La société Otic Fischer Porter s'est pourvue en cassation contre un arrêt de la Cour d'appel de Riom en date du 2 avril 1980.
Par ordonnance du 17 mars 1982, M. le Premier Président a prescrit un renvoi de l'affaire devant une Chambre Mixte et désigné les Première et Deuxième chambres civiles ainsi que la Chambre Commerciale et la Chambre Sociale pour composer la Chambre Mixte.
La société Otic Fischer Porter invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation suivant :
"Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté une entreprise de son action en réparation du préjudice résulté pour elle des coupures de courant intervenues au cours de mouvements revendicatifs déclenchés par certaines fédérations syndicales au cours du mois de décembre 1977, au motif que les grèves déclenchées à cette époque à E.D.F. ont atteint une ampleur exceptionnelle touchant principalement les ouvriers chargés de la production ; que, du fait de la baisse importante de cette production, E.D.F., pour des raisons de sécurité ..., a été amenée à prendre des mesures de délestage qui ont entraîné des interruptions de courant variables en durée selon les jours et les différentes régions ; que, même si l'on devait estimer qu'une telle grève était illégale, E.D.F. ne pouvait que la subir, n'ayant aucun moyen de l'empêcher ; qu'E.D.F. s'est heurtée à un événement imprévisible lors de la conclusion du contrat le 31 janvier 1968 et irrésistible, qui l'a empêchée, d'une manière insurmontablen, de fournir le courant électrique, alors que le débiteur n'est dispensé de remplir son obligation que lorsque l'événement s'opposant à l'exécution était imprévisible lors de la formation du contrat ; que, dès lors, en statuant comme elle l'a fait, sans préciser en quoi E.D.F. s'était trouvée dans l'impossibilité, lors de la conclusion du contrat la liant à son abonnée, de prévoir des interruptions de travail entraînant des coupures de courant, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision".
Ce moyen a été formulé dans un mémoire déposé au Secrétariat-greffe de la Cour de Cassation par Me Cossa, avocat de la société Otic Fischer Porter. Un mémoire en défense a été produit par Me Delvolvé, avocat d'Electricité de France. Sur quoi, LA COUR, statuant en Chambre Mixte,
Sur le moyen unique :
Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que la société anonyme Otic Fischer Porter, titulaire depuis le 31 janvier 1968 d'un contrat d'abonnement souscrit auprès d'Electricité de France (E.D.F.) pour la fourniture d'énergie électrique, a assigné en juin 1978 l'établissement public en réparation du préjudice que lui avaient causé des coupures de courant pratiquées en décembre 1977 au cours de mouvements revendicatifs de son personnel ;
Attendu que la société Otic Fischer Porter reproche à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté sa demande au motif qu'il existait en l'espèce un cas de force majeure exonératoire de responsabilité, alors, selon le pourvoi, que le débiteur n'est dispensé de remplir son obligation que lorsque l'événement invoqué était imprévisible lors de la formation du contrat ; que dès lors, en statuant comme elle l'a fait, sans préciser en quoi E.D.F. s'était trouvée dans l'impossibilité, lors de la conclusion du contrat de 1968, de prévoir des interruptions de travail entraînant des coupures de courant, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
Mais attendu que, recherchant par l'examen des circonstances de la cause, si l'événement invoqué par E.D.F. était imprévisible, la Cour d'appel a retenu que le mouvement revendicatif qui avait rendu nécessaires les interruptions de courant intervenues dans l'entreprise, en décembre 1977, avait été décidé par les organisations syndicales et par la majorité des employés en raison de nouvelles et récentes directives gouvernementales en matière de salaires ; qu'elle en a conclu que la cause de ces interruptions de travail était "imprévisible évidemment lors de la conclusion du contrat, le 31 janvier 1968" ; qu'elle a ainsi justifié sa décision sur ce point ; Que le moyen n'est donc pas fondé ;
Par ces motifs :
Rejette le pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 2 avril 1980 par la Cour d'appel de Riom ;