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21/10/2005 | FRANCE | N°04-CRD001

France | France, Cour de cassation, Commission reparation detention, 21 octobre 2005, 04-CRD001


INFIRMATION PARTIELLE sur le recours formé par M. El Hassan X..., contre la décision du premier président de la cour d'appel d'Amiens en date du 2 novembre 2004 qui lui a alloué une indemnité de 15 000 euros sur le fondement de l'article 149 du Code de procédure pénale.

LA COMMISSION NATIONALE DE REPARATION DES DETENTIONS,

Attendu que, par décision du 2 novembre 2004, le premier président de la cour d'appel d'Amiens a alloué à M. El Hassan X... une somme de 15 000 euros en réparation de son préjudice moral et a rejeté la demande présentée au titre du préjudice ma

tériel, en raison d'une détention provisoire effectuée du 22 septembre 1999 ...

INFIRMATION PARTIELLE sur le recours formé par M. El Hassan X..., contre la décision du premier président de la cour d'appel d'Amiens en date du 2 novembre 2004 qui lui a alloué une indemnité de 15 000 euros sur le fondement de l'article 149 du Code de procédure pénale.

LA COMMISSION NATIONALE DE REPARATION DES DETENTIONS,

Attendu que, par décision du 2 novembre 2004, le premier président de la cour d'appel d'Amiens a alloué à M. El Hassan X... une somme de 15 000 euros en réparation de son préjudice moral et a rejeté la demande présentée au titre du préjudice matériel, en raison d'une détention provisoire effectuée du 22 septembre 1999 au 4 janvier 2001, soit quatre cent soixante-deux jours, pour des faits ayant donné lieu à un arrêt d'acquittement devenu définitif ;

Attendu que M. El Hassan X... a régulièrement formé un recours contre cette décision aux fins d'obtenir le paiement des sommes de 30 000 euros au titre du préjudice moral et 6 300 euros au titre du préjudice matériel ;

Que l'agent judiciaire du Trésor et le procureur général concluent à la confirmation de la décision entreprise ;

Vu les articles 149 à 150 du Code de procédure pénale ;

Attendu qu'une indemnité est accordée, à sa demande, à la personne ayant fait l'objet d'une détention provisoire terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive ; que, selon l'article 149 précité, l'indemnité est allouée en vue de réparer intégralement le préjudice personnel, matériel et moral causé par la privation de liberté ;

Sur la réparation du préjudice matériel :

Attendu que, pour refuser de faire droit à la demande présentée par M. El Hassan X... au titre du préjudice matériel, le premier président relève que celui-ci ne prouve pas avoir obtenu le contrat emploi solidarité pour lequel sa candidature avait été retenue avant son incarcération et qu'il n'établit pas que les frais d'avocat dont il sollicite le paiement sont liés à la détention provisoire ;

Attendu qu'à l'appui de sa demande M. X... fait valoir que, s'il n'a pu commencer à exécuter, le 4 octobre 1999, le contrat emploi solidarité qui lui avait été promis, c'est uniquement en raison de son placement sous mandat de dépôt quinze jours auparavant ; qu'il estime qu'il a perdu une chance de percevoir des ressources qui doit être indemnisée sur la base du salaire qu'il aurait dû percevoir, soit 427,41 euros pendant trois mois ; que, s'agissant de la facture d'honoraires, d'un montant de 4 800 euros il affirme qu'elle ne concerne que les frais liés au contentieux de la liberté ;

Attendu que l'agent judiciaire du Trésor soutient que M. X... ne rapporte pas la preuve qu'il a produit, à la date qui lui avait été impartie, les documents nécessaires à l'établissement de son contrat de travail ni qu'il a conclu celui-ci ; qu'il estime que la facture d'avocat, établie pour les besoins de la présente procédure, ne répond pas aux exigences de l'article 245 du décret du 27 novembre 1991 ;

Attendu que M. El Hassan X... verse aux débats une lettre de l'association Braséro du 29 juillet 1999 qui fait référence à l'essai effectué le 26 juillet au sein de l'atelier de peinture sur bois et qui l'informe que sa candidature a été retenue pour un contrat emploi solidarité d'une durée de trois mois à compter du 4 octobre 1999 ; qu'il s'en déduit que, si le demandeur n'avait pas été incarcéré le 22 septembre 1999, il aurait eu une chance sérieuse d'effectuer ce travail et de percevoir le salaire qui lui avait été indiqué, nonobstant l'absence de signature du contrat à cette date ; qu'il convient en conséquence de lui allouer une somme de 800 euros en réparation du préjudice qui résulte de cette perte de chance ;

