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28/03/2024 | FRANCE | N°23/01889

France | France, Cour d'appel d'Orléans, Chambre commerciale, 28 mars 2024, 23/01889


COUR D'APPEL D'ORLÉANS



CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE







GROSSES + EXPÉDITIONS : le 28/03/2024

SCP LAVAL-FIRKOWSKI-DEVAUCHELLE AVOCATS ASSOCIES

LE PROCUREUR GENERAL



ARRÊT du : 28 MARS 2024



N° : 91 - 23

N° RG 23/01889

N° Portalis DBVN-V-B7H-G2YA



DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Commerce d'ORLEANS en date du 30 Mai 2023



PARTIES EN CAUSE



APPELANT :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265294216192523

Monsie

ur [D] [Z]

né le [Date naissance 3] 1981 à [Localité 8] (MAROC)

[Adresse 7]

[Localité 1]





Ayant pour avocat postulant Me Alexis DEVAUCHELLE, membre de la SCP LAVAL-FIRKOWSKI-DEVAU...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 28/03/2024

SCP LAVAL-FIRKOWSKI-DEVAUCHELLE AVOCATS ASSOCIES

LE PROCUREUR GENERAL

ARRÊT du : 28 MARS 2024

N° : 91 - 23

N° RG 23/01889

N° Portalis DBVN-V-B7H-G2YA

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Commerce d'ORLEANS en date du 30 Mai 2023

PARTIES EN CAUSE

APPELANT :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265294216192523

Monsieur [D] [Z]

né le [Date naissance 3] 1981 à [Localité 8] (MAROC)

[Adresse 7]

[Localité 1]

Ayant pour avocat postulant Me Alexis DEVAUCHELLE, membre de la SCP LAVAL-FIRKOWSKI-DEVAUCHELLE AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau d'ORLEANS, et pour avocat plaidant Me Julie BOANO, avocat au barreau de NICE

D'UNE PART

INTIMÉS : - Timbre fiscal dématérialisé N°: -/-

S.E.L.A.R.L. VILLA [M]

Prise en la personne de Maître [Y] [M] domiciliée audit siège agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société SAS PIECES AUTO 45

[Adresse 6]

[Localité 5]

Défaillante

EN PRESENCE DE :

Monsieur LE PROCUREUR GÉNÉRAL PRÈS LA COUR D'APPEL D'ORLEANS

Palais de Justice

[Adresse 4]

[Localité 5]

Comparant en la personne de Madame Christine TEIXIDO, Avocat Général,

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 21 Juillet 2023

ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 25 Janvier 2024

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats à l'audience publique du JEUDI 08 FEVRIER 2024, à 14 heures, Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, en charge du rapport, Madame Fanny CHENOT, Conseiller, et Monsieur Damien DESFORGES, Conseiller, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l'article 805 et 907 du code de procédure civile.

Après délibéré au cours duquel Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, Madame Fanny CHENOT, Conseiller, et Monsieur Damien DESFORGES, Conseiller, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de :

Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS,

Madame Fanny CHENOT, Conseiller,

Monsieur Damien DESFORGES, Conseiller,

Greffier :

Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors des débats et du prononcé,

ARRÊT :

Prononcé publiquement par arrêt réputé contradictoire le JEUDI 28 MARS 2024 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE :

La SAS Pièces Auto 45, qui exerçait une activité de commerce de détail d'équipements automobiles, a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés d'Orléans à compter du 13 avril 2016 sous le numéro 819 643 388.

Sur assignation de l'URSSAF Centre, par jugement du 13 novembre 2019, le tribunal de commerce d'Orléans a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société SAS Pièces Auto 45, fixé provisoirement au 13 mai 2018 la date de cessation des paiements, fixé à six mois la période d'observation, renvoyé l'affaire à l'audience du 11 décembre 2019 afin de déterminer si l'entreprise dispose des capacités financières suffisantes à sa poursuite d'activité et le maintien de la période d'observation, rappelant que le tribunal pourra statuer sur une éventuelle conversion de la procédure de redressement en liquidation judiciaire.

Par jugement du 11 décembre 2019, ce même tribunal a converti la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire de la SAS Pièces Auto 45, fixé provisoirement au 13 mai 2018 la date de cessation des paiements, désigné la SELARL Villa [M], en la personne de Me [Y] [M], en qualité de liquidateur judiciaire.

Par requête du 10 novembre 2022, le procureur de la République près le tribunal judiciaire d'Orléans a saisi le tribunal de commerce d'Orléans afin que soit prononcée contre M. [D] [Z], dirigeant de droit de la société liquidée, une interdiction de gérer de dix ans.

