COUR D'APPEL D'ORLÉANS
CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE
GROSSES + EXPÉDITIONS : le 30/05/2024
Me Estelle GARNIER
Me David ATHENOUR
ARRÊT du : 30 MAI 2024
N° : 138 - 24
N° RG 22/00619
N° Portalis DBVN-V-B7G-GRGE
DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Commerce de TOURS en date du 19 Janvier 2022
PARTIES EN CAUSE
APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé N°:1265276506053773
Madame [W] [O] épouse [K]
Né le [Date naissance 2] 1958 à [Localité 8]
[Adresse 6]
[Localité 1]
Comparante en personne,
Ayant pour avocat postulant Me Estelle GARNIER, avocat au barreau d'ORLEANS et pour avocat plaidant Me Stéphanie BAUDRY, membre de la SELARL WALTER & GARANCE AVOCATS, avocat au barreau de TOURS,
D'UNE PART
INTIMÉS : - Timbre fiscal dématérialisé N°:1265273266007684
Monsieur [Y] [V]
né le [Date naissance 3] 1961 à [Localité 9]
[Adresse 4]
[Localité 5]
Ayant pour avocat Me David ATHENOUR, avocat au barreau de TOURS
S.A.R.L. EXPERT MEDICAL
Prise en la personne de son gérant
[Adresse 7]
[Localité 5]
Ayant pour avocat Me David ATHENOUR, avocat au barreau de TOURS
D'AUTRE PART
DÉCLARATION D'APPEL en date du : 10 Mars 2022
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 22 Février 2024
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats à l'audience publique du JEUDI 21 MARS 2024, à 14 heures, Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, Madame Fanny CHENOT, Conseiller, et Monsieur Damien DESFORGES, Conseiller, en charge du rapport, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l'article 805 et 907 du code de procédure civile.
Après délibéré au cours duquel Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, Madame Fanny CHENOT, Conseiller, et Monsieur Damien DESFORGES, Conseiller, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de :
Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS,
Madame Fanny CHENOT, Conseiller,
Monsieur Damien DESFORGES, Conseiller,
Greffier :
Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors des débats et du prononcé,
ARRÊT :
Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le JEUDI 30 MAI 2024 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE :
M. [Y] [V] a acquis le 30 septembre 2019 de Mme [W] [K] les 480 parts sur 600 possédées par cette dernière de la société [K] Paramédical.
A cette même date, M. [Y] [V] est devenu gérant de la société en remplacement de Mme [W] [K] et la société a pris le nom de Expert Médical.
L'acte de cession de parts contenait une clause intitulée « convention de non garantie » ainsi rédigée :
« D'un commun accord entre les parties, le cédant déclare au cessionnaire que :
- la société exerce son activité en totale conformité avec les dispositions légales et réglementaires applicables,
- la société est totalement à jour dans le paiement des sommes dues à l'Etat, aux organismes sociaux, à ses fournisseurs (hormis CAP Vital) et ses prestataires de services, ses créanciers en général et ses partenaires bancaires dans le cadre des accords contractuels,
- les comptes et les bilans de la société arrêtés au 31 décembre 2018 remis au cessionnaire sont d'une sincérité totale et donnent une image fidèle de la situation de la société,
- depuis la clôture des derniers exercices comptables, la société a été gérée d'une manière parfaitement rigoureuse,
- toutes les provisions nécessaires pour couvrir les risques d'alourdissement du passif ont été comptabilisées au 31 décembre 2018,
- la société a déposé dans les délais toutes ses déclarations fiscales et sociales,
- la société n'est à l'origine d'aucun fait qui pourrait engager sa responsabilité contractuelle ou délictuelle,
- le remboursement de toutes dettes dont l'origine n'est pas connue avant le 30 septembre 2019 et qui viendraient en régularisation rectifier des déclarations sociales ou fiscales courantes serait à rembourser au cessionnaire. Ainsi, le paiement des déclarations de TVA et déclarations sociales de septembre 2019 ou relatives au 3ème trimestre 2019 ne pourront pas entrer dans le cadre d'un remboursement du cédant. Il en est de même des taxes dues par la société dont l'exigibilité normale est postérieure au 30 septembre 2019 ; toutes les taxes exigibles avant cette date ayant été réglées,
- concernant les factures fournisseurs, seules les factures datées d'avant le 31 mars 2019 ne pourront être demandées en remboursement en cas de non-paiement au 30 septembre 2019 abstraction faite des factures CAP VITAL SANTE,
- la durée de la garantie est limitée à la date théorique d'établissement des comptes de l'Entreprise au 31 décembre 2019, soit le 30 avril 2020. En cas d'établissement tardif des comptes, le délai sera reporté au 31 mai 2020,
- la garantie est limitée en tout état de cause à un montant maximum de 12 000 euros avec un seuil de déclenchement de 1 euro,
- toute survenance d'un litige venant actionner la garantie doit être signifiée à Mme [K] par tout moyen dans les 15 jours de sa survenance,
- le cessionnaire déclare avoir parfaite connaissance de la situation financière de la société et libère le cédant de toute garantie sur la valeur des parts sociales présentement cédées ».
