La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/01/1858 | FRANCE | N°JURITEXT000006951613

France | France, Cour de cassation, Chambres reunies, 16 janvier 1858, JURITEXT000006951613


REJET du pourvoi de la veuve Moinet contre un Arrêt rendu, sur renvoi après cassation, le 4 août 1855, par la Cour impériale de Paris, au profit du sieur Moinet fils.

Du 16 janvier 1858.

NOTICE ET MOTIFS.

Par arrêt du 8 mai 1855, rapporté au Bulletin officiel sous le n° 56, la Cour de cassation a annulé un arrêt de la cour de Rouen, qui avait jugé que la femme qui renonce à la communauté n'exerce pas ses reprises à titre de propriété, mais à titre de simple créance.

La cour de Paris, saisie sur renvoi, s'est prononcée, par arrêt du 4 août 185

5, dans le même sens que la Cour de Rouen. Se fondant sur ce que la femme n'avait, à raison...

REJET du pourvoi de la veuve Moinet contre un Arrêt rendu, sur renvoi après cassation, le 4 août 1855, par la Cour impériale de Paris, au profit du sieur Moinet fils.

Du 16 janvier 1858.

NOTICE ET MOTIFS.

Par arrêt du 8 mai 1855, rapporté au Bulletin officiel sous le n° 56, la Cour de cassation a annulé un arrêt de la cour de Rouen, qui avait jugé que la femme qui renonce à la communauté n'exerce pas ses reprises à titre de propriété, mais à titre de simple créance.

La cour de Paris, saisie sur renvoi, s'est prononcée, par arrêt du 4 août 1855, dans le même sens que la Cour de Rouen. Se fondant sur ce que la femme n'avait, à raison de ses reprises, aucun droit de propriété ou de préférence sur l'actif mobilier ou immobilier d'une société d'acquêts à laquelle elle avait renoncé, la cour de Paris a débouté la veuve Moinet de sa demande.

Celle-ci s'est pourvue en cassation contre cet arrêt, invoquant le même moyen que dans son précédent pourvoi. La chambre des requêtes a admis ce pourvoi ; la chambre civile s'est déclarée incompétente et a renvoyé devant les chambres réunies.

La demanderesse a soutenu que, dans le cas d'acceptation de la communauté, il fallait avant tout décomposer la masse indivise des biens et reconstituer tous les propres de la femme, qu'ils existent en espèce ou qu'ils aient été dénaturés ou dissipés, et que la femme commune devait alors prélever, à titre de propriétaire, dans cette masse, tous ses propres ou leur valeur. Elle a soutenu que ces principes étaient applicables au cas de renonciation, parce qu'en renonçant à la communauté la femme ne renonçait pas à ses propres, dont l'article 1483 lui assurait l'entière conservation, sans charge des dettes créées par son mari.

Le défendeur a soutenu que, si la femme, acceptante ou renonçante, était propriétaire de ses propres existant en nature, et les prélevait ou reprenait à ce titre, il en était autrement des autres causes de prélèvement ; que la femme qui avait souffert un dommage n'avait contre la communauté qui avait fait un profit qu'une créance ordinaire, et que, surtout, dans le silence de l'article 2101 du X... Napoléon, la femme n'avait aucune espèce de privilège sur les meubles de la communauté ; qu'elle n'avait, dans le cas de renonciation, qu'une hypothèque légale sur les immeubles appartenant ou dévolus à son mari ; que l'article 1483 limitait les obligations de la femme comme débitrice, et ne lui conférait point de privilège pour ses créances.

Sur quoi, LA COUR,

Ouï, aux audiences des 11, 12, 13 de ce mois, M. le conseiller Sénéca, en son rapport ; Maître Y..., en ses observations pour la demanderesse ; Maître Z..., en ses observations pour le défendeur, et M. Dupin, procureur général, en ses conclusions ; après en avoir délibéré en la chambre du conseil aux audiences des 14, 15 et 16 dudit mois ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 1581, 1498, 1493 et 1494 du X... Napoléon, et des principes généraux du même code sur le prélèvement des reprises de la femme à la dissolution de la communauté :

Attendu qu'à la dissolution de la communauté, dans le cas d'acceptation par la femme ou ses héritiers, les prélèvements respectifs des époux, lorsqu'ils ont pour objet soit les biens propres de chacun d'eux existant en nature, soit leurs remplois dûment effectués, ne peuvent être exercés qu'à la charge de justifier, conformément à l'article 1402 du X... Napoléon, de la propriété ou de la possession légale des biens à prélever ;

Que, dans le cas du n° 1er de l'article 470 du X... Napoléon, les prélèvements s'exercent donc à titre de propriétaire et constituent une véritable revendication ;

Attendu, au contraire, que c'est à titre de créancier que chaque époux prélève soit le prix de ses propres aliénés, soit les indemnités qui lui sont dues par la communauté, conformément aux n° 2 et 3 dudit article ;

Qu'en effet l'action n'a alors pour cause qu'une diminution de patrimoine de l'un des époux, et un profit corrélatif fait par la communauté ;

Que cette cause ne produit pas un droit de propriété sur des objets déterminés, et qu'il n'en résulte qu'une créance et une action mobilière ;

Attendu que l'actif de la communauté, composé de tout ce qui reste, distraction faite des objets reconnus propres à chacun des époux, après justification, est le gage commun des créanciers ;

Attendu que la femme, pour sa dot et ses conventions matrimoniales, n'obtient certains droits de préférence que sur les immeubles de son mari, conformément aux articles 2121, 2135 du X... Napoléon ; mais qu'aucun privilège, soit général, soit spécial, n'est inscrit en sa faveur sur les meubles de la communauté dans les articles 2101 et suivants du même code ;

Attendu qu'on ne saurait faire résulter des articles 1470, 1471 du X... Napoléon un droit quelconque d'exclusion à l'égard des créanciers au profit de la femme, pour ses prélèvements sur les biens de la communauté ;

Que ces articles ne s'occupent que du partage de l'actif entre les époux et des droits respectifs de ces derniers, en impliquant toutefois la charge des dettes, aux termes des articles 1467, 1482, 1483 du X... Napoléon ;

Attendu qu'un droit quelconque d'exclusion ou de préférence ne saurait résulter plus spécialement de l'article 1483 ;

Que cet article, étranger aux droits de la femme considérés comme affectant l'actif, a uniquement pour objet de limiter, par une sorte de bénéfice d'inventaire, les effets de l'obligation personnelle de la femme, tenue, par le fait de son acceptation, de contribuer au payement des dettes de la communauté contractées par le mari seul ;

Attendu que les créanciers vigilants peuvent faire tous actes conservatoires et toutes poursuites légales pour s'assurer de leur gage et afin d'être payés, notamment en se conformant aux articles 1476, 833 du X... Napoléon ;

Attendu que si, après le partage consommé sans fraude, la femme a le droit, sous la condition exprimée audit article, de porter en dépense le montant de ses récompenses ou indemnités dans le compte qu'elle doit aux créanciers survenants, ce droit, qui ne consiste qu'à retenir ce qu'elle a reçu à juste titre, n'implique nullement un droit de préférence ou d'exclusion attaché à la créance ainsi payée ;

Attendu que des droits reconnus à la femme renonçante par l'article 1493 naissent pour elle des actions qu'elle exerce, à raison de leur nature, comme dans le cas d'acceptation, soit par voie de revendication, soit à titre de créancière ;

Attendu, d'ailleurs, que l'article 1493, pour le cas de renonciation, n'est relatif, comme les articles 1470, 1471 du X... Napoléon, pour le cas d'acceptation, qu'aux rapports des époux entre eux, et ne porte aucune atteinte aux droits de créanciers vigilants sur les biens qui sont leur gage ;

Attendu que les principes ci-dessus sont applicables au cas de communauté conventionnelle ;

Attendu, en fait, que la veuve Moinet, mariée sous le régime dotal avec stipulation d'une société d'acquêts, a renoncé à cette société, que les créanciers ont formé opposition avant qu'elle n'ait été légitimement payée du montant de ses reprises par l'héritier bénéficiaire de son mari ; qu'elle a toutefois repris, sans contestation, tous ses propres existant en nature ;

Attendu que la veuve Moinet ne pouvant, sous les principes du régime de la communauté, comme sous le régime dotal, prétendre aucun droit exclusif, à raison de ses autres reprises, sur les biens meubles appartenant ou dévolus à la succession de son mari, et n'ayant, le cas échéant, qu'une hypothèque légale sur les immeubles, l'arrêt attaqué, en la déclarant mal fondée dans sa demande à fin de prélèvement préalable, à titre de propriétaire, sur l'actif mobilier et immobilier provenant de la communauté, du montant desdites reprises, par préférence aux créanciers opposants, et en la renvoyant, quant aux biens meubles, à la distribution par contribution pour y faire valoir ses droits, ainsi qu'il avisera, n'a, dans son dispositif, violé ni les articles invoqués du X... Napoléon, ni les principes généraux de la matière, et n'a fait qu'une juste application de l'article 1493 du X... Napoléon :

Par ces motifs, LA COUR REJETTE,

Jugé et prononcé, Chambres réunies.


Synthèse
Formation : Chambres reunies
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006951613
Date de la décision : 16/01/1858
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Chambre mixte

Analyses

COMMUNAUTE ENTRE EPOUX - Reprises de la femme - Créanciers

La femme commune, soit qu'elle accepte, soit qu'elle renonce à la communauté, ne peut exercer ses prélèvements et reprises sur la communauté à titre de propriétaire ; elle ne peut les exercer qu'à titre de créancière et en concurrence avec les créanciers du mari.


Références :

Décision attaquée : Cour impériale de Paris, 04 août 1855


Publications
Proposition de citation : Cass. ch. réun., 16 jan. 1858, pourvoi n°JURITEXT000006951613, Bull. civ. ARRETS Cour de Cassation Chambres réunies N. 6 p. 12
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles ARRETS Cour de Cassation Chambres réunies N. 6 p. 12

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1858:JURITEXT000006951613
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award