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13/06/2024 | FRANCE | N°22/01050

France | France, Cour d'appel d'Orléans, Chambre commerciale, 13 juin 2024, 22/01050


COUR D'APPEL D'ORLÉANS



CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE







GROSSES + EXPÉDITIONS : le 13/06/2024

la SCP REFERENS

Me Eleonore TERRIEN-FRENEAU

ARRÊT du : 13 JUIN 2024



N° : 151 - 24

N° RG 22/01050

N° Portalis DBVN-V-B7G-GSEQ



DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BLOIS en date du 17 Mars 2022



PARTIES EN CAUSE



APPELANTS :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265272073221964

Madame [D] [B] épouse

[P]

née le [Date naissance 2] 1956 à [Localité 10]

[Adresse 6]

[Localité 7]





Ayant pour avocat Me Laurent LALOUM, membre de la SCP REFERENS, avocat au barreau de BLOIS





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COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 13/06/2024

la SCP REFERENS

Me Eleonore TERRIEN-FRENEAU

ARRÊT du : 13 JUIN 2024

N° : 151 - 24

N° RG 22/01050

N° Portalis DBVN-V-B7G-GSEQ

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BLOIS en date du 17 Mars 2022

PARTIES EN CAUSE

APPELANTS :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265272073221964

Madame [D] [B] épouse [P]

née le [Date naissance 2] 1956 à [Localité 10]

[Adresse 6]

[Localité 7]

Ayant pour avocat Me Laurent LALOUM, membre de la SCP REFERENS, avocat au barreau de BLOIS

Monsieur [T] [P]

né le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 9]

[Adresse 5]

[Localité 8]

Ayant pour avocat Me Laurent LALOUM, membre de la SCP REFERENS, avocat au barreau de BLOIS

D'UNE PART

INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé N°:1265272073221964

La CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE AQUITAINE POITOU -CHARENTES

Société anonyme à directoire et conseil d'orientation et de surveillance

Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 4]

Ayant pour avocat postulant Me Eleonore TERRIEN-FRENEAU, avocat au barreau de BLOIS et pour avocat plaidant Me Benjamin HADJADJ, membre de la SARL AHBL AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX,

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 28 Avril 2022

ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 07 MARS 2024

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats à l'audience publique du JEUDI 28 MARS 2024, à 14 heures, Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, Madame Fanny CHENOT, Conseiller, en charge du rapport, et Monsieur Damien DESFORGES, Conseiller, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l'article 805 et 907 du code de procédure civile.

Après délibéré au cours duquel Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, Madame Fanny CHENOT, Conseiller, et Monsieur Damien DESFORGES, Conseiller, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de :

Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS,

Madame Fanny CHENOT, Conseiller,

Monsieur Damien DESFORGES, Conseiller,

Greffier :

Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors des débats et du prononcé,

ARRÊT :

Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le JEUDI 13 JUIN 2024 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE':

Selon offre préalable présentée comme ayant été acceptée le 4 janvier 2009, la société Caisse d'épargne et de prévoyance d'Aquitaine Poitou Charentes (la Caisse d'épargne) a consenti à M. [T] [P] et Mme [D] [B], son épouse qui dénie sa signature sur l'offre en cause, un prêt immobilier d'un montant de 178'965,05 euros, remboursable in fine, avec intérêts au taux de 5,60'% l'an après un différé d'amortissement de 120 mois.

A son terme, le 5 janvier 2019, ce prêt n'a pas été remboursé.

La vente de l'immeuble dont l'acquisition avait été financée par ce prêt a permis à la Caisse d'épargne d'être réglée d'une somme de 62'815,99 euros sur celle de 179'967,26 euros qui lui était due au 5 janvier 2019 de sorte que, par courriers du 12 juin 2019 adressés sous plis recommandés réceptionnés le 14 juin suivant, la Caisse d'épargne a mis chacun des emprunteurs solidaires en demeure de lui payer la somme de 121'419,51 euros dans un délai de quinze jours «'sous peine de déchéance du terme'».

Par courriers recommandés du 12 juillet 2019, réceptionnés le 15 juillet suivant, la Caisse d'épargne a indiqué à chacun de M. et Mme [P] avoir prononcé la déchéance du terme et les a mis en demeure de lui régler une somme portée à 133'965,46 euros.

Par actes du 2 juin 2020, la Caisse d'épargne a fait assigner M. et Mme [P] en paiement devant le tribunal judiciaire de Blois qui, par jugement du 17 mars 2022, a':

- dit que la signature et le paraphe portés sur le contrat de prêt sont de la main de Mme [D] [P],

- rejeté la demande tendant à voir dire que le contrat de prêt est nul à l'égard de Mme [D] [P],

- rejeté le moyen tiré de la prescription soulevé par la Caisse d'épargne et de prévoyance Aquitaine Poitou Charentes,

- rejeté la demande de déchéance du droit aux intérêts,

- rejeté la demande de la Caisse d'épargne et de prévoyance Aquitaine Poitou Charentes relative à l'indemnité de déchéance du terme,

- condamné solidairement M. [T] [P] et Mme [D] [B] épouse [P] à payer à la Caisse d'épargne et de prévoyance Aquitaine Poitou Charentes la somme de 124'487,03 euros, compte arrêté au 13 février 2020, 'outre intérêts la somme de 137'014,58 euros, compte arrêté au 13 février 2020", outre intérêts postérieurs au taux conventionnel majoré de trois points, soit 8,60'%,

- dit que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt,

- rejeté toute autre demande,

- rejeté la demande formée par M. [T] [P] et Mme [D] [B] épouse [P] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné solidairement M. [T] [P] et Mme [D] [B] épouse [P] à payer à la Caisse d'épargne et de prévoyance Aquitaine Poitou Charentes la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné solidairement M. [T] [P] et Mme [D] [B] épouse [P] aux dépens,

- constaté que la présente décision est assortie de droit de l'exécution provisoire.