Soutenant avoir reçu des factures impayées antérieures à la cession des parts sociales pour lesquelles il avait vainement sollicité auprès de Mme [K] des explications, M. [Y] [V] a, par l'intermédiaire de son conseil, mis en demeure cette dernière de lui régler la somme de 19 200,22 euros, correspondant auxdites factures entre le 1er avril et le 30 septembre 2019, par courrier recommandé du 14 avril 2020.
Par acte d'huissier de justice en date du 9 octobre 2020, M. [Y] [V] et la société Expert Médical ont fait assigner Mme [W] [K] devant le tribunal de commerce de Tours aux fins de la voir condamner, suivant leurs dernières écritures, au paiement des sommes de 5 489,90 euros au titre d'une régularisation CPAM, 12 000 euros au titre de la garantie factures fournisseurs, 9 361,73 euros au titre du préjudice subi par M. [V] et 584 euros au titre du préjudice subi par la société Expert Médical.
Par jugement du 7 janvier 2022, rectifié par jugement du 19 janvier 2022, le tribunal de commerce de Tours a :
- débouté Mme [W] [K] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- condamné Mme [W] [K] à verser à M. [Y] [V] la somme de 5 489,90 euros,
- condamné Mme [W] [K] à verser à M. [Y] [V] la somme de 12 000 euros,
- condamné Mme [W] [K] à verser à M. [Y] [V] la somme de 2 000 euros,
- condamné Mme [W] [K] à rembourser à la société Expert Médical la somme de 478,33 euros,
- condamné Mme [W] [K] à verser à M. [Y] [V] et à la société Expert Médical la somme de 2 000 euros,
- condamné Mme [W] [K] aux entiers dépens liquidés, concernant les frais de greffe, à la somme de 96,97 euros.
Mme [W] [K] a relevé appel de cette décision par déclaration en date du 10 mars 2022 en critiquant expressément tous les chefs du jugement en cause et du jugement rectificatif.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 26 janvier 2024, Mme [W] [K] demande à la cour de :
Vu les dispositions des articles 1112-1 et suivants du code civil,
Vu les dispositions des articles 1305-3 et suivants du code civil,
Vu les dispositions des articles 2240 et suivants du code civil,
Vu les dispositions des articles 1103 et suivants du code civil,
Vu les dispositions des articles 1240 et suivants du code civil,
- juger Mme [K] recevable et bien fondée en son appel, ainsi que ses demandes, fins et conclusions, et y faire droit,
À titre principal :
- infirmer en tous ses points la décision du tribunal de commerce de Tours en date du 7 janvier 2022 rectifiée le 19 janvier 2022, y compris sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens,
Statuant à nouveau :
À titre principal :
- juger que Mme [K] n'a pas manqué à son obligation de donner à M. [V] une information substantielle au titre de la cession des parts sociales de la société Expert
Médical en ne l'avisant pas expressément d'une demande de remboursement de la CPAM au 28 novembre 2018, demande par ailleurs contestée,
- juger en tout état de cause non démontrée l'existence d'un préjudice réel et certain,
- juger que la demande de remboursement de la CPAM aurait dû en tout état de cause être intégrée dans le cadre des demandes formées au titre de la garantie et soumise aux conditions et limitations de la garantie contractuelle, dont le quantum global de la garantie et son terme,
- juger la garantie bénéficiant à M. [V] éteinte au jour de sa mise en oeuvre par assignation en date du 9 octobre 2020, seul acte interruptif du terme, la garantie bénéficiant à M. [V],
- juger que Mme [K] a pourvu à l'exécution de restitution du téléphone à première demande et qu'il n'est pas démontré que la dégradation dudit téléphone serait de son fait,
En conséquence de l'ensemble des éléments qui précèdent,
À titre principal :
- juger M. [V] irrecevable, en tous cas mal fondé, en toutes ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de Mme [K],
- débouter M. [V] et la société Expert Médical de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- en conséquence, les condamner à restituer à Mme [K] , l'ensemble des sommes qu'ils ont reçues du chef de l'exécution de la décision de première instance,
