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14/03/2024 | FRANCE | N°21/02745

France | France, Cour d'appel d'Orléans, Chambre commerciale, 14 mars 2024, 21/02745


COUR D'APPEL D'ORLÉANS



CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE







GROSSES + EXPÉDITIONS : le 14/03/2024

la SELARL LX POITIERS-ORLEANS

la SCP LE METAYER ET ASSOCIES

ARRÊT du : 14 MARS 2024



N° : 70 - 23

N° RG 21/02745 -

N° Portalis DBVN-V-B7F-GOSE



DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Commerce d'ORLEANS en date du 09 Septembre 2021



PARTIES EN CAUSE



APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265278342417809

La S.A.S.U. CAP

TRAIN FRANCE

Anciennement dénommée VFLI, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 2]

[Localité 3]



Ayant pour avocat...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 14/03/2024

la SELARL LX POITIERS-ORLEANS

la SCP LE METAYER ET ASSOCIES

ARRÊT du : 14 MARS 2024

N° : 70 - 23

N° RG 21/02745 -

N° Portalis DBVN-V-B7F-GOSE

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Commerce d'ORLEANS en date du 09 Septembre 2021

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265278342417809

La S.A.S.U. CAPTRAIN FRANCE

Anciennement dénommée VFLI, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 2]

[Localité 3]

Ayant pour avocat postulant Me Sophie GATEFIN, membre de la SELARL LX POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau d'ORLEANS, et pour avocat plaidant Me Etienne BOYER, membre de la SCP DBM, avocat au barreau de PARIS

D'UNE PART

INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265277593643381

S.A.S. [R] & CIE

Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 1]

Ayant pour avocat Me Didier CAILLAUD, membre de la SCP LE METAYER ET ASSOCIES, avocat au barreau d'ORLEANS

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 22 Octobre 2021

ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 11 Janvier 2024

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats à l'audience publique du JEUDI 18 JANVIER 2024, à 14 heures, Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, Madame Fanny CHENOT, Conseiller, et Monsieur Damien DESFORGES, Conseiller, en charge du rapport, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l'article 805 et 907 du code de procédure civile.

Après délibéré au cours duquel Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, Madame Fanny CHENOT, Conseiller, et Monsieur Damien DESFORGES, Conseiller, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de :

Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS,

Madame Fanny CHENOT, Conseiller,

Monsieur Damien DESFORGES, Conseiller,

Greffier :

Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors des débats et du prononcé,

ARRÊT :

Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le JEUDI 14 MARS 2024 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE :

La société [R] & Cie a pour activité le commerce de gros, notamment de céréales. Son site d'exploitation et de stockage situé à [Localité 4] dispose d'un embranchement ferroviaire.

Le 30 mai 2018, elle a conclu avec la société Cargill un contrat portant sur la vente de maïs pour une quantité totale de 13 000 tonnes, les livraisons devant intervenir entre janvier et septembre 2019.

Le 9 mai 2019, un train de marchandises acheminant 20 wagons de céréales et tracté par la société VFLI (désormais dénommée Captrain France), entreprise de transport ferroviaire affrétée par la société Cargill, a déraillé sur une partie des voies gérées par la société [R], en amont du raccordement SNCF.

Le rapport de l'expert mandaté par l'assureur de la société [R] a conclu à un défaut de manoeuvre d'une commande d'aiguillage de la part de la société VFLI. Cette dernière a reconnu sa responsabilité dans l'accident.

Par la suite, la circulation des wagons sur la voie est demeurée impossible jusqu'au 7 juin 2019, occasionnant des frais relatifs à l'annulation des trains initialement prévus.

Estimant qu'il appartenait à la société VFLI de rendre la voie à la circulation et de se préoccuper de la levée de l'interdiction de circuler émise par la SNCF, la société [R] & Cie a, par acte d'huissier de justice en date du 11 mai 2020, fait assigner celle-ci devant le tribunal de commerce d'Orléans aux fins de la voir condamnée à l'indemniser de son préjudice à hauteur de 41 954,66 euros.

