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05/12/2005 | FRANCE | N°05-01.7

France | France, Cour de cassation, Autre, 05 décembre 2005, 05-01.7


INFIRMATION PARTIELLE sur le recours formé par M. Jésus X..., contre la décision du premier président de la cour d'appel de Montpellier en date du 24 mars 2005 qui lui a alloué une indemnité de 22 000 euros sur le fondement de l'article 149 du Code de procédure pénale.



LA COMMISSION NATIONALE DE REPARATION DES DETENTIONS,


Attendu que par décision du 24 mars 2005 le premier président de la cour d'appel de Montpellier a alloué à M. X... une indemnité de 22 000 euros en réparation du préjudice moral résultant d'une détention de trente-deux mois effectuÃ

©e du 30 juin 1995 au 14 mars 1997 puis du 9 février 2003 au 27 janvier 2004 pour des ...

INFIRMATION PARTIELLE sur le recours formé par M. Jésus X..., contre la décision du premier président de la cour d'appel de Montpellier en date du 24 mars 2005 qui lui a alloué une indemnité de 22 000 euros sur le fondement de l'article 149 du Code de procédure pénale.

LA COMMISSION NATIONALE DE REPARATION DES DETENTIONS,

Attendu que par décision du 24 mars 2005 le premier président de la cour d'appel de Montpellier a alloué à M. X... une indemnité de 22 000 euros en réparation du préjudice moral résultant d'une détention de trente-deux mois effectuée du 30 juin 1995 au 14 mars 1997 puis du 9 février 2003 au 27 janvier 2004 pour des faits qui, après une première condamnation par contumace à la peine de trente ans de réclusion criminelle, ont donné lieu à une décision de relaxe prononcée le 27 janvier 2004 par la cour d'assises spéciale des Pyrénées Orientales ;

Que le premier président a en revanche rejeté la demande de l'intéressé au titre d'un préjudice matériel ;

Attendu que M. X... a régulièrement formé un recours contre cette décision le 7 avril 2005 pour obtenir une indemnité de 90 000 euros au titre de son préjudice moral et de 10 000 euros au titre de son préjudice matériel ;

Vu les articles 149 à 150 du Code de procédure pénale ;

Attendu qu'une indemnité est accordée à sa demande à la personne ayant fait l'objet d'une détention provisoire terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive ; que cette indemnité doit réparer intégralement le préjudice personnel, matériel et moral causé par la privation de liberté ;

Sur le préjudice matériel :

Attendu que pour rejeter la demande de M. X... à ce titre le premier président a relevé que l'intéressé ne produisait aucun élément relatif à sa situation professionnelle et aux revenus qu'il percevait au moment de son placement en détention ; qu'il ressortait de la procédure pénale que depuis 1990 il vivait en exerçant de manière " occulte " une activité de revente de véhicules automobiles, activité illicite qui ne pouvait servir de fondement à une indemnisation, le projet d'achat d'un restaurant n'étant pas davantage étayé par une démarche concrète ;

Attendu qu'à l'appui de son recours M. X... soutient qu'il a toujours travaillé et que la détention lui a fait perdre une chance certaine de retrouver un emploi stable ;

Attendu que l'agent judiciaire du Trésor conclut au rejet de ce recours en faisant observer que l'intéressé n'apporte à la Commission aucun élément de preuve supplémentaire de sa situation professionnelle au moment de son incarcération, avis partagé par l'avocat général ;

Attendu que l'intéressé, qui perçoit actuellement le RMI, justifie d'une activité professionnelle de chauffeur-livreur qui remonte aux années 1979 à 1988 ; qu'il ne produit pas la moindre justification de la recherche d'un emploi depuis cette époque, ni davantage depuis sa remise en liberté ; qu'il n'établit pas non plus la réalité de son projet d'achat d'un restaurant ; qu'il ressort de ses auditions au cours de la procédure pénale qu'il a retiré en 1994 environ 250 000 francs de la vente de véhicules immatriculés à son nom ou à celui de sa compagne ainsi que 23 000 francs de la vente d'un bateau et que les ressources du ménage provenaient du salaire de celle-ci et des allocations familiales ; que la concubine de M. X... a pour sa part déclaré qu'elle n'était pas au courant de ses activités essentiellement nocturnes ; qu'il convient dans ces conditions de confirmer la décision du premier président rejetant toute indemnisation au titre du préjudice matériel, faute pour le requérant de justifier de la moindre perte de chance, du fait de sa détention, de retrouver un emploi qu'il n'a jamais effectivement recherché depuis 1988 jusqu'à ce jour ;

Attendu qu'il y a lieu, en conséquence, de rejeter son recours à ce titre ;

