COUR D'APPEL D'ORLÉANS
CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE
GROSSES + EXPÉDITIONS : le 28/03/2024
la SELARL MARIE-BÉATRICE GAUCHER
Me Eric LE COZ
ARRÊT du : 28 MARS 2024
N° : 89 - 23
N° RG 23/00163
N° Portalis DBVN-V-B7H-GWX7
DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOURS en date du 10 Novembre 2022
PARTIES EN CAUSE
APPELANT :- Timbre fiscal dématérialisé N°:1265289375612193
Monsieur [I] [P]-[C]
Né le [Date naissance 1] 1977 à [Localité 8]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Ayant pour avocat Me Marie-Béatrice GAUCHER, membre de la SELARL MARIE-BÉATRICE GAUCHER, avocat au barreau de TOURS
D'UNE PART
INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265290467438470
Madame [W] [Y] épouse [F]
Née le [Date naissance 2] 1977 à [Localité 7]
[Adresse 6]
[Localité 5]
Ayant pour avocat Me Éric LE COZ, avocat au barreau de TOURS
D'AUTRE PART
DÉCLARATION D'APPEL en date du : 09 Janvier 2023
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 21 Décembre 2023
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats à l'audience publique du JEUDI 25 JANVIER 2024, à 14 heures, Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, Madame Fanny CHENOT, Conseiller, et Monsieur Damien DESFORGES, Conseiller, en charge du rapport, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l'article 805 et 907 du code de procédure civile.
Après délibéré au cours duquel Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, Madame Fanny CHENOT, Conseiller, et Monsieur Damien DESFORGES, Conseiller, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de :
Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS,
Madame Fanny CHENOT, Conseiller,
et Monsieur Damien DESFORGES, Conseiller,
Greffier :
Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors des débats et du prononcé,
ARRÊT :
Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le JEUDI 28 MARS 2024 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE :
Se prévalant d'une reconnaissance de dette établie à son profit par M. [I] [P]-[C] le 15 juin 2016, Mme [W] [Y] épouse [F] a fait assigner ce dernier par acte d'huissier de justice en date du 8 juin 2021 devant le tribunal judiciaire de Tours aux fins principalement de le voir condamné à lui payer la somme de 15 000 euros.
M. [I] [P]-[C], bien qu'assigné à personne, n'a pas constitué avocat.
Par un premier jugement rendu avant-dire droit le 7 avril 2022, le tribunal judiciaire de Tours a ordonné la réouverture des débats et invité Mme [W] [Y] épouse [F] à produire au tribunal et communiquer à la partie défenderesse l'original de la reconnaissance de dette du 15 juin 2016 ou une reproduction fidèle et durable de cet original et de fournir au tribunal toutes explications utiles sur ce point.
Par jugement du 10 novembre 2022, le tribunal judiciaire de Tours a :
- condamné M. [I] [P]-[C] à payer à Mme [W] [Y] la somme de 15.000 euros au titre de la reconnaissance de dette du 15 juin 2016,
- condamné M. [I] [P]-[C] à payer à Mme [W] [Y] la somme 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [I] [P]-[C] aux dépens.
