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05/12/2005 | FRANCE | N°05-CRD-026

France | France, Cour de cassation, Commission reparation detention, 05 décembre 2005, 05-CRD-026


REJET du recours formé par l'agent judiciaire du Trésor, et INFIRMATION PARTIELLE sur le recours formé par Mme Myriam X..., épouse Y..., contre la décision du premier président de la cour d'appel de Montpellier en date du 24 mars 2005 qui a alloué à Mme Myriam X..., épouse Y..., une indemnité de 30 000 euros en réparation de son préjudice moral et une somme de 7 636,26 euros en réparation de son préjudice matériel sur le fondement de l'article 149 du Code de procédure pénale, outre celle de 1 500 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

LA C

OMMISSION NATIONALE DE REPARATION DES DETENTIONS,

Attendu que les part...

REJET du recours formé par l'agent judiciaire du Trésor, et INFIRMATION PARTIELLE sur le recours formé par Mme Myriam X..., épouse Y..., contre la décision du premier président de la cour d'appel de Montpellier en date du 24 mars 2005 qui a alloué à Mme Myriam X..., épouse Y..., une indemnité de 30 000 euros en réparation de son préjudice moral et une somme de 7 636,26 euros en réparation de son préjudice matériel sur le fondement de l'article 149 du Code de procédure pénale, outre celle de 1 500 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

LA COMMISSION NATIONALE DE REPARATION DES DETENTIONS,

Attendu que les parties dûment informées de ce que le conseiller rapporteur faisait partie de la composition de la chambre criminelle de la Cour de cassation ayant statué sur le recours en révision ont accepté que l'affaire soit débattue devant la Commission ainsi composée ;

Attendu que, par décision du 24 mars 2005, le premier président de la cour d'appel de Montpellier a alloué à Mme Y... les sommes de 30 000 euros en indemnisation de son préjudice moral et de 7 636,26 euros en indemnisation de son préjudice matériel, à la suite de l'arrêt de la Cour de cassation statuant comme Cour de révision, en date du 16 septembre 2003, qui a annulé la condamnation prononcée à son encontre, le 16 mars 1996, à la peine de quatre mois d'emprisonnement avec sursis pour dénonciation calomnieuse ;

Attendu que l'agent judiciaire du Trésor et Mme Y... ont régulièrement formé un recours contre cette décision ; que l'agent judiciaire du Trésor sollicite la réduction des indemnités accordées en réparation des préjudices moral et matériel ; que Mme Y... demande que son préjudice moral soit évalué à 200 000 euros, son préjudice corporel à 10 000 euros et son préjudice matériel à 10 466,66 euros ;

Vu les articles 149-2 à 149-4 et 626 du Code de procédure pénale ;

Attendu qu'aux termes du dernier des textes visés, un condamné reconnu innocent a droit à la réparation intégrale du préjudice matériel et moral que lui a occasionné la condamnation ; que cette réparation peut-être accordée par le premier président de la cour d'appel suivant la procédure prévue pour l'indemnisation des personnes ayant fait l'objet d'une détention terminée à leur égard par une décision de non-lieu, relaxe ou acquittement devenue définitive ;

Sur les préjudices moral et corporel :

Attendu que Mme Y... avait dénoncé aux autorités de gendarmerie, des faits d'agressions sexuelles dont ses nièces étaient victimes de la part du concubin de leur mère ; qu'elle a été condamnée pour dénonciation calomnieuse, alors que, trois ans plus tard, la mère des enfants ayant dénoncé ces faits, leur auteur était condamné ultérieurement à une peine criminelle ;

Attendu que, pour fixer à la somme de 30 000 euros le préjudice moral de Mme Y..., l'ordonnance attaquée retient que sa souffrance, née des poursuites initiées à son encontre, s'est poursuivie jusqu'à la reconnaissance de l'erreur judiciaire intervenue plus de huit années plus tard ; que sa condamnation a accru son isolement familial et que sa réputation, dans son village, a été durement atteinte, d'autant qu'elle a été condamnée à indemniser celui qui se prétendait être sa victime ; que, par ailleurs le sentiment d'injustice ressenti était d'autant plus important qu'elle avait accompli son devoir de citoyenne en portant à la connaissance des autorités compétentes des faits réels ; que la décision a également retenu que la dégradation de son état de santé était, pour partie, liée à ces circonstances ;

Attendu que l'agent judiciaire du Trésor fait valoir que la situation de Mme Y... ne saurait être comparée à celle des accusés au " procès d'Outreau " à laquelle elle fait référence dans ses écritures et que ses difficultés de santé existaient dès avant sa condamnation ;

Attendu que Mme Y... fait part et décrit le sentiment de doute ressenti lors de sa condamnation, l'isolement tant familial que social dont elle a été victime pendant toutes ces années, la souffrance ressentie du fait que, ses déclarations ayant été qualifiées de mensongères, les faits dénoncés, dont ses nièces étaient victimes, se sont poursuivis et amplifiés pendant plusieurs années ; qu'elle justifie, par la production de certificats médicaux, de la dégradation de son état de santé qui s'en est suivie ;

