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23/09/2005 | FRANCE | N°04-CRD-056

France | France, Cour de cassation, Commission reparation detention, 23 septembre 2005, 04-CRD-056


INFIRMATION PARTIELLE sur les recours formés par M. Mohamed X..., M. l'agent judiciaire du Trésor, contre la décision du premier président de la cour d'appel de Versailles en date du 19 novembre 2004 qui lui a alloué une indemnité de 35 000 euros sur le fondement de l'article 149 du Code de procédure pénale et une somme de 800 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

LA COMMISSION NATIONALE DE REPARATION DES DETENTIONS,

Attendu que, par décision du 19 novembre 2004, le premier président de la cour d'appel de Versailles a alloué à M.

X... une somme de 35 000 euros en réparation du préjudice moral à raison...

INFIRMATION PARTIELLE sur les recours formés par M. Mohamed X..., M. l'agent judiciaire du Trésor, contre la décision du premier président de la cour d'appel de Versailles en date du 19 novembre 2004 qui lui a alloué une indemnité de 35 000 euros sur le fondement de l'article 149 du Code de procédure pénale et une somme de 800 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

LA COMMISSION NATIONALE DE REPARATION DES DETENTIONS,

Attendu que, par décision du 19 novembre 2004, le premier président de la cour d'appel de Versailles a alloué à M. X... une somme de 35 000 euros en réparation du préjudice moral à raison d'une détention provisoire d'une durée de neuf cent soixante-quatre jours, effectuée du 15 mars 2001 au 19 novembre 2003 ;

Attendu que M. X... et l'agent judiciaire du Trésor ont régulièrement formé un recours contre cette décision ; que M. X... sollicite, une somme de 38 533,68 euros au titre de son préjudice matériel et 500 000 euros en indemnisation de son préjudice moral ; que l'agent judiciaire sollicite la réduction de l'indemnité accordée en réparation du préjudice moral et conclut au rejet de la demande présentée par M. X... au titre du préjudice matériel ;

Vu les articles 149 à 150 du Code de procédure pénale ;

Attendu qu'une indemnité est accordée, à sa demande, à la personne ayant fait l'objet d'une détention provisoire terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive ; que, selon l'article 149 précité, l'indemnité est allouée en vue de réparer intégralement le préjudice personnel, matériel et moral causé par la privation de liberté ;

Sur le préjudice matériel :

Attendu que le premier président a rejeté la demande présentée par M. X... au titre du préjudice économique au motif que sa dernière incarcération datait de 1997 et que, lors de sa mise en détention, il n'exerçait aucun emploi et percevait le RMI ;

Attendu que M. X... fait valoir qu'après une longue période de délinquance, il n'avait plus été incarcéré depuis 1997 et qu'il était en voie de socialisation ; il justifie que sa candidature à une formation d'ouvrier du bâtiment avait été acceptée et qu'il avait commencé à travailler ; qu'il fait valoir que dès sa sortie de prison il a effectué de nombreuses périodes d'intérim et qu'il suit avec ponctualité un stage de remise à niveau depuis le 4 avril 2004 ;

Attendu que, pour s'opposer à cette demande, l'agent judiciaire du Trésor souligne que M. X... n'apporte aucune preuve sur sa situation professionnelle avant sa mise en détention et que, postérieurement, il n'a occupé que des emplois périodiques ;

Attendu qu'il est exact que M. X... n'apporte pas la preuve que son incarcération a mis fin à une activité professionnelle ; que cependant, son âge, les démarches, antérieures et postérieures à son incarcération, qu'il a effectuées en vue de s'insérer dans le milieu du travail établissent que sa longue détention l'a privé d'une chance de percevoir un revenu ; que son préjudice matériel sera justement évalué à la somme de 14 000 euros ;

Sur le préjudice moral :

Attendu que M. X... soutient que son préjudice moral doit être réévalué en fonction des indemnisations accordées par le Garde des sceaux aux personnes acquittées lors du procès " d'Outreau " ; qu'il ajoute que les conditions de sa détention ont été particulièrement difficiles en raison de la nature des faits qui lui étaient reprochés et qu'il a subi des menaces ; qu'enfin ses précédentes incarcérations, pour des courtes peines et pour des faits de nature différente, n'ont pas diminué l'angoisse ressentie pendant cette longue détention, due à l'incertitude sur son avenir alors qu'il niait les faits qui lui étaient reprochés ;

Attendu que l'agent judiciaire du Trésor conclut à la réduction de l'indemnisation fixée ; il fait valoir que la nature des faits reprochés, les menaces dont M. X... dit avoir fait l'objet et ses dénégations sont sans influence sur le préjudice subi du fait de sa détention ;

Attendu que les provisions accordées aux personnes acquittées lors du procès " d'Outreau " sont aussi destinées à les indemniser du dysfonctionnement du service de la Justice et non, du seul préjudice subi du fait d'une détention, seul objet de la présente procédure ; qu'elle ne peuvent, en conséquence, constituer des références utiles à la Commission ;

Attendu que, compte tenu d'une part de la durée de la détention de M. X... (neuf cent soixante-quatre jours), de son âge au moment de son incarcération (trente-huit ans), des circonstances éprouvantes de cette détention dues à la nature des faits qui lui étaient reprochés, d'autre part, d'un impact du choc carcéral diminué du fait des nombreuses précédentes incarcérations subies par le requérant, le préjudice moral de M. X... a été justement évalué à 35 000 euros par le premier président ;

Sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile :

Attendu que M. X... sollicite à ce titre une indemnité de 800 euros ;

Attendu que pour des raisons d'équité il y a lieu de faire droit à sa demande ;

Par ces motifs :

ACCUEILLE partiellement les recours de M. Mohamed X... et de l'agent judiciaire du Trésor et statuant à nouveau ;

ALLOUE à M. Mohamed X... la somme de 14 000 euros (quatorze mille euros) en réparation de son préjudice matériel ;

ALLOUE à M. Mohamed X... la somme de 800 euros (huit cents euros) au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

REJETTE les recours pour le surplus.


Synthèse
Formation : Commission reparation detention
Numéro d'arrêt : 04-CRD-056
Date de la décision : 23/09/2005
Sens de l'arrêt : Infirmation partielle

Analyses

REPARATION A RAISON D'UNE DETENTION - Préjudice - Indemnisation - Provisions destinées à indemniser en partie le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service de la Justice - Eléments de référence (non).

Les provisions accordées par le ministère de la Justice aux personnes acquittées par la cour d'assises du Pas-de-Calais, le 2 juillet 2004, à l'issue du procès dit " de l'affaire d'Outreau " sont destinées à les indemniser à la fois du dommage causé par le fonctionnement défectueux du service de la Justice et du préjudice causé par une détention provisoire au cours d'une procédure terminée par une décision d'acquittement devenue définitive. Elles ne peuvent, en conséquence, constituer des références utiles pour la Commission nationale de réparation des détentions.


Références :

Code de procédure pénale 149, 150

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 19 novembre 2004


Publications
Proposition de citation : Cass. Commission reparation detention, 23 sep. 2005, pourvoi n°04-CRD-056, Bull. civ. criminel 2005 CNRD N° 6 p. 23
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles criminel 2005 CNRD N° 6 p. 23

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Gueudet
Avocat général : Avocat général : M. Finielz.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Gailly.
Avocat(s) : Avocats : Me Nataf, Me Couturier-Heller.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:04.CRD.056
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