Par jugement du 30 mai 2023, le tribunal de commerce d'Orléans, en retenant contre M. [D] [Z] une omission de déclaration de la cessation des paiements de la personne morale dans le délai de 45 jours, l'absence de tenue de comptabilité et un manque de collaboration avec les organes de la procédure, a :

Vu la requête du ministère public,

Vu l'avis du juge-commissaire,

Vu les articles L.653-1 et R.653-1 et suivants du code de commerce,

- interdit en application notamment des articles L.653-8 et suivants du code de commerce à M. [D] [Z], né le [Date naissance 3] 1981 à [Localité 8] (Maroc), de nationalité marocaine, demeurant [Adresse 2] et actuellement [Adresse 7], en qualité d'ancien dirigeant de droit de la société SAS Pièces Auto 45, de diriger, gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale,

- fixé la durée de cette mesure à 10 ans,

- dit qu'en application des articles L.128-1 et suivants et R.128-1 et suivants du code de commerce, cette sanction fera l'objet d'une inscription au Fichier National Automatisé des Interdits de Gérer, tenu sous la responsabilité du Conseil national des greffiers de tribunaux de commerce auprès duquel la personne inscrite pourra exercer ses droits d'accès et de rectification prévus par les articles 15 et 16 du Règlement (UE) 2016/679 du Parlement Européen et du Conseil du 27 avril 2016 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données,

- ordonné les publicités prévues par la loi,

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement,

- dit que les dépens seront employés en frais de liquidation judiciaire.

Suivant déclaration du 21 juillet 2023, M. [D] [Z] a interjeté appel de ce jugement, en intimant le procureur général près la cour d'appel d'Orléans et la SELARL Villa-[M], prise en la personne de Me [Y] [M], en qualité de liquidateur de la société SAS Pièces Auto 45.

Dans ses dernières conclusions remises au greffe le 12 octobre 2023, signifiées à la SELARL Villa-[M], ès-qualité de liquidateur de la société SAS Pièces Auto 45 par acte du 13 octobre 2023, M. [D] [Z] demande à la cour de :

Vu l'article L.653-8 du code de commerce,

Vu les pièces versées aux débats,

- dire recevables et bien fondés l'appel, les moyens et prétentions de M. [Z],

- infirmer le jugement rendu le 30 mai 2023 par le tribunal de commerce d'Orléans en toutes ses dispositions,

- lever l'interdiction de gérer prononcée à l'encontre de M. [Z],

- réserver les entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 25 octobre 2023, le procureur général de la cour d'appel d'Orléans demande à la cour de :

- débouter M. [D] [Z] de ses demandes,

- confirmer le jugement rendu le 30 mai 2023 par le tribunal de commerce d'Orléans,

- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir,

- statuer sur ce que de droit, les dépens.

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 25 janvier 2024, pour l'affaire être plaidée le 8 février suivant, sans que la SELARL Villa-[M], ès-qualité de liquidateur de la société SAS Pièces Auto 45, assignée à personne, ait constitué avocat.

MOTIFS :

Il convient d'examiner successivement les trois fautes retenues à l'encontre de l'appelant par le jugement déféré dont le ministère public sollicite la confirmation pure et simple.

Sur le défaut de déclaration de la cessation des paiements :

Par application des dispositions de l'article L. 653-1, 2° du code de commerce et de celles du dernier alinéa de l'article L. 653-8 du même code, pris dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, lorsqu'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire est ouverte, le tribunal peut prononcer une sanction d'interdiction de gérer à l'encontre des personnes physiques, dirigeants de droit ou de fait de personnes morales, qui ont omis sciemment de demander l'ouverture d'une procédure

de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la cessation des paiements, sans avoir, par ailleurs, demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation.

Pour l'application de cette sanction au dirigeant de la société débitrice qui n'a pas déclaré la cessation des paiements de celle-ci dans le délai légal, l'article R. 653-1 du code de commerce précise que la date de cessation des paiements à retenir ne peut être différente de celle fixée par le jugement d'ouverture de la procédure collective ou par un jugement de report.

En l'espèce, dans le jugement d'ouverture de la procédure du 13 novembre 2019, le tribunal de commerce d'Orléans a fixé provisoirement au 13 mai 2018 la date de cessation des paiements -date qui n'a pas été modifiée ou reportée et demeure par conséquent effective.

Si, depuis la modification de l'article L. 653-8 du code de commerce issue de l'article 239 de la loi du 6 août 2015, la déclaration tardive de la cessation des paiements ne peut être sanctionnée par une interdiction de gérer que lorsque cette omission ne relève pas de la seule négligence, M. [D] [Z] ne peut soutenir, en l'espèce, qu'il n'aurait pas sciemment omis de déclarer l'état de cessation des paiements de la société Pièces Auto 45, c'est-à-dire qu'il n'aurait pas eu conscience de la cessation des paiements de la société au 13 mai 2018, alors que selon les pièces du dossier la société Pièces Auto 45 n'était plus à jour dans le règlement de ses cotisations sociales (cotisations AGIRC ARRCO impayées depuis le 1er janvie 2017 notamment), ne réglait plus ses fournisseurs, pour certains (EGIE France) depuis le mois de juillet 2016, ne payait plus ses loyers depuis le 24 mai 2017, ce qui a donné lieu à la signification par acte du 30 avril 2018 d'un commandement de payer visant la clause résolutoire, à la constatation par ordonnance de référé du 2 août 2019 de la résiliation de plein droit du bail et à la condamnation de la société à payer la somme de 58 225,76 euros au titre des échéances impayées puis à la saisine du juge de l'exécution aux fins d'expulsion de celle-ci.