M. et Mme [P] ont relevé appel de cette décision par déclaration du 28 avril 2022 en critiquant expressément tous les chefs du jugement en cause leur faisant grief.

Dans leurs dernières conclusions notifiées le 4 octobre 2022 par voie électronique, M. et Mme [P] demandent à la cour de':

A titre principal':

- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Blois du 17 mars 2022 en ce qu'il a':

* dit que la signature et le paraphe portés sur le contrat de prêt sont de la main de Mme [D] [P],

* rejeté la demande tendant à voir dire que le contrat de prêt est nul à l'égard de Mme [D] [P], * rejeté la demande de déchéance du droit aux intérêts

* condamné solidairement M. [T] [P] et Mme [D] [B] épouse [P] à payer à la Caisse d'Épargne et de Prévoyance Aquitaine Poitou Charentes la somme de 124'487,03 euros, compte arrêté au 13 février 2020, outre intérêts, la somme de 137'014,58 euros, compte arrêté au 13 février 2020, outre intérêts postérieurs au taux conventionnel majoré de trois points, soit 8,60'%,

* dit que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière produisent intérêts,

* rejeté les demandes de M. [T] [P] et Mme [D] [B] épouse [P] tendant à voir condamner la Caisse d'Épargne et de Prévoyance Aquitaine Poitou Charentes à payer à la communauté la somme totale de 183'959,66 euros se décomposant comme suit :

- la somme de 62'815,99 euros en remboursement du prix de vente,

- la somme de 878,47 euros en remboursement de la saisie,

- la somme de 100'220,40 euros en remboursement des intérêts réglés pendant la durée du prêt,

- la somme de 20'044,80 euros en remboursement des frais d'assurance payés pendant la durée du prêt,

* rejeté la demande formée par M. [T] [P] et Mme [D] [B] épouse [P] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamné solidairement M. [T] [P] et Mme [D] [B] épouse [P] à payer à la Caisse d'Épargne et de Prévoyance Aquitaine Poitou Charentes

la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamné solidairement M. [T] [P] et Mme [D] [B] épouse [P] aux dépens,

En conséquence':

Vu les articles 1128 et 1415 du code civil,

Vu l'article L. 313-34 anciennement L. 312-10 du code de la consommation,

Vu les articles L. 341-40 et L. 341-34 anciennement L. 312-33 du code de la consommation,

- dire et juger le contrat de prêt à l'égard de Mme [P] nul,

- débouter la Caisse d'épargne de toutes ses demandes, fins et conclusions dirigées contre Mme [P],

- condamner la Caisse d'épargne à payer à la communauté la somme totale de 183'959,66 euros se décomposant comme suit':

$gt;la somme de 62'815,99 euros en remboursement du prix de vente,

$gt;la somme de 878,47 euros en remboursement de la saisie,

$gt;la somme de 100'220,40 euros en remboursement des intérêts réglés pendant la durée du prêt,

$gt;la somme de 20'044,80 euros en remboursement des frais d'assurance payés pendant la durée du prêt,

En tout état de cause':

- dire et juger que la Caisse d'épargne est déchue du droit aux intérêts et en conséquence':

- condamner la Caisse d'épargne à payer la somme de 100'220,40 euros en remboursement des intérêts payés pendant la durée du prêt,

- débouter la Caisse d'épargne de sa demande de condamnation à hauteur de 5'415,62 euros au titre des intérêts,

- condamner la Caisse d'épargne à verser à chacun des appelants une indemnité de 3'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile eu égard aux frais de première instance,

- condamner la Caisse d'épargne à verser à chacun des appelants une indemnité de 3'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile eu égard aux frais d'appel,

- condamner la Caisse d'épargne aux dépens de première instance et d'appel lesquels seront recouvrés par la SCP Referens conformément à l'article 699 du code de procédure civile,

A titre subsidiaire':

Vu l'article 232 du code de procédure civile,

Vu les pièces versées aux débats,

- ordonner une mesure d'expertise graphologique':

* de la mention «'bon pour accord'» apposée sous le nom de Mme [P] dans l'offre de prêt,

* de la signature apposée sous le nom de Mme [P] dans l'offre de prêt,

* des paraphes présentes en bas des pages de l'offre de prêt,

- désigner tel expert qu'il plaira à la cour d'appel avec la mission de':

* se faire communiquer l'ensemble des pièces utiles,

* dire si les paraphes en bas des pages de l'offre de prêt, si la mention «'bon pour accord'» et la signature présentes en dessous du nom de Mme [P] en dernière page de l'offre de prêt émanent de Mme [P],

* entendre les parties en leurs explications ainsi que tous sachants,

* répondre aux dires et observations des parties,

* fournir plus généralement tous éléments utiles à la solution du litige,

- dire qu'en cas d'empêchement ou de refus de l'expert commis, il sera conduit à son remplacement par simple ordonnance rendue à la requête de la partie la plus diligente,

-fixer la consignation à déposer pour la mise en 'uvre des opérations d'expertise,

- dire et juger que cette consignation sera à la charge de Mme et M. [P], demandeurs à l'expertise judiciaire,

