La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/10/2005 | FRANCE | N°04-CRD032

France | France, Cour de cassation, Commission reparation detention, 21 octobre 2005, 04-CRD032


REJET du recours formé par l'agent judiciaire du Trésor et INFIRMATION PARTIELLE sur le recours formé par Mme Sonia X..., contre la décision du premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 29 juin 2004 qui lui a alloué une indemnité de 1 800 euros au titre de son préjudice moral sur le fondement de l'article 149 du Code de procédure pénale.

LA COMMISSION NATIONALE DE REPARATION DES DETENTIONS,

Attendu que, par décision du 29 juin 2004, le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence a alloué à Mme Sonia X... une somme de 1 800 euros en

réparation de son préjudice moral et a rejeté la demande présentée au ti...

REJET du recours formé par l'agent judiciaire du Trésor et INFIRMATION PARTIELLE sur le recours formé par Mme Sonia X..., contre la décision du premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 29 juin 2004 qui lui a alloué une indemnité de 1 800 euros au titre de son préjudice moral sur le fondement de l'article 149 du Code de procédure pénale.

LA COMMISSION NATIONALE DE REPARATION DES DETENTIONS,

Attendu que, par décision du 29 juin 2004, le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence a alloué à Mme Sonia X... une somme de 1 800 euros en réparation de son préjudice moral et a rejeté la demande présentée au titre du préjudice matériel, en raison d'une détention provisoire effectuée du 14 avril au 31 mai 2001, soit quarante-six jours, pour des faits ayant donné lieu à un jugement de relaxe devenu définitif ;

Attendu que Mme X... et l'agent judiciaire du Trésor ont régulièrement formé un recours contre cette décision ; que Mme X... sollicite le paiement d'une somme globale de 10 000 euros en réparation de son préjudice matériel et moral ; que l'agent judiciaire du Trésor se désiste de son recours sur le préjudice moral mais conclut au rejet de la demande formée au titre du préjudice matériel ; que le procureur général conclut au rejet de la demande en réparation du préjudice matériel et à la réduction de l'indemnité accordée au titre du préjudice moral ;

Vu les articles 149 à 150 du Code de procédure pénale ;

Attendu qu'une indemnité est accordée, à sa demande, à la personne ayant fait l'objet d'une détention provisoire terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive ; que, selon l'article 149 précité, l'indemnité est allouée en vue de réparer intégralement le préjudice personnel, matériel et moral causé par la privation de liberté ;

Sur la réparation du préjudice matériel :

Attendu que, pour justifier le rejet de la demande en réparation du préjudice matériel, le premier président a estimé que seule une absence de quatre jours de la requérante au cours de sa formation de vendeuse avait été provoquée par l'incarcération et qu'il n'était pas établi qu'elle lui avait fait perdre une chance de bénéficier d'une embauche ;

Attendu que Mme X... fait valoir que sa santé a été détériorée par l'incarcération qu'elle a subie et que la souffrance qui en est résultée l'a empêchée de suivre la formation qu'elle avait entamée et de trouver, par la suite, un emploi ; qu'elle produit une facture d'honoraires d'avocat d'un montant de 5 980 euros dont elle sollicite le paiement ;

Attendu que l'agent judiciaire du Trésor considère que Mme X... ne rapporte la preuve ni du préjudice matériel qu'elle allègue ni de l'existence d'un lien entre ses troubles psychologiques et la détention ; qu'il estime que la facture relative aux frais d'avocat, qui n'a pas été établie conformément aux prescriptions réglementaires, ne peut donner lieu à réparation ;

Attendu que Mme X..., qui devait suivre une formation professionnelle, était convoquée pour des entretiens et des tests du 2 au 13 avril 2001 ; qu'elle ne s'y est pas présentée alors qu'elle n'était pas, à cette date, détenue ; que si l'incarcération lui a bien interdit de se rendre à la deuxième session, organisée du 17 au 27 avril 2001, elle ne l'a pas empêchée de commencer une formation de vendeuse du 2 au 11 juillet que la requérante a ensuite interrompue, sans explication particulière ; que les circonstances n'établissent pas l'existence de la perte de chance alléguée ;

