La Commission nationale de réparation des détentions instituée par l'article 149-3 du Code de procédure pénale, a rendu la décision suivante :
Statuant sur le recours formé par :
- Mme Emmanuelle X...,
contre la décision du premier président de la cour d'appel de Nîmes en date du 20 avril 2004, qui lui a alloué une indemnité de 23.800 euros sur le fondement de l'article 149 du Code précité ;
Les débats ont eu lieu en audience publique le 19 novembre 2004 en l'absence de l'intéressée qui n'a pas comparu et de son avocat qui s'est présenté après l'examen de l'affaire ;
Vu les dossiers de la procédure de réparation et de la procédure pénale ;
Vu les conclusions de M. Bigonnet, avocat au barreau de Nîmes représentant Mme X... ;
Vu les conclusions de l'agent judiciaire du Trésor ;
Vu les conclusions de M. le procureur général près la Cour de Cassation ;
Vu la notification de la date de l'audience, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, au demandeur, à son avocat, à l'agent judiciaire du Trésor et à son avocat, un mois avant l'audience ;
Sur le rapport de M. le conseiller Gueudet, les observations de Mme Couturier-Heller, avocat représentant l'agent judiciaire du Trésor, les conclusions de M. l'avocat général Finielz ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi, la décision étant rendue en audience publique ;
LA COMMISSION
Attendu que par décision du 20 avril 2001 le premier président de la cour d'appel de Nîmes a alloué à Mlle X... les sommes de 20.000 euros en réparation du préjudice moral et 3.800 euros en réparation du préjudice matériel qu'elle a subis à raison d'une détention provisoire de 9 mois et 13 jours effectuée du 27 septembre 2001 au 10 juillet 2002 ;
Attendu que Mlle X... a régulièrement formé le 12 mai 2004 un recours contre cette décision pour obtenir une augmentation de l'indemnité allouée en réparation du préjudice matériel qu'elle évalue à 15.765,55 euros et une indemnité de 3.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Vu les articles 149 à 150 du Code de procédure pénale ;
Attendu qu'une indemnité est accordée, à sa demande, à la personne ayant fait l'objet d'une détention provisoire terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive, que, selon l'article 149 précité, cette indemnité est allouée en vue de réparer intégralement le préjudice personnel, matériel et moral causé par la privation de liberté ;
Sur le préjudice matériel :
Attendu que le premier président a limité à 3.000 euros l'indemnisation du préjudice matériel en l'absence de production par la requérante des déclarations de ses revenus et d'indications précises sur l'activité exercée et les revenus perçus à la veille de son incarcération ;
Attendu qu'à l'appui de son recours Mlle X... soutient que son incarcération a provoqué la suppression du 30 novembre 2001 au 3 février 2003 du contrat de travail qu'elle avait signé avec la ville d'Alès pour une durée de 5 ans à compter du 23 octobre 2000 et qu'elle a de ce fait subi une perte de salaire brut de 1.126,59 euros par mois pendant 14 mois et enfin que n'ayant pu, durant sa détention faire face à ses obligations, elle a dû emprunter diverses sommes d'argent ;
Attendu que l'agent judiciaire du Trésor demande à la Commission de rejeter ce recours en faisant valoir que seul un salaire net mensuel de 5.841,80 francs pourrait lui être alloué pendant la durée de sa détention dès lors que l'intéressée ne justifie pas des diligences qu'elle aurait accomplies pour rechercher un emploi à sa sortie de prison ;
Attendu que Mlle X... justifie qu'elle bénéficiait d'un contrat de travail lui procurant, selon le bulletin de paie du mois de septembre 2001, un salaire mensuel moyen net de 6.071,21 francs pour les 8 premiers mois de l'année, l'intéressée n'ayant pas perçu l'intégralité de son salaire en septembre ; que ce contrat a été suspendu du 30 novembre 2001 au 3 février 2003 sans qu'il soit établi que la prolongation de cette suspension après sa libération soit directement imputable à la détention ; que la perte de salaires subie par Mlle X... durant sa détention de 9 mois 13 jours s'élève, en prenant en compte son salaire net moyen, à la somme de 57.261,33 francs soit 8.729,43 ; qu'à défaut de justifier et de chiffrer un préjudice lié à l'obligation d'emprunter diverses sommes pour subvenir à ses besoins, l'indemnité ci-dessus répare l'intégralité de son préjudice matériel ;
Sur la demande d'indemnité au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile :
Attendu que pour refuser d'allouer à Mlle X... l'indemnité qu'elle sollicitait sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale la décision attaquée retient que seules les dispositions du nouveau Code de procédure civile sont applicables à la présente procédure ;
Attendu que Mlle X... précise que sa demande de 3.000 euros pour les deux instances est désormais fondée sur les dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que pour des considérations d'équité il convient d'allouer à Mlle X... qui n'a pas comparu devant la Commission nationale une somme de 1.000 euros à ce titre pour la première instance ;
PAR CES MOTIFS :
ACCUEILLE le recours formé par Mlle Emmanuelle X... du chef du préjudice matériel et statuant à nouveau de ce chef :
LUI ALLOUE la somme de 8.729,43 (huit mille sept cent vingt neuf euros et quarante trois centimes) en réparation de son préjudice matériel et celle de 1.000 (mille euros) au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
REJETTE le recours pour le surplus ;
LAISSE les dépens à la charge du Trésor Public.
Ainsi fait, jugé et prononcé en audience publique par la Commission nationale de réparation des détentions, le 17 décembre 2004 où étaient présents : M. Canivet, président, M. Gueudet, conseiller rapporteur, Mme Nési, conseiller référendaire, M. Finielz, avocat général, Mme Grosjean, greffier.
En foi de quoi la présente décision a été signée par le président, le rapporteur et le greffier.