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18/04/2024 | FRANCE | N°22/02884

France | France, Cour d'appel d'Orléans, Chambre commerciale, 18 avril 2024, 22/02884


COUR D'APPEL D'ORLÉANS



CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE







GROSSES + EXPÉDITIONS : le 18/04/2024

la SELARL AVENIR AVOCATS



ARRÊT du : 18 AVRIL 2024



N° : 115 - 24

N° RG 22/02884

N° Portalis DBVN-V-B7G-GWH5



DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Commerce d'ORLEANS en date du 29 Novembre 2022



PARTIES EN CAUSE



APPELANT :- Timbre fiscal dématérialisé N°:1265291582980374

Monsieur [C] [B]

né le [Date naissance 1] 1

956 à [Localité 10]

de nationalité Française

[Adresse 12]

[Adresse 12]

[Localité 8]





Ayant pour avocat Me Thierry OUSACI, membre de la SELARL AVENIR AVOCATS, avocat au barreau d'O...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 18/04/2024

la SELARL AVENIR AVOCATS

ARRÊT du : 18 AVRIL 2024

N° : 115 - 24

N° RG 22/02884

N° Portalis DBVN-V-B7G-GWH5

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Commerce d'ORLEANS en date du 29 Novembre 2022

PARTIES EN CAUSE

APPELANT :- Timbre fiscal dématérialisé N°:1265291582980374

Monsieur [C] [B]

né le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 10]

de nationalité Française

[Adresse 12]

[Adresse 12]

[Localité 8]

Ayant pour avocat Me Thierry OUSACI, membre de la SELARL AVENIR AVOCATS, avocat au barreau d'ORLEANS

D'UNE PART

INTIMÉS : - Timbre fiscal dématérialisé N°: -/-

S.E.L.A.R.L. VILLA-FLOREK

Es qualités de liquidateur judiciaire de la société PML

[Adresse 7]

[Localité 5]

Défaillante

EN PRESENCE de :

Monsieur LE PROCUREUR GÉNÉRAL PRÈS LA COUR D'APPEL d'ORLEANS

[Adresse 11]

[Localité 5]

Comparant en la personne de Madame [E] [P]

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 14 Décembre 2022

ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 22 Février 2024

Dossier communiqué au Ministère Public le 09 jANVIER 2023

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats à l'audience publique du JEUDI 22 FEVRIER 2024, à 14 heures, Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, Madame Fanny CHENOT, Conseiller, en charge du rapport, et Monsieur Damien DESFORGES, Conseiller, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l'article 805 et 907 du code de procédure civile.

Après délibéré au cours duquel Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, Madame Fanny CHENOT, Conseiller, et Monsieur Damien DESFORGES, Conseiller, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de :

Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS,

Madame Fanny CHENOT, Conseiller,

Monsieur Damien DESFORGES, Conseiller,

Greffier :

Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors des débats et du prononcé,

ARRÊT :

Prononcé publiquement par arrêt réputé contradictoire le JEUDI 18 AVRIL 2024 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE :

Selon jugement du 19 décembre 2018, le tribunal de commerce d'Orléans a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SARL PML, laquelle exerçait une activité de commerce de matériaux du bâtiment ainsi que de fourniture et pose de menuiseries.

La date de cessation des paiements a été fixée au 14 décembre 2018.

Par jugement du 13 mars 2019, le même tribunal a converti la procédure de redressement en liquidation judiciaire et désigné la SELARL Villa Florek en qualité liquidateur judiciaire.

Par requête du 8 décembre 2021, le procureur de la République a saisi le tribunal de commerce d'Orléans afin que soit prononcée contre M. [C] [B], dirigeant de droit de la société liquidée, une sanction de faillite personnelle pour une durée de quinze ans.

