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13/05/2005 | FRANCE | N°04-CRD-046

France | France, Cour de cassation, Commission reparation detention, 13 mai 2005, 04-CRD-046


REJET du recours formé par l'agent judiciaire du Trésor, contre les décisions du premier président de la cour d'appel de Riom en date des 16 avril 2003 et 26 août 2004 qui ont, d'une part, déclaré recevable la demande de M. Bernard X... et lui ont, d'autre part, alloué une indemnité de 12 250 euros sur le fondement de l'article 149 du Code de procédure pénale ainsi que 300 euros en remboursement des frais non compris dans les dépens.

LA COMMISSION NATIONALE DE REPARATION DES DETENTIONS,

Attendu qu'après avoir déclaré la requête recevable par décision du 16 avril

2003 le premier président de la cour d'appel de Riom a, par ordonnance du 26...

REJET du recours formé par l'agent judiciaire du Trésor, contre les décisions du premier président de la cour d'appel de Riom en date des 16 avril 2003 et 26 août 2004 qui ont, d'une part, déclaré recevable la demande de M. Bernard X... et lui ont, d'autre part, alloué une indemnité de 12 250 euros sur le fondement de l'article 149 du Code de procédure pénale ainsi que 300 euros en remboursement des frais non compris dans les dépens.

LA COMMISSION NATIONALE DE REPARATION DES DETENTIONS,

Attendu qu'après avoir déclaré la requête recevable par décision du 16 avril 2003 le premier président de la cour d'appel de Riom a, par ordonnance du 26 août 2004, alloué à M. X... les sommes de 3 500 euros pour le préjudice matériel et de 8 750 euros pour le préjudice moral subis à raison d'une détention effectuée entre le 18 novembre 1999 et le 11 mai 2001, soit pendant une durée de dix-sept mois et vingt-trois jours ;

Que l'agent judiciaire du Trésor a formé un recours tendant à l'infirmation de la décision pour cause d'irrecevabilité de la requête en indemnisation et, subsidiairement, à sa réformation en sollicitant la réduction de l'indemnité allouée au titre du préjudice moral et le rejet de l'indemnisation au titre du préjudice matériel ;

Sur la recevabilité de la requête :

Attendu qu'il convient d'abord de rejeter le moyen pris de l'irrecevabilité du recours de l'agent judiciaire du Trésor, invoqué à la fois par M. X..., qui se prévaut de l'autorité de chose jugée attachée par le premier président de la cour d'appel à sa première décision du 16 avril 2003, et par l'avocat général qui se fonde sur la précédente décision de la Commission nationale du 10 mai 2004 qui a déclaré le recours irrecevable ;

Qu'en effet cette décision s'étant bornée à exclure toute possibilité d'un recours immédiat contre la décision du 16 avril 2003 qui avait déclaré la requête de M. X... irrecevable sans statuer sur son bien-fondé, et le premier président ayant tranché l'entier litige par ses deux décisions successives, le recours de l'agent judiciaire du Trésor est désormais recevable sur l'ensemble des dispositions attaquées ;

Attendu qu'aux termes de l'article 149, alinéa 1er, du Code de procédure pénale, la personne qui a fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive a droit, à sa demande, à la réparation intégrale du préjudice moral et matériel que lui a causé cette détention ;

Attendu que, pour déclarer la requête de M. X... recevable, le premier président a retenu qu'il résultait clairement de l'examen du dossier que la décision de mise en détention n'avait été prise qu'en considération du viol et de la tentative de viol et non pour les agressions sexuelles qui étaient également reprochées à M. X..., lesquelles auraient pu faire l'objet de procédures distinctes ;

Attendu que l'agent judiciaire du Trésor soutient que si M. X... a bénéficié d'un non-lieu partiel pour les infractions de viol, tentative de viol et agression sexuelle sur personne vulnérable, sa détention provisoire reste justifiée, pour une durée toutefois limitée à un an, par les faits d'agressions sexuelles pour lesquels il a été condamné par le tribunal correctionnel ;

Attendu que M. X... fait valoir au contraire que seuls les faits criminels ont pu justifier son placement et son maintien en détention pendant une durée de dix-sept mois et vingt-trois jours ;

Attendu que, si l'ordonnance de placement en détention provisoire du 18 novembre 1999 fait référence à une procédure criminelle et mentionne que la personne encourt une peine criminelle, elle vise tous les chefs de mise en examen, y compris les agressions sexuelles simples pour lesquelles M. X... a été condamné et sa motivation se réfère expressément à tous les faits de nature sexuelle, " y compris les plus graves " ;

Que l'ordonnance de prolongation de la détention du 16 novembre 2000 qui se fonde sur des agressions à caractère sexuel multiples sur des personnes en état de faiblesse ou d'infirmité, commises par une personnalité locale ayant nécessairement un rôle d'exemple, vise à la fois les articles 145-1 et 145-2 du Code de procédure pénale, applicables l'un en matière correctionnelle, l'autre en matière criminelle ;

