La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/09/2002 | FRANCE | N°02-99019

France | France, Cour de cassation, Commission reparation detention, 19 septembre 2002, 02-99019


INFIRMATION PARTIELLE sur le recours formé par l'agent judiciaire du Trésor contre la décision du premier président de la cour d'appel de Chambéry, en date du 27 novembre 2001, qui a alloué à M. X... une indemnité de 572 830 francs (87 327,37 euros) sur le fondement de l'article 149 du Code précité et comprenant les frais irrépétibles.

LA COMMISSION NATIONALE DE REPARATION DES DETENTIONS,

Attendu que par décision du 27 novembre 2001, le premier président de la cour d'appel de Chambéry, a accordé à M. Alain X..., une indemnité de 300 000 francs (45 734,71 euros)

en réparation de son préjudice moral, et de 222 830 francs (33 970,21 euros) ...

INFIRMATION PARTIELLE sur le recours formé par l'agent judiciaire du Trésor contre la décision du premier président de la cour d'appel de Chambéry, en date du 27 novembre 2001, qui a alloué à M. X... une indemnité de 572 830 francs (87 327,37 euros) sur le fondement de l'article 149 du Code précité et comprenant les frais irrépétibles.

LA COMMISSION NATIONALE DE REPARATION DES DETENTIONS,

Attendu que par décision du 27 novembre 2001, le premier président de la cour d'appel de Chambéry, a accordé à M. Alain X..., une indemnité de 300 000 francs (45 734,71 euros) en réparation de son préjudice moral, et de 222 830 francs (33 970,21 euros) pour son préjudice matériel à raison d'une détention provisoire effectuée du 5 mai 1998 au 23 mai 2000, ainsi qu'une somme de 50 000 francs (7 622,45 euros) comprenant les frais de sa défense pendant l'instruction et les frais irrépétibles de la présente procédure ;

Attendu que l'agent judiciaire du Trésor a formé un recours contre cette décision ;

I. Sur la recevabilité du recours de l'agent judiciaire du Trésor :

Attendu que la déclaration de recours, présentée dans les formes et les délais exigés par les articles 149-3 et R. 40-4 du Code de procédure pénale dans leur rédaction issue du décret n° 2000-1204 du 12 décembre 2000, est recevable ;

II. Sur la recevabilité des demandes de M. X... :

Attendu que, dans ses conclusions devant la Commission nationale de réparation des détentions, M. X... sollicite la réformation de la décision déférée ;

Mais attendu qu'un tel recours, formé en dehors des prévisions des articles 149-3 et R. 40-4 du Code de procédure pénale est irrecevable, et ce, sans qu'il y ait violation des dispositions de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, les conditions d'exercice du recours étant identiques pour toutes les parties ;

III. Au fond :

Vu les articles 149 à 150 du Code de procédure pénale ;

Attendu qu'une indemnité est accordée, à sa demande, à la personne ayant fait l'objet d'une détention provisoire terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive ; que cette indemnité répare intégralement le préjudice personnel, moral et matériel directement lié à la privation de liberté ;

Sur la réparation du préjudice moral :

Attendu, abstraction faite d'un motif erroné tenant au caractère infamant de l'accusation, que le premier président a exactement apprécié le montant de la réparation du préjudice moral de M. X... en tenant compte de la durée très longue de la détention, des conditions très dures de celle-ci réservées à ceux que les codétenus qualifient de " pointeurs ", des actes de violence dont il a été victime à deux reprises et de l'état dépressif dans lequel la longueur de la détention l'a progressivement plongé ; que le recours de l'agent judiciaire du Trésor n'est dès lors pas fondé de ce chef ;

Sur la réparation du préjudice matériel :

Attendu que, pour évaluer le préjudice économique, le premier président a retenu que le demandeur, salarié en qualité de chauffeur routier au moment de son incarcération, avec un salaire moyen mensuel de 8 500 francs (1 295,82 euros), l'ensemble des sommes perçues dans le cadre de ce travail et de façon régulière devant être prises en compte, justifie, pour la durée de la détention provisoire, d'une perte de salaires de 32 395,42 euros, qu'il a été licencié le 18 février 1999 pour non-présentation sur son lieu de travail depuis le 5 mai 1998, qu'ayant été remis en liberté le 23 mai 2000, il a retrouvé du travail le 15 septembre 2000 et qu'il a perçu de juin à septembre 2000 des indemnités de chômage, et que compte tenu de ces éléments, il convenait de lui accorder la somme de 222 830 francs (33 970,21 euros) correspondant à la perte de salaire durant son incarcération et à la perte de revenus après son licenciement ;