À titre subsidiaire :
- si par impossible, et sur ce seul point la cour devait considérer que Mme [K] avait manqué à son obligation d'information, limiter l'indemnisation de M. [V] à la réalité de son préjudice éprouvé qui ne pourrait être supérieur à 1 870 euros,
- si par impossible, et sur ce seul point la cour devait considérer que la dégradation du téléphone mobile était du fait de Mme [K], limiter la réparation au bénéfice de la société Expert Médical à la somme de 159,44 euros,
À titre très subsidiaire :
- déclarer que la cour n'est pas saisie d'un appel incident de M. [V] sur la décision rendue par le tribunal de commerce de Tours concernant la limitation de la condamnation prononcée à la somme de 2 000 euros,
- à tout le moins, déclarer la demande de M. [V] en paiement de la somme de 9 361,73 euros à titre de dommages et intérêts en dehors de la garantie irrecevable en application du principe de non-option entre les actions contractuelles et délictuelles et mal fondée puisqu'elle devait intégrer nécessairement les modalités et limites de la garantie dans son quantum et son terme,
- à défaut d'infirmation de la décision sur ce point, confirmer purement et simplement la décision du tribunal de commerce de Tours limitant l'indemnisation du préjudice à 2 000 euros,
En tout état de cause,
- rejeter toutes demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires aux présentes,
- condamner solidairement M. [V] et la société Expert Médical à payer à Mme [K] solidairement la somme de 15 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner solidairement M. [V] et la société Expert Médical aux entiers dépens de 1ère instance et d'appel, et accorder à Me Garnier le droit prévu à l'article 699 du code de procédure civile.
Dans leurs dernières conclusions notifiées le 13 février 2024, M. [Y] [V] et la société Expert Médical demandent à la cour de :
Vu les articles 1130 et suivants du code civil, et les articles 1104 et 1178 du code civil,
Vu l'article 1241 du code civil,
Vu l'article 1992 du code civil,
- déclarer Mme [W] [K] mal fondée en son appel, l'en débouter,
- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Tours du 7 janvier 2022, rectifié le 19 janvier 2022, en toutes ses dispositions, hormis en ce qu'il a limité l'indemnisation due à M. [V] à la somme de 2 000 euros en réparation de ses préjudices,
Statuant à nouveau sur ce chef de demande,
- condamner Mme [K] à payer à M. [V] la somme de 9 361,73 euros à titre dommages et intérêts en réparation de son préjudice,
- débouter Mme [K] de toutes ses fins et prétentions,
- condamner Mme [K] à payer à M. [V] et à la société Expert Médical la somme de 7 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la même aux entiers dépens
Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions récapitulatives.
L'instruction a été clôturée par ordonnance du 22 février 2024. L'affaire a été plaidée le 21 mars suivant et mise en délibéré à ce jour.
MOTIFS :
Sur la demande de M. [V] au titre de la garantie spécifiée au contrat de cession :
Mme [W] [K] fait d'abord valoir, s'agissant de la demande formée par M. [Y] [V] au titre de la garantie de passif, que cette garantie était déchue au jour de son assignation délivrée le 9 octobre 2020.
Cependant le contrat de cession, s'il limite la durée de la garantie « à la date théorique d'établissement des comptes de l'entreprise au 31/12/2019 soit le 30 avril 2020 », n'enferme l'action susceptible d'être engagée à ce titre dans aucun délai. Dès lors qu'il n'est pas discuté que les événements qui justifient selon M. [Y] [V] la mobilisation de la garantie de passif sont survenus et ont été portés à la connaissance de Mme [W] [K] au cours de la période ainsi fixée, le premier ne saurait se voir privé de son droit d'agir à l'encontre de la seconde au motif que la procédure judiciaire a été engagée postérieurement à ce délai de garantie, à défaut de clause contractuelle en ce sens.
