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06/02/2004 | FRANCE | N°03-02.4

France | France, Cour de cassation, Autre, 06 février 2004, 03-02.4


La Commission Nationale de réparation des détentions instituée par l'article 149-3 du Code de procédure pénale, a rendu la décision suivante :

Statuant sur les recours formés par :

- M. DE X... DA Y... Armando

- L'agent judiciaire du Trésor

contre la décision du premier président de la cour d'appel de PARIS, en date du 5 mars 2003, qui a alloué à M. Armando De X... da Y... une indemnité de 40 500 euros sur le fondement de l'article 149 du Code précité ;

Les débats ayant eu lieu en audience publique le 19 décembre 2003, le demandeur et so

n avocat ne s'y étant pas opposé ;

Vu les dossiers de la procédure de réparation et de la pr...

La Commission Nationale de réparation des détentions instituée par l'article 149-3 du Code de procédure pénale, a rendu la décision suivante :

Statuant sur les recours formés par :

- M. DE X... DA Y... Armando

- L'agent judiciaire du Trésor

contre la décision du premier président de la cour d'appel de PARIS, en date du 5 mars 2003, qui a alloué à M. Armando De X... da Y... une indemnité de 40 500 euros sur le fondement de l'article 149 du Code précité ;

Les débats ayant eu lieu en audience publique le 19 décembre 2003, le demandeur et son avocat ne s'y étant pas opposé ;

Vu les dossiers de la procédure de réparation et de la procédure pénale ;

Vu les conclusions de Maître Dupuy, avocat de M. Armando De X... da Y... ;

Vu les conclusions de l'agent judiciaire du Trésor ;

Vu les conclusions de M. le procureur général près la Cour de cassation ;

Vu la notification de la date de l'audience, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, au demandeur et à l'agent judiciaire du Trésor, un mois avant l'audience ;

Sur le rapport de M. le conseiller Bizot, les observations de Maître Dupuy, avocat de M. De X... da Y..., et de Maître Couturier-Heller, avocat de l'agent judiciaire du Trésor, les conclusions de M. l'avocat général Finielz ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi, la décision étant rendue en audience publique ;

LA COMMISSION :

Attendu que par décision du 5 mars 2003, le premier président de la cour d'appel de Paris a alloué à M. Armando De X... Da Y... une somme de 17.000 euros en réparation du préjudice matériel et une somme de 23.500 euros en réparation du préjudice moral, à raison d'une détention provisoire de 17 mois et 22 jours effectuée du 24 juillet 1989 au 15 janvier 1991 ;

Attendu que M. De X... Da Y... et l'Agent Judiciaire du Trésor ont régulièrement formé des recours tendant, pour le premier à l'allocation des sommes de 53.787,03 euros au titre du préjudice matériel et de 247.000 euros au titre du préjudice moral, pour le second à la réduction des indemnités allouées ;

Vu les articles 149 à 150 du Code de procédure pénale ;

Attendu qu'une indemnité est accordée, à sa demande, à la personne ayant fait l'objet d'une détention provisoire terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive ;

Que, selon l'article 149 précité, l'indemnité est allouée en vue de réparer intégralement le préjudice personnel, matériel et moral causé par la privation de liberté ;

I- Sur la réparation du préjudice moral contestée par M. De X... Da Y... et par l'agent judiciaire du trésor :

Attendu que pour fixer à la somme de 23.500 euros la réparation du préjudice moral, le premier président retient que M. De X... Da Y..., âgé de 29 ans au moment de son placement en détention n'avait jamais été détenu auparavant et que marié et père d'une enfant de 4 ans, il a subi un préjudice moral important comme le montrent les pièces médicales produites ;

Attendu que M. De X... Da Y... évalue la réparation de son préjudice à la somme de 247.000 euros en soutenant qu'âgé de 29 ans lors de son incarcération, il a subi un choc considérable, que cette mesure a eu des répercussions sur l'état de santé de ses proches, notamment de son épouse, de sa mère et de sa fille alors âgée de 4 ans, et qu'il a souffert de la publicité donnée à l'affaire ;

Que, l'agent Judiciaire du Trésor soutient que les pièces médicales sur lesquelles le premier président s'est fondé à tort concerne la mère du requérant et son épouse, alors que n'est pas réparable le préjudice moral subi par la famille, de sorte que l'indemnité doit être réduite à la somme de la somme de 17.000 euros initialement proposée ;

Attendu, sur le préjudice médiatique invoqué par le demandeur, que l'article 149 du Code de procédure pénale ne répare que le préjudice moral et matériel causé par la détention ; qu'il s'ensuit que n'entrent pas dans le champ d'application de ces dispositions spéciales les dommages résultant de la publication d'articles de presse le mettant en cause même s'ils relatent son arrestation, sa mise en examen, son incarcération et s'ils portent atteinte à la présomption d'innocence dont il bénéficie ;