Attendu que, s'agissant des frais d'avocat, M. X... produit une facture d'honoraires établie le 11 mars 2004, qui a été acquittée, et qui détaille les différentes prestations effectuées, relatives aux demandes de mise en liberté ; que cette pièce est corroborée par l'examen des six arrêts de la chambre de l'instruction, lesquels font état soit de la présence du conseil du demandeur, Me Delarue, soit d'un dépôt de mémoire par ce dernier ; que, dans ces conditions, le montant des frais d'avocat directement occasionnés par la détention provisoire doit être évalué à 4 800 euros ;

Sur la réparation du préjudice moral :

Attendu que, pour limiter à 15 000 euros l'indemnité accordée au titre du préjudice moral, le premier président a pris en compte les précédentes incarcérations subies par M. X... ;

Attendu que le demandeur souligne que l'incarcération l'a empêché de voir ses trois jeunes enfants et de maintenir un lien affectif avec eux ; qu'il affirme que la souffrance psychologique qu'il a endurée n'a pas été amoindrie par les incarcérations antérieures ;

Attendu que l'agent judiciaire du Trésor prétend que les relations entre le demandeur et ses enfants, qui étaient placés, étaient déjà distendues ; qu'il approuve la prise en compte, par le premier président, des détentions précédentes et considère que les troubles psychologiques allégués ne sont pas démontrés ;

Attendu que M. X... était âgé de trente ans au moment de son incarcération ; que la visite, pendant sa détention, de ses trois jeunes enfants établit l'existence de liens familiaux qui ont été temporairement rompus ; que le rapport du docteur M..., médecin psychiatre, qui a examiné le demandeur peu après sa remise en liberté, fait état de la souffrance morale causée par la détention même s'il ne note pas de syndrome dépressif ; que les incarcérations précédentes, subies à l'occasion de procédures correctionnelles, n'ont pas amoindri le choc psychologique enduré par M. X... en raison de l'importance de la peine encourue pour un crime dont il se savait innocent ; qu'au regard de ces éléments, il convient de fixer à 23 000 euros l'indemnité réparant l'intégralité de son préjudice moral ;

Par ces motifs :

ACCUEILLE partiellement le recours de M. El Hassan X... et statuant à nouveau ;

Lui ALLOUE les sommes de 5 600 euros (cinq mille six cents euros) en réparation de son préjudice matériel et 23 000 euros (vingt-trois mille euros) en réparation de son préjudice moral ;

REJETTE le recours pour le surplus.


Synthèse
Formation : Commission reparation detention
Numéro d'arrêt : 04-CRD001
Date de la décision : 21/10/2005
Sens de l'arrêt : Infirmation partielle

Analyses

REPARATION A RAISON D'UNE DETENTION - Préjudice - Préjudice moral - Appréciation - Critères.

Le choc psychologique enduré par une personne en raison de l'importance de la peine encourue pour un crime dont elle se savait innocente n'est pas amoindri par des incarcérations antérieures subies à l'occasion de procédures correctionnelles.


Références :

Code de procédure pénale 149, 150

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 02 novembre 2004

A rapprocher : Com. nat. de réparation des détentions, 2005-01-17, Bulletin criminel 2005, n° 1, p. 1 (irrecevabilité et infirmation partielle) ; Com. nat. de réparation des détentions, 2005-10-21, Bulletin criminel 2005, n° 11, p. 44 (infirmation partielle et rejet). Evolution par rapport à : Com. nat. de réparation des détentions, 2003-04-04, Bulletin criminel 2003, n° 5, p. 10 (infirmation partielle).


Publications
Proposition de citation : Cass. Commission reparation detention, 21 oct. 2005, pourvoi n°04-CRD001, Bull. civ. criminel 2005 CNRD N° 10 p. 40
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles criminel 2005 CNRD N° 10 p. 40

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Gueudet
Avocat général : Avocat général : M. Charpenel.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Chaumont.
Avocat(s) : Avocats : Me Berriah, Me Couturier-Heller.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:04.CRD001
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