Attendu que le remboursement des frais engagés au titre de la défense, notamment des honoraires versés à un avocat, ne peut concerner que les prestations directement liées à la privation de liberté ; qu'il appartient au demandeur d'en justifier par la production de factures ou du compte nécessairement établi par son défenseur avant tout paiement définitif d'honoraires, en application de l'article 245 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 détaillant les démarches liées à la détention, en particulier les visites à l'établissement pénitentiaire et les diligences effectuées pour la faire cesser par des demandes de mise en liberté ; qu'en l'espèce la facture versée par Mme X... ne satisfait pas à ces exigences ; qu'aucune indemnité ne peut donc lui être allouée de ce chef ;

Sur la réparation du préjudice moral :

Attendu que pour limiter à 1 800 euros la somme accordée en réparation du préjudice moral, le premier président a pris en compte l'incarcération précédemment subie par Mme X... ainsi que la faible durée de la présente détention ;

Attendu qu'il résulte des pièces produites, et notamment des certificats médicaux du 28 mai et du 20 septembre 2001, que Mme X... est rentrée à la maison d'arrêt dans un état de fragilité et de souffrance morales que l'incarcération n'a pu qu'aggraver et ceci, quelle que soit la réalité des menaces et des violences dont elle prétend avoir été la victime pendant sa détention ; qu'elle a également douloureusement ressenti la séparation d'avec sa petite fille de six ans ; que le choc carcéral qu'elle a éprouvé n'a pas été amoindri par la précédente détention d'une durée d'un mois qu'elle a subie cinq années auparavant ; qu'il convient, compte tenu de ces élément, de fixer à 4 600 euros l'indemnité réparatrice du préjudice moral ;

Par ces motifs :

DONNE ACTE à l'agent judiciaire du Trésor du désistement de son recours sur le préjudice moral ;

REJETTE son recours pour le surplus ;

ACCUEILLE le recours de Mme Sonia X... concernant le préjudice moral et statuant à nouveau ;

Lui ALLOUE la somme de 4 600 euros (quatre mille six cents euros) en réparation de ce préjudice ;

REJETTE son recours pour le surplus.


Synthèse
Formation : Commission reparation detention
Numéro d'arrêt : 04-CRD032
Date de la décision : 21/10/2005
Sens de l'arrêt : Rejet et infirmation

Analyses

REPARATION A RAISON D'UNE DETENTION - Préjudice - Préjudice moral - Appréciation - Critères.

Le choc carcéral éprouvé par une personne qui a fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive n'est pas amoindri par une précédente incarcération, d'une durée d'un mois, subie cinq années auparavant.


Références :

Code de procédure pénale 149, 150

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 29 juin 2004

A rapprocher : Com. nat. de réparation des détentions, 2005-01-17, Bulletin criminel 2005, n° 1, p. 1 (irrecevabilité et infirmation partielle) ; Com. nat. de réparation des détentions, 2005-10-21, Bulletin criminel 2005, n° 10, p. 40 (infirmation partielle). Evolution par rapport à : Com. nat. de réparation des détentions, 2003-04-04, Bulletin criminel 2003, n° 5, p. 10 (infirmation partielle).


Publications
Proposition de citation : Cass. Commission reparation detention, 21 oct. 2005, pourvoi n°04-CRD032, Bull. civ. criminel 2005 CNRD N° 11 p. 44
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles criminel 2005 CNRD N° 11 p. 44

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Gueudet
Avocat général : Avocat général : M. Charpenel.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Chaumont.
Avocat(s) : Avocats : Me Capron, Me Couturier-Heller.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:04.CRD032
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award