S'agissant ensuite du contenu de la garantie, Mme [W] [K] soutient que les parties n'ont entendu y inclure que les factures antérieures au 31 mars 2019, tandis que selon M. [Y] [V] la lecture stricte des termes de cette clause doit au contraire conduire à prendre en considération les factures postérieures à cette date.
La clause litigieuse est rédigée de la manière suivante :
« Concernant les factures fournisseurs, seules les factures datées d'avant le 31 mars 2019 ne pourront être demandées en remboursement en cas de non-paiement au 30 septembre 2019 abstraction faite des factures Cap Vital Santé ».
Suivant l'article 1188 du code civil, « le contrat s'interprète d'après la commune intention des parties plutôt qu'en s'arrêtant au sens littéral de ses termes.
Lorsque cette intention ne peut être décelée, le contrat s'interprète selon le sens que lui donnerait une personne raisonnable placée dans la même situation ».
L'article 1189 ajoute que « toutes les clauses d'un contrat s'interprètent les unes par rapport aux autres, en donnant à chacune le sens qui respecte la cohérence de l'acte tout entier ».
Si l'article 1192 du même code précise enfin qu'on ne peut interpréter les clauses claires et précises à peine de dénaturation, il est de jurisprudence acquise que l'ambiguïté d'une clause peut résulter de sa discordance avec d'autres stipulations.
En l'espèce il doit être observé :
- que le paragraphe, intitulé « convention de non-garantie » et non pas « convention de garantie », vise manifestement à limiter strictement, aussi bien dans le temps que dans le contenu, la garantie de passif accompagnant la cession de parts sociales ; qu'or la négation donne à la stipulation précitée un sens contraire à celui de la restriction, dans lequel s'inscrivent pourtant les autres clauses de ce même paragraphe ;
- qu'ensuite et surtout, la prise en compte de cette négation devrait conduire a contrario à inclure dans la garantie de passif l'ensemble des factures Cap Vital Santé ; qu'or une telle lecture s'inscrit en discordance avec les déclarations du cédant quelques lignes plus haut, suivant lesquelles sa société est totalement à jour dans le paiement des sommes dues à ses fournisseurs, « hormis Cap Vital » ; qu'ainsi qu'il résulte de cette déclaration mais également des précisions apportées par M. [Y] [V] lui-même dans ses écritures, celui-ci avait parfaitement connaissance de cette dette non réglée au jour de la cession, s'agissant d'un retard de paiement important de la société [K] Paramédical auprès de sa centrale d'achat Cap Vital antérieur au 31 mars 2019, faisant l'objet d'un échéancier mensuel d'apurement, au point d'ailleurs qu'il avait accepté, entre avril et septembre 2019, de passer lui-même des commandes à Cap Vital pour le compte de la société [K] Paramédical et de se faire rembourser ensuite par celle-ci, afin de permettre à cette dernière de contourner le refus de son fournisseur de continuer à collaborer avec elle ; qu'inclure dans une garantie de passif une dette connue des deux parties n'aurait guère de sens, une telle garantie ayant, par essence, pour objet de couvrir le passif non connu du cessionnaire au jour de la cession ; que d'ailleurs M. [Y] [V] souligne lui-même dans ses écritures en page 6 que cet échéancier de règlement de la dette de Mme [W] [K] à l'égard du créancier Cap Vital a été expressément exclu par les parties de la garantie de passif ; que pourtant une appréciation littérale de la clause litigieuse, telle qu'il l'appelle de ses v'ux, conduirait à inclure cette dette dans la garantie, et non à l'exclure ;
- qu'encore, il résulte des propres explications de M. [Y] [V] qu'au premier rang des factures fournisseurs impayées postérieures au 31 mars 2019 figurent les factures de sa propre société, émises après les commandes de matériel auprès de la centrale d'achat Cap Vital pour le compte de la société de Mme [W] [K] ; que
l'intimé rappelle qu'il se plaignait en août 2019 auprès de Mme [W] [K] d'un impayé de 15'000 euros à ce titre ; qu'une nouvelle fois, il ne ferait guère de sens d'inclure dans une garantie de passif la propre créance de la société de M. [Y] [V], postérieure au 31 mars 2019, dont ce dernier avait parfaitement connaissance au moment du rachat des parts de la société [K] Paramédical ;
