INFIRMATION et REJET des recours formés par M. Afet X..., l'agent judiciaire du Trésor, contre la décision du premier président de la cour d'appel de Caen, en date du 26 juillet 2005 qui a alloué à M. Afet X... une indemnité de 5 666,92 euros au titre de son préjudice matériel et 9 680 euros au titre de son préjudice moral sur le fondement de l'article 149 du code de procédure pénale.
LA COMMISSION NATIONALE DE REPARATION DES DETENTIONS,
Attendu que par décision du 26 juillet 2005 le premier président de la cour d'appel de Caen a alloué à M. X... la somme de 5 666,92 euros au titre du préjudice matériel et celle de 9 680 euros au titre du préjudice moral subis à raison d'une détention de cent vingt et un jours effectuée du 13 juin 2003 au 11 octobre 2003 pour des faits ayant donné lieu à une ordonnance de non-lieu définitive du 3 mai 2004 ;
Attendu que M. X... et l'agent judiciaire du Trésor ont formé un recours régulier contre cette décision ;
Attendu que M. X... demande que son préjudice matériel soit porté à la somme de 7 475,30 euros et son préjudice moral à celle de 12 525 euros ; qu'il sollicite également 1 500 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Attendu que l'agent judiciaire du Trésor demande uniquement la réduction de l'indemnité allouée au requérant au titre de son préjudice moral ;
Attendu que l'avocat général conclut au rejet du recours de M. X... au titre du préjudice matériel et s'en remet à l'appréciation de la commission quant à l'évaluation du préjudice moral ;
Vu les articles 149 et 150 du code de procédure pénale ;
Attendu qu'une indemnité est accordée à sa demande à la personne ayant fait l'objet d'une détention provisoire terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive ; que cette indemnité doit réparer intégralement le préjudice personnel, matériel et moral causé par la privation de liberté ;
Sur le préjudice matériel :
Attendu que la somme allouée par le premier président comprend la perte de salaires, de cotisations de retraite ainsi que l'incidence de la détention sur le remboursement des crédits en cours ;
Attendu que la somme demandée par M. X... au titre de son préjudice financier soit 7 475,30 euros correspond exclusivement à quatre mois de salaire brut (6 036,96 euros), aux congés payés y afférents (603,70 euros), aux heures supplémentaires régulièrement effectuées calculées sur cette même période (758,76 euros) avec les congés payés correspondants (75,88 euros) ;
Attendu que si le requérant fait valoir que la somme de 20 euros qui lui a été accordée par le premier président ne couvre pas la totalité du préjudice résultant de ce qu'il a dû emprunter à des amis pour rembourser les mensualités d'un crédit à la consommation en cours et payer son loyer, ses conclusions ne contiennent pas d'évaluation chiffrée de ce préjudice matériel spécifique ; que dès lors le montant alloué ne peut être que confirmé ;
Attendu que l'agent judiciaire du Trésor fait valoir à juste titre qu'il convient d'indemniser M. X... sur la base de la rémunération qui lui était habituellement versée par son employeur, soit le salaire net, et qu'il résulte des bulletins de paie produits que la somme allouée par la décision critiquée (soit 5 183 euros) comprend déjà les heures supplémentaires habituellement effectuées ;
Attendu qu'il convient toutefois d'ajouter, à l'indemnité allouée par le premier président qui prend également en compte la perte de cotisations nécessaires à la constitution de points de retraite (soit 463,92 euros), et la somme de 20 euros précitée, les congés payés dus à raison de la période de détention soit 518,37 euros ;
Qu'il convient d'accueillir le recours et de dire que la somme de 6 185,29 euros constituera l'entière réparation du préjudice matériel de M. X... ;
Sur le préjudice moral :
Attendu que pour fixer ce chef de préjudice à la somme de 9 680 euros le premier président a retenu l'absence d'incarcération antérieure, l'éloignement de l'intéressé de son domicile, les conditions de la détention et les menaces dont il a fait l'objet pendant celle-ci, ainsi que les effets négatifs qu'elle a eu sur ses relations personnelles et professionnelles ;
Que le requérant estime cependant que la somme qui lui a été allouée n'est pas à la hauteur d'une telle analyse ;
Que l'agent judiciaire du Trésor, pour conclure à la réduction de l'indemnité soutient pour sa part que les conditions matérielles difficiles de la détention ne sont pas établies, que les menaces reçues par M. X... n'ont pas pesé sur celles-ci et que seules les difficultés imputables à l'incarcération, et non à la nature des poursuites, sont réparables au titre de l'article 149 du code de procédure pénale ;
Mais attendu que si l'altération des relations de l'intéressé paraît due principalement à la nature des faits qui lui étaient reprochés, s'agissant de proxénétisme, la surpopulation et les mauvaises conditions d'hygiène et de confort de la maison d'arrêt de Caen sont établies sans conteste par un rapport de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales du Calvados ; que si les menaces dont M. X... a fait l'objet sont liées à la nature de l'incrimination, il n'en demeure pas moins que dès lors qu'elles se sont exercées sur le lieu de détention elles ont été un facteur d'aggravation du préjudice moral ;
Attendu en conséquence que compte tenu de l'âge de M. X... au moment de son placement en détention (26 ans), de la durée de celle-ci (cent vingt et un jours), de l'absence d'emprisonnement antérieur, de l'éloignement de l'intéressé de sa famille, des mauvaises conditions de détention et des menaces subies lors de celle-ci, l'indemnité réparant intégralement le préjudice moral doit être fixée à la somme demandée soit 12 525 euros ;
Qu'il convient d'accueillir également le recours de M. X... de ce chef ;
Sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile :
Attendu que pour des motifs liés à l'équité, il y a lieu d'allouer au requérant, à ce titre, la somme de 1 000 euros ;
Par ces motifs :
ACCUEILLE le recours de M. Afet X... ;
Lui ALLOUE la somme de 6 185,29 euros (six mille cent quatre-vingt-cinq euros et vingt-neuf centimes) au titre de son préjudice matériel et celle de 12 525 euros (douze mille cinq cent vingt-cint euros) au titre de son préjudice moral ;
ALLOUE à M. Afet X... la somme de 1 000 euros (mille euros) au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
REJETTE le recours de l'agent judiciaire du Trésor.