La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/04/1961 | FRANCE | N°57-12625

France | France, Cour de cassation, Chambres reunies, 26 avril 1961, 57-12625


Sur le moyen unique :

Vu l'article 41, alinéa 2, de l'ordonnance du 17 octobre 1945 modifiée par la loi du 13 avril 1946 (art. 854 du Code rural) et l'article 1735 du Code civil ;

Attendu que le premier de ces textes n'a eu pour objet que de supprimer, en cas d'incendie de biens ruraux, la présomption de responsabilité du preneur, édictée par l'article 1733 du Code civil et l'article 4, paragraphe 2 de la loi du 18 juillet 1889 ; qu'il renverse la charge de la preuve et exige que la faute à établir par le bailleur ait le caractère d'une faute grave ; que l'expres

sion "faute grave de sa part" n'exclut pas la faute des personnes de...

Sur le moyen unique :

Vu l'article 41, alinéa 2, de l'ordonnance du 17 octobre 1945 modifiée par la loi du 13 avril 1946 (art. 854 du Code rural) et l'article 1735 du Code civil ;

Attendu que le premier de ces textes n'a eu pour objet que de supprimer, en cas d'incendie de biens ruraux, la présomption de responsabilité du preneur, édictée par l'article 1733 du Code civil et l'article 4, paragraphe 2 de la loi du 18 juillet 1889 ; qu'il renverse la charge de la preuve et exige que la faute à établir par le bailleur ait le caractère d'une faute grave ; que l'expression "faute grave de sa part" n'exclut pas la faute des personnes de la maison du preneur, au sens de l'article 1735 du Code civil, dont les dispositions n'ont pas été abrogées et doivent être combinées avec celles de l'article 41 susvisé ; qu'ainsi le preneur est responsable au cas de faute grave commise par lui ou par les personnes de sa maison ;

Attendu que, selon les motifs du jugement confirmatif attaqué, la dame X... qui, avec son mari, était locataire de la ferme appartenant à la dame Y..., assurée à la Société "La Mutuelle du Mans", ayant invité sa fille Monique, âgée de 14 ans, à allumer le four de la ferme, la jeune fille confia à son frère Daniel, âgé de 4 ans, une boîte d'allumettes et le chargea de la porter au fournil pendant qu'elle-même allait chercher de la paille ; qu'en son absence, l'enfant enflamma une allumette près d'un tas de foin, puis la jeta sur celui-ci qui prit feu ; que l'incendie détruisit un hangar et une étable ; que la Mutuelle du Mans a assigné X... en remboursement des sommes par elle versées à son assurée ;

Attendu que pour débouter la Compagnie d'assurances de sa demande la décision déférée énonce qu'il résultait des faits sus-rappelés que Monique X... avait commis une imprudence, mais non une faute grave, rien n'établissant que son absence ait été

prolongée ;

Mais attendu qu'en confiant une boîte d'allumettes à un tout jeune enfant et en le laissant seul dans un lieu où se trouvaient des matières inflammables, la jeune fille commettait une imprudence telle que la seule circonstance que son absence devait être de courte durée n'était pas suffisante pour permettre de refuser à sa faute le degré de gravité prévu par les textes susvisés ;

Attendu, dès lors, qu'en statuant ainsi qu'il l'a fait, le Tribunal paritaire a méconnu les conséquences légales des faits constatés et a ainsi violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE l'arrêt rendu entre les parties par le Tribunal paritaire d'arrondissement de Saint-Malo le 8 juillet 1957.

Remet en conséquence, la cause et les parties au même et semblable état où elles se trouvaient avant ladite décision et pour être fait droit les renvoie devant la Cour d'Appel de Caen.


Synthèse
Formation : Chambres reunies
Numéro d'arrêt : 57-12625
Date de la décision : 26/04/1961
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Chambre mixte

Analyses

BAIL A FERME - Incendie - Fait d'un enfant du preneur - Faute grave - Nécessité - Constatations suffisantes

L'article 41 alinéa 2 de l'ordonnance du 17 octobre 1945 modifiée par la loi du 13 avril 1946 (art. 854 du Code rural) n'a eu pour objet que de supprimer, en cas d'incendie de biens ruraux, la présomption de responsabilité du preneur édictée par l'article 1733 du Code civil et l'article 4, paragraphe 2, de la loi du 18 juillet 1889. Il renverse la charge de la preuve et exige que la faute à établir par le bailleur ait le caractère d'une faute grave. Et l'expression "faute grave de sa part" n'exclut pas la faute grave des personnes de la maison du preneur, au sens de l'article 1735 du Code civil, dont les dispositions n'ont pas été abrogées et doivent être combinées avec celles de l'article 41 susvisé. Ainsi le preneur est responsable en cas de faute grave commise par lui ou par les personnes de sa maison. Dès lors doit être cassée la décision d'un Tribunal paritaire qui, pour débouter une compagnie d'assurances de son action en remboursement des sommes versées par elle à son assuré, propriétaire d'une ferme, action intentée contre le preneur de cette ferme, à la suite de l'incendie d'un hangar et d'une étable allumée par un tout jeune enfant, énonce qu'il résulte des faits que la fille du preneur, âgée de 14 ans, qui avait confié à son frère, âgé de 4 ans une boîte d'allumettes en le chargeant de la porter au fournil pendant qu'elle-même allait chercher de la paille, avait commis une imprudence mais non une faute grave, rien n'établissant que son absence ait été prolongée, alors qu'en confiant une boîte d'allumettes à un tout jeune enfant et en le laissant seul dans un lieu où se trouvaient des matières inflammables, la jeune fille commettait une imprudence telle que la seule circonstance que son absence devait être de courte durée n'était pas suffisante pour permettre de refuser à sa faute le degré de gravité prévu par les textes.


Références :

Code civil 1733
Code civil 1735
Code rural 854
LOI du 18 juillet 1889 ART. 4 PAR. 2
LOI du 13 avril 1946
Ordonnance du 17 octobre 1945 ART. 41 AL. 2

Décision attaquée : Tribunal Paritaire d'Arrondissement de Saint-Malo, 08 juillet 1957

DANS LE MEME SENS : Chambre sociale, 1957-01-31, Bull. 1957, IV, n° 113, p. 74 et les arrêts cités. Chambre sociale, 1958-06-19, Bull. 1958, IV, n° 774, p. 552. A RAPPROCHER : Chambre sociale, 1959-11-21, Bull. 1959, IV, n° 1170, p. 931. Chambre sociale, 1960-03-24, Bull. 1960, IV, n° 307, p. 239. Chambre sociale, 1961-01-12, Bull. 1961, IV, n° 48, p. 38.


Publications
Proposition de citation : Cass. ch. réun., 26 avr. 1961, pourvoi n°57-12625, Bull. civ. des arrêts Cour de Cassation Chambres réunies N. 5
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles des arrêts Cour de Cassation Chambres réunies N. 5

Composition du Tribunal
Président : P.Pdt M. Battestini
Avocat général : Av.Gén. M. Lindon
Rapporteur ?: Rpr M. Martin
Avocat(s) : Av. Demandeur : M. Rémond

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1961:57.12625
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award