FAITS
Les époux Z... se sont pourvus contre un arrêt rendu le 30 mai 1958 par la Cour d'appel de Douai au profit du sieur Y.... Cet arrêt a été cassé le 15 juin 1961 par la Chambre sociale de la Cour de Cassation ; la cause et les parties ont été renvoyées devant la Cour d'appel d'Amiens, laquelle a statué par arrêt du 17 juin 1963 dans le même sens que la Cour d'appel de Douai et s'est fondée en droit sur des motifs qui sont en opposition avec la doctrine de l'arrêt de cassation ;
Un pourvoi ayant été formé contre l'arrêt rendu par la Cour d'appel d'Amiens, l'attaquant par un moyen unique dont la deuxième branche est la même que celle ayant entraîné la cassation de l'arrêt de la Cour d'appel de Douai, la Chambre sociale a, par arrêt du 15 octobre 1964, jugé que le moyen n'était pas fondé en sa première branche et renvoyé sur la seconde branche la cause et les parties devant les Chambres réunies ;
Les demandeurs invoquent devant les Chambres réunies un moyen unique de cassation ainsi conçu :
"Violation de l'article 853 du Code rural, des articles 1134, 1351 et 1778 du Code civil, et de l'article 7 de la loi du 20 avril 1810, défaut de motifs et manque de base légale - en ce que l'arrêt attaqué, pour décider que la somme de 35000 francs représentant la valeur des arrières-fumures, qui auraient été laissées par X... sur les terres louées à la veuve B..., devait être ajoutée aux autres éléments de l'avoiement de culture cédé aux époux A..., a préalablement considéré que l'arrêt interlocutoire rendu entre les parties, le 22 février 1957, ne pouvait faire obstacle à une telle décision - aux motifs que cet arrêt de la Cour de Douai du 22 février 1957 était devenu inopposable du fait de la cassation de l'arrêt de la même Cour du 30 mai 1958 - et que ledit arrêt n'avait formulé aucun principe au sujet des arrières-fumures litigieuses - alors, d'une part que, lorsque la Cour suprême casse l'arrêt d'une Cour d'appel, la cassation ainsi prononcée replace la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient immédiatement avant l'arrêt cassé, laissant ainsi subsister les décisions et les actes antérieurs, et alors, d'autre part, que l'arrêt interlocutoire du 22 février 1957, demeuré intact, formulait une règle de preuve et de principe en chargeant les experts de rechercher si M. X... avait lui-même eu à payer des arrières-fumures à son prédécesseur sur les terres ou bien encore s'il avait pris ou non une terre à l'abandon" ; Ce moyen était formulé dans un mémoire déposé au greffe par Me Giffard, avocat des époux Z.... Un mémoire en défense a été produit par Me de Ségogne, avocat de Y....
Sur quoi, la Cour, statuant toutes Chambres réunies et vidant le renvoi qui lui a été fait par arrêt de la Chambre sociale du 15 octobre 1964.
Sur le rapport de M. le conseiller Parlange, les observations de Me. Giffard, avocat des époux Z..., de Me de Ségogne, avocat de Y..., les conclusions de M. l'avocat général Lesselin, et après en avoir délibéré en la Chambre du Conseil ;
Sur le moyen unique pris en sa seconde branche :
Attendu qu'en vue de déterminer le montant de la créance de X..., fermier sortant, à l'encontre de Z..., fermier entrant, pour prix des avoiements de ferme cédés, la Cour d'appel de Douai avait, par arrêt en date du 22 février 1957, commis des experts en leur donnant notamment pour mission "de rechercher si X... était en droit, soit parce qu'il les avait payées lui-même, lors de sa prise de possession de la ferme, soit parce qu'il avait pris une ferme à l'abandon, de réclamer au bailleur ou à défaut au fermier entrant les arrières-fumures ; que, saisie sur renvoi après cassation par arrêt du 15 juin 1961 d'un arrêt de la Cour d'appel de Douai en date du 30 mai 1958, la Cour d'appel d'Amiens a, par l'arrêt attaqué statuant au vu du rapport d'expertise qui avait constaté que X... n'avait pas rapporté la preuve du payement de la valeur des arrières-fumures pour les 50 hectares de terres louées à la famille B..., néanmoins jugé que les époux Z... devaient acquitter l'intégralité des arrières-fumures en raison d'une convention expresse qui résultait d'un reçu daté du 13 novembre 1950 indiquant parmi les éléments de l'avoiement vendu "les arrières-fumures sur toute l'exploitation", et en raison des usages locaux selon lesquels l'exploitant entrant paye toujours les arrières-fumures au sortant ;
Attendu que le pourvoi fait grief à la Cour d'appel d'avoir méconnu l'autorité de la chose jugée s'attachant à l'arrêt interlocutoire du 22 février 1957 qui avait formulé une règle de preuve en chargeant les experts de rechercher si X... avait eu à payer les arrières-fumures à son prédécesseur ;
Mais attendu que ledit arrêt avait seulement déclaré que X... était en droit de réclamer à son successeur la valeur des arrières-fumures, s'il les avait payées lui-même lors de sa prise de possession de la ferme, ou s'il avait pris une ferme à l'abandon, sans, pour cela, décider que, dans le cas de la négative, sa demande devrait nécessairement être rejetée, ni exclure la faculté d'en établir le bien-fondé par tout autre moyen de preuve que celui prévu à l'arrêt précité ; que, dès lors, la Cour d'appel n'a pas violé l'autorité de la chose jugée et que le grief de la seconde branche du moyen ne peut être retenu ;
Et attendu que la première branche a été écartée par arrêt de la Chambre sociale en date du 15 octobre 1964 ;
Par ces motifs ;
Rejette le pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 17 juin 1963 par la Cour d'appel d'Amiens.