M. [I] [P]-[C] a relevé appel du jugement du 10 novembre 2022 par déclaration en date du 9 janvier 2023 en critiquant expressément tous les chefs dudit jugement.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 14 décembre 2023, M. [I] [P]-[C] demande à la cour de :
Vu les articles 528 à 537 du code de procédure civile,
Vu les articles 542 à 570 du code de procédure civile,
Vu les articles 901 à 916 du code de procédure civile,
Vu l'article 899 du code de procédure civile,
Vu l'article 16 du code de procédure civile,
Vu l'article 1334 du code civil,
Vu l'article 1240 du code civil,
Vu les articles 1353 et suivants du code civil,
Vu les articles 1 376 et suivants du code civil,
Vu l'article 1343-5 du code civil,
Vu les pièces,
- dire que l'appel de M. [I] [P]-[C] est recevable,
- prononcer la nullité du jugement du tribunal judiciaire de Tours du 7 avril 2022,
- prononcer la nullité de la reconnaissance de dette du 15 juin 2016,
- infirmer en tous points le jugement du tribunal judiciaire de Tours du 10 novembre 2022,
- débouter Mme [W] [Y] épouse [F] de sa demande en paiement de la somme de 15 000 euros en principal outre les intérêts, droits, frais et pénalités,
- débouter Mme [W] [Y] épouse [F] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions, et notamment de sa demande de condamnation en première instance de M. [P]-[C] au paiement d'un article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,
- accorder à M. [I] [P] un délai de paiement de sa dette en principal, pénalités, frais et accessoires, dans la limite de deux années,
- condamner à titre reconventionnel et incident Mme [W] [Y] épouse [F] à payer à M. [I] [P]-[C] la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison du préjudice subi,
- condamner à titre reconventionnel et incident Mme [W] [Y] épouse [F] à payer à M. [I] [P]-[C] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Par dernières conclusions notifiées le 15 décembre 2023, Mme [W] [Y] demande à la cour, de :
Vu les articles 1326, 1902, 1895 du code civil,
Vu l'article 1134 alinéa 1er ancien du même code,
Vu les pièces versées aux débats,
- rejeter toutes fins, moyens et conclusions contraires,
- déclarer M. [I] [P]-[C] irrecevable et en tout état de cause mal fondé en son appel,
- débouter M. [I] [P]-[C] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
Alors en conséquence,
- confirmer en tous points le jugement du tribunal judiciaire de Tours prononcé le 10 novembre 2022 (RG 21/02381) et y ajoutant,
- condamner M. [I] [P]-[C] à verser à Mme [W] [Y] épouse [F] une somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions.
L'instruction a été clôturée par ordonnance du 21 décembre 2023. L'affaire a été plaidée le 25 janvier 2024 et mise en délibéré à ce jour.
MOTIFS :
Il sera relevé au préalable que Mme [W] [Y] demande à la cour de déclarer M. [I] [P]-[C] « irrecevable et en tout état de cause mal fondé en son appel », mais ne développe aucun moyen tendant à la remise en cause de la recevabilité de cet appel, laquelle sera donc tenue pour non contestée.
Sur la demande de nullité du jugement avant dire droit du 7 avril 2022 :
Force est de constater que la déclaration d'appel de M. [I] [P]-[C] ne contient que l'indication du jugement rendu au fond le 10 novembre 2022. Elle ne défère dès lors pas à la cour le jugement prononcé antérieurement dans la même instance, le 7 avril 2022. Dès lors que M. [I] [P]-[C] souhaitait voir la cour se prononcer sur la régularité de ce premier jugement avant dire droit, il lui appartenait, en vertu de l'article 545 du code de procédure civile, d'en interjeter appel concomitamment à son appel au fond, dans le même acte ou par un acte distinct (voir par ex Civ 2e, 21 janv.1988 n°95-18.728 ; 5 avril 2001, n°99-17.613).
Sur la demande principale en remboursement de prêt :
Suivant l'article 1326 du code civil dans sa rédaction applicable en la cause, l'acte juridique par lequel une seule partie s'engage envers une autre à lui payer une somme d'argent ou à lui livrer un bien fongible doit être constaté dans un titre qui comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme et de la quantité en toutes lettres et en chiffres.
L'article 1134 du même code dispose par ailleurs, dans sa version applicable à l'espèce, que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Si M. [I] [P]-[C] fait d'abord valoir pour sa défense que l'original de la reconnaissance de dette ne lui aurait pas été signifié, force est de relever non seulement que s'il n'a pas constitué avocat devant le premier juge, il a pour autant été valablement assigné, qui plus est à personne, devant le tribunal, de sorte qu'il ne pouvait ignorer la demande formée à son encontre et les éléments la fondant, mais encore et en tout état de cause que la reconnaissance de dette lui a été communiquée devant la cour en même temps que l'ensemble des pièces de Mme [W] [Y] le 6 avril 2023.