Par jugement du 29 novembre 2022 assorti de l'exécution provisoire, en retenant contre M. [B] trois fautes (la tenue d'une comptabilité fictive, la poursuite abusive, dans un intérêt personnel, d'une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale et le fait d'avoir fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l'intérêt de celle-ci, pour favoriser son entreprise individuelle), le tribunal de commerce a :

Vu la requête du Ministère Public,

Vu l'avis du juge-commissaire,

Vu les articles L.653-1 et R.653-1 et suivants du code de commerce,

- prononcé en application notamment des articles L. 653-3, L. 653-4, L. 653-5, L. 653-6 et suivants du code de commerce, la faillite personnelle de M. [C] [B], né le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 10] (92), de nationalité française, demeurant [Adresse 2] et actuellement [Adresse 3], en qualité d'ancien gérant de droit de la société SARL PML,

- fixé la durée de cette mesure à 15 ans,

- rappelé que conformément à l'article L. 653-2 du code de commerce, la faillite personnelle emporte interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise cornmerciale ou artisanale, toute exploitation agricole ou toute entreprise ayant toute autre activité indépendante et toute personne morale,

- dit qu'en application des articles L.128-1 et suivants et R.128-l et suivants du code de commerce, cette sanction fera l'objet d'une inscription au fichier national automatisé des interdits de gérer, tenu sous la responsabilité du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce auprès duquel la personne inscrite pourra exercer ses droits d'accès et de rectification prévus par les articles 15 et l6 du Règlement (UE) 2016/679 du Parlement Européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données,

- ordonné les publicités prévues par la loi,

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement,

- dit que les dépens seront employés en frais de liquidation judiciaire.

M. [C] [B] a relevé appel de cette décision qui lui a été signifiée le 5 décembre 2022 par déclaration du 14 décembre suivant, en critiquant expressément tous les chefs du jugement en cause.

Par arrêt du 21 juillet 2023, cette cour a annulé le jugement rendu le 29 novembre 2022 par le tribunal de commerce d'Orléans à l'égard de M. [C] [B] et, avant dire droit au fond, révoqué l'ordonnance de clôture du 4 mai 2023, ordonné la réouverture des débats à l'audience du 23 novembre 2023 en invitant le ministère public à communiquer contradictoirement à M. [B] les pièces jointes au rapport du liquidateur judiciaire de la société PML daté du 1er décembre 2021 et réservé les dépens.

Le ministère public a communiqué ces pièces comportant 478 feuillets le 17 novembre 2023 en sorte que, à l'audience du 23 novembre 2023, sur la demande de M. [B], la cour a renvoyé l'affaire à l'audience du 22 février 2024 pour assurer le respect du principe de contradiction.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 5 janvier 2024, qui ne comportent pas de prétentions qui ne figuraient pas déjà dans ses conclusions signifiées le 27 janvier 2023 à la SELARL Villa Florek, ès qualités, M. [B] demande à la cour, au visa des articles L. 653-4 et L. 653-5 du code du commerce, de':

A titre principal

- débouter M. ou Mme le procureur de la République près le tribunal judiciaire d'Orléans de sa demande tendant au prononcé d'une mesure de faillite personnelle d'une durée de 15 ans à l'égard de M. [C] [B],

En conséquence,

- dire n'y avoir lieu au prononcé d'une mesure de faillite personnelle à l'encontre de M. [C] [B],

A titre subsidiaire,

- dire que la sanction à l'encontre de M. [C] [B] sera limitée à une mesure d'interdiction de gérer d'une durée de 2 années,

- statuer ce que de droit quant aux dépens.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 17 janvier 2024 par voie électronique, dont il n'est pas justifié de la signification à la SELARL Villa Florek, ès qualités, M. le procureur général demande à la cour de':

- constater que la cour a, par arrêt du 21 juillet 2023, annulé le jugement entrepris,

- constater que l'appelant a été rendu destinataire des pièces du ministère public conformément à l'injonction qui lui avait été faite,

- prononcer la faillite personnelle de M. [C] [B],

- fixer la durée de cette mesure à quinze ans,

- rappeler que la faillite personnelle emporte interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement toute entreprise,

- dire que la sanction fera l'objet dune inscription au fichier national automatisé des interdits de gérer,

- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir,

- statuer ce que de droit sur les dépens.

L'instruction a été clôturée par simple mention au dossier à l'audience des plaidoiries du 22 février 2024, avant l'ouverture des débats, pour l'affaire être ensuite évoquée en présence du ministère public.

SUR CE, LA COUR :

Il convient d'examiner successivement les trois fautes dont le ministère public réitère à hauteur d'appel qu'elles justifient une sanction de faillite personnelle d'une durée de quinze ans.