Par jugement du 9 septembre 2021, le tribunal de commerce d'Orléans a :

- condamné la société VFLI à payer à la société [R] & Cie la somme de 13 644 euros au titre de la remise en état de son installation par la SNCF,

- condamné la société VFLI à payer à la société [R] & Cie la somme de 36 935 euros au titre de la remise en état de son installation par la société Margueritat,

- dit la société VFLI responsable du préjudice subi par la société [R] & Cie qui a résulté du retard du rétablissement de la circulation,

- condamné la société VFLI à payer à la société [R] & Cie la somme de 30 000 euros au titre des pénalités dues à son client Cooperl,

- condamné la société VFLI à payer à la société [R] & Cie la somme de 8 405,66 euros au titre des surcoûts liés aux transports de substitution par camion,

- dit que le versement dû par la société VFLI au bénéfice de la société [R] & Cie au titre de ces condamnation serait réduit de la provision de 50 000 euros, soit un montant net à verser de 38 984,66 euros,

- condamné la société VFLI à payer à la société [R] & Cie la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société VFLI en tous les dépens, y compris les frais de greffe liquidés à la somme de 64,68 euros.

La société VFLI désormais dénommée Captrain France a relevé appel de cette décision par déclaration en date du 22 octobre 2021 en critiquant expressément tous les chefs du jugement en cause.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 20 décembre 2023, la société Captrain France demande à la cour de :

Vu l'article 504 « traitement des accidents et incidents », tiré de la documentation de la société SNCF Réseau, numéro RFNIGTR01A00 n° 005,

Vu les pièces versées aux débats,

- déclarer la société Captrain bien fondée en son appel,

- déclarer irrecevable la société [R] en son appel incident,

- infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce d'Orléans en ce qu'il a

retenu la responsabilité de la société Captrain vis-à-vis de la société [R] en ce qui concerne les préjudices allégués au titre du retard de rétablissement de la circulation,

- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Captrain à payer à la société [R] :

' la somme de 30 000 euros au titre des pénalités dues à son client, la société Cooperl,

' la somme de 8 404,66 euros à la société [R] au titre des surcoûts liés aux transports de substitution,

' la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau :

- juger que la société Captrain n'est pas responsable du préjudice subi par la société [R] résultant du retard du rétablissement de la circulation,

- juger que la société Captrain ne saurait être responsable du préjudice allégué par la société [R] résultant du retard de rétablissement de la circulation,

- débouter la société [R] de ses demandes de condamnation à l'encontre de la société Captrain au titre des pénalités de retard d'un montant de 30 000 euros et du surcoût lié aux transport de substitution,

En tout état de cause :

- juger qu'il n'existe aucune erreur matérielle dans le jugement rendu par le tribunal de commerce d'Orléans du 9 septembre 2021 et que la société [R] formule en réalité un appel incident,

- juger que le dispositif des conclusions de la société [R] ne comporte aucune mention concernant l'infirmation ou la réformation du jugement,

- juger que l'appel incident de la société [R] formé à titre subsidiaire est irrecevable car le dispositif de ses conclusions ne comporte aucune mention concernant l'infirmation ou la réformation du jugement,

- débouter la société [R] de toutes ses autres demandes, fins et conclusions,

- condamner la société Captrain au paiement de la somme de 579 euros, après compensation, au titre du préjudice résultant de la réparation des voies ferrées,

- condamner la société [R] au paiement de la somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La société [R] & Cie demande à la cour, par dernières conclusions notifiées le 8 janvier 2024, de :

Vu les articles 1392-1 et 1112-1 du code civil,

Vu l'article 1383-2 du code civil,

Vu l'article 462 du code de procédure civile,

Vu les pièces versées aux débats,

- déclarer la SAS Captrain irrecevable et en tout cas non fondée en son appel,

En conséquence,

- confirmer le jugement entrepris sauf à rectifier l'erreur matérielle dont il est entaché et fixer la somme due par la SAS Captrain à la SAS [R] & Cie à la somme de 41 954,66 euros en principal et non 38 984,66 euros,

Subsidiairement,

- faire droit à l'appel incident formé par la SAS [R] & Cie,

- condamner la SAS Captrain à payer à la SAS [R] & Cie la somme de 41 954,66 euros,

- confirmer, pour le surplus, le jugement entrepris,

Y ajoutant,

- condamner la SAS Captrain à payer à la société [R] & Cie la somme de 5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SAS Captrain aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Didier Caillaud, avocat, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 11 janvier 2024. L'affaire a été plaidée le 18 janvier suivant et mise en délibéré à ce jour.

MOTIFS :

Il sera relevé au préalable que la société [R] & Cie demande à la cour de déclarer la société Captrain « irrecevable et en tout cas non fondée en son appel », mais ne développe aucun moyen tendant à la remise en cause de la recevabilité de cet appel, laquelle sera donc tenue pour non contestée.

