La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/05/2005 | FRANCE | N°04-CRD050

France | France, Cour de cassation, Commission reparation detention, 13 mai 2005, 04-CRD050


La Commission nationale de réparation des détentions instituée par l'article 149-3 du Code de procédure pénale, a rendu la décision suivante :

Statuant sur les recours formés par :

- M. David X...,

- L'agent judiciaire du Trésor

contre la décision du premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 19 octobre 2004 qui a alloué à M. X... une indemnité de 11.000 euros au titre de son préjudice moral sur le fondement de l'article 149 du Code précité ;

Les débats ayant eu lieu en audience publique le 1er avril 2005, le demandeur

et son avocat ne s'y étant pas opposé ;

Vu les dossiers de la procédure de réparation et de ...

La Commission nationale de réparation des détentions instituée par l'article 149-3 du Code de procédure pénale, a rendu la décision suivante :

Statuant sur les recours formés par :

- M. David X...,

- L'agent judiciaire du Trésor

contre la décision du premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 19 octobre 2004 qui a alloué à M. X... une indemnité de 11.000 euros au titre de son préjudice moral sur le fondement de l'article 149 du Code précité ;

Les débats ayant eu lieu en audience publique le 1er avril 2005, le demandeur et son avocat ne s'y étant pas opposé ;

Vu les dossiers de la procédure de réparation et de la procédure pénale ;

Vu les conclusions de M. Collin avocat au Barreau de Draguignan assistant M. X... ;

Vu les conclusions de l'agent judiciaire du Trésor ;

Vu les conclusions de M. le procureur général près la Cour de Cassation ;

Vu la notification de la date de l'audience, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, au demandeur, à son avocat, à l'agent judiciaire du Trésor et à son avocat, un mois avant l'audience ;

Sur le rapport de Mme le conseiller Nési, les observations de M. Collin, avocat assistant M. X..., celles de M. X... comparant et de Mme Couturier-Heller, avocat représentant l'agent judiciaire du Trésor, les conclusions de M. l'avocat général Finielz, le demandeur ayant eu la parole en dernier ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi, la décision étant rendue en audience publique ;

LA COMMISSION,

Attendu que par décision du 19 octobre 2004, le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence a accordé à M. X... la somme de 11.000 euros en réparation de son préjudice moral à raison d'une détention provisoire effectuée du 20 septembre 2002 au 28 août 2003, soit pendant 11 mois et 8 jours ; qu'il a rejeté la demande au titre du préjudice matériel ;

Attendu que l'agent judiciaire du Trésor a formé un recours contre cette décision le 2 novembre 2004 dont il s'est désisté le 15 novembre 2004 ;

Attendu que M. X... a régulièrement formé un recours tendant à ce que les indemnités réparant ses préjudice moral et matériel soient fixées respectivement à 300.000 euros et 24.000 euros ;

Vu les articles 149 à 150 du Code de procédure pénale ;

Attendu qu'une indemnité est accordée, à sa demande, à la personne ayant fait l'objet d'une détention provisoire terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive ; que selon l'article 149 précité, l'indemnité est allouée en vue de réparer intégralement le préjudice personnel, matériel et moral causé par la privation de liberté ;

Sur la réparation du préjudice matériel :

Attendu que pour rejeter la demande de M. X... de ce chef, le premier président a retenu que la production d'un contrat d'insertion en date du 28 mai 2002 ne suffisait à justifier ni la réalité d'un emploi ni sa perte du fait de l'incarcération, et que les mandats "cash" envoyés par sa famille ne faisaient pas la preuve d'un préjudice personnel du requérant ;

Attendu que M. X... soutient qu'il a perdu onze mois de revenus professionnels ou assimilés et qu'au sortir d'une longue détention la stabilisation professionnelle prend encore de longs mois ;

Attendu qu'il est démontré par les pièces du dossier que M. X... a travaillé en intérim en 1998, 1999 et 2000, année pour laquelle il a été imposé sur un revenu de 8.750 euros ; que dans le contrat d'insertion signé le 28 mai 2002 à effet du 1er juillet, il est indiqué qu'il travaillait en intérim depuis le 27 mai ;

