Sur le moyen unique :
Vu les articles 33 et 34 de l'ordonnance du 17 octobre 1945 modifiée par la loi du 13 avril 1946 (art. 845 et 846 du Code rural) ;
Attendu que le bénéficiaire de la reprise doit exploiter le fonds repris, lui-même personnellement d'une manière effective et permanente et que le preneur a droit au maintien ou à la réintégration dans les lieux loués au cas où celui qui a excipé de la reprise ne se trouve pas dans les conditions permettant l'exploitation effective et permanente du fonds.
Attendu qu'il ressort des énonciations du jugement attaqué et des pièces produites que le congé donné le 24 mai 1946 par les consorts Y..., aux droits d'Henri Pensa, décédé, pour reprendre au profit d'un fils de celui-ci, Robert Pensa, le bien de 18 hectares loué à Duverne, a été validé par jugement du 19 janvier 1948 devenu définitif ; que Robert Pensa qui, entre temps, avait acquis, par suite d'arrangements de famille, la pleine propriété de 9 hectares constituant la moitié du domaine, n'a occupé et exploité que cette moitié du fonds ; que la décision attaquée ordonne, à la demande et au profit des époux X..., co-héritiers de Robert Pensa, et propriétaires de l'autre moitié, l'expulsion de Duverne de cette deuxième partie du domaine ; qu'elle donne pour motif que le congé validé par le jugement du 19 janvier 1948 devenu irrévocable après désistement par Duverne de son pourvoi avait été donné au nom de tous les consorts Y... et notamment au nom des époux X... et que Duverne avait donc l'obligation de quitter la totalité du fonds que le propriétaire devait exploiter lui-même personnellement ;
Mais attendu que le congé du 24 mai 1946, bien que donné par tous les consorts Y..., n'invoquait le droit de reprise qu'au profit de Robert Pensa seul et que le jugement du 19 janvier 1948 qui se place, à juste titre, pour apprécier les droits respectifs des parties, à la date d'effet du congé précité, n'a validé ledit congé qu'au bénéfice du seul Robert Pensa ; que celui-ci était donc tenu d'exploiter personnellement le fonds en son métier ;
Attendu, dès lors, que les consorts X..., bien que devenus par la suite propriétaires de la moitié du domaine, non exploitée par Robert Pensa, mais qui n'ont revendiqué, ni lors du congé de 1946, ni au cours de l'instance terminée par le jugement du 19 janvier 1948, un droit de reprise pour exploitation personnelle, ne sauraient se substituer dans les droits judiciairement reconnus à Robert Pensa seul ; qu'en outre la carence de celui-ci dans l'exploitation de la moitié du domaine litigieux permettait au preneur Duverne soit son maintien, soit sa réintégration dans le fonds ;
D'où il suit qu'en statuant comme il l'a fait, le jugement attaqué a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE le jugement rendu entre les parties par le Tribunal paritaire d'arrondissement de Mâcon le 14 mai 1956 ; remet en conséquence la cause et les parties au même et semblable état où elles étaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Dijon.