- surseoir à statuer sur les toutes les autres demandes.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 12 septembre 2022 par voie électronique, la Caisse d'épargne demande à la cour de':

Vu les articles 1103 et 1343-2 anciennement 1134 et 1154 du code civil,

- dire et juger que les demandes de la Caisse d'épargne Aquitaine Poitou Charentes sont recevables et bien fondées,

Y faisant droit,

A titre principal,

- confirmer le jugement rendu le 17 mars 2022 en ce qu'il a condamné solidairement M. [T] [P] et Mme [D] [B] à payer à la Caisse d'épargne et de prévoyance Aquitaine Poitou Charentes la somme de 124'487,03 euros, ['] compte arrêté au 13 février 2020, outre intérêts postérieurs au taux conventionnel majoré de trois points, soit 8,60'%,

- infirmer le jugement rendu le 17 mars 2022 en ce qu'il a rejeté la demande de la Caisse d'épargne et de prévoyance Aquitaine Poitou Charentes relative à l'indemnité de déchéance du terme,

Par voie de conséquence':

- condamner solidairement M. [T] [P] et Mme [D] [P] à payer à la Caisse d'épargne et de prévoyance Aquitaine Poitou Charentes la somme de 137'014,58 euros, compte arrêté au 13 février 2020, outre intérêts postérieurs au taux conventionnel majoré de trois points, soit 8,60'%,

A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où le tribunal jugerait Mme [D] [P] non engagée contractuellement avec la Caisse d'épargne et de prévoyance Aquitaine Poitou Charentes au titre du prêt n°F0044212 / n°8515030,

- condamner M. [T] [P] à payer à la Caisse d'épargne et de prévoyance Aquitaine Poitou Charentes la somme de 137'014,58 euros, compte arrêté au 13 février 2020, outre intérêts postérieurs au taux conventionnel majoré de trois points, soit 8,60'%,

En toute hypothèse,

- condamner in solidum M. [T] [P] et Mme [D] [P] au paiement d'une indemnité de 3'000 euros sur le fondement de l'article 700 ainsi qu'aux entiers dépens,

- débouter M. [T] [P] et Mme [D] [P] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions.

Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions récapitulatives.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 7 mars 2024, pour l'affaire être plaidée le 28 mars suivant et mise en délibéré à ce jour.

SUR CE, LA COUR':

Sur les demandes d'annulation du contrat de prêt «'à l'égard de Mme [P]'» et de remboursement des sommes réglées «'à la communauté'» :

Au soutien de leur appel, M. et Mme [P] commencent par assurer que l'offre de prêt dont se prévaut la Caisse d'épargne n'a pas été signée par Mme [P].

En ce sens, ils expliquent que la Caisse d'épargne a émis le 23 décembre 2008 l'offre de prêt qui devait permettre de financer une opération immobilière qui devait être réalisée le 31 décembre 2008 au plus tard et que, pour respecter cette contrainte de temps, l'établissement bancaire a demandé à M. [P], qui s'était rendu seul dans son agence le 24 décembre 2008, de signer l'offre de prêt pour son épouse, laquelle n'aurait été informée de la souscription du prêt litigieux qu'à réception, le 12 juin 2019, de la mise en demeure de régler le capital.

Ils en déduisent qu'en application de l'article 1128 du code civil, le contrat de prêt litigieux est nul à l'égard de Mme [P] qui n'y a pas consenti et que, par application des articles 1402 et 1415 du même code, la Caisse d'épargne, qui a commis une faute en demandant à M. [P] de signer l'offre de prêt aux lieu et place de son épouse afin de créer l'apparence d'un engagement commun, puis «'appréhendé'», selon leurs termes, les biens communs en prélevant les échéances du prêt (intérêts et primes d'assurances) sur leur compte joint, en procédant à une saisie sur ce compte puis en encaissant le prix de vente de l'immeuble financé, qui était un bien commun, devra être condamnée à rembourser «'à la communauté'» l'intégralité de ce que celle-ci a réglé, soit la somme totale de 183 959,66 euros.

En réplique aux écritures de la Caisse d'épargne, les appelants ajoutent que Mme [P] n'a pas davantage paraphé l'offre de prêt qu'elle ne l'a signée, qu'elle a certes régularisé l'acte authentique d'acquisition du bien financé mais que l'acte notarié ne précisait pas que le prix avait été réglé au moyen d'un prêt et que Mme [P] ignorait également que les intérêts et les primes d'assurance du prêt étaient prélevés sur leur compte joint puisque M. [P] gérait seul ce compte et les charges du ménage.

M. et Mme [P] soulignent enfin que, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, une comparaison entre les signatures figurant en dernière page de l'offre de prêt et celles apposées sur le courrier qu'ils ont rédigé le 26 décembre 2008 à la demande de la Caisse d'épargne suffit à établir que les deux signatures qui se trouvent sur l'offre de prêt sont les mêmes et ont été apposées par M. [P], qui réitère avoir signé pour son épouse qui n'était pas présente le 24 décembre 2008 dans les locaux de la Caisse d'épargne à la demande de cette dernière.

Subsidiairement, les appelants demandent à la cour d'ordonner une mesure d'expertise graphologique portant sur la mention «'bon pour accord'», la signature et les paraphes prêtés à Mme [P] sur l'offre de prêt litigieuse.

La Caisse d'épargne rétorque que, conformément à la loi, l'offre de prêt en cause a été adressée à M. et Mme [P] par voie postale et que Mme [P] n'avait donc nul besoin d'être présente à quelconque rendez-vous en son agence pour signer.