- que de manière plus générale, la date du 31 mars 2019 fait sens dans la mesure où elle marque le départ d'une période où M. [Y] [V] s'est investi davantage dans le fonctionnement de la société [K] Paramédical via sa propre société, notamment en jouant le rôle d'intermédiaire dans la passation des commandes, ainsi qu'il vient d'être rappelé, mais encore en concluant avec celle-ci, à compter du 1er avril 2019, un contrat de prestation de services, le tout lui ayant permis d'appréhender la situation financière de cette société qu'il avait pour projet d'acquérir, étant rappelé que la promesse de cession des parts de Mme [W] [K] à son profit avait déjà cours ; que dans un tel contexte, il apparaît cohérent que M. [Y] [V] ait voulu garantir un éventuel passif antérieur à cette période qui n'aurait pas été porté à sa connaissance, plutôt que le passif qu'il était davantage en mesure d'appréhender lui-même depuis le 1er avril 2019 compte tenu de son investissement appuyé auprès de la société de Mme [W] [K] ; que d'ailleurs M. [Y] [V], en dépit de ses vives protestations à cet égard, n'explique pas autrement le choix de la date 31 mars 2019 pour distinguer le passif inclus de celui exclu de la garantie, étant observé qu'une telle date ne correspond aucunement à la fin d'un exercice comptable de la société [K] Paramédical ou à un autre événement susceptible de justifier la lecture voulue par l'intimé ;
- que d'ailleurs dans sa mise en demeure du 5 décembre 2019, qu'il produit lui-même en pièce 2 et dans laquelle il informe Mme [W] [K] de sa découverte de plusieurs factures impayées et de son intention de mettre en 'uvre la clause de garantie de passif, M. [Y] [V] indique : « Plusieurs d'entre elles sont antérieures au 31 mars 2019. J'ai donc demandé à notre expert-comptable de procéder à une révision des comptes fournisseurs pour établir le niveau de préjudice subi par la société... »; ce courrier émanant de l'intimé lui-même tend une nouvelle fois à confirmer que la volonté des parties était bien celle de garantir les éventuelles factures impayées antérieures au 31 mars 2019, et non les factures postérieures à cette date.
Ainsi, la lecture de la clause défendue par Mme [W] [K], suivant laquelle en dépit de la négation qui ne résulte que d'une erreur de plume, les parties ont entendu exclure de la garantie les factures postérieures, et non pas antérieures, au 31 mars 2019, se révèle être à la fois la plus conforme à leur commune intention telle qu'elle ressort de l'ensemble des pièces de ce dossier et la plus raisonnable au sens de l'article 1188 précité, outre qu'elle assure la cohérence de l'entière convention de non-garantie stipulée à l'article XIII du contrat de cession.
En tout état de cause et au besoin, il sera ajouté qu'en vertu de l'article 1190, le contrat de gré à gré s'interprète dans le doute contre le créancier et en faveur du débiteur, le débiteur de la garantie de passif se trouvant être Mme [W] [K].
La cour retiendra donc que par leur convention de non-garantie, les parties ont entendu limiter la garantie de passif aux factures antérieures au 31 mars 2019, tout en excluant la dette de la société [K] Paramédical à l'égard de Cap Vital Santé, certes antérieure à cette date mais déjà connue de M. [Y] [V].
Or ce dernier, qui sollicite la mise en 'uvre de la garantie uniquement pour des factures fournisseurs postérieures au 31 mars 2019, ne forme aucune demande subsidiaire au sujet des factures antérieures à cette date, et ne prétend d'ailleurs pas que de telles factures resteraient en attente de paiement, ce que Mme [W] [K] au demeurant réfute.
Dans ces conditions et par infirmation du jugement déféré, M. [Y] [V] sera débouté de sa demande en paiement formulée au titre de la garantie de passif.
Sur les prétentions complémentaires de M. [V] fondées sur le dol :
Au préalable, Mme [W] [K] soutient que la cour n'est pas saisie d'un appel incident de M. [Y] [V], à défaut pour ce dernier d'avoir expressément sollicité, dans le dispositif de ses écritures, l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il a limité son indemnisation au titre des factures fournisseurs impayées au-delà du plafond de la clause de non garantie à 2000 euros.
