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31/01/2003 | FRANCE | N°02-99064

France | France, Cour de cassation, Commission reparation detention, 31 janvier 2003, 02-99064


REJET et IRRECEVABILITE du recours formé par l'agent judiciaire du Trésor contre la décision du premier président de la cour d'appel de Bordeaux en date du 2 mai 2002, qui a alloué à M. Jean-Pierre X... la somme de 43 066,78 euros sur le fondement de l'article 149 du Code précité.

LA COMMISSION NATIONALE DE REPARATION DES DETENTIONS,

Attendu que par décision du 2 mai 2002 le premier président de la cour d'appel de Bordeaux a alloué à M. Jean-Pierre X... la somme de 15 066,78 euros au titre du préjudice matériel et 28 000 euros en réparation du préjudice moral, à

raison d'une détention provisoire de sept mois effectuée du 26 juin 1997 au ...

REJET et IRRECEVABILITE du recours formé par l'agent judiciaire du Trésor contre la décision du premier président de la cour d'appel de Bordeaux en date du 2 mai 2002, qui a alloué à M. Jean-Pierre X... la somme de 43 066,78 euros sur le fondement de l'article 149 du Code précité.

LA COMMISSION NATIONALE DE REPARATION DES DETENTIONS,

Attendu que par décision du 2 mai 2002 le premier président de la cour d'appel de Bordeaux a alloué à M. Jean-Pierre X... la somme de 15 066,78 euros au titre du préjudice matériel et 28 000 euros en réparation du préjudice moral, à raison d'une détention provisoire de sept mois effectuée du 26 juin 1997 au 29 juillet 1997 puis du 30 avril 1998 au 27 octobre 1998, et avant dire droit, a ordonné une expertise psychologique ;

Que l'agent judiciaire du Trésor a régulièrement formé un recours contre cette décision, tendant au rejet de la demande au titre du préjudice matériel, à la réduction de la somme allouée en réparation du préjudice moral et à l'annulation de la mesure d'expertise ;

Vu les articles 149 à 150 du Code de procédure pénale ;

Attendu qu'une indemnité est accordée, à sa demande, à la personne ayant fait l'objet d'une détention provisoire terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive ;

Que, selon l'article 149 précité, l'indemnité est allouée en vue de réparer intégralement le préjudice personnel, matériel et moral causé par la privation de liberté ;

I. Sur la réparation du préjudice matériel :

Attendu que pour lui accorder la somme de 15 066,78 euros de ce chef, le premier président retient qu'il résulte des arrêtés des 1er juillet 1997 et du 7 mai 1998 du ministre de l'intérieur que le traitement de M. Jean-Pierre X..., gardien de la paix, a été supprimé pendant la durée de l'incarcération, et qu'il convient d'en tenir compte dans l'évaluation du préjudice matériel sans qu'il y ait lieu d'intégrer les pertes de salaire postérieures aux remises en liberté dès lors qu'elles sont la conséquence non de la détention, mais des faits reprochés à l'intéressé ;

Que pour contester la somme allouée, l'agent judiciaire du Trésor soutient que lorsqu'il fait l'objet d'une suspension à raison de poursuites pénales, l'agent public a droit, s'il est innocenté, au versement des traitements et retenues pratiqués pendant la période de suspension, qui comprend la détention provisoire ; qu'il conclut que les voies de droit ainsi ouvertes pour obtenir réparation des pertes de salaires subies pendant la détention excluent toute indemnisation de ce chef sur le fondement de l'article 149 précité ;

Mais attendu qu'aux termes de l'article 149 du Code de procédure pénale, la personne qui a fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive a droit, à sa demande, à réparation intégrale du préjudice matériel et moral que lui a causé cette détention ; que de ce seul fait , indépendamment de tout autre recours, elle dispose, contre l'Etat, d'une action principale et autonome en réparation de l'ensemble de son préjudice, à la seule condition qu'il ait été causé par la détention ; qu'en particulier, dès lors qu'il se voit privé de son traitement pendant la durée de la détention, l'agent public a droit à la réparation des pertes de salaires subies pendant cette période, indépendamment du recours qu'il pourrait exercer, le cas échéant, à raison de la mesure de suspension administrative prononcée ;