L'intimée ajoute qu'en toute hypothèse Mme [P] n'a pu ignorer l'existence de ce prêt ni celle de 'son engagement' puisque le 26 décembre 2008, deux jours après avoir réceptionné l'offre en cause, elle ne conteste pas s'être engagée avec son époux à signer l'offre de prêt litigieuse, aux termes d'un écrit que les appelants produisent aux débats en pièce 2 et qui, puisqu'il fait référence au numéro de l'offre de prêt, démontre que les appelants avaient à cette date un exemplaire de l'offre de prêt en leur possession.

La Caisse d'épargne relève qu'une comparaison des paraphes figurant sur chaque page de l'offre de prêt révèle une différence notable entre les écritures, ce dont elle déduit que M. [P] ne peut pas être l'auteur des paraphes aux initiales de son épouse.

Elle souligne enfin que le prêt a permis de financer l'acquisition d'un immeuble commun, ce aux termes d'un acte notarié que Mme [P] ne peut pas sérieusement admettre avoir signé sans s'être interrogée sur l'origine des fonds ayant permis de financer l'acquisition, puis relève que lorsque le bien financé a été vendu, Mme [P] lui a volontairement versé, avec son époux, le prix de vente en règlement partiel du solde du prêt litigieux.

La Caisse d'épargne conclut que Mme [P] s'est comportée dès la souscription du prêt comme co-empruntrice de son époux, validant ainsi l'engagement souscrit ou a, a minima, ratifiant implicitement l'engagement contracté par son époux s'il devait être retenu que ce dernier a imité sa signature. Elle en déduit, sans davantage d'explications, que M. et Mme [P] doivent être solidairement condamnés à paiement.

Subsidiairement, la Caisse d'épargne fait valoir que les conséquences que les appelants tirent du défaut de signature de Mme [P] ne sont de toute façon pas les bonnes.

L'intimée soutient en ce sens que les dispositions des articles 1415', 1421, 1433 et 1437 du code civil n'interdisaient pas à M. [P] de prévoir que le remboursement du prêt en cause s'effectuerait depuis le compte joint des époux, à charge pour la communauté de prétendre à récompense, dans un cadre qui lui est complètement étranger.

La Caisse d'épargne assure enfin n'avoir jamais demandé à M. [P] de signer l'offre de prêt aux lieu et place de son épouse et demande à la cour, si elle retenait que Mme [P] n'est pas engagée par l'offre de prêt litigieuse, de condamner en tous cas M. [P] à paiement en écartant la demande de remboursement à la communauté.

En application de l'article 1324 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, la partie à laquelle on oppose un acte sous seing privé peut désavouer son écriture ou sa signature, dont la vérification doit alors être ordonnée s'il ne peut être statué sans tenir compte de l'écrit contesté, et l'acte ne fait pleinement foi entre ceux qui l'ont souscrit que si ladite vérification permet d'en établir la sincérité.

Selon l'article 287 du code de procédure civile, si l'une des parties dénie l'écriture qui lui est attribuée ou déclare ne pas reconnaître celle qui est attribuée à son auteur, le juge vérifie l'écrit contesté à moins qu'il ne puisse statuer sans en tenir compte. Si l'écrit contesté n'est relatif qu'à certains chefs de la demande, il peut être statué sur les autres.

L'article 288 du même code ajoute qu'il appartient au juge de procéder à la vérification d'écriture au vu des éléments dont il dispose après avoir, s'il y a lieu, enjoint aux parties de produire tous documents à lui comparer et fait composer, sous sa dictée, des échantillons d'écriture, puis précise que dans la détermination des pièces de comparaison, le juge peut retenir tous documents utiles provenant de l'une des parties, qu'ils aient été émis ou non à l'occasion de l'acte litigieux.

En l'espèce, M. et Mme [P] produisent en pièce 2 un document daté du 26 décembre 2008, signé de chacun d'eux, par lequel ils se sont engagés «'à signer l'offre de prêt n° F0044212 dès la fin du délai de rétractation soit le 3 janvier 2009'» et à «'rembourser le découvert plus les intérêts intercalaires par le déblocage du crédit F 0044212'».

Une comparaison entre les signatures qui figurent au pied de cette attestation que la Caisse d'épargne ne conteste pas avoir recueillie et les signatures qui figurent à l'offre de prêt litigieuse présentée comme ayant été acceptée le 4 janvier 2009 démontre, ce que la Caisse d'épargne ne conteste au demeurant pas, que la signature figurant à l'offre de prêt comme étant celle de Mme [P] est en réalité une signature qui a été portée de la main de M. [P].

Le fait que, dans l'attestation qu'elle ne conteste pas avoir signée le 26 décembre 2008, Mme [P] se soit engagée à accepter l'offre de prêt en cause, ne démontre nullement qu'elle l'a personnellement signée.

Ce document établit en effet que Mme [P] avait connaissance de l'existence de l'offre et qu'elle avait l'intention de l'accepter le 26 décembre 2008, mais ne démontre nullement qu'elle l'aurait finalement acceptée et signée le 4 janvier 2009.

Si Mme [P] ne conteste pas avoir signé, par-devant notaire, l'acte d'acquisition du bien financé, s'il est également acquis aux débats que les échéances de remboursement du prêt ont toutes été prélevées sur le compte joint de M. et Mme [P] et si ces derniers ont, l'un et l'autre, accepté que le prix de revente du bien financé soit versé par le notaire instrumentaire à la Caisse d'épargne, il s'infère de ces éléments, sans doute possible, que Mme [P] ne pouvait ignorer que l'appartement qu'elle avait acquis à La Réunion avec son époux avait été financé grâce au concours de la Caisse d'épargne, mais il n'en résulte pas pour autant la preuve que Mme [P] aurait accepté l'offre de prêt litigieuse et, par voie de conséquence, consenti à la souscription d'un prêt dans les termes de l'offre que lui oppose l'intimée.