Que ces éléments établissent la réalité d'une perte d'une chance pour M. X... de retrouver un emploi pendant la période de sa détention, étant précisé cependant qu'il ne justifie pas avoir pris d'initiative pour recommencer une activité dès sa remise en liberté ;

Qu'en revanche le requérant ne peut obtenir le remboursement des sommes versées par sa famille dès lors qu'au regard de l'article 149 susvisé seul le préjudice personnel peut être indemnisé ;

Qu'il convient en conséquence d'accueillir le recours de M. X... et de limiter à 6.422 euros l'indemnité constituant la juste réparation de son préjudice matériel ;

Sur la réparation du préjudice moral :

Attendu que pour indemniser ce préjudice à hauteur de 11.000 , le premier président a tenu compte essentiellement du choc psychologique subi par M. X... qui n'avait aucun antécédent judiciaire, considérant qu'il n'était pas démontré l'existence d'un état pathologique particulier lié à la détention ;

Attendu que le requérant affirme que le traumatisme occasionné par cette détention injustifiée l'oblige à être suivi par un spécialiste et invoque les conséquences de la publicité faite à l'affaire sur sa réputation au sein de son village qu'il a dû quitter ; qu'il se plaint plus généralement d'une disparité dans les indemnisations qui résulterait du retentissement médiatique des affaires et qui serait contraire au principe d'égalité posé par la Constitution française et la Convention européenne des droits de l'homme ;

Mais attendu que l'atteinte à la réputation alléguée par M. X... ne peut être prise en considération en l'absence de preuve d'un lien de causalité direct et exclusif avec la détention ;

Attendu que la production d'un certificat médical daté du 20 décembre 2004, dont il ressort uniquement que l'intéressé a été vu deux fois par un spécialiste et que son état de santé nécessite "que soit diligentée une expertise psychiatrique afin d'évaluer son état psychologique actuel", ne suffit pas à constituer un commencement de preuve d'un état pathologique en relation avec la détention ;

Attendu qu'au vu des éléments produits par les parties et débattus contradictoirement, et sans qu'il y ait lieu d'ordonner d'expertise, il convient, eu égard à l'absence d'antécédents d'incarcération de M. X..., à son âge au moment de son incarcération (26 ans), au choc psychologique subi et à la durée de l'emprisonnement (344 jours), de fixer à 17.000 euros l'indemnité réparant l'entier préjudice moral imputable à la détention ;

Qu'il y a donc lieu d'accueillir également son recours au titre du préjudice moral ;

PAR CES MOTIFS :

CONSTATE que l'agent judiciaire du Trésor s'est désisté de son recours ;

ACCUEILLE le recours de M. David X... et statuant à nouveau ;

ALLOUE à M. David X... les sommes de 6.422 (six mille quatre cent vingt deux euros) au titre du préjudice matériel et 17.000 (dix sept mille euros) au titre du préjudice moral ;

LAISSE les dépens à la charge du Trésor Public.

Ainsi fait, jugé et prononcé en audience publique par la Commission nationale de réparation des détentions, le 13 mai 2005 où étaient présents : M. Gueudet, président, Mme Nési, conseiller rapporteur, M. Breillat, conseiller, M. Finielz, avocat général, Mme Grosjean, greffier.

En foi de quoi la présente décision a été signée par le président, le rapporteur et le greffier.


Synthèse
Formation : Commission reparation detention
Numéro d'arrêt : 04-CRD050
Date de la décision : 13/05/2005

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 19 octobre 2004


Publications
Proposition de citation : Cass. Commission reparation detention, 13 mai. 2005, pourvoi n°04-CRD050


Composition du Tribunal
Président : M. Gueudet, président
Avocat général : M. Finielz, avocat général
Rapporteur ?: Mme Nési, rapporteur

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:04.CRD050
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award