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11/06/2004 | FRANCE | N°03-07.5

France | France, Cour de cassation, Autre, 11 juin 2004, 03-07.5


IRRECEVABILITE ET INFIRMATION PARTIELLE sur le recours formé par M. Joël X..., contre la décision du premier président de la cour d'appel de Nancy en date du 5 décembre 2003 qui a alloué à M. X... une indemnité de 6 500 euros en réparation de son préjudice moral sur le fondement de l'article 149 du Code précité et a ordonné une expertise sur le préjudice matériel.



LA COMMISSION NATIONALE DE REPARATION DES DETENTIONS,


Attendu que M. X... a été condamné le 10 décembre 1997 par le tribunal correctionnel de Nancy à quatre ans d'emprisonnement dont tro

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IRRECEVABILITE ET INFIRMATION PARTIELLE sur le recours formé par M. Joël X..., contre la décision du premier président de la cour d'appel de Nancy en date du 5 décembre 2003 qui a alloué à M. X... une indemnité de 6 500 euros en réparation de son préjudice moral sur le fondement de l'article 149 du Code précité et a ordonné une expertise sur le préjudice matériel.

LA COMMISSION NATIONALE DE REPARATION DES DETENTIONS,

Attendu que M. X... a été condamné le 10 décembre 1997 par le tribunal correctionnel de Nancy à quatre ans d'emprisonnement dont trois avec sursis et à la privation de ses droits civiques, civils et de famille pendant une durée de cinq ans, décision confirmée par la cour d'appel de Nancy le 26 février 1998 ; qu'il a été écroué le 10 décembre 1997 et mis en liberté conditionnelle le 30 mai 1998 ; que le 14 mai 2002, la chambre criminelle de la Cour de cassation, statuant comme cour de révision, a annulé les deux décisions de condamnation ;

Attendu que, par décision du 5 décembre 2003, le premier président de la cour d'appel de Nancy a alloué à M. X... la somme de 6 500 euros en réparation de son préjudice moral et a désigné un expert pour constater et chiffrer son préjudice économique, en raison de sa détention ;

Que M. X... a régulièrement formé, le 16 décembre 2003, un recours contre cette décision visant à obtenir une indemnisation de 80 000 euros en réparation de son préjudice moral et contestant la désignation d'expert, celle de 35 665,40 euros en réparation de son préjudice matériel, incluant celle de 10 000 euros pour les frais d'avocat engagés dans la procédure de révision et dans la présente procédure ;

Vu les articles 149-2 à 149-4 et 626 du Code de procédure pénale ;

Attendu qu'aux termes du dernier des textes visés, un condamné reconnu innocent a droit à la réparation intégrale du préjudice matériel et moral que lui a causé la condamnation ; que cette réparation peut être accordée par le premier président de la cour d'appel suivant la procédure prévue pour l'indemnisation des personnes ayant fait l'objet d'une détention terminée à leur égard par une décision de non-lieu, relaxe ou acquittement devenue définitive ;

Sur la recevabilité du recours contre la décision avant dire droit, contestée en défense :

Attendu que M. X..., exploitant agricole, conteste la décision de désignation de l'expert commis pour évaluer le préjudice résultant des pertes subies dans l'exploitation de l'entreprise agricole dont il est propriétaire et du sursis à statuer en attente du dépôt du rapport de l'expert, en prétendant avoir produit tous les éléments qui établissent la réalité des pertes et leur montant au moyen d'une attestation d'un conseiller du centre de fiscalité de gestion agricole de la Meuse ;

Mais attendu que la décision, en ce qu'elle se borne à ordonner une mesure d'expertise, n'a pas statué sur le bien-fondé de la demande au titre du préjudice matériel ;

Que cette décision de sursis à statuer, même si elle est partielle, n'est pas susceptible d'un recours indépendamment de la décision au fond ;

Sur le recours visant à contester la décision au titre du préjudice moral, les parties étant invitées à s'expliquer sur l'application des dispositions de l'article 626 du Code de procédure pénale :

Attendu que M. X... indique qu'il a subi un préjudice moral du fait de sa détention et de l'erreur judiciaire dont il a été victime ; qu'il soutient en particulier que, malgré la publicité donnée à la décision l'innocentant, il passe encore pour coupable aux yeux de nombreux habitants de sa commune ; qu'il demande, à ce titre, une réparation d'un montant de 80 000 euros ;

Attendu que l'agent judiciaire du Trésor objecte que la décision de la Cour de cassation a fait l'objet d'une large diffusion de nature à effacer tout reste de suspicion ;

Attendu que, pour lui accorder la somme de 6 500 euros en réparation de son préjudice moral, le premier président a tenu compte, d'un côté, de ce qu'il n'avait jamais auparavant été condamné, mais, d'un autre côté, qu'il avait été libéré dès l'arrestation des véritables auteurs des faits pour lesquels il avait été condamné puis, a écarté la réparation du préjudice résultant de l'atteinte à sa réputation faute de preuve et de lien de causalité avec son incarcération ;

Mais attendu que le préjudice moral subi par un condamné reconnu innocent à la suite d'une révision comprend non seulement les répercussions de la détention mais également celles de la condamnation ;

Qu'en fonction de l'âge du requérant au jour de son incarcération, 22 ans, de la durée de celle-ci, cinq mois et vingt jours, le montant de l'indemnité réparatrice du préjudice moral qu'il a subi du fait de la détention doit être fixé à 17 000 euros ;

Que la condamnation définitive prononcée contre M. X... pour l'infraction de vol avec violences lui a causé un préjudice moral d'autant plus important qu'a été considérable sur sa vie sociale le retentissement de celle-ci sans que la publicité donnée à la décision de la Cour de cassation constatant finalement son innocence n'en efface totalement les effets ; que ce préjudice sera réparé par une indemnité d'un montant de 10 000 euros, portant à 27 000 euros l'indemnité totale accordée au titre du préjudice moral ;

Sur la demande en remboursement des honoraires liés à sa défense :

Attendu que le requérant ne produit aucun document de nature à justifier le versement d'honoraires et autres frais ou débours liés à sa défense ; que, faute de preuve, sa demande doit être écartée ;

Par ces motifs :

DECLARE irrecevable le recours formé par M. Joël X... contre la décision de désignation d'un expert et de sursis à statuer sur le préjudice matériel ;

ACCUEILLE partiellement le recours formé par M. Joël X... du chef du préjudice moral et statuant à nouveau ;

ALLOUE à M. Joël X... la somme de 27 000 euros (vingt-sept mille euros) en réparation du préjudice moral ;

LE REJETTE pour le surplus.


Synthèse
Formation : Autre
Numéro d'arrêt : 03-07.5
Date de la décision : 11/06/2004
Sens de l'arrêt : Irrecevabilité

Analyses

Un condamné, reconnu innocent par suite de la décision de la Cour de cassation, statuant comme cour de révision, annulant la condamnation prononcée à son encontre, a droit, en application des articles 149-2 à 149-4 et 626 du Code de procédure pénale à la réparation intégrale du préjudice que lui a causé cette condamnation. Cette réparation est accordée suivant la procédure prévue pour l'indemnisation des personnes ayant fait l'objet d'une détention et terminée à leur égard par une décision de non-lieu, relaxe ou acquittement devenue définitive.

revision - dommages - intérêts - attribution - procédure - procédure d'indemnisation des détentions provisoires suivies de non - lieu - relaxe ou acquittement.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy, 2003-12-05


Publications
Proposition de citation : Cass. Autre, 11 jui. 2004, pourvoi n°03-07.5, Bull. civ.Publié au
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Publié au

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:03.07.5
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