Il en résulte, non pas que le prêt litigieux devrait être «'annulé à l'égard de Mme [P]'», mais simplement que les demandes en paiement que la Caisse d'épargne formule à l'encontre de Mme [P] doivent être rejetées.

Il n'est pas contesté par les appelants que le prêt litigieux a servi à financer l'appartement de [Localité 11] en Réunion dont ils avaient fait l'acquisition, en commun, selon l'acte notarié dressé le 31 décembre 2008 qu'ils produisent eux-mêmes aux débats.

M. et Mme [P] ne peuvent reprocher à faute à la Caisse d'épargne d'avoir, selon leurs termes, «'appréhendé'» des biens communs pour le paiement d'un emprunt dont l'offre n'avait pas été signée par Mme [P], alors que rien ne permet de retenir que la Caisse d'épargne avait connaissance, dès la conclusion du prêt litigieux, que M. [P] avait signé l'offre de prêt aux lieu et place de son épouse, qu'il n'est ni établi, ni même allégué, que la Caisse d'épargne aurait pris l'initiative de prélever les échéances du prêt sur le compte joint de M. et Mme [P] et qu'il ne résulte non plus d'aucune production que l'intimée, qui n'est munie d'aucun titre exécutoire, aurait fait procéder à une saisie sur le compte joint de M. et Mme [P].

A supposer que, comme il a signé l'offre de prêt aux lieu et place de son épouse, dans l'urgence et afin d'obtenir un déblocage des fonds prêtés avant la date butoir du 31 décembre 2008 qui avait été fixée à l'avant-contrat de vente, M. [P] ait, seul ou en imitant la signature de son épouse, autorisé la Caisse d'épargne à prélever les échéances du prêt sur le compte joint des époux, la Caisse d'épargne a pu procéder à ces prélèvements sur le compte joint sans commettre aucune faute à l'égard «'de la communauté'» et il appartiendra le cas échéant à M. [P] de rendre compte de ses actes à son épouse.

Outre que le bien a été acquis en commun par les deux époux, de sorte qu'il pouvait apparaître naturel à la Caisse d'épargne que les échéances du prêt soient prélevées sur le compte joint de M. et Mme [P], il est certain que la Caisse d'épargne, qui n'a commis aucune faute de ce chef, n'est tenue d'aucun remboursement à la communauté qui, au demeurant, n'est pas une personne morale habile à ester en justice.

M. et Mme [P] seront donc déboutés de leur demande tendant à ce que la Caisse d'épargne soit condamnée à rembourser «'à la communauté'» une somme de 183'959,66 euros.

Sur la demande subsidiaire de déchéance des intérêts :

Au soutien de leur demande de déchéance des intérêts, M. et Mme [P] expliquent que la Caisse d'épargne a émis le 23 décembre 2008 l'offre qu'ils ont réceptionnée le 24 décembre 2008 et que, pour débloquer les fonds avant le 31 décembre suivant, l'établissement bancaire a demandé à M. [P] de signer l'offre dès le 24 décembre 2008, de sorte que les fonds ont été débloqués le 30 décembre 2008 et que l'acte authentique a pu être régularisé le 31 décembre 2008.

Après avoir rappelé les termes des articles L. 312-10 et L. 312-33 du code de la consommation, dans leur rédaction applicable au litige, M. et Mme [P] soutiennent que la Caisse d'épargne, qui avait conscience de l'illégalité de la situation, a falsifié la date d'acceptation en transformant grossièrement la date du 24 décembre 2008 en 4 janvier 2009 et leur a dicté, le 26 décembre 2008, un courrier selon lequel ils s'engageaient à signer l'offre de prêt dès la fin du délai de réflexion de dix jours.

Les appelants ajoutent que la Caisse d'épargne ne peut faire accroire que l'offre de prêt a été acceptée le 4 janvier 2009 alors que la date d'acceptation qui figure sur l'offre de prêt apparaît grossièrement modifiée, que les fonds ont été virés le 30 décembre 2008 au notaire qui a régularisé l'acte de vente du 31 décembre 2008 en mentionnant que le prix avait été payé comptant, que la date du 4 janvier 2009 qui figure au tableau d'amortissement dont l'intimée se prévaut correspond à la date de la première échéance de remboursement, et non à la date de déblocage des fonds et que la Caisse d'épargne, enfin, ne peut soutenir que le versement du prix lors de la vente du 31 décembre 2008 résulterait d'un découvert en compte qu'ils n'ont jamais sollicité et qu'aucune pièce ne vient établir.

M. et Mme [P] en déduisent que la Caisse d'épargne, qui n'a pas respecté le délai de dix jours prévu à l'article L. 312-10, doit être déchue des intérêts qui, selon le tableau d'amortissement, se sont élevés à 100'220,40 euros.

Sans soulever aucune fin de non-recevoir dans le dispositif de ses dernières écritures, la Caisse d'épargne rétorque dans le corps de ses conclusions que le délai de prescription de l'action en déchéance des intérêts ou en nullité du prêt est de cinq ans à compter de l'acceptation de l'offre, puis ajoute, à titre surabondant selon ses termes, que les appelants ne démontrent aucune falsification de sa part de la date d'acceptation apposée sur le contrat de prêt.