Que tel étant le cas en l'espèce, le recours ne peut qu'être rejeté ;

II. Sur la réparation du préjudice moral :

Attendu que l'agent judiciaire du Trésor conteste la somme allouée de ce chef qu'il prétend excessive compte tenu de la courte durée de détention ; qu'il ajoute que l'atteinte à la présomption d'innocence et la mise en cause de la moralité de l'intéressé ne peuvent fonder la réparation, contrairement à ce qu'a retenu le premier président et que l'état dépressif de l'intéressé n'est pas exclusivement lié à la détention ;

Attendu que la décision déférée retient que, gardien de la paix et jouissant par sa fonction de l'honorabilité et de la confiance de ses concitoyens, M. Jean-Pierre X... a été profondément marqué par son arrestation qui a porté atteinte à sa dignité à sa moralité et à sa respectabilité ;

Mais attendu que contrairement aux énonciations de la décision attaquée, ne peut être pris en considération, en l'absence d'un lien de causalité direct entre le préjudice subi et la privation de liberté, l'atteinte à la présomption d'innocence du requérant, ainsi que la mise en cause de sa moralité ;

Qu'abstraction faite de ce motif, le premier président a justement évalué un tel préjudice à la somme de 28 000 euros subie par le demandeur, en relevant l'existence de deux périodes de détention successives et l'état dépressif provoqué par l'incarcération ;

Que le recours ne peut qu'être rejeté de ce chef ;

III. Sur le recours visant à contester l'expertise ordonnée :

Attendu que l'agent judiciaire du Trésor après avoir été invité à s'expliquer sur la recevabilité de sa contestation, critique enfin la mesure d'expertise ordonnée sur un chef de décision en soutenant que les troubles invoqués, objet de la mesure, ne justifient pas une indemnisation spécifique qui ferait double emploi avec celle allouée au titre du préjudice moral ;

Mais attendu que ce chef de décision avant dire droit sur l'évaluation d'un élément du préjudice n'est pas susceptible d'un recours indépendamment de la décision au fond ;

Que le recours est irrecevable sur ce point ;

Par ces motifs :

REJETTE le recours en ce qu'il concerne le préjudice matériel et le préjudice moral,

DECLARE IRRECEVABLE le recours pour le surplus,

ALLOUE à M. Jean-Pierre X... la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Commission reparation detention
Numéro d'arrêt : 02-99064
Date de la décision : 31/01/2003
Sens de l'arrêt : Rejet et irrecevabilité

Analyses

REPARATION A RAISON D'UNE DETENTION - Préjudice - Réparation - Préjudice matériel - Préjudice économique - Perte de salaires subie pendant la période de la détention.

Il résulte de l'article 149 du Code de procédure pénale, que lorsqu'elle a fait l'objet d'une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement définitive, la personne dispose contre l'Etat d'une action autonome et principale en réparation du préjudice matériel et moral causé par la détention. En particulier, dès lors qu'il se voit privé de son traitement pendant la durée de la détention, l'agent public a droit à la réparation de son préjudice économique résultant de la perte de salaires subie pendant cette période, indépendamment du recours qu'il pourrait exercer, le cas échéant, à raison de la mesure de suspension administrative prononcée à son encontre (1).


Références :

Code de procédure pénale 149

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 02 mai 2002

CONFER : (1°). (1) A rapprocher : Commission nationale de réparation des détentions, 2002-09-19, Bulletin crim 2002, n° 6, p. 13 (infirmation partielle).


Publications
Proposition de citation : Cass. Commission reparation detention, 31 jan. 2003, pourvoi n°02-99064, Bull. civ. criminel 2003 CNRD N° 1 p. 1
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles criminel 2003 CNRD N° 1 p. 1

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Canivet
Avocat général : Avocat général : M. Finielz
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Karsenty
Avocat(s) : Avocats : Mme Couturier-Heller, Me Vidal, avocat au barreau de Bordeaux

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:02.99064
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