Attendu que c'est par des motifs pertinents qu'il convient d'adopter que le premier président a caractérisé le préjudice moral de Mme Y... ; qu'il y a cependant lieu de tenir également compte de la dégradation de son état de santé, en relation avec l'épreuve qu'elle a traversée pendant les huit années séparant les poursuites initiées à son encontre du jour de la décision de la Cour de cassation et la souffrance ressentie du fait de la persistance des agissements criminels à l'égard de ses jeunes nièces qu'elle se trouvait dans l'incapacité de faire cesser ; qu'au vu de ces éléments son préjudice moral, incluant celui résultant de la dégradation de son état de santé, doit être réparé par l'allocation de la somme de 45 000 euros, sans que Mme Y... puisse utilement se référer aux indemnisations accordées aux personnes acquittées lors du procès d'Outreau qui ont fait l'objet d'une détention injustifiée et qui ne se trouvaient pas dans une situation comparable ;

Sur le préjudice matériel :

Attendu que le premier président a estimé que le préjudice matériel subi par Mme Y... s'élevait à la somme de 7 636,26 euros et était constitué par les honoraires réglés à son avocat pour sa défense tant devant le tribunal correctionnel que devant la cour d'assises, par des frais de représentation et de déplacement dans le cadre de la procédure de révision, et par le montant des dommages et intérêts versés à la partie civile en exécution de la décision de condamnation pour dénonciation calomnieuse ainsi que les intérêts depuis le 4 novembre 1996 ; qu'il a en revanche écarté des factures d'avocat ne concernant pas cette procédure et celles relatives au service d'une association " point rencontre " ;

Attendu que l'agent judiciaire du Trésor critique la décision rendue en ce qu'elle a accordé le remboursement de la somme versée à la partie civile assortie des intérêts au taux légal entre 1996 et 2004 ainsi que les frais d'avocat engagés pour son assistance devant la cour d'assises ; il conclut au rejet des demandes de Mme Y... tendant à obtenir le remboursement des frais engagés auprès de l'association " point rencontre " et ceux relatifs à une plainte déposée à l'encontre de sa soeur ;

Attendu qu'à l'audience, Mme Y... a conclu à la confirmation de la décision du premier président ;

Attendu que c'est à bon droit et par des motifs qu'il convient d'adopter que le premier président a fixé à 7 636,26 euros l'indemnité réparant les préjudices matériels découlant directement de la condamnation prononcée puis annulée ; que les frais de défense occasionnés devant la cour d'assises ayant jugé les faits dénoncés par la requérante ont été justement retenus par la décision attaquée dès lors que Mme Y... condamnée pour dénonciation calomnieuse se devait d'être présente à cette audience qui, pour elle était de nature à conforter son innocence ; que les intérêts échus sur la somme que Mme Y... justifie avoir versée à la partie civile en exécution du jugement de condamnation, doivent être accordés à titre de dommages et intérêts en indemnisation de la privation de jouissance de cette somme entre 1996 et 2004 ; qu'en conséquence, la décision déférée doit être confirmée de ce chef ;

Sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile :

Attendu que pour des raisons d'équité il convient d'allouer à Mme Y... une somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de la présente instance ;

Par ces motifs :

REJETTE le recours de l'agent judiciaire du Trésor ;

ACCUEILLE partiellement le recours de Mme Myriam X..., épouse Y..., et statuant à nouveau ;

Lui ALLOUE la somme de 45 000 euros (quarante-cinq mille euros) au titre de son préjudice moral et corporel.


Synthèse
Formation : Commission reparation detention
Numéro d'arrêt : 05-CRD-026
Date de la décision : 05/12/2005
Sens de l'arrêt : Rejet et infirmation partielle

Analyses

1° REVISION - Réparation du préjudice causé par la condamnation - Préjudice - Préjudice moral - Dégradation de l'état de santé.

1° Un condamné reconnu innocent a droit, sur le fondement de l'article 626 du Code de procédure pénale, à la réparation du préjudice résultant de la dégradation de son état de santé en relation avec l'épreuve qu'il a traversée pendant les années séparant les poursuites dont il a fait l'objet et l'arrêt de la Cour de révision annulant sa condamnation.

2° REVISION - Réparation du préjudice causé par la condamnation - Préjudice - Préjudice matériel - Frais d'avocat.

2° Doit être réparé le préjudice matériel résultant des frais d'avocat engagés par le demandeur devant le tribunal qui a prononcé sa condamnation pour dénonciation calomnieuse, devant la Cour de révision qui a annulé le jugement et devant la cour d'assises qui a jugé les faits qu'il avait dénoncés à bon droit.

3° REVISION - Réparation du préjudice causé par la condamnation - Préjudice - Préjudice matériel - Dommages-intérêts versés à la partie civile.

3° Doit être réparé le préjudice matériel résultant du paiement des dommages et intérêts que le demandeur a dû verser à la partie civile en exécution du jugement de condamnation, ainsi que des intérêts échus, en indemnisation de la privation de jouissance de cette somme.


Références :

3° :
Code de procédure pénale 149-2 à 149-4, 626

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 24 mars 2005

Sur le n° 1 : A rapprocher : Commission nationale de réparation des détentions, 2004-06-11, Bulletin criminel, n° 5, p. 12 (irrecevabilité et infirmation partielle).


Publications
Proposition de citation : Cass. Commission reparation detention, 05 déc. 2005, pourvoi n°05-CRD-026, Bull. civ. criminel 2005 CNRD N° 15 p. 63
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles criminel 2005 CNRD N° 15 p. 63

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Gueudet
Avocat général : Avocat général : M. Charpenel.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Gailly.
Avocat(s) : Avocats : Me Nicolau, Me Couturier-Heller.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:05.CRD.026
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