- sur l'absence de tenue de comptabilité

Par application des articles L. 653-1, 2° et L. 653-5, 6° du code de commerce, lorsqu'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire est ouverte, le tribunal peut prononcer une sanction de faillite personnelle à l'encontre des personnes physiques, dirigeants de droit ou de fait de personnes morales, contre lesquelles a été relevé le fait d'avoir fait disparaître des documents comptables, de ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation, ou d'avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables.

Les dispositions des articles L. 123-12 à L. 123-72 et R. 123-172 à R. 123-209 du code civil obligent les commerçants, personnes physiques et personnes morales, à la tenue d'une comptabilité donnant une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat de l'entreprise, au moyen de la tenue d'un livre journal, d'un grand livre, d'un livre d'inventaire et de comptes annuels.

M. [B] ne conteste pas que la société PML ait été astreinte au respect de ces règles comptables.

La société PML a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016, étendue en matière de TVA au 31 janvier 2018, à l'issue de laquelle les services fiscaux lui ont adressé, le 17 décembre 2018, une proposition de rectification dont il s'infère, notamment, que la société PML a facturé des prestations au taux de TVA réduit de 5,5'% et au taux intermédiaire de 10'% sans être en mesure de présenter les attestations idoines et en produisant, pour certaines factures, des attestations falsifiées, puis que sur la période 2015, ladite société a majoré la TVA déductible portée sur ses déclarations dites C3 d'un peu plus de 79'000'euros. De ce redressement, il est résulté l'admission de créances fiscales au passif de la liquidation judiciaire de la société PML de 277'528 euros.

Les services fiscaux ont par ailleurs établi, le 14 mars 2019, une seconde proposition de rectification pour la période du 1er février au 31 décembre 2018 dont il est résulté, notamment, un défaut de comptabilité dématérialisée antérieur au 19 décembre 2018, ainsi qu'une absence de justification de la TVA collectée, avant l'ouverture de la procédure collective, au taux réduit ou intermédiaire.

Au total, les créances de l'administration fiscale admises au passif de la liquidation judiciaire de la société dont M. [B] était le dirigeant s'élèvent à 329'694 euros.

Ces vérifications et constatations faites par l'administration fiscale, à l'occasion de procédures contradictoires, établissent sans doute possible que la comptabilité de la société PML était incomplète et irrégulière, et c'est sans sérieux que M. [B] reproche au liquidateur judiciaire de ne pas avoir contesté la proposition de rectification des services fiscaux alors qu'au regard de la nature des irrégularités constatées, il lui revenait le cas échéant d'exercer lui-même un recours, avant l'ouverture de la liquidation judiciaire ou en vertu de son droit propre. C'est de manière inopérante également que M. [B] explique avoir été dans l'incapacité de produire certaines pièces comptables, notamment les attestations de TVA à taux réduit, en raison de leur destruction lors des crues de mai-juin 2016, alors que les services fiscaux, qui n'ont pas contesté ce fait extérieur, ont permis à la société PML de justifier a posteriori des taux de TVA applicables en sollicitant auprès des clients les justificatifs idoines, que les éléments produits n'ont fait que conforter les irrégularités constatées et qu'une partie des pièces comptables que la société PML n'a pas été mesure de communiquer porte, en toute hypothèse, sur l'activité de la société en cause postérieure à l'épisode de crues du printemps 2016.

En sus d'être incomplète et irrégulière, la comptabilité de la société PML s'est révélée fictive puisque la situation comptable arrêtée à la date d'ouverture du redressement judiciaire, le 19 décembre 2018, faisait ressortir un compte client d'un peu plus de 430'000 euros qui ne correspondait nullement à la réalité économique de l'entreprise. Le «'retraitement'» de ce compte, avec l'assistance d'un cabinet comptable désigné par le juge-commissaire, a en effet révélé qu'il s'élevait à guère plus de 10'000 euros.

C'est avec audace que M. [B] soutient que la reconstitution de ce compte client ne serait pas révélatrice de la situation réelle de la société en faisant valoir que les clients interrogés avaient intérêt à contester leurs obligations pour échapper à tout paiement, en omettant que le représentant des créanciers ne s'est pas satisfait des seules déclarations des clients de la société et n'est parvenu à recouvrer, sur la base des contrats communiqués, que 9'568,65 euros, soit à peine plus de 2'% des sommes inscrites en compte client et que dès le 19 février 2019, soit dans le mois qui a suivi l'ouverture de la procédure collective, l'administrateur judiciaire qui avait été désigné dans une perspective de redressement a été contraint de signaler au juge-commissaire que la trésorerie de la société ne lui permettrait pas de régler les salaires du mois, augmentés des charges y afférant.