Sur les condamnations au titre de la remise en état de l'installation abîmée par le déraillement :

La société Captrain, bien qu'ayant interjeté appel de l'ensemble des dispositions du jugement, a toujours reconnu sa responsabilité dans le déraillement du train, et ne sollicite pas l'infirmation des chefs du jugement la condamnant à payer à la société [R] & Cie les sommes de 13'644 euros et 36'935 euros au titre de la remise en état de l'installation de cette dernière par la SNCF d'une part et par la société Margueritat d'autre part.

De son côté la société [R] & Cie fait état d'une « erreur matérielle » des premiers juges dans le chiffrage de l'indemnité totale due par la société Captrain à la somme de 38'984,66 euros après déduction de la provision de 50'000 euros déjà versée, erreur résultant selon elle de ce qu'une somme de 36'935 euros a été retenue au titre de la facture émise par la société Margueritat, au lieu de la somme de 39'905 euros admise par l'expert de la société Captrain lui-même. Elle sollicite la rectification d'une telle erreur en vertu des dispositions de l'article 462 alinéa 1 du code de procédure civile.

Cependant la lecture du jugement critiqué ne révèle nulle erreur matérielle, les premiers juges ayant précisé la composition de la somme calculée par leurs soins de 38'984,66 euros, après avoir expressément retenu, s'agissant du préjudice financier de la société [R] & Cie correspondant à la facture de la société Margueritat, une somme de 36'935 euros comme correspondant au montant validé par l'expert de la société VFLI, et non pas la somme de 39'905 que souhaite voir fixer la société [R] & Cie. La demande de rectification d'erreur matérielle sera donc rejetée.

Quant à l'appel incident formé subsidiairement par l'intimée au cas où l'erreur matérielle ne serait pas retenue, force est de relever que celle-ci ne formule aucune demande d'infirmation du jugement. Or il résulte des articles 542 et 954 du code de procédure civile que lorsque l'appelant ne demande, dans le dispositif de ses conclusions, ni l'infirmation ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement.

Dès lors le jugement déféré ne pourra qu'être confirmé en ce qu'il a condamné la société Captrain à payer à la société [R] & Cie les sommes de 13'644 euros et 36'935 euros au titre de la remise en état de son installation par la SNCF d'une part et par la société Margueritat d'autre part.

Sur les condamnations au titre du retard du rétablissement de la circulation :

La société Captrain conteste être responsable du préjudice de la société [R] & Cie découlant du retard dans le rétablissement de la circulation, et reproche aux premiers juges de l'avoir condamnée à régler diverses indemnités à ce titre.

Aux termes des articles 6 et 9 du code de procédure civile, celui qui allègue un fait au soutien d'une prétention doit le prouver.

Il appartient donc à la société [R] & Cie, qui reproche à la société Captrain d'avoir tardé à permettre le rétablissement de la circulation sur les voies et de lui avoir ce faisant causé un préjudice financier, de démontrer que l'appelante est bien à l'origine de ce retard.

Il est constant que la société Captrain, responsable du déraillement de la rame, devait libérer les voies des wagons déraillés pour permettre la reprise du trafic. Or il ressort des échanges de mails entre les deux sociétés que l'opération programmée à cette fin le 3 juin 2019 pour retirer la rame concernée n'a pas été menée à bien, la société Captrain ayant expliqué qu'un de ses agents qui devait y participer venait de se déclarer en arrêt maladie. Le 4 juin, M. [R] relançait à nouveau la société Captrain en signalant les réclamations d'autres clients empêchés de faire rouler leurs convois sur l'embranchement toujours obstrué. Il la relançait encore le 5 juin à 9h45 puis le 6 juin à 10h26, constatant que les wagons déraillés étaient toujours sur l'embranchement.

Un mail de la société Captrain du 6 juin à 12h14, qui avisait la société [R] & Cie de ce que le départ de sa locomotive venait d'être refusé par la régulation de SNCF Réseau, permet de comprendre qu'à cette heure, la société Captrain avait enfin fait le nécessaire pour retirer la rame accidentée, mais qu'une interdiction de circuler émise par le Centre opérationnel de gestion des circulations (COGC), dépendant de SNCF Réseau, empêchait la reprise du trafic.

