Sur le moyen unique :
Vu l'article 130, alinéa 6 du Code de commerce, aux termes duquel "l'aval doit indiquer pour le compte de qui il est donné. A défaut de cette indication, il est réputé donné pour le tireur" ;
Attendu que ce texte ne formule pas une règle de preuve, mais oblige à préciser, dans la mention d'aval, le nom du garanti, et supplée à l'absence de cette précision, pour écarter toute incertitude sur la portée des engagements cambiaires ; que sa disposition finale limite en conséquence, à l'égard de tous, celui du donneur d'aval à la garantie du tireur ; qu'il suit de là que le tireur avec lequel le donneur d'aval est convenu de garantir le tiré, sans que l'aval ait précisé le nom du garanti, ne peut exercer l'action cambiaire contre le donneur d'aval en invoquant cette convention ; que celle-ci peut seulement lui conférer, le cas échéant, l'action prévue par les articles 2011 et suivants du Code civil ;
Attendu qu'il résulte des qualités et des motifs de l'arrêt confirmatif attaqué que Piercourt a souscrit, en qualité de donneur d'aval, deux lettres de change émises par la société Migraine sur l'entreprise Deloffre et acceptées par celle-ci ; qu'il a fait précéder sa signature des seuls mots "Bon pour aval", sans mentionner le nom du débiteur cambiaire dont il entendait se porter caution ; que ces effets non payés à l'échéance par Deloffre ont été
protestés ;
Attendu que la Cour d'appel pour accueillir le recours cambiaire de la société Migraine contre Piercourt, a admis cette société à prouver, contrairement aux prescriptions de l'article 130, que Piercourt avait voulu garantir le tiré, motifs pris de ce que ce texte n'interdisait pas la preuve contraire aux parties à la convention de cautionnement par l'aval, qui s'étaient engagées à respecter cette convention et que la "présomption" posée par le même texte n'était pas irréfragable en vertu de l'article 1352 du Code civil, le tireur conservant sur le fondement des articles 2011 et suivants de ce code l'action que cette présomption tendait à
écarter ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE l'arrêt rendu le 12 mars 1957 par la Cour d'appel de Rouen ;
Remet en conséquence, la cause et les parties au même et semblable état où elles se trouvaient avant ladite décision et pour être fait droit les renvoie devant la Cour d'appel d'Amiens.