La première faute reprochée à M. [B] est dès lors établie.

- sur l'usage des biens ou du crédit de la personne morale contraire à l'intérêt de celle-ci, pour favoriser l'entreprise individuelle de son dirigeant

Par application des articles L. 653-1, 2° et L. 653-4, 3° du code de commerce, lorsqu'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire est ouverte, le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant, de droit ou de fait, d'une personne morale, contre lequel a été relevé le fait d'avoir fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l'intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement.

M. [B], qui exploitait en nom propre une activité de pose de menuiseries à [Localité 8] (77), ne conteste pas avoir mis à disposition de son entreprise individuelle, ainsi que l'ont révélé les opérations de vérification de l'administration fiscale, du personnel pour la pose de menuiseries, ainsi que du personnel administratif, sans que ces prestations représentant, sur les trois exercices comptables vérifiés, un peu plus de 27'000 euros, aient donné lieu à facturation par la société PML.

L'entreprise personnelle de M. [B] a elle aussi fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire, ouverte le 14 octobre 2019 par le tribunal de commerce de Melun et c'est sans emport sur la réalité de la faute discutée que l'appelant fait valoir que la mise à disposition de salariés de la société PML au profit de son entreprise individuelle représente une «'proportion infinitésimale'», selon son expression, du chiffre d'affaires de la société en cause.

Cette seconde faute, dont le principe n'est pas discuté, est établie.

- sur la poursuite abusive, dans un intérêt personnel, d'une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale

Par application des articles L. 653-1, 2° et L. 653-4, 4° du code de commerce, lorsqu'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire est ouverte, le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant, de droit ou de fait, d'une personne morale, contre lequel a été relevé le fait d'avoir poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale.

En recrutant tout au long de l'année 2018 plusieurs commerciaux commissionnés sur le chiffre d'affaires réalisé, sans réserve sur la rentabilité des commandes enregistrées et, pour certains d'entre eux, commissionnés dès l'enregistrement de la commande, alors que dès le début de l'année 2018 l'activité de la société PML était devenue déficitaire et qu'au 1er janvier 2018, il avait accordé à son fils [R], associé minoritaire et salarié de la société PML depuis sa création en 2013, une augmentation sensible de sa rémunération, mais surtout une prime calculée, sans seuil, sur l'ensemble du chiffre d'affaires des commerciaux de la société, pas même conditionnée à la

perception effective du prix des travaux facturés aux clients, puis en laissant cette situation perdurer en dépit de l'augmentation du découvert en banque de la société, de sorte que les acomptes versés par les clients étaient consommés sans permettre l'achat des matières et marchandises nécessaires à la réalisation des travaux commandés, M. [B] a assurément commis de lourdes fautes de gestion, en poursuivant dans pareilles circonstances une activité déficitaire dont il ne pouvait ignorer qu'elle ne pourrait conduire qu'à la cessation des paiements de la société PML.

Aussi blâmables soient-elles, au regard des conséquences dommageables qu'elles ont entraînées pour les partenaires de la société PML (banque et clients) et la collectivité, ces fautes de gestion ne peuvent fonder une sanction de faillite personnelle.

Dès lors qu'il n'est pas non plus établi, ni même allégué par le ministère public, que M. [B] ait tiré un intérêt personnel de la rémunération que la société PML a continué de servir à son fils malgré sa situation déficitaire, les conditions de rémunération de [R] [B] ne peuvent pas non plus fonder une condamnation à la faillite personnelle de l'appelant.

Il apparaît en revanche que, dans son intérêt personnel assurément, M. [B], qui percevait jusqu'en juillet 2018 une rémunération brute mensuelle de 5'107 euros, s'est accordé à compter du 1er août 2018 une rémunération brute mensuelle de 6'338 euros, soit une augmentation de presque 25'% à une période où le découvert en compte de la société PML oscillait chaque mois entre 100'000 et 200'000 euros et où le versement de sa rémunération ne pouvait se faire qu'au détriment de la banque, des fournisseurs et des clients dont les acomptes n'étaient pas isolés sur un compte spécifique mais servaient à réduire ponctuellement le découvert bancaire.