Sur le préjudice moral :

Attendu que pour allouer à M. X... une somme de 22 000 euros le premier président a tenu compte du fait que l'intéressé a été tenu à l'isolement puis éloigné de sa famille et que la seconde période de détention, alors qu'il était condamné par contumace à une lourde peine, a été source de crises d'angoisse et plus difficile à supporter ; que le premier président a également retenu que l'univers carcéral ne lui était pas étranger du fait d'un emprisonnement antérieur et qu'il avait concouru à son dommage en s'enfuyant après avoir été placé sous contrôle judiciaire ;

Attendu qu'à l'appui de son recours M. X... évoque des conditions de détention particulièrement pénibles, sans commune mesure avec la peine purgée antérieurement pour escroquerie, et insiste sur le fait que le choc moral a été encore plus important lorsqu'il a été réincarcéré compte tenu de la durée de la peine qui lui avait été infligée et du contrôle particulièrement strict auquel il a été soumis ; qu'il fait enfin état de l'atteinte portée à sa notoriété par les journaux qui l'ont présenté comme un trafiquant notoire dans la région ;

Attendu que l'agent judiciaire du Trésor et l'avocat général concluent à la confirmation de la décision attaquée, estimant que tous les facteurs énoncés par M. X... ont été pris en compte par le premier président et que l'intéressé ne saurait se prévaloir d'une perte d'espoir lié à l'importance d'une condamnation par contumace résultant de sa décision de fuir à l'étranger ;

Attendu tout d'abord que l'article 149 du Code de procédure pénale ne répare que le préjudice moral et matériel causé par la détention ; qu'il s'ensuit que n'entrent pas dans le champ d'application de ces dispositions spécifiques les dommages résultant de la publication d'articles de presse mettant en cause le demandeur, même s'ils relatent son arrestation, sa mise en détention et son incarcération ;

Mais attendu en revanche que l'article 149 du Code de procédure pénale institue, pour les détentions subies, un principe de réparation intégrale, sous certaines exceptions limitativement énumérées parmi lesquelles ne figure pas la violation des obligations d'un contrôle judiciaire ; que la soustraction volontaire de l'intéressé à ses obligations, même si elle a été sanctionnée par une condamnation par contumace au maximum de la peine encourue pour les faits incriminés, ne peut être regardée comme une faute de nature à influer sur le principe et le montant du droit à la réparation qui est due dès lors que la procédure s'est terminée par une décision d'acquittement devenue définitive ; que la décision critiquée sera réformée en ce qu'elle retient comme facteur d'atténuation du préjudice la fuite de l'intéressé à l'étranger, en violation des obligations du contrôle judiciaire ;

Attendu au surplus que le choc psychologique subi par M. X..., outre qu'il s'est trouvé aggravé par l'éloignement de sa famille et les mesures d'isolement et de surveillance renforcée dont il a fait l'objet à chacune de ses incarcérations successives, a été encore accentué lors de la seconde période de détention par l'importance de la peine prononcée, ce qui s'est manifesté par des crises d'angoisse ; que dans ces conditions, son préjudice moral n'a pas pu être amoindri par une incarcération antérieure subie à l'occasion d'une procédure correctionnelle ;

Qu'il y a lieu en conséquence d'accueillir le recours de ce chef, de réformer la décision entreprise et de fixer à 45 000 euros l'indemnité réparant intégralement le préjudice causé à M. X..., alors âgé de trente-huit ans, par une détention injustifiée de neuf cent soixante jours ;

Par ces motifs :

ACCUEILLE le recours de M. Jésus X... au titre de son préjudice moral et statuant à nouveau ;

Lui ALLOUE à ce titre la somme de 45 000 euros (quarante-cinq mille euros) ;

REJETTE le recours au titre du préjudice matériel.


Synthèse
Formation : Autre
Numéro d'arrêt : 05-01.7
Date de la décision : 05/12/2005

Analyses

L'article 149 du Code de procédure pénale ne réparant que le préjudice moral et matériel causé par la détention, les dommages résultant de la publication d'articles de presse mettant en cause le demandeur, même s'ils relatent son arrestation, sa mise en détention et son incarcération, n'entrent pas dans son champ d'application.

reparation a raison d'une detention - préjudice - indemnisation - conditions - préjudice direct - dommage résultant de la publication d'articles de presse mettant en cause le demandeur (non) - préjudice moral - appréciation - critères - bénéfice - exclusion - cas - violation des obligations du contrôle judiciaire (non).


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 2005-03-24


Publications
Proposition de citation : Cass. Autre, 05 déc. 2005, pourvoi n°05-01.7, Bull. civ.Publié au
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Publié au

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:05.01.7
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