Qu'il ressort de ces éléments que M. X... a été placé et maintenu en détention pour les faits d'agressions sexuelles pour lesquels il a été condamné par le tribunal correctionnel à un an d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve, étant rappelé que le mandat de dépôt décerné pour des faits de nature criminelle et correctionnelle suit le régime le plus élevé ;

Attendu que si, en raison du non-lieu partiel prononcé le 23 août 2001 pour les faits de nature criminelle, la durée de la détention effectuée par M. X... excède le délai maximum de six mois de détention provisoire prévu en matière correctionnelle par l'article 145-1 du Code de procédure pénale dans sa version applicable pour un délit passible d'une peine de cinq ans d'emprisonnement et pour une personne n'ayant pas déjà été condamnée pour crime ou délit de droit commun à une peine ferme d'une durée supérieure à un an, il apparaît que les délits pour lesquels il a été condamné ne sont pas incompatibles avec un placement et un maintien en détention pour une durée de six mois ; que la requête doit dès lors être déclarée recevable, la durée de détention ouvrant droit à réparation étant ramenée à onze mois et vingt-trois jours ;

Sur la réparation du préjudice matériel :

Attendu que pour évaluer ce chef de préjudice à 3 500 euros le premier président a retenu que le fils de M. X..., qui s'était consacré à l'exploitation pendant l'absence de son père, n'avait pas perçu un véritable salaire et qu'une exploitation agricole du type de celle de l'intéressé fournissait à ceux qui y travaillent des revenus en nature et divers profits non négligeables ;

Que l'agent judiciaire du Trésor fait valoir que seul le préjudice personnel du requérant doit être réparé et qu'il résulte des éléments de l'espèce que les revenus de M. X... ont progressé de 40 % pendant sa période de détention, en prenant en compte le salaire de remplacement versé à son fils ;

Mais attendu que les bilans de l'exploitation pour les années 1998 et 2000 démontrent que si le résultat d'exploitation est toujours en progression, M. X... a dû, pour l'année 2000, verser à son fils un salaire de 18 095 francs équivalant à la somme qu'il percevait habituellement en tant qu'exploitant pour une structure qui n'employait aucun salarié ;

Qu'eu égard à ces éléments, et à la durée de la détention indemnisable, la somme allouée par le premier président constitue la juste réparation du préjudice matériel subi par M. X... ;

Que le recours de l'agent judiciaire du Trésor ne peut qu'être rejeté de ce chef ;

Sur le préjudice moral :

Attendu que pour allouer à M. X... la somme de 8 750 euros au titre de son préjudice moral pour une détention de dix-sept mois et vingt-trois jours, le premier président s'est fondé sur les fonctions de conseiller municipal de l'intéressé, sa participation à une activité sociale importante et le grand choc psychologique et affectif que l'incarcération lui a causé ainsi qu'à ses proches ;

Attendu que l'agent judiciaire du Trésor demande que la période d'indemnisation soit réduite à cinq mois et demi ;

Attendu que si la période de détention indemnisable doit être ramenée à onze mois et vingt-trois jours, l'âge du requérant au moment de son incarcération (quarante-neuf ans), l'absence d'antécédents antérieurs en matière de privation de liberté et le retentissement psychologique de cette détention justifient le maintien de l'indemnité modique allouée par le premier président ;

Que le recours de l'agent judiciaire du Trésor sera également rejeté de ce chef ;

Par ces motifs :

DECLARE la requête en indemnisation recevable ;

FIXE à onze mois et vingt-trois jours la durée de la détention indemnisable ;

REJETTE le recours de l'agent judiciaire du Trésor au titre du préjudice matériel et du préjudice moral.


Synthèse
Formation : Commission reparation detention
Numéro d'arrêt : 04-CRD-046
Date de la décision : 13/05/2005
Sens de l'arrêt : Rejet

Analyses

REPARATION A RAISON D'UNE DETENTION - Bénéfice - Cas.

Dès lors que la détention provisoire a été ordonnée et prolongée pour des faits de nature délictuelle et pour des faits de nature criminelle, et que ces derniers ont fait l'objet d'un non-lieu, la demande d'indemnisation n'est recevable que pour la partie de la détention qui excède la durée compatible, selon la loi applicable à l'époque, avec les délits pour lesquels l'intéressé a été condamné.


Références :

Code de procédure pénale 149 al. 1, 149-3, 145-1, 145-2

Décision attaquée : Cour d'appel de Riom, 2003-04-16 et 2004-08-26

A rapprocher : Commission nationale de réparation des détentions, 2003-05-06, Bulletin criminel 2003, n° 6 (2), p. 13 (non-lieu à statuer et rejet) ; Commission nationale de réparation des détentions, 2004-06-11, Bulletin criminel 2004, n° 4, p. 9 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Commission reparation detention, 13 mai. 2005, pourvoi n°04-CRD-046, Bull. civ. criminel 2005 CNRD N° 5 p. 17
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles criminel 2005 CNRD N° 5 p. 17

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Gueudet
Avocat général : Avocat général : M. Finielz.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Nési.
Avocat(s) : Avocats : Me Couturier-Heller, Me Le Prado.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:04.CRD.046
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