure pénale dispose expressément que la décision du premier président est notifiée au demandeur et à l'agent judiciaire du Trésor, soit par remise d'une copie contre récépissé, soit par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ; que cette disposition est conforme au principe général posé par l'article 677 du nouveau code de procédure civile selon lequel les jugements sont notifiés aux parties elles-mêmes, étant rappelé qu'aux termes de l'article 149-4 du code de procédure pénale le premier président et la commission nationale statuent en tant que juridictions civiles ;

Attendu que, si la décision critiquée a été notifiée le 24 septembre 2005 au conseil du requérant, il n'est pas établi qu'elle l'ait été à M. X... lui-même ; que, dès lors, est recevable le recours formé par M. X... par déclaration du 12 octobre 2005, le délai fixé par l'article R. 38 du code de procédure pénale n'ayant pas commencé à courir ;

Sur le recours :

Vu les articles 149 et 150 du code de procédure pénale ;

Attendu qu'une indemnité est accordée à sa demande à la personne ayant fait l'objet d'une détention provisoire terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive ; que cette indemnité doit réparer intégralement le préjudice personnel, matériel et moral causé par la privation de liberté ;

Sur le préjudice matériel :

Attendu que, pour écarter toute indemnisation à ce titre, le premier président de la cour d'appel de Metz a retenu que l'intéressé ne produisait aucun justificatif de l'activité qu'il prétendait avoir exercé au moment de son incarcération et qu'il avait un parcours professionnel instable et aléatoire ;

Attendu que M. X... se prévaut d'une perte de chance de rechercher et retrouver un emploi en faisant valoir qu'il travaillait régulièrement dans l'entreprise Lucas à Bouzonville, par le biais de missions d'intérim ou de contrats à durée déterminée régulièrement renouvelés ou prorogés ; qu'il indique qu'il s'est trouvé dans une situation de surendettement consécutive à son arrestation et non résorbée à ce jour et que son épouse a dû dépenser son héritage pour subvenir à leurs besoins ;

Attendu qu'il convient de rappeler que l'article 149 du code de procédure pénale ne permet de réparer que le préjudice personnel subi par la personne injustement détenue, à l'exclusion de celui de ses proches, ce qui exclut la prise en compte de la perte de l'héritage de Mme Y... ;

Attendu qu'il n'est pas démontré, eu égard notamment à la date de souscription des principaux crédits non remboursés, que le surendettement de M. X... soit imputable exclusivement à son incarcération ;

Attendu, en revanche, qu'il résulte des pièces versées aux débats que l'intéressé accomplissait une mission d'opérateur en intérim pour l'entreprise Lucas lorsqu'il a été placé en détention et qu'il a travaillé de façon régulière et continue tout au long de l'année 1998, en qualité d'ouvrier spécialisé, avec un salaire mensuel moyen de 1 300 euros ; qu'il est également établi qu'il n'a retrouvé une activité qu'à la fin du mois de mai 2000 ; qu'il est donc fondé à invoquer une perte de chance de retrouver un emploi qui peut être qualifiée de très importante et qui doit être calculée sur la durée de la détention et sur le temps habituellement nécessaire pour trouver un emploi similaire, qui peut être fixé en l'espèce à six mois ; qu'il convient d'allouer à M. X... la somme de 24 200 euros en réparation de son préjudice économique ;

Attendu qu'il produit également une facture d'honoraires d'avocat en date du 12 décembre 1999 d'un montant de 4 824 francs qui peut être rattachée à la détention provisoire, contrairement aux autres factures qui concernent la procédure au fond ; qu'il y a lieu de lui allouer à ce titre une indemnité de 735,41 euros ;

Attendu qu'il y a lieu en conséquence d'accueillir le recours de M. X... au titre du préjudice matériel et de dire que celui-ci sera entièrement réparé par l'allocation d'une somme de 24 935,41 euros ;

Sur le préjudice moral :

Attendu que pour allouer à ce titre 18 000 euros à M. X... le premier président a pris en compte les traumatismes liés à l'incarcération ;

Attendu que M. X... indique qu'il a subi des conditions d'incarcération particulières liées au caractère sexuel des infractions qui lui ont été reprochées, qu'il a été régulièrement mis à l'écart et que son désarroi ressort des correspondances adressées régulièrement à sa compagne ;

Attendu qu'eu égard à ces éléments d'aggravation du préjudice, qui sont établis par les pièces du dossier, de l'âge de l'intéressé au moment de son placement en détention (26 ans) et de la durée de celle-ci (trois cent soixante-dix-sept jours), l'indemnité réparant intégralement le préjudice moral de M. X... doit être fixée à la somme de 23 000 euros ;

Que son recours sera donc également accueilli de ce chef ;

Sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile :

Attendu que pour des motifs liés à l'équité il y a lieu d'allouer à ce titre, au requérant, la somme de 1 000 euros ;

Par ces motifs :

DECLARE le recours formé par M. Fabrice X... recevable ;

ACCUEILLE partiellement le recours ;

ALLOUE à M. Fabrice X... la somme de 24 935,41 euros (vingt-quatre mille neuf cent trente-cinq euros et quarante et un centimes) au titre de son préjudice matériel et celle de 23 000 euros (vingt-trois mille euros) au titre de son préjudice moral ;

Lui ALLOUE la somme de 1 000 euros (mille euros) au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Autre
Numéro d'arrêt : 05-07.0
Date de la décision : 02/05/2006

Analyses

Dès lors que la décision critiquée n'a pas été notifiée au requérant lui-même mais seulement à son conseil, le délai fixé par l'article R. 38 du code de procédure pénale pour former recours n'a pas commencé à courir.

reparation a raison d'une detention - recours devant la commission nationale - déclaration de recours - délai - point de départ - notification de la décision - notification au requérant lui - même.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Metz, 2005-09-16


Publications
Proposition de citation : Cass. Autre, 02 mai. 2006, pourvoi n°05-07.0, Bull. civ.Publié au
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Publié au

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2006:05.07.0
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