M. [I] [P]-[C] soutient ensuite au visa de l'article 1375 du code civil, anciennement 1325, que Mme [W] [Y] ne justifie pas de ce que la reconnaissance de dette aurait été faite en autant d'originaux que de parties, de sorte que ce document ne pourrait faire preuve. Toutefois le texte auquel l'appelant se réfère concerne spécifiquement les contrats synallagmatiques, ce qui n'est pas le cas de la reconnaissance de dette aux termes de laquelle seul M. [I] [P]-[C] a contracté une obligation, celle de rembourser une somme prêtée. Une telle prescription relative au nombre d'exemplaires n'est donc pas applicable en pareil cas.
La reconnaissance de dette versée aux débats comporte l'ensemble des mentions exigées par l'article 1326 du code civil et se trouve ainsi revêtue d'une force probatoire suffisante. Il convient d'observer par ailleurs que si l'appelant conteste son obligation de remboursement en affirmant qu'aucune somme ne lui a été remise, au contraire de ce que la reconnaissance de dette mentionne en faisant état du remboursement d'une somme « empruntée à [ Mme [W] [Y] ]», il ne dénie pas sa signature telle qu'elle figure sur le document litigieux, ni son écriture, et n'argue pas d'un faux. Or la reconnaissance de dette faisant présumer la remise des fonds, il incombe à celui qui a signé une telle reconnaissance et prétend que la somme qu'elle mentionne ne lui a pas été remise, d'apporter la preuve de ses allégations (Cass 1re civ, 8 octobre 2009, n°08-14.625; 19 février 2014, n°12-35.275).
M. [I] [P]-[C] fait en dernier lieu valoir que la reconnaissance de dette litigieuse n'apporte pas de précisions sur les modalités du remboursement et notamment sur le délai. Il résulte cependant de l'article 1900 du code civil que lorsqu'un prêt d'argent a été consenti sans qu'un terme ait été fixé, il appartient au juge, saisi d'une demande de remboursement, de fixer, eu égard aux circonstances et à la commune intention des parties, la date du terme de l'engagement.
Or au cas présent, M. [I] [P]-[C] n'a pas réagi aux trois mises en demeure envoyées préalablement par Mme [W] [Y] directement puis par son avocat les 5 mars 2021, 2 avril 2021 et 26 mai 2021, et n'a pas constitué avocat devant le premier juge pour éventuellement discuter du terme de ce prêt. Compte tenu de son engagement à rembourser la somme prêtée de 15'000 euros pris depuis le 15 juin 2016, c'est à bon droit que le tribunal l'a condamné, six ans plus tard, au règlement de cette somme, sans délai supplémentaire.
À ce jour, M. [I] [P]-[C] a ainsi bénéficié d'un délai total de plus de sept années depuis son engagement pris à rembourser la somme prêtée par Mme [W] [Y]. Dans ces conditions il n'y a pas lieu de lui accorder de délai supplémentaire et la cour rejettera sa demande de délai formée subsidiairement au visa de l'article 1345-3, anciennement 1244-1, du code civil.
Sur les demandes accessoires :
Compte tenu du sens du présent arrêt, et M. [I] [P]-[C] n'établissant aucune faute de la part de Mme [W] [Y], il ne pourra qu'être débouté de sa demande de dommages et intérêts.
Le sort des dépens et de l'indemnité de procédure a été exactement réglé par le premier juge.
M. [I] [P]-[C], qui succombe, supportera la charge des dépens d'appel et sera condamné à verser à Mme [W] [Y] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Constate que l'appel interjeté par M. [I] [P]-[C] ne porte que sur le jugement rendu le 10 novembre 2022 par le tribunal judiciaire de Tours,
Confirme en toutes ses dispositions ledit jugement,
Condamne M. [I] [P]-[C] à verser à Mme [W] [Y] épouse [F] une indemnité de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel,
Condamne M. [I] [P]-[C] aux dépens d'appel.
Arrêt signé par Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT