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12/11/2004 | FRANCE | N°02-00.1

France | France, Cour de cassation, Autre, 12 novembre 2004, 02-00.1


La Commission nationale de réparation des détentions instituée par l'article 149-3 du Code de procédure pénale, a rendu la décision suivante :

Statuant sur les recours formés par :

- M. Erik X...


- L'agent judiciaire du Trésor,

contre la décision du premier président de la cour d'appel de Versailles en date du 14 décembre 2001 qui a alloué à M. X... une indemnité de 45.764,45 euros sur le fondement de l'article 149 du Code précité et 1.524,49 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Les débats ayant eu l

ieu en audience publique le 11 octobre 2004, le demandeur et son avocat ne s'y étant pas opposé ;
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La Commission nationale de réparation des détentions instituée par l'article 149-3 du Code de procédure pénale, a rendu la décision suivante :

Statuant sur les recours formés par :

- M. Erik X...

- L'agent judiciaire du Trésor,

contre la décision du premier président de la cour d'appel de Versailles en date du 14 décembre 2001 qui a alloué à M. X... une indemnité de 45.764,45 euros sur le fondement de l'article 149 du Code précité et 1.524,49 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Les débats ayant eu lieu en audience publique le 11 octobre 2004, le demandeur et son avocat ne s'y étant pas opposé ;

Vu les dossiers de la procédure de réparation et de la procédure pénale ;

Vu les décisions de la Commission nationale de réparation des détentions en date du 21 novembre 2002 ordonnant une expertise médicale et du 6 février 2004, ordonnant une expertise médicale complémentaire confiées au docteur Dubec, expert près la Cour de Cassation ;

Vu les rapports d'expertise déposés et notifiés aux parties ;

Vu les conclusions de M. Gorguet, avocat au barreau de Paris représentant M. X... ;

Vu les conclusions de l'agent judiciaire du Trésor ;

Vu les conclusions de M. le procureur général près la Cour de Cassation ;

Vu la notification de la date de l'audience, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, au demandeur, à son avocat, à l'agent judiciaire du Trésor et à son avocat, un mois avant l'audience ;

Sur le rapport de M. le conseiller Bizot, les observations de M. Gorguet, avocat assistant M. X..., celles de M. X..., comparant et de Mme Couturier-Heller, avocat représentant l'agent judiciaire du Trésor, les conclusions de M. l'avocat général Finielz, le demandeur ayant eu la parole en dernier ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi, la décision étant rendue en audience publique ;

LA COMMISSION :

Vu les articles 149 et 150 du Code de procédure pénale ;

Attendu qu'une indemnité est accordée à sa demande à la personne ayant fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive, que cette indemnité répare intégralement le préjudice personnel, moral ou matériel causé par la privation de liberté ;

Attendu que par décision du 14 décembre 2001, le premier président de la cour d'appel de Versailles a alloué à M. X..., les sommes de 50.000 francs en réparation de son préjudice moral, 126.418,95 francs au titre du préjudice financier résultant des frais et honoraires engagés, et 123.757 francs au titre de son préjudice économique, en raison d'une détention provisoire effectuée du 16 janvier 1998 au 23 avril suivant, soit pendant 3 mois et 8 jours ;

Attendu que M. X... et l'agent judiciaire du Trésor ont formé des recours contre cette décision, tendant, le premier à l'augmentation des sommes réparant son préjudice, le second, à la réduction des sommes accordées au titre du préjudice moral et des frais et dépens exposés ;

Attendu que par décision du 21 novembre 2002, la Commission nationale de réparation des détentions, après avoir confirmé les indemnités dues au titre du préjudice matériel, a sursis à statuer sur les pertes de salaires postérieures à la remise en liberté de M. X... ainsi que sur son préjudice moral et ordonné une expertise médicale aux fins de vérifier la réalité des troubles psychologiques soufferts par l'intéressé et leur relation causale avec la détention ;

Attendu que le rapport d'expertise du docteur Dubec a été déposé le 12 septembre 2003 et régulièrement communiqué aux parties et au procureur général près la Cour de cassation ;

Attendu que M. X... a soutenu que l'expertise établit le lien de causalité entre son état psychologique et la détention ; qu'il a sollicité, au titre du dommage constitué par le retentissement professionnel de sa détention, une somme de 264.368,46 euros représentant ses pertes de salaires pour la période du 28 avril 1998 au 1er septembre 2000, une somme de 134.128,45 euros pour la perte de sa situation professionnelle, une somme de 76.224,51 euros en réparation de son préjudice moral et psychologique, outre une somme en application de l'article 700 du nouveau Code procédure civile ;

Attendu que l'agent judiciaire du Trésor a fait valoir que l'expert n'a pas rempli sa mission consistant à déterminer en quoi la détention provisoire de trois mois avait pu participer aux troubles psychologique soufferts par M. X... ; que de ce fait aucune preuve n'était rapportée du dommage indemnisable causé par cette détention ; qu'en conséquence, il convenait de rejeter son recours visant à obtenir réparation de pertes de salaires postérieures à la détention et de réduire l'indemnisation au titre des préjudices moral et psychologique ;

Attendu que par décision avant-dire droit du 12 janvier 2004, a été confiée à l'expert une mission complémentaire à l'effet de rechercher et évaluer dans la mesure du possible quelle est, dans la dégradation de l'état de santé du demandeur, dans la durée de son incapacité temporaire de travail jusqu'au 1er septembre 2000 et dans l'importance de l'incapacité permanente partielle retenue, la part liée à l'incarcération de M. X... et celle qui résulte de l'accusation portée contre lui, de la durée de la procédure d'instruction, de sa condamnation par le tribunal correctionnel jusqu'à sa relaxe définitive par la cour d'appel ;

Attendu qu'il ressort des rapports d'expertise précités que M. X... a présenté, aussitôt à la suite de son incarcération, un "syndrome dépressif chronique sévère" partiellement contrôlé par ses capacités défensives et son "dynamisme d'antan", mais se traduisant par de l'irritabilité, des épisodes de grande mélancolie, une addiction au tabac, des difficultés de sommeil, une baisse d'activité sexuelle, des difficultés de mémorisation et des troubles de la concentration, des troubles alimentaires, des crises d'angoisse et que ce tableau persiste désormais sous la forme de séquelles constituées par un trouble de l'humeur, avec face dépressive non productive, c'est-à-dire une anhédonie, un sentiment d'incapacité, une perte de goût de la décision et une absence de projection dans l'avenir accompagnée d'une alcoolisation partielle, avec retentissement professionnel mais sans que soit rendue impossible l'exercice de la profession ; que selon l'expert, en présence d'un tel diagnostic, il est impossible de séparer les effets psychologiques résultant de la nature des infractions poursuivies, des poursuites pénales et de la condamnation prononcée en première instance, de ceux causés par l'incarcération ;

Attendu que, contrairement à ce que soutient l'agent judiciaire du Trésor, il résulte des constatations de l'expert que la détention est un facteur qui a directement causé les dommages moral et matériel dont M. X... demande réparation ;

Sur les pertes de salaires et le retentissement professionnel de la détention :

Attendu qu'au vu des pièces justificatives produites, dont la valeur probante n'est pas contestée, il convient d'allouer à M. X..., au titre du préjudice matériel postérieur à la détention, d'une part, une indemnité de 264.368 en réparation des pertes de salaires subies par lui entre le 28 avril 1998 et le 1er septembre 2000, date de la consolidation de son état de santé, d'autre part, une indemnité de 134.128 euros en réparation du retentissement professionnel causé par la permanence des séquelles psychologiques ci-dessus décrites ;

Sur le préjudice moral :

Attendu que, selon les pièces justificatives produites par le requérant et en considération de son âge et du choc psychologique important causé par l'incarcération, de la durée de celle-ci, et de sa situation familiale et sociale, durablement affectée, le préjudice souffert par M. X... doit être réparé par le paiement d'une somme de 20.000 euros;

Que le recours de M. X... doit être accueilli et celui de l'agent judiciaire du trésor rejeté de ce chef;

Sur la demande sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile :

Attendu qu'il est équitable d'accorder à M. X... la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

Vu les décisions du 21 novembre 2002 et du 6 février 2004 ;

Vu les rapports du docteur Michel Dubec du 15 juillet 2003 et du 22 juin 2004 ; REJETTE le recours de l'agent judiciaire du Trésor ;

ACCUEILLE le recours de M. Erik X... et statuant à nouveau :

ALLOUE à M. Erik X... une indemnité de 398.496 (trois cent quatre vingt dix huit mille, quatre cent quatre-vingt-seize euros) en réparation du préjudice matériel postérieur à l'incarcération, une indemnité de 20.000 (vingt mille euros) en réparation du préjudice moral et la somme de 3.000 (trois mille euros) au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

LAISSE les dépens à la charge du Trésor Public;

Ainsi fait, jugé et prononcé en audience publique par la Commission nationale de réparation des détentions, le 12 novembre 2004 où étaient présents : M. Canivet, président, M. Bizot, conseiller rapporteur, Mme Gailly, conseiller référendaire, M. Finielz, avocat général, Mme Grosjean, greffier.

En foi de quoi la présente décision a été signée par le président, le rapporteur et le greffier.


Synthèse
Formation : Autre
Numéro d'arrêt : 02-00.1
Date de la décision : 12/11/2004

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles 2001-12-14


Publications
Proposition de citation : Cass. Autre, 12 nov. 2004, pourvoi n°02-00.1, Bull. civ.Non publié
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Non publié

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:02.00.1
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