En s'octroyant ainsi une augmentation substantielle de rémunération, puis en continuant à percevoir celle-ci malgré les pertes enregistrées durant plusieurs mois par la société PML, M. [B] a commis une faute dont il ne peut chercher à s'exonérer, ni en faisant valoir que le juge-commissaire a maintenu sa rémunération, ce qu'il n'établit pas et ne saurait s'inférer de la demande qu'il avait formulée en ce sens, ni de ce que son compte courant présentait un solde positif de 38'408 euros au 19 décembre 2018, ce qui est sans emport, et presque dérisoire au regard, notamment, des 154'000 euros d'acomptes clients encaissés fin 2018 en pure perte pour ces derniers.

Il est donc établi que M. [B] a poursuivi abusivement l'exploitation de la société PML dans son intérêt personnel.

- sur la sanction

Au regard de la gravité des fautes commises, qui ont conduit la société PML à constituer un passif admis à hauteur de 1'498'110,83 euros et dont M. [B] ne pouvait, compte tenu de son expérience, ignorer les conséquences dommageables pour l'ensemble des créanciers et la collectivité, la sanction de la faillite personnelle requise par le ministère public apparaît justifiée dans son principe, et il n'y a en conséquence pas lieu de lui substituer une sanction d'interdiction de gérer, plus protectrice du patrimoine personnel de M [B].

Aujourd'hui âgé de 68 ans, M. [B] est désormais retraité.

Il ne fournit pas le moindre justificatif de la situation financière et patrimoniale qu'il décrit comme étant la sienne et, dans l'intérêt général, la cour ne peut encourager le v'u que M. [B] forme d'exercer dorénavant une activité d'agent commercial pour compléter sa pension de retraite.

Les fautes commises par M. [B] ne justifient cependant pas de prononcer une sanction pour la durée maximale de quinze ans prévue par la loi. La durée de la sanction sera en conséquence limitée à sept ans.

- sur les demandes accessoires

La décision de cette cour n'étant susceptible d'aucun recours suspensif, il n'y a pas lieu de l'assortir de l'exécution provisoire, dénuée d'objet.

M. [B], qui succombe au sens de l'article 696 du code de procédure civile, devra supporter les dépens de l'instance d'appel, mais ceux de première instance seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.

PAR CES MOTIFS

Vu l'arrêt du 21 juillet 2023 par lequel cette cour a annulé le jugement rendu le 29 novembre 2022 par le tribunal de commerce d'Orléans à l'égard de M. [C] [B],

Prononce la faillite personnelle de M. [C] [B], né le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 10] (92), de nationalité française, demeurant [Adresse 2] et actuellement [Adresse 4], ancien dirigeant de droit de la SARL PML, immatriculée au R.C.S. d'Orléans sous le numéro 794'470 179, ayant son siège social [Adresse 6] à [Localité 9],

Fixe la durée de cette mesure à 7 ans,

Rappelle que la faillite personnelle emporte interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole ou toute entreprise ayant toute autre activité indépendante et toute personne morale,

Dit que conformément à l'article L. 128-1 et aux articles R.128-1 du code du commerce, cette sanction sera inscrite au fichier national des interdictions de gérer tenu par le conseil national des greffiers des tribunaux de commerce auprès duquel la personne inscrite pourra exercer ses droits d'accès et de rectification prévus par les articles 15 et 16 du Règlement UE 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données,

Dit que, à la diligence du ministère public, cet arrêt sera transmis pour inscription au fichier national des interdits de gérer au greffier du tribunal de commerce d'Orléans chargé de la tenue du registre du commerce et des sociétés auquel est immatriculée la personne morale dont M. [C] [B] était le dirigeant de droit,

Condamne M. [C] [B] aux dépens de l'instance d'appel,

Ordonne l'emploi des dépens de première instance en frais privilégiés de liquidation judiciaire,

Ordonne les publicités prévues par l'article R. 653-3 du code du commerce,

Rappelle que, à la diligence du greffier, cette décision sera adressée aux personnes mentionnées à l'article R. 621-7 du code du commerce et signifiée dans les quinze jours à M. [C] [B].

Arrêt signé par Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 22/02884
Date de la décision : 18/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 24/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-18;22.02884 ?
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