Au regard des échanges ci-avant rappelés, la responsabilité de la société Captrain dans le temps excessif à mettre en 'uvre la libération de l'embranchement encombré par les wagons déraillés n'est guère discutable jusqu'à la découverte le 6 juin 2019 de l'avis d'interdiction de circulation à [Localité 4] émis par le COGC. En effet, si la société Captrain avait mené à bien son opération de retrait de la rame dès le 3 juin 2019, elle se serait heurtée dès ce moment à l'interdiction de reprise du trafic, et les démarches nécessaires auprès du COGC pour en obtenir la levée auraient alors pu être réalisées dès cette date.

En revanche alors que le 6 juin au matin, la société Captrain avait enfin retiré les wagons accidentés, la reprise du trafic est restée empêchée jusqu'au 6 juin 2019 à 16 heures, en raison de l'absence de levée de l'interdiction de circulation émise par le COGC jusqu'à cette heure (pièce n°2 Captrain). Or si la société [R] & Cie affirme que la levée de l'interdiction était du ressort de la société Captrain, elle ne produit aucune pièce de nature à le confirmer, alors même que la charge de la preuve d'une telle obligation lui incombe, ainsi qu'il a été rappelé plus haut, dès lors qu'elle se prévaut d'un préjudice en lien avec le maintien de cette interdiction de circulation.

À supposer que ce soit les salariés de la société Captrain qui, comme la société [R] & Cie le soutient, aient avisé le COGC de Tours du déraillement dès la nuit du 9 mai 2019, ce qui reste à prouver, les développements de la société [R] & Cie et les pièces qu'elle produit ne sont pas de nature à démontrer qu'il incombait à la société Captrain, en tant qu'entreprise ferroviaire, plutôt qu'à elle-même, en sa qualité de propriétaire et gestionnaire de l'embranchement impacté, d'informer le COGC du rétablissement de la capacité de circulation de manière à ce que l'interdiction puisse être levée.

Il n'est par ailleurs pas prétendu que la société Captrain était présente sur site lorsque les installations ont été remises en état et lors de la visite de contrôle par la société SNCF Logistics. Ainsi que la société [R] & Cie le rappelle dans son assignation, c'est bien elle-même qui a confirmé auprès de sa cliente Cooperl le train dont le chargement était prévu le 4 juin 2019 après le contrôle par SNCF Logistics de la bonne réalisation des réparations et l'avis positif émis par cet organisme. Il ressort au demeurant de sa pièce n°15 que le contrôle de son embranchement réparé a eu lieu le 27 mai 2019. Si dès cette date, la société [R] & Cie savait donc que les travaux effectués étaient conformes et permettaient la réouverture de son embranchement, elle ne démontre pas que la société Captrain disposait d'une telle information.

Le fait que la société [R] & Cie ait pu, à l'occasion d'un incident similaire survenu ultérieurement, demander au commissionnaire de transport, en l'occurrence la société Forwardis, de vérifier auprès de la SNCF si les autorisations de circuler avait bien été obtenues, et que ce commissionnaire se soit exécuté, ne permet pas de conclure que dans le cadre du présent litige, la charge de signaler le rétablissement de la circulation et d'obtenir la mainlevée de l'interdiction émise incombait à la société Captrain. Cette dernière souligne au demeurant, sans être contredite par l'intimée sur ce point, que le rôle d'un commissionnaire de transport tel que la société Forwardis, à qui il incombe d'organiser les opérations de transport, est différent de son propre rôle d'entreprise ferroviaire, chargée uniquement de la prestation de transport en qualité de voiturier.

La société [R] & Cie estime enfin qu'à supposer qu'il lui appartînt d'informer le COGC du rétablissement de la capacité de circulation de son embranchement, la société Captrain, qui disposait de la compétence et des connaissances des règles en matière de transport ferroviaire, était à tout le moins tenue d'une obligation de conseil à son endroit et qu'elle lui doit à ce titre, pour y avoir manqué en ne l'avisant pas de la nécessité d'obtenir une levée d'interdiction de circulation du COGC, réparation de son entier préjudice financier résultant du retard dans la reprise du trafic.

Toutefois l'article 1112-1 du code civil dans lequel la société [R] & Cie puise une telle obligation de conseil se rapporte aux informations dues entre les parties au stade des négociations précontractuelles, et se trouve dès lors dépourvu de lien avec le présent litige. À supposer que la société [R] & Cie entende en réalité se prévaloir du devoir de conseil du professionnel spécialisé à l'égard de ses clients dans le cadre de l'exécution d'un contrat sur le fondement de l'article 1231-1 du code civil, force est d'observer qu'elle n'établit pas l'existence d'un lien contractuel avec la société Captrain, laquelle a été affrétée par la société Cargill et non par elle-même. Aussi, le moyen tiré du manquement de la société Captrain à son devoir de conseil ne saurait prospérer en l'état, faute de démonstration de l'existence d'une telle obligation à la charge de cette dernière.

Il suit de l'ensemble des développement qui précèdent :

- que la première pénalité de 15'000 euros refacturée par la société Cooperl à la société [R] & Cie, en ce qu'elle concerne un train annulé le 4 juin 2019 à une date où les wagons accidentés entravaient encore la voie, constitue un préjudice dont la société Captrain est responsable pour avoir tardé à mettre en 'uvre l'opération de retraits desdits wagons, ce qui a retardé d'autant la découverte par les parties de l'interdiction de circulation et n'a pas permis la levée de celle-ci avant le départ de ce premier train,

- qu'en revanche la deuxième pénalité du même montant, qui concerne l'annulation du train qui devait circuler le 7 juin 2019 et qui résulte de la seule omission de déclaration de rétablissement de la circulation auprès du COGC avant le 6 juin 2019 à 16 heures, ne constitue pas un préjudice financier imputable à la société Captrain, faute de démonstration de ce qu'il incombait à cette dernière d'obtenir la levée de l'interdiction de circulation après contrôle et validation par SNCF Mobilités de la réparation des voies, ou de ce que celle-ci était tenue de recommander à la société [R] & Cie d'agir en ce sens.

Partant, et par réformation du jugement déféré, la condamnation de la société Captrain à indemniser la société [R] & Cie des pénalités dues par celle-ci à son client Cooperl sera ramenée à la seule première indemnité de 15'000 euros.

S'agissant du surcoût de 8 405,66 euros lié au transport par camion plutôt que par train des céréales alors que les installations de la société [R] & Cie demeuraient immobilisées, il ressort des échanges entre les parties et entre les experts de leurs assureurs respectifs que cette décision d'affrètement par camion a été prise le 3 juin 2019, en raison du fait que la reprise de la circulation des trains se voyait retardée par l'inertie de la société Captrain qui n'avait toujours pas retiré les wagons déraillés en dépit de son engagement. Si cette dernière s'était exécutée avant cette date, l'interdiction de circulation en cours aurait été portée à la connaissance des parties et sa levée obtenue plus rapidement, de sorte que le recours à un mode de transport alternatif aurait été évité. Ce préjudice financier résulte donc bel et bien de la carence de la société Captrain, ce dont il suit que le jugement critiqué sera confirmé en sa condamnation de cette dernière à régler une telle somme à titre d'indemnité à la société [R] & Cie.

Au total, après déduction de la provision de 50'000 euros que la société [R] & Cie ne conteste pas avoir déjà perçue, la société Captrain reste donc lui devoir une somme de 23'984,66 euros (13 644 + 36 935 + 15 000 + 8405,66 - 50 000). Le jugement déféré sera infirmé en ce sens.

Sur les demandes accessoires :

Le sort des dépens et de l'indemnité de procédure a été exactement réglé par le premier juge.

La société Captrain, qui succombe au principal, supportera la charge des dépens d'appel. Il apparaît en revanche conforme à l'équité de rejeter les demandes formées de part et d'autre sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés pour les besoins de la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme la décision entreprise, sauf en ce qu'elle a :

- condamné la société VLFI désormais Captrain à payer à la société [R] & Cie la somme de 30 000 euros au titre des pénalités dues à son client Cooperl,

- dit par conséquent que le versement dû par la première à la seconde au titre de l'ensemble des condamnation s'établissait à 38 984,66 euros après déduction d'une provision de 50 000 euros,

Statuant à nouveau sur ces deux chefs infirmés,

Condamne la société Captrain à payer à la société [R] & Cie la somme de 15 000 euros au titre des pénalités dues à son client Cooperl,

Dit en conséquence que l'indemnité totale due par la société Captrain à la société [R] & Cie en réparation du préjudice de cette dernière s'établit à 23'984,66 euros, après déduction de la provision de 50 000 euros,

Rejette les demandes formées par chacune des parties en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés dans le cadre de la procédure d'appel,

Condamne la société Captrain aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 21/02745
Date de la décision : 14/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-14;21.02745 ?
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