S'il résulte des articles 542 et 954 du code de procédure civile que lorsque l'appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l'infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l'anéantissement ni l'annulation de celui-ci, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement, en l'espèce M. [Y] [V], en demandant expressément la confirmation du jugement critiqué « hormis en ce qu'il a limité l'indemnisation due à M. [Y] [V] à la somme de 2000 euros en réparation de ses préjudices », et en sollicitant ensuite qu'il soit « statu[é] à nouveau sur ce chef de demande », sollicite bien l'infirmation du chef du jugement ayant limité son indemnisation à hauteur de 2000 euros.
La cour se trouve dans ces conditions valablement saisie de cet appel incident.
Pour justifier ses demandes indemnitaires formées parallèlement à sa demande en paiement au titre de la garantie de passif, M. [Y] [V] reproche à Mme [W] [K] d'avoir commis un dol aussi bien au sujet de la dette CPAM que des factures fournisseurs non réglées.
Contrairement à ce qu'indique Mme [W] [K], les garanties contractuelles relatives à la consistance du passif social, en ce qu'elles s'ajoutent aux dispositions légales, ne privent pas l'acquéreur de droits sociaux qui soutient que son consentement a été vicié de solliciter l'indemnisation d'un préjudice sur le fondement du dol (voir sur ce point Com, 3 février 2015, n°13-12483).
Cependant, dès lors que M. [Y] [V] reproche à Mme [W] [K] une dissimulation dolosive d'une part d'un indu réclamé par la CPAM, d'autre part de factures fournisseurs non réglées et pour certaines d'entre elles non déclarées en comptabilité, il lui appartient, conformément à l'article 1137 du code civil, de démontrer que Mme [W] [K] lui a intentionnellement caché ces éléments en connaissance de leur caractère déterminant.
S'agissant en premier lieu de l'indu CPAM notifié à Mme [W] [K] le 28 novembre 2018, et que celle-ci a contesté, le fait qu'elle n'ait pas alors inscrit de provision comptable à hauteur du montant de l'indu réclamé au titre de l'exercice 2018, conformément selon M. [Y] [V] aux principes comptables de prudence et de sincérité dans la mesure où l'issue de son recours était incertaine, est insuffisant à caractériser une dissimulation intentionnelle de cette dette à l'égard de M. [Y] [V]. La commission de recours amiable n'a d'ailleurs rejeté la contestation formée par Mme [W] [K] que le 8 juin 2020, soit postérieurement à la cession du 30 septembre 2019. Dans ces conditions il ne peut être exclu que Mme [W] [K] ait cru pouvoir ne pas inscrire une telle dette alors non définitive au titre de son exercice comptable en cours, et il n'apparaît en tout cas pas suffisamment établi que l'absence de communication sur cette situation à l'égard de M. [Y] [V] était intentionnelle. Il n'est au surplus pas davantage démontré que Mme [W] [K] avait connaissance du caractère déterminant d'une telle information pour M. [Y] [V], alors que l'appelante souligne que le montant de 5489 euros ne correspond qu'à 1,7 % du chiffre d'affaires de 321'338 euros au titre de l'exercice clos au 31 décembre 2018 tel que présenté à M. [Y] [V] avant le rachat des parts sociales.
Dans ces conditions les éléments du dol ne sont pas réunis.