Et attendu que c'est à bon droit que la décision attaquée a tenu compte de certificats médicaux faisant état des répercussions qu'a eu, sur l'état de santé de ses proches, la détention de M. De X... Da Y..., dès lors que c'est seulement pour en apprécier le retentissement sur le préjudice moral du demandeur ;

Que, compte tenu de la souffrance morale subie par le demandeur aggravée par de telles circonstances, de la durée de la détention, de l'âge du requérant, de sa situation de famille, la réparation intégrale du préjudice moral a été justement appréciée par le premier président ;

Qu'il convient de rejeter les recours de ce chef ;

II- Sur la réparation du préjudice matériel dont l'évaluation est contestée par M. De X... Da Y... et par l'agent judiciaire du trésor :

1- Sur les pertes de revenus alléguées :

Attendu que pour évaluer l'indemnité réparant le préjudice matériel subi par M. De X... Da Y..., le premier président relève que celui-ci était sans emploi lorsqu'il a été incarcéré, mais qu'il établit qu'il devait être embauché en qualité d'ouvrier forestier à partir du 1er septembre 1989 et que, à sa sortie de prison, il a repris une activité salariée de conducteur de machines, selon un contrat à durée déterminée ; qu'il est ainsi justifié que sa détention l'a privé d'un revenu professionnel, pour un montant de 17 000 euros ;

Attendu que M. De X... Da Y... soutient que son préjudice économique s'élève à 20 095, 80 euros, constitué par la perte de la chance d'exercer l'emploi qui lui avait été proposé, le 1er septembre 1989, en qualité d'ouvrier forestier, pour un salaire mensuel de 1004,79 euros ; qu'il estime que cette somme doit être compensée sur une période de 20 mois ;

Que, selon l'Agent Judiciaire du Trésor, M. De X... Da Y..., sans profession au moment de l'incarcération ne fait état que d'une éventualité d'emploi et qu'ainsi n'est pas établie une perte de revenus professionnels ;

qu'en toute hypothèse, la réparation de la perte d'une chance invoquée par le requérant ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée, comme le soutient M. De X... Da Y... ;

Attendu qu'au vu des attestations produites, dont aucun élément soumis au débat n'est de nature à faire douter de la valeur probante, M. De X... Da Y..., incarcéré le 24 Juillet 1989, devait être embauché le 1er septembre 1989 comme ouvrier forestier au salaire horaire de 31 francs et qu'il a retrouvé un emploi salarié de niveau similaire dès sa remise en liberté ; que la perte certaine de revenus s'élève à 660 euros par mois pour une durée de 17 mois, soit la somme de 11.220 euros et qu'il convient de réformer la décision attaquée en ce sens ;

Que le recours du demandeur doit dès lors être rejeté et celui de l'agent judiciaire du trésor accueilli sur ce point ;

2- Sur les frais d'avocat :

Attendu que M. De X... Da Y... demande l'indemnisation de ses frais de défense ;

Que l'agent judiciaire du trésor soutient que le demandeur ne peut prétendre au remboursement de frais de défense dont les justificatifs produits ne répondent pas aux exigences de l'article 245 du décret du 27 novembre 1991 ;

Attendu que, pour justifier de ce chef du préjudice matériel, il suffit que le demandeur produise le compte nécessairement établi par son défenseur avant tout paiement définitif, conformément aux dispositions de l'article 245 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, détaillant les prestations fournies en raison de son placement en détention, en particulier les visites à l'établissement pénitentiaire et les diligences effectuées pour faire cesser cette situation par des demandes de mise en liberté ;

Et attendu qu'en l'espèce, ni la lettre de Maître Bernard Revest du 22 septembre 1989 évaluant ses honoraires et frais à 6000 francs, ni l'attestation de Maître Paul Lombard du 26 mars 2003 déclarant avoir reçu en 1989 et 1991 trois chèques d'un montant total de 215.000 francs en paiement de ses honoraires, ne satisfont à ces exigences de preuve ;

Que le recours du demandeur doit être rejeté de ce chef ;

PAR CES MOTIFS Rejette le recours de M. Armando De X... Da Y....

Accueille le recours de l'Agent judiciaire du trésor en ce qui concerne le seul préjudice matériel et statuant à nouveau.

Alloue à M. De X... Da Y... une indemnité de 11.220 euros en réparation du préjudice matériel.

Rejette le recours pour le surplus.

Laisse les dépens à la charge de l'Etat.

Ainsi fait, jugé et prononcé en audience publique par la Commission Nationale de réparation des détentions, le 6 février 2004 où étaient présents : M. Canivet, président, M. Bizot, conseiller-rapporteur, Mme Nesi, M. Finielz, avocat général, Mme Grosjean, greffier.

En foi de quoi la présente décision a été signée par le président, le rapporteur et le greffier.


Synthèse
Formation : Autre
Numéro d'arrêt : 03-02.4
Date de la décision : 06/02/2004

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris 2003-03-05


Publications
Proposition de citation : Cass. Autre, 06 fév. 2004, pourvoi n°03-02.4, Bull. civ.Non publié
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Non publié

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:03.02.4
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