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15/07/2003 | FRANCE | N°02-09.5

France | France, Cour de cassation, Autre, 15 juillet 2003, 02-09.5


La Commission Nationale de réparation des détentions instituée par l'article 149-3 du Code de procédure pénale, a rendu la décision suivante :

Statuant sur les recours formés par :

- M. Christian X...


- l'agent judiciaire du Trésor

contre la décision du premier président de la cour d'appel de PARIS, en date du 23 octobre 2002, qui a alloué à M. Christian X... une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l'article 149 du Code précité ;

Les débats ayant eu lieu en audience publique le 24 juin 2003, le demandeur et son avocat ne s'y

étant pas opposés ;

Vu les dossiers de la procédure de réparation et de la procédure pénale ;
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La Commission Nationale de réparation des détentions instituée par l'article 149-3 du Code de procédure pénale, a rendu la décision suivante :

Statuant sur les recours formés par :

- M. Christian X...

- l'agent judiciaire du Trésor

contre la décision du premier président de la cour d'appel de PARIS, en date du 23 octobre 2002, qui a alloué à M. Christian X... une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l'article 149 du Code précité ;

Les débats ayant eu lieu en audience publique le 24 juin 2003, le demandeur et son avocat ne s'y étant pas opposés ;

Vu les dossiers de la procédure de réparation et de la procédure pénale ;

Vu les conclusions de l'agent judiciaire du Trésor ;

Vu les conclusions écrites de Maître Baldo, avocat de M. Christian X....

Vu les conclusions de M. le procureur général près la Cour de cassation ;

Vu la notification de la date de l'audience, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, au demandeur et à l'agent judiciaire du Trésor, en date du 21 mai 2003 ;

Sur le rapport de M. le conseiller Bizot, les observations orales de Maître Grard, avocat de M. Christian X..., et de Maître Ancel, avocat de l'agent judiciaire du Trésor, les conclusions de M. l'avocat général Finielz, le demandeur ou son avocat ayant eu la parole en dernier ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi, la décision étant rendue en audience publique ;

LA COMMISSION :

Attendu que par décision du 23 0ctobre 2002, le premier président de la cour d'appel de Paris a alloué à M. Christian X... une somme de 1 000 euros en réparation du préjudice matériel et une somme de 2 000 euros en réparation du préjudice moral, à raison d'une détention provisoire de 17 jours effectuée du 18 Juin au 6 Juillet 1999 ;

Attendu que M. Christian X... et l'agent judiciaire du Trésor ont régulièrement formé un recours contre cette décision ; que M. Christian X... réclame 2 265 euros au titre du préjudice matériel et 91 500 euros au titre du préjudice moral ; que l'agent judiciaire du Trésor demande le rejet de la réclamation au titre du préjudice matériel et la réduction de l'indemnité au titre du préjudice moral ;

Vu les articles 149 à 150 du Code de procédure pénale ;

Attendu qu'une indemnité est accordée, à sa demande, à la personne ayant fait l'objet d'une détention provisoire terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive ;

Que, selon l'article 149 précité, l'indemnité est allouée en vue de réparer intégralement le préjudice personnel, matériel et moral causé par la privation de liberté ;

Sur le préjudice matériel :

Attendu que M. Christian X... soutient qu'au titre des salaires non versés durant son incarcération, il justifie d'une perte de 1 951,91 euros devant être assortie d'intérêts moratoires de l'ordre de 6% l'an ; que l'agent judiciaire du Trésor et le ministère public opposent que M. Christian X... disposant d'un droit, consacré par le Conseil d'Etat , à la reconstitution intégrale de la rémunération dont il a été privé durant la période de détention, il ne peut être indemnisé de ce chef ;

Mais attendu qu'aux termes de l'article 149 du Code de procédure pénale, la personne qui a fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive, a droit, à sa demande, à réparation intégrale du préjudice matériel et moral que lui a causé cette détention; que de ce seul fait, indépendamment de tout autre recours, elle dispose contre l'Etat d'une action principale et autonome en réparation de l'ensemble de son préjudice, à la seule condition qu'il ait été causé par la détention ; qu'en particulier, dès lors qu'il se voit privé de son traitement pendant la durée de la détention, l'agent public a droit à la réparation des pertes de salaires subies pendant cette période ;

Attendu qu'au vu des pièces justificatives et régulièrement communiquées, il est établi que M. Christian X... n'a pas perçu sa rémunération pendant la période correspondant aux 17 jours de sa détention et que son administration refuse de la lui restituer en l'absence de service fait ; qu'il convient donc d'allouer au requérant la somme justifiée de 1 951,91 euros qui assurera la réparation intégrale de ce préjudice et qui, conformément à l'article 1153-1 du Code civil, portera interêts au taux légal à compter du jour de la signification de la présente décision ; qu'il convient d'accueillir le recours de M. Christian X... de ce chef et de rejeter le recours de l'agent judiciaire du Trésor ;

Sur le préjudice moral :

Attendu que M. Christian X... prétend avoir subi un préjudice moral important du fait des conditions de son incarcération dans la maison d'arrêt du lieu où il exerçait ses fonctions d'officier de police et des contacts qui lui ont été ainsi imposés avec d'autres détenus, de sa qualité d'officier de police, du retentissement médiatique donné à son incarcération, et des conséquences de cette mesure injustifiée sur son équilibre psychologique personnel, sur celui des membres de sa famille, ainsi que sur le déroulement de sa carrière ; que l'agent judiciaire du Trésor et le ministère public opposent que seul le dommage personnel démontré directement imputable à la détention du requérant est réparable, à l'exclusion de celui résultant de sa mise en cause par la presse et de celui subi par les membres de sa famille ;

Attendu que selon le texte susvisé, seuls sont réparés les préjudices matériel et moral directement causés par la détention ; que ne peut ouvrir droit à réparation le dommage moral subi par la famille du requérant ; qu'il en est de même du dommage pouvant résulter de l'évolution de la carrière professionnelle, dès lors qu'il n'est pas démontré que ce préjudice a été la conséquence directe de la mesure de privation de liberté ; qu'enfin, ne peut ouvrir droit à réparation le préjudice invoqué par le requérant du fait de la publication dans la presse d'articles le mettant en cause, même s'ils relatent son arrestation, sa mise en examen, son incarcération et s'ils portent atteinte à la présomption d'innocence dont il bénéficie ;

Attendu qu'en l'espèce, M. Christian X... invoquant la publication d'un article du quotidien Le Parisien du 1er Juillet 1999, le premier président a retenu à tort que la présentation de cet article et son contenu étaient en relation directe avec l'incarcération du requérant ; qu'en revanche c'est à bon droit qu'il a écarté de l'appréciation du préjudice moral le retentissement de la détention de M. Christian X... sur son entourage familial et sur le déroulement ultérieur de sa carrière professionnelle ;

Attendu, au vu des pièces du dossier et des débats, que M. Christian X..., aujourd'hui retraité, justifie être affecté d'un état anxio-dépressif le contraignant depuis Juillet 1999 à suivre un traitement médical ; que ce dommage apparaît en relation directe avec le choc carcéral et les conditions de la détention ; qu'il est établi que l'intéressé, âgé de 41 ans lors de sa mise en détention, exerçant alors les fonctions de commandant de police, sans antécédents judiciaires, a été incarcéré dans la maison d'arrêt du ressort où il exerçait ses fonctions; qu'il justifie en outre avoir été plusieurs jours laissé en contact avec d'autres détenus informés de sa qualité, avant d'être, à sa demande, placé en situation d'isolement ;

Attendu que ces circonstances, qui établissent l'existence d'un préjudice moral important en dépit de la brève durée de la détention, commandent, pour assurer la réparation intégrale de ce dommage, l'allocation d'une indemnité de 3570 euros ;

Qu'il convient d'accueillir le recours de ce chef de M. Christian X... et de rejeter celui de l'agent judiciaire du Trésor ;

PAR CES MOTIFS,

ACCUEILLE le recours formé par M. Christian X..., et statuant à nouveau ;

ALLOUE à M. Christian X... une indemnité de 3 570 euros en réparation du préjudice moral, et une indemnité de 1 951,91 euros en réparation du préjudice matériel ;

REJETTE le recours de l'agent judiciaire du Trésor ;

LAISSE les dépens à la charge de l'Etat,

Ainsi fait, jugé et prononcé en audience publique par la Commission Nationale de réparation des détentions, le 15 juillet 2003.

En foi de quoi la présente décision a été signée par le président, le rapporteur et le greffier.


Synthèse
Formation : Autre
Numéro d'arrêt : 02-09.5
Date de la décision : 15/07/2003

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris 2002-10-23


Publications
Proposition de citation : Cass. Autre, 15 jui. 2003, pourvoi n°02-09.5, Bull. civ.Non publié
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Non publié

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:02.09.5
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