La Caisse d'épargne fait valoir que le tableau d'amortissement définitif du prêt, communiqué en pièce 8, établit que les fonds prêtés n'ont été versés que le 4 janvier 2009 et qu'il lui apparaît «'vraisemblable'», compte tenu de la teneur du courrier du 26 décembre 2008 communiqué par les appelants, que le paiement du prix de vente, dès le 31 décembre 2008, soit issu d'un découvert en compte des époux [P].

En ce sens, la Caisse d'épargne indique que M. et Mme [P], manifestement pris de court entre la date de réception de l'offre de prêt et la date prévue pour la signature de l'acte authentique ont, lui «'semble-t-il'» selon ses termes, sollicité l'autorisation d'un découvert en compte exceptionnel afin de payer le prix de leur acquisition au jour de la signature de l'acte authentique puis se sont engagés à signer l'offre de prêt une fois le délai de réflexion expiré, soit le 4 janvier 2009.

Aux termes du premier alinéa de l'article L. 312-10 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, l'envoi de l'offre oblige le prêteur à maintenir les conditions qu'elle indique pendant une durée minimale de trente jours à compter de sa réception par l'emprunteur.

Selon le second alinéa de ce texte, l'offre est soumise à l'acceptation de l'emprunteur et des cautions, personnes physiques déclarées. L'emprunteur et les cautions ne peuvent accepter l'offre que dix jours après qu'il l'ont reçue. L'acceptation doit être donnée par lettre, le cachet de la poste faisant foi.

L'article L. 312-33 du même code, dans sa rédaction applicable à la cause, énonce ce qui suit':

Le prêteur ou le bailleur qui ne respecte pas l'une des obligations prévues aux articles L. 312-7 et L. 312-8, à l'article L. 312-14, deuxième alinéa, ou à l'article L. 312-26 sera puni d'une amende de 3'750'€.

Le prêteur qui fait souscrire par l'emprunteur ou les cautions déclarées, ou reçoit de leur part l'acceptation de l'offre sans que celle-ci comporte de date ou dans le cas où elle comporte une date fausse de nature à faire croire qu'elle a été donnée après expiration du délai de dix jours prescrit à l'article L. 312-10, sera puni d'une peine d'amende de 30'000'€.

La même peine est applicable au bailleur qui fait souscrire par le preneur ou qui reçoit de sa part l'acceptation de l'offre sans que celle-ci comporte de date ou dans le cas où elle comporte une date fausse de nature à faire croire qu'elle a été donnée après l'expiration du délai de dix jours prescrit à l'article L. 312-27.

Dans les cas prévus aux alinéas précédents, le prêteur ou le bailleur pourra en outre être déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.

La Caisse d'épargne n'a soulevé, on l'a dit, aucune fin de non-recevoir dans le dispositif de ses écritures qui, seul, ainsi qu'il est dit à l'article 954 du code de procédure civile, saisit la cour.

Il n'y a donc pas lieu de statuer sur la recevabilité de la demande de déchéance des intérêts des appelants mais il peut néanmoins être rappelé à titre surabondant que lorsque la déchéance des intérêts est invoquée, comme en l'espèce, pour voir rejeter une demande en paiement des intérêts au taux contractuel, cette exception constitue un moyen de défense au fond sur lequel la prescription est sans incidence (v. par ex. Com. 6 juin 2018, n° 17-10.103).

Il est établi sans doute possible, en l'espèce, que le délai de réflexion de dix jours n'a pas été respecté, ainsi que l'a retenu le premier juge.

Les appelants démontrent en effet, par la production de l'acte authentique de vente et l'ordre de virement produit en pièce 5 que les fonds nécessaires au paiement du prix de la vente ont été virés par la Caisse d'épargne en l'étude du notaire instrumentaire dès le 30 décembre 2008 et la Caisse d'épargne n'établit d'aucune manière que les fonds qu'elle a versés à cette date résulteraient d'une autorisation de découvert exceptionnelle consentie à M. et Mme [P].

La Caisse d'épargne ne peut sérieusement soutenir que la date du 4 janvier 2009 qui figure au tableau d'amortissement correspond à la date de l'acceptation de l'offre ou à celle du déblocage des fonds prêtés, alors que la date du 4 janvier 2009 mentionnée au tableau d'amortissement est la date d'exigibilité de la première échéance de remboursement.

La Caisse d'épargne concède en outre avoir recueilli de M. et Mme [P] l'attestation que ceux-ci produisent en pièce 2 et dont elle s'est prévalue pour soutenir que Mme [P] avait connaissance de l'offre de prêt.

Cette attestation est rédigée dans les termes suivants':

«'Nous soussignés M. et Mme [T] [P] certifions par la présente que nous nous engageons à signer l'offre de prêt n° F0044212 dès la fin du délai de rétractation soit le 3 janvier 2009 et à rembourser le découvert plus les intérêts intercalaires par le déblocage du crédit F 0044212'».

Ce courrier démontre que la Caisse d'épargne a, soit débloqué les fonds prêtés avant l'expiration du délai de dix jours qui n'est pas un délai de rétractation mais un délai de réflexion, soit effectivement consenti à M. et Mme [P], qui le contestent, un découvert en compte qui ne résulte ni des relevés de compte produits, ni d'aucune pièce que communique la Caisse d'épargne.

En toute hypothèse, que le prix de l'immeuble dont l'acquisition a été financée au moyen du prêt litigieux ait été réglé pour permettre la signature de l'acte authentique de vente le 31 décembre 2008 par un déblocage prématuré du prêt en cause ou par un découvert provisoirement autorisé avant le déblocage des fonds, cette attestation démontre de manière certaine que la Caisse d'épargne a méconnu les prescriptions de l'article L. 312-10 alinéa 2 du code de la consommation en faisant renoncer les époux [P] au délai de réflexion prévu par un texte d'ordre public.

Il est de jurisprudence assurée, ainsi que le fait valoir la Caisse d'épargne, que le non-respect du délai de réflexion de dix jours n'est pas sanctionné par la déchéance des intérêts prévue à l'article L. 312-33, mais par la nullité du prêt (v. par ex. Civ. 1 21 octobre 2020, n° 19-13.359'; 9 juillet 2003, n° 01-11.153).

Si, ainsi que l'a retenu le premier juge, rien ne permet de retenir que la date de l'acceptation de l'offre aurait été modifiée par la Caisse d'épargne, il n'en reste pas moins certain que cette date, surchargée, a été modifiée.

La copie de l'exemplaire de l'offre que la Caisse d'épargne verse aux débats révèle en effet, sans aucun doute possible, que la date d'acceptation qui y avait d'abord été renseignée est celle du 24 décembre 2008 et que cette date a ensuite été remplacée, par surcharge, par la date du 4 janvier 2009.

Que la modification de la date soit le fait de M. [P] ou d'un préposé de la Caisse d'épargne est indifférent'; l'article L. 312-33 sanctionne l'absence de date ou la fausse date de nature à faire croire que l'acceptation a été donnée après l'expiration du délai de réflexion de dix jours -que cette fausse date ait été indiquée par l'emprunteur ou par le prêteur.

Selon la Caisse d'épargne, les fonds prêtés auraient été débloqués en l'espèce le 4 janvier 2009, jour de la première échéance de remboursement du prêt en cause.

Pour que le prêteur débloque les fonds prêtés, il faut que, au préalable, il ait reçu l'acceptation de l'offre de l'emprunteur. Dès lors que, selon l'article L 312-10, l'acceptation doit être donnée par lettre, le cachet de la poste faisant foi, il est certain que, compte tenu des délais d'acheminement postaux, la Caisse d'épargne n'a pu avoir connaissance de l'acceptation de l'offre le jour même où l'offre acceptée lui a été retournée par voie postale.

Dit autrement, puisque la Caisse d'épargne assure avoir débloqué les fonds le 4 janvier 2009, ce qu'elle n'a pas pu faire avant d'avoir reçu, par voie postale, l'acceptation de l'emprunteur, l'offre n'a pu être acceptée et renvoyée par la poste, qui ne distribue pas le courrier le dimanche, que le vendredi 2 janvier 2009 au plus tard pour être reçue par la Caisse d'épargne le samedi 3 janvier 2009, de sorte que la date d'acceptation surchargée du 4 janvier 2009 qui figure à l'offre ne peut qu'être une fausse date de

nature à laisser croire, au sens de l'article L. 312-33, que l'acceptation aurait été donnée après l'expiration du délai de réflexion de dix jours prévu à l'alinéa 2 de l'article L. 312-10.

La cour observe en outre qu'alors que la date d'acceptation est surchargée sur l'offre, que l'article L. 312-10 prévoit que le cachet de la poste fait foi de la date d'acceptation et que M. [P] assure avoir accepté l'offre litigieuse dès le 24 décembre 2008 pour obtenir un déblocage des fonds au plus tard le jour de la signature de l'acte authentique de vente, le 31 décembre 2008, soit avant l'expiration du délai de réflexion de dix jours, la Caisse d'épargne ne produit pas l'enveloppe dont le cachet postal aurait à la fois fait foi de la date de l'acceptation de l'offre et lui aurait permis d'établir que, contrairement à ce que soutiennent les appelants, elle n'a pas fait signer l'offre de prêt par M. [P], dans son agence, dès le 24 décembre 2018.

Dès lors que la Caisse d'épargne n'a pas respecté les exigences formelles de l'article L. 312-10, prescrites, précisément, pour éviter que, fût-ce à la demande de leurs clients, les établissements bancaires acceptent d'antidater les acceptations des offres de prêt, et qu'il est en outre établi que la date d'acceptation du 4 janvier 2009 qui figure à l'offre de prêt litigieuse est une fausse date de nature à faire croire que le délai de réflexion prévu par les dispositions d'ordre public de l'article L. 312-10 a été respecté, la Caisse d'épargne encourt la sanction de la déchéance des intérêts prévue au dernier alinéa de l'article L. 312-33 du code de la consommation.

Ce texte, on l'a dit, sanctionne l'inobservation des règles de forme relatives aux modalités d'acceptation de l'offre de prêt immobilier par la perte du droit aux intérêts, en totalité ou en partie, dans la proportion fixée par le juge.

Dès lors qu'il est établi, au cas particulier, que M. [P] a su, le 26 décembre 2008 au plus tard, que la Caisse d'épargne avait accepté de méconnaître les prescriptions du code de la consommation pour lui permettre, avec son épouse, de disposer des fonds qui leur étaient indispensables pour payer le prix d'une acquisition dont la réalisation devait être constatée par authentique le 31 décembre 2008 au plus tard, la Caisse d'épargne, qui n'en a pas moins gravement failli à ses obligations en privant les appelants, fût-ce à leur demande, d'un délai de réflexion destiné à empêcher les emprunteurs de prendre à la hâte un engagement lourd de conséquences, sera déchue de la moitié de son droit aux intérêts.

Au regard de l'offre de prêt, du tableau d'amortissement, du courrier du 21 mars 2019 faisant référence aux sommes reçues par la Caisse d'épargne sur le produit de la vente de l'immeuble financé et du dernier décompte en date du 13 février 2020, la créance de l'intimée sera arrêtée ainsi qu'il suit':

- capital dû au 5 janvier 2019, terme du prêt dit in fine': 178'965'euros

- moitié des intérêts réglés à déduire': 50'110,20'euros

- somme réglée sur le prix de vente à déduire': 62'815,99 euros

- règlements postérieurs au 11 juillet 2019 à déduire': 878,47 euros

Soit un solde de 64'890,34 euros, à majorer des intérêts au taux de 2,8'% l'an (moitié du taux contractuel) à compter de la mise en demeure du 14 juin 2019.

Dès lors, par infirmation du jugement entrepris, M. [P] sera condamné à régler à la Caisse d'épargne, pour solde du prêt en cause, la somme sus-énoncée de 64'890,34 euros, avec intérêts au taux de 2,8'% l'an à compter du 14 juin 2019.

En application de l'article 1154 du code civil qui, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, prévoit que les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière, les intérêts seront capitalisés annuellement à compter du 17 mars 2022, dans les limites de la demande.

Sur la demande en paiement de l'indemnité de déchéance du terme :

Au soutien de son appel incident, la Caisse d'épargne sollicite la condamnation des emprunteurs à lui payer l'indemnité d'exigibilité anticipée de 7'% prévue aux articles 18 et 19 du contrat de prêt en faisant valoir que les appelants, qui observent que le capital était exigible dès le 5 janvier 2019, lui reprochent «'d'une manière particulièrement étonnante'», selon ses termes, «'de ne pas avoir prononcé la déchéance du terme au jour de l'exigibilité du capital'».

La Caisse d'épargne, qui est un professionnel du crédit, ne peut ignorer qu'un prêt arrivé à son terme est exigible de sorte qu'il n'y a rien d'étonnant que les appelants aient relevé que la déchéance du terme prononcée postérieurement au terme conventionnel du prêt, ce alors que l'intégralité des échéances comprenant le remboursement des intérêts et le paiement des primes d'assurances avaient été honorées, était sans objet.

Alors qu'elle n'a pas résilié le prêt de manière anticipée, mais seulement réclamé le paiement du capital qui était devenu exigible au 5 janvier 2019, la Caisse d'épargne ne peut assurément pas réclamer le paiement de l'indemnité de 7'% prévue à l'article 19 du contrat de prêt en cas de résiliation anticipée du prêt.

Il sera précisé à titre surabondant que pour prétendre à l'indemnité de 7'% prévue en cas de résiliation anticipée du prêt, la Caisse d'épargne ne peut utilement se prévaloir des courriers de déchéance du terme qu'elle a adressés à M. et Mme [P] en juin et juillet 2019 alors que le terme du prêt était déjà échu, que ces courriers n'avaient dans ces circonstances aucun sens et que l'artifice consistant à prononcer une déchéance du terme dénuée de tout objet ne saurait ouvrir droit, pour le prêteur, à la perception de l'indemnité conventionnellement prévue dans le cas d'une résiliation anticipée du prêt.

Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu'il a rejeté la demande en paiement de l'indemnité de déchéance du terme.

Sur les demandes accessoires :

M. [P], qui succombe au sens de l'article 696 du code de procédure civile, devra supporter les dépens de première instance et d'appel et sera débouté de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Nonobstant la charge des dépens, il n'apparaît pas inéquitable de laisser à Mme [P] aussi bien qu'à la Caisse d'épargne la charge les frais qu'elles ont exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens.

Dès lors, Mme [P] et la Caisse d'épargne seront elles aussi déboutées de leurs demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme la décision entreprise en ce qu'elle a rejeté la demande d'annulation du contrat de prêt à l'égard de Mme [D] [P], rejeté la demande de la Caisse d'épargne en paiement d'une indemnité de déchéance du terme, dit que les intérêts seront capitalisés annuellement et rejeté la demande formée par M. et Mme [P] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Infirme la décision pour le surplus de ses dispositions critiquées,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Déboute la société Caisse d'épargne et de prévoyance Aquitaine Poitou Charentes de toutes ses prétentions dirigées contre Mme [D] [B] épouse [P],

Déboute M. et Mme [P] de leur demande tendant à voir condamner la société Caisse d'épargne et de prévoyance Aquitaine Poitou Charentes à payer à la communauté la somme de 183'959,66 euros,

Déchoit la société Caisse d'épargne et de prévoyance Aquitaine Poitou Charentes de la moitié de son droit aux intérêts,

Condamne M. [T] [P] à payer à la société Caisse d'épargne et de prévoyance Aquitaine Poitou Charentes la somme de 64'890,34 euros, avec intérêts au taux de 2,8'% l'an à compter du 14 juin 2019,

Précise que les intérêts seront capitalisés annuellement selon les modalités prévues à l'article 1154 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, à compter du 17 mars 2022,

Rejette la demande de M. et Mme [P] formée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette la demande de la société Caisse d'épargne et de prévoyance Aquitaine Poitou Charentes formée sur le même fondement,

Condamne M. [T] [P] aux dépens de première instance et d'appel,

Dit n'y avoir lieu d'accorder à la SCP Referens le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 22/01050
Date de la décision : 13/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-13;22.01050 ?
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