ANNULATION, sur le pourvoi de l'Administration de l'enregistrement, d'un Jugement rendu, le 22 janvier 1874, par le Tribunal civil de Melun, au profit de : 1° Paul-Marie-Stanislas d'Albert de X... et de Chevreuse ; 2° Elzéar-Charles-Antoine de Pontevès, marquis de Sabran.
ARRET.
Du 12 Janvier 1876.
LA COUR,
Ouï le rapport de M. Saint-Luc Courborieu, conseiller ; les observations de Maîtres Moutard-Martin et Roger-Marvaise, avocats en la Cour, et les conclusions de Maître Bédarrides, premier avocat général ;
Sur le moyen pris de la violation de l'article 54 de la loi du 28 avril 1816 :
Vu cet article ; Attendu qu'aux termes de cet article le droit proportionnel de transcription est exigible sur les actes qui, soumis à l'enregistrement, sont de nature à être transcrits ;
Que cette disposition s'applique à l'héritier bénéficiaire, soit majeur, soit mineur, qui, n'étant pas tenu sur ses biens personnels, a la faculté de purger les immeubles héréditaires à lui adjugés sur licitation ;
Qu'en effet, si le jugement d'adjudication sur licitation au profit d'un copartageant doit, sans être soumis à la formalité de la transcription, par suite de la dispense inscrite dans l'article 1er, n° 4, de la loi du 23 mars 1855, produire les effets qui sont la conséquence du principe posé dans l'article 883 du Code civil, les dispositions de ce dernier article et la fiction qu'il a admise sont sans influence sur les rapports de l'adjudicataire avec les créanciers inscrits sur l'immeuble ; qu'à leur égard l'adjudicataire sur licitation, quand il n'a accepté la succession que sous bénéfice d'inventaire, est un tiers détenteur qui, à ce titre, peut leur offrir le prix déterminé par l'adjudication, pour parvenir à la purge des privilèges et hypothèques, conformément aux articles 2181 et suivants du Code civil ;
Que, la purge ne pouvant avoir lieu sans transcription, aux termes des dispositions précitées du Code civil, l'adjudication sur licitation, faite au profit de l'héritier bénéficiaire, tombe sous l'application de l'article 54 de la loi du 28 avril 1816 ;
Attendu que la loi du 23 mars 1855 sur la transcription n'a rien innové à cet égard ; qu'elle a eu pour but unique de réglementer la transmission de la propriété ; que si elle a dispensé de la transcription les partages et jugements d'adjudication sur licitation au profit d'un copartageant, elle a prononcé cette dispense au point de vue du dessaisissement de l'ancien propriétaire et par application du principe déjà posé dans l'article 883 du Code civil ;
Mais que rien n'établit qu'elle ait entendu accorder aussi cette dispense au point de vue de la purge des hypothèques ; qu'elle n'a porté aucune atteinte aux articles 2181 et 2183 du Code civil, aux termes desquels la transcription est toujours nécessaire pour donner aux créanciers inscrits le premier avertissement qui ouvre la purge, et pour porter l'acte à la connaissance du public ;
Attendu, dès lors, qu'en décidant, contrairement à ces principes, qu'il n'est pas dû de droit de transcription pour les adjudications prononcées au profit du mineur de Chevreuse et de la mineure de Sabran, le jugement attaqué a expressément violé l'article 54 de la loi du 28 avril 1816 :
Par ces motifs, CASSE et ANNULE le jugement rendu entre les parties, le 22 janvier 1874, par le tribunal civil de Melun ;