S'agissant en second lieu des factures fournisseurs, M. [Y] [V] omet de spécifier précisément celles qui n'auraient pas été enregistrées en comptabilité et qui auraient pu ainsi, le cas échéant, caractériser une dissimulation intentionnelle de la part de Mme [W] [K]. Il ressort en outre de son tableau actualisé produit en pièce 31 que les factures les plus importantes sont celles de sa propre société, émises après la passation de commandes de matériel auprès de la centrale d'achat pour le compte de la société Mme [W] [K] et dont il avait évidemment parfaite connaissance, étant rappelé qu'il en réclamait le paiement auprès de cette dernière au mois d'août 2019, soit moins de deux mois avant la cession. Si le tribunal de commerce, après s'être manifestement livré à l'analyse des 127 pages du grand-livre de la société [K] Paramédical versé par M. [Y] [V] en procédure, a pu relever que la facture Ontex du 19 juillet 2019 pour un montant de 1994 euros, et les loyers d'août et septembre 2019, n'avaient pas été inscrits en comptabilité, force est de noter que ces factures, de même que les quelques factures d'un montant moindre listées dans le tableau dressé par M. [Y] [V], ont été émises en cours d'année 2019. Or, Mme [W] [K] souligne que la valorisation des parts sociales acquises par M. [Y] [V] à hauteur de 110'000 euros a été réalisée sur la base de l'exercice comptable clos au 31 décembre 2018, ce que l'intéressé ne conteste pas et qui ressort au demeurant de l'acte de cession (« les comptes et les bilans de la société arrêtés au 31/12/2018 remis au cessionnaire sont d'une sincérité totale et donnent une image fidèle de la situation de la société »). Dans ces conditions M. [Y] [V] échoue à démontrer non seulement que les factures non déclarées, dont on ne connaît pas précisément le nombre à défaut de précisions suffisantes de sa part, lui auraient été volontairement cachées par Mme [W] [K], mais encore que cette dernière l'aurait fait en connaissance de ce qu'une telle dissimulation aurait un impact sur la valorisation des parts sociales.
En définitive, à défaut de rapporter la preuve suffisante de man'uvres ou d'une dissimulation dolosives de la part de Mme [W] [K], M. [Y] [V] ne pourra, par infirmation du jugement déféré, qu'être débouté de ses demandes indemnitaires formées sur ce seul fondement.
Sur la demande de la société Expert Médical en paiement d'une somme de 584 euros au titre de la valeur d'un téléphone :
Il est constant que Mme [W] [K] a fait acquérir par la société [K] Paramédical, en janvier 2019, un téléphone portable au prix de 584 euros.
Il est tout aussi constant qu'elle a cru dans un premier temps pouvoir le conserver par devers elle, avant finalement de le restituer par l'intermédiaire de son avocat au mois de décembre 2020.
Les photographies prises par l'avocat de M. [Y] [V] montrent que ce téléphone, dont il n'est pas contesté qu'il a été retourné sans protection, était cassé à réception.
Alors qu'elle soutenait dans ses conclusions de première instance que M. [Y] [V] savait parfaitement que le téléphone avait subi un accident et que son écran était cassé avant de signer l'acte de cession, Mme [W] [K] modifie son argumentation devant la cour en soutenant désormais qu'il n'est pas démontré que cette dégradation ne serait pas du fait de M. [V] lui-même ou de la société Expert Médical.
Il résulte suffisamment des photographies prises à réception par M. [Y] [V] et des contradictions de Mme [W] [K] que ce téléphone acquis par la société Expert Médical quelques mois avant la cession a été cassé sous sa garde, de sorte que la responsabilité délictuelle de l'appelante se trouve engagée à l'égard de la société Expert médical.
Le préjudice de cette dernière devant être indemnisé intégralement, c'est à bon droit que les premiers juges ont condamné Mme [W] [K] à lui payer la somme de 478,33 euros correspondant à la valeur hors-taxes de ce téléphone.
Le jugement déféré sera dès lors confirmé de ce chef.
Sur les demandes accessoires :
Si M. [Y] [V] et la société Expert Médical succombent en définitive sur l'essentiel de leurs prétentions, il apparaît cependant conforme à l'équité, au regard des faits de l'espèce, que chacune des parties conserve à la fois la charge des dépens par elle exposés et celle de ses frais irrépétibles, aussi bien dans le cadre de la première instance que devant la cour d'appel.
Le jugement déféré sera donc infirmé en ce sens, et les prétentions formées de part et d'autre au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de cour seront rejetées.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement du tribunal de commerce de Tours du 7 janvier 2022 rectifié le 19 janvier suivant, sauf en ce qu'il a condamné Mme [W] [K] à rembourser à la société Expert Médical la somme de 478,33 euros,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
Reçoit M. [Y] [V] en son appel incident,
Au fond, le déboute de l'ensemble de ses demandes en paiement,
Rejette l'ensemble des demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en première instance comme en appel,
Dit que chacune des parties supportera la charge des dépens qu'elle a exposés, en première instance comme en appel.
Arrêt signé par Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT