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11/06/2004 | FRANCE | N°03-06.6

France | France, Cour de cassation, Autre, 11 juin 2004, 03-06.6


La Commission nationale de réparation des détentions instituée par l'article 149-3 du Code de procédure pénale, a rendu la décision suivante :

Statuant sur les recours formés par :

- M. Luc X...,

- L'agent judiciaire du Trésor,

contre la décision du premier président de la cour d'appel de Basse-Terre en date du 14 mai 2003 qui a alloué à M. X... une indemnité de 10.548,98 euros sur le fondement de l'article 149 du Code précité ;

Les débats ont eu lieu en audience publique le 10 mai 2004, M. X... n'étant ni présent ni représenté ;
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Vu les conclusions de l...

La Commission nationale de réparation des détentions instituée par l'article 149-3 du Code de procédure pénale, a rendu la décision suivante :

Statuant sur les recours formés par :

- M. Luc X...,

- L'agent judiciaire du Trésor,

contre la décision du premier président de la cour d'appel de Basse-Terre en date du 14 mai 2003 qui a alloué à M. X... une indemnité de 10.548,98 euros sur le fondement de l'article 149 du Code précité ;

Les débats ont eu lieu en audience publique le 10 mai 2004, M. X... n'étant ni présent ni représenté ;

Vu les dossiers de la procédure de réparation et de la procédure pénale ;

Vu les conclusions de la SCP Ezelin-Dione avocats au barreau de Basse Terre, représentant M. X... ;

Vu les conclusions de l'agent judiciaire du Trésor ;

Vu les conclusions de M. le procureur général près la Cour de Cassation ;

Vu la notification de la date de l'audience, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, au demandeur, à son avocat, à l'agent judiciaire du Trésor et à son avocat, un mois avant l'audience ;

Sur le rapport de Mme le conseiller Gailly, les observations de Mme Couturier-Heller, avocat représentant l'agent judiciaire du Trésor, les conclusions de M. l'avocat général Finielz ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi, la décision étant rendue en audience publique ;

LA COMMISSION

Attendu que par décision du 14 mai 2003 le premier président de la cour d'appel de Basse Terre a alloué à M. X... la somme 7.500 euros en réparation du préjudice moral subi à raison d'une détention provisoire effectuée du 30 août au 9 novembre 1995 et lui a accordé la somme de 3.048,98 euros pour les frais de représentation et d'assistance engagés au titre de la détention provisoire ;

Attendu que M. X... a formé un recours contre cette décision pour obtenir l'allocation de la somme de 76.224,51 euros au titre de son préjudice moral, 152.339,02 euros au titre de son préjudice économique et celle de 91.469,41 euros pour les frais de défense engagés pendant sa détention ;

Attendu que l'agent judiciaire du Trésor a également formé un recours contre cette décision pour que la Commission nationale réduise l'indemnité accordée au titre du préjudice moral et rejette sa demande en indemnisation des frais de représentation ;

Sur le fond :

Vu les articles 149 à 150 du Code de procédure pénale ;

Attendu qu'une indemnité est accordée, à sa demande, à la personne ayant fait l'objet d'une détention provisoire terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive ;

Que, selon l'article 149 précité, l'indemnité est allouée en vue de réparer intégralement le préjudice personnel, matériel et moral causé par la privation de liberté ;

I- Sur le préjudice moral :

Attendu que la décision qui alloue à M. X... la somme de 7.500 euros en réparation du préjudice moral causé relève le choc psychologique subi par l'intéressé, jouissant à l'époque d'une bonne réputation, et ajoute que son affectation dans des fonctions différentes de celles qu'il exerçait antérieurement ont provoqué une atteinte à sa considération ;

Attendu que M. X... estime que le préjudice moral qu'il a subi a été sous-évalué compte tenu de sa rétrogradation du poste de directeur de l'office municipal des sports des Abymes, gérant un effectif de 55 personnes à un poste au centre socio-culturel de Lacroix ; qu'il a eu la douleur de perdre son père n'ayant pu résister au retentissement médiatique de l'affaire ;

Attendu que l'agent judiciaire du Trésor conclut à la diminution du montant de la réparation, en soutenant que la mutation de l'intéressé a été causée par la procédure elle-même et la nature en raison de na nature des faits reprochés au requérant ;

Attendu que M. X... n'apporte pas la preuve des conditions particulièrement préjudiciables de détention dont il aurait fait l'objet ; qu'en raison de son âge lors de l'incarcération, 42 ans, de la durée de celle-ci, 69 jours, du choc carcéral subi et des répercussions sociales et professionnelles qu'elle a provoqué en Guadeloupe où il exerçait les fonctions de responsable du service des sports des Abymes, l'indemnité réparatrice du préjudice moral qu'il a subi doit être évalué à la somme de 9.000 euros ;

Que le recours doit être accueilli de ce chef ;

II- Sur le préjudice matériel :

1 - Sur le préjudice économique résultant de la diminution de ses revenus professionnels :

Attendu que pour débouter M. X... de sa demande en réparation du préjudice matériel, le premier président a retenu que l'intéressé n'a versé au débat aucun document justifiant de sa rémunération au moment de son incarcération et que ne sont démontrées ni les pertes de revenus alléguées ni la restriction de ses perspectives de carrière ;

Attendu que M. X... invoque un préjudice matériel de 152.449,02 euros résultant de la suppression, du fait de sa rétrogradation, d'une prime annuelle de 381,12 euros et de la perte de toute chance de réaliser la carrière qu'il était en droit d'espérer ;

Attendu que l'agent judiciaire du Trésor conclut à la confirmation de la décision du premier président ;

Attendu que devant la Commission nationale, le requérant ne produit aucun élément de preuve permettant d'établir et de chiffrer le préjudice dont il demande réparation, de sorte que son recours doit être rejeté ;

2 - Sur le préjudice économique résultant des frais d'avocat et autres dépenses exposées :

Attendu qu'au titre de l'indemnisation des frais de défense, le premier président a accordé à M. X... la somme de 3.048,98 euros correspondant à la seule facture d'avocat produite, en date du 17 novembre 1995, se rapportant à la procédure devant le juge d'instruction et à la période d'incarcération ;

Attendu que l'agent judiciaire du trésor fait valoir que la décision du premier président doit être réformée au motif que l'intéressé ne produit aucune pièce détaillant les prestations fournies en raison du placement en détention et que, plus précisément, la facture du 17 novembre 1995 vise de façon globale une provision sur honoraires ;

Attendu que M. X... soutient qu'à l'occasion des très nombreuses procédures dont il a été l'objet, il a exposé des frais qui ne peuvent pas être évalués à une somme inférieure à 91.469,41 euros ;

Attendu, sur les frais d'avocat, que seuls peuvent être pris en compte au titre de la réparation du préjudice matériel, les honoraires directement liés à l'incarcération, en particulier relatifs à des visites à l'établissement pénitentiaire et à des prestations tendant, par des demandes de mise en liberté, à mettre fin à la détention ; que ces frais doivent être justifiés par la production de factures ou du compte détaillé établi par l'avocat avant tout règlement définitif, en application de l'article 245 du décret n 91- 1197 du 27 novembre 1991 ; qu'en l'espèce, la demande de M. X... n'est accompagnée d'aucune pièce répondant à ces exigences, la seule note émise postérieurement à sa détention ne visant que le paiement d'une provision pour honoraire de 20.000 francs et les autres frais qu'il prétend avoir exposés n'étant pas justifiés ;

D'où il suit que la demande de l'intéressé doit être rejetée et que le recours de l'agent judiciaire doit accueilli de ce chef ;

PAR CES MOTIFS :

ACCUEILLE partiellement le recours de M. Luc X... en ce qui concerne le préjudice moral et STATUANT à nouveau, sur le préjudice moral :

ALLOUE à M. Luc X..., la somme de 9.000 euros (neuf mille euros) en réparation de son préjudice moral ;

ACCUEILLE partiellement le recours de l'agent judiciaire du Trésor en ce qu'il tend à la suppression de l'allocation de la somme de 3.048,98 euros (trois mille quarante huit euros quatre vingt dix huit centimes) en remboursement des frais d'avocat engagés ;

REJETTE les recours pour le surplus ;

LAISSE les dépens à la charge du Trésor Public.

Ainsi fait, jugé et prononcé en audience publique par la Commission nationale de réparation des détentions, le 11 juin 2004 où étaient présents : M. Canivet, président, Mme Gailly, conseiller rapporteur, M.Gueudet, conseiller M. Finielz, avocat général, Mme Grosjean, greffier.

En foi de quoi la présente décision a été signée par le président, le rapporteur et le greffier.


Synthèse
Formation : Autre
Numéro d'arrêt : 03-06.6
Date de la décision : 11/06/2004

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Basse-Terre 2003-05-14


Publications
Proposition de citation : Cass. Autre, 11 jui. 2004, pourvoi n°03-06.6, Bull. civ.Non publié
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Non publié

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:03.06.6
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