Attendu que, contestant le second chef d'indemnisation, l'agent judiciaire du Trésor soutient que la détention provisoire a pour seul effet de suspendre le contrat de travail sans autoriser l'employeur à licencier son préposé, qu'en conséquence, son licenciement prononcé dans ces conditions étant irrégulier, il appartenait au demandeur d'en poursuivre l'indemnisation auprès de son employeur dont le comportement fautif ne peut être assumé par l'Etat ; qu'il en déduit que le montant des sommes allouées au titre du préjudice matériel doit être limité aux seules pertes de salaires durant la détention, déduction faite des sommes perçues du fait d'un travail effectué en prison ;

Mais attendu qu'aux termes de l'article 149 du Code de procédure pénale, la personne qui a fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive a droit, à sa demande, à réparation intégrale du préjudice matériel et moral que lui a causé cette détention ; que de ce seul fait, indépendamment de tout autre recours, elle dispose, contre l'Etat, d'une action principale et autonome en réparation de l'ensemble de son préjudice, à la seule condition qu'il ait été causé par la détention ; qu'en particulier, dès lors que le licenciement du demandeur à l'action en réparation a été consécutif à la détention, il n'y a pas lieu de rechercher pour réduire le montant des sommes dues par l'Etat dans le cadre de l'instance fondée sur le texte précité, si la rupture du contrat de travail par l'employeur obligeait, par ailleurs, ce dernier à indemniser son ancien préposé ;

Attendu qu'il résulte des pièces produites que le licenciement d'Alain X... a été causé par son incarcération ; qu'il s'ensuit que le premier président a fait une exacte évaluation de la réparation allouée en prenant en compte les pertes de salaires subies depuis la libération du demandeur et durant la période nécessaire à la recherche d'un emploi déduction faite des indemnités de chômage versées par les Assedic ; qu'il n'y a pas lieu, par ailleurs, de déduire du montant correspondant à la perte de salaire en prison, les sommes perçues au titre d'un travail en prison ; que le recours doit être rejeté ;

Sur la demande de remboursement de frais de procédure formée par M. X... :

Attendu que M. X... sollicite l'allocation d'une somme de 13 890 euros au titre des frais exposés pour sa défense au cours de l'instruction et devant le premier président, en tenant compte des frais engagés pour cette " procédure d'appel " ;

Attendu, cependant, que les pièces produites ne permettant pas de déterminer les honoraires directement liés à la détention provisoire, sa demande à ce titre n'est pas justifiée ;

Mais attendu qu'il parait équitable de lui accorder une somme de 1 911,65 euros au titre de frais engagés dans la présente procédure indemnitaire ;

Par ces motifs :

DECLARE RECEVABLE le recours formé par l'agent judiciaire du Trésor ;

DECLARE IRRECEVABLES les demandes reconventionnelles formulées par M. X... ;

ACCUEILLE le recours de l'agent judiciaire du Trésor contre la décision du premier président de la cour d'appel de Chambéry, en date du 27 novembre 2001, mais sur les seules dispositions ayant alloué à M. X.. la somme de 50 000 francs (7 622,45 euros) au titre des frais engagés pour sa défense, les autres dispositions étant maintenues ;

STATUANT à nouveau de ce chef ;

ALLOUE à M. X.. la somme de 1 911,65 euros au titre des frais engagés dans cette procédure indemnitaire.


Synthèse
Formation : Commission reparation detention
Numéro d'arrêt : 02-99019
Date de la décision : 19/09/2002
Sens de l'arrêt : Recevabilité

Analyses

REPARATION A RAISON D'UNE DETENTION - Préjudice - Conditions - Préjudice directement causé par la privation de liberté - Préjudice économique - Licenciement - Indemnisation.

Aux termes de l'article 149 du Code de procédure pénale, la personne qui a fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive a droit, à sa demande, à réparation intégrale du préjudice matériel et moral que lui a causé cette détention. De ce seul fait, indépendamment de tout autre recours, elle dispose, contre l'Etat, d'une action principale et autonome en réparation de l'ensemble de son préjudice, à la seule condition qu'il ait été causé par la détention. En particulier, dès lors que le licenciement du demandeur à l'action en réparation a été consécutif à la détention, il n'y a pas lieu de rechercher pour réduire le montant des sommes dues par l'Etat dans le cadre de l'instance fondée sur le texte précité, si la rupture du contrat de travail par l'employeur obligeait, par ailleurs ce dernier à indemniser son ancien préposé. .


Références :

Code de procédure pénale 149

Décision attaquée : Décision du premier président de la cour d'appel de Chambéry, 27 novembre 2001


Publications
Proposition de citation : Cass. Commission reparation detention, 19 sep. 2002, pourvoi n°02-99019, Bull. civ. criminel 2002 CNRD N° 6 p. 13
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles criminel 2002 CNRD N° 6 p. 13

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Canivet
Avocat général : Avocat général : M. Marin.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme de la Lance.
Avocat(s) : Avocat : Me Chavance-Roux avocat au barreau de Thonon-les-Bains.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2002:02.99019
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award