Ainsi, alors que de nombreux impayés étaient antérieurs au 13 mai 2018 et que la société, privée d'accès à ses locaux à la suite d'une décision judiciaire pour non paiement des loyers, était dans l'incapacité d'exercer et par voie de conséquence de régler ses dettes, force est de constater que c'est en connaissance de cause que M. [D] [Z] n'a pas saisi le tribunal aux fins de déclarer la cessation des paiements, l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire survenue 18 mois plus tard étant à l'initiative de l'URSSAF.

C'est donc à raison que les premiers juges ont retenu cette première faute à l'encontre de M. [D] [Z].

Sur l'absence de tenue de comptabilité :

Par application des articles L. 653-1, 2°, L. 653-5, 6° et L. 653-8 du code de commerce, lorsqu'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire est ouverte, le tribunal peut prononcer une sanction d'interdiction de gérer à l'encontre des personnes physiques, dirigeants de droit ou de fait de personnes morales, contre lesquelles a été relevé le fait d'avoir fait disparaître des documents comptables, de ne pas avoir tenu

de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation, ou d'avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables.

Les dispositions des articles L. 123-12 à L. 123-72 et R. 123-172 à R. 123-209 du code de commerce obligent les commerçants, personnes physiques et personnes morales, à la tenue d'une comptabilité donnant une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat de l'entreprise, au moyen de la tenue d'un livre journal, d'un grand livre, d'un livre d'inventaire et de comptes annuels.

M. [D] [Z], qui ne conteste pas avoir été astreint au respect de ces obligations comptables, en sa qualité de dirigeant de droit de la société Pièces Auto 45, n'a fourni au liquidateur judiciaire aucun élément comptable -lequel souligne qu'il n'apparaît pas que la société ait déposé ses comptes annuels au greffe du tribunal de commerce- et ne peut sérieusement soutenir avoir satisfait à ses obligations comptables en offrant, en cause d'appel, pour seule preuve la production de comptes annuels arrêtés au 31 décembre 2017 accompagnés d'un mandat de prélèvement au bénéfice du trésor public et d'un extrait du grand livre comptable provisoire arrêté au 31 décembre 2017, alors qu'aucun document n'est communiqué pour les exercices 2018 et 2019.

C'est donc encore à raison que les premiers juges ont retenu cette deuxième faute à l'encontre de M. [D] [Z].

Sur l'absence de coopération avec les organes de la procédure :

Par application des articles L. 653-1, 2°, L. 653-5, 5° et L. 653-8 du code de commerce, lorsqu'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire est ouverte, le tribunal peut prononcer une sanction d'interdiction de gérer à l'encontre des personnes physiques, dirigeants de droit ou de fait de personnes morales, contre lesquelles a été relevé le fait d'avoir, en s'abstenant volontairement de coopérer avec les organes de la procédure, fait obstacle à son bon déroulement.

Au cas particulier, il apparaît que M. [D] [Z] ne s'est pas présenté aux audiences d'ouverture de procédure de redressement judiciaire et de conversion en liquidation judiciaire, ne s'est pas davantage présenté aux rendez-vous fixés par le liquidateur judiciaire et ne lui a transmis aucun document, prétextant n'avoir plus accès aux locaux, ce qui toutefois ne l'empêchait pas de communiquer les coordonnées de son expert-comptable, de sa banque ou de toute autre interlocuteur susceptible de procurer au liquidateur des renseignements sur la société concernée. Il n'a pas non plus, en violation de l'article L.622-6 du code de commerce, transmis au liquidateur une liste des créanciers de manière que ce dernier puisse prévenir lesdits créanciers de l'existence de la procédure et les inviter à déclarer leurs créances.

Au demeurant, M. [D] [Z] ne discute pas, en cause d'appel, le refus de coopérer avec les organes de la procédure, faisant obstacle à son bon déroulement, qui lui est reproché et qui constitue la troisième faute justement retenue à son encontre par les premiers juges.

Sur la sanction :

Au mépris des règles de gestion les plus élémentaires, M. [D] [Z] a conduit la société Pièces Auto 45 en trois années d'activité à constituer un passif de 281 137,95 euros dont 114.332,56 euros de créances privilégiées pour un actif inexistant.

Dans ces circonstances et au regard de la gravité des fautes commises, l'interdiction de gérer prononcée par les premiers juges pour une durée de dix ans, qui apparaît justifiée, sera confirmée, étant relevé que M. [D] [Z] n'apporte aucun élément s'agissant de sa situation personnelle de nature à modérer la sanction, sur la durée de laquelle il ne conclut pas.

Sur les demandes accessoires :

M. [D] [Z], qui succombe, devra supporter les dépens de l'instance.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement du 30 mai 2023 du tribunal de commerce d'Orléans en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne M. [D] [Z] aux dépens.

Arrêt signé par Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 23/01889
Date de la décision : 28/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-28;23.01889 ?
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