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08/12/2022 | FRANCE | N°21/005171

France | France, Cour d'appel d'Orléans, C1, 08 décembre 2022, 21/005171


COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 08/12/2022
la SELARL CASADEI-JUNG

ARRÊT du : 08 DECEMBRE 2022

No : 194 - 22
No RG 21/00517
No Portalis DBVN-V-B7F-GJTX

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de MONTARGIS en date du 18 Décembre 2020

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265 2630 8442 8292

S.A.S.U. SOGELEASE FRANCE
Représentée par son Président, domicilié en cette qualité audit siège,
[Ad

resse 3]
[Localité 4]

Ayant pour avocat postulant Me Emmanuel POTIER, membre de la SELARL CASADEI-JUNG, avocat au barreau d'...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 08/12/2022
la SELARL CASADEI-JUNG

ARRÊT du : 08 DECEMBRE 2022

No : 194 - 22
No RG 21/00517
No Portalis DBVN-V-B7F-GJTX

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de MONTARGIS en date du 18 Décembre 2020

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265 2630 8442 8292

S.A.S.U. SOGELEASE FRANCE
Représentée par son Président, domicilié en cette qualité audit siège,
[Adresse 3]
[Localité 4]

Ayant pour avocat postulant Me Emmanuel POTIER, membre de la SELARL CASADEI-JUNG, avocat au barreau d'ORLEANS et pour avocat plaidant Maître Nicolas CROQUELOIS, avocat au barreau de PARIS

D'UNE PART

INTIMÉ : - Timbre fiscal dématérialisé No: -/-

Monsieur [E] [M] [W]
Né le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 6] ([Localité 6])
Lieudit [Localité 5]
[Localité 2]

défaillant

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 16 Février 2021
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 15 Septembre 2022

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l'audience publique du JEUDI 20 OCTOBRE 2022, à 9 heures 30, devant Madame Fanny CHENOT, Conseiller Rapporteur, par application de l'article 805 du code de procédure civile.

Lors du délibéré :
Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS,
Madame Fanny CHENOT, Conseiller,
Madame Ferréole DELONS, Conseiller,

Greffier :

Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier lors des débats et du prononcé.

ARRÊT :

Prononcé publiquement par arrêt de défaut le JEUDI 08 DECEMBRE 2022 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE :

Le 2 avril 2014, l'EARL Les Forges, représentée par son gérant, M. [E] [M] [W], a souscrit auprès de la société Sogelease France (ci-après Sogelease) un contrat de crédit-bail portant sur la location, pour une durée de 84 mois, d'un tracteur agricole de type T7220 APC, moyennant le paiement, après un différé d'un an, de six loyers annuels d'un montant TTC de 17 818,82 euros.

Par acte sous signature privée du 8 avril 2014, M. [W] s'est porté caution solidaire des engagements souscrits par l'EARL dans la limite de 129 936,67 euros et pour une durée de 96 mois.

L'EARL Les Forges a réceptionné l'engin agricole, sans réserve, le 30 avril 2014.

Le loyer exigible au 30 avril 2016 étant resté impayé, la société Sogelease a résilié son concours le 10 janvier 2017 en mettant en demeure chacun de la locataire et de la caution de lui régler la somme de 86 908,61 euros par courriers datés du 10 janvier 2017, adressés sous plis recommandés réceptionnés le 13 janvier suivant

Par acte du 31 octobre 2018, la société Sogelease a fait assigner M. [W] en paiement devant le tribunal de grande instance de Montargis.

Par jugement du 18 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Montargis a :

-débouté la société Sogelease France de sa demande tendant à la condamnation en paiement de M. [E] [W] en sa qualité de caution solidaire,
-débouté M. [E] [W] de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles,
-laissé à la charge de chacune des parties les dépens exposés par elle,
-débouté les parties de leurs demandes respectives formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
-débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires

Pour statuer comme il l'a fait sur l'action de la société Sogelease qu'il a qualifiée d'appel en garantie, le premier juge a commencé par retenir que M. [W] ne pouvait se prévaloir d'un avenant de réaménagement non signé par la bailleresse pour soutenir que la résiliation du crédit-bail serait fautive, puis que M. [W] ne pouvait pas non plus se prévaloir d'un manquement de la société Sogelease à son obligation d'information alors qu'il ne produisait « aucune pièce tendant à établir que la banque ne l'aurait pas informé du premier incident de paiement » et que, en tant que gérant de l'EARL Les Forges, M. [W] avait de toute façon connaissance des éventuels incidents de paiement.

Le premier juge a ensuite considéré que l'engagement de caution de M. [W], d'un montant représentant près de 70 % de la valeur de son patrimoine net, et garantissant des échéances annuelles représentant 64 % de ses revenus, était manifestement disproportionné à ses biens et revenus à l'époque de sa souscription.

En ajoutant qu'au moment de « l'appel en garantie », le patrimoine de M. [W] ne lui permettait pas de faire face à ses obligations, le premier juge a conclu que la société Sogelease ne pouvait se prévaloir du cautionnement en cause et devait être déboutée de sa demande en paiement.

Le premier juge a enfin écarté les demandes reconventionnelles de M. [W], en indiquant que celui-ci n'apportait pas la preuve du trop-perçu dont il réclamait remboursement sans indiquer s'il agissait à titre personnel ou en qualité de gérant de l'EARL, et ne démontrait non plus, ni le manquement contractuel qu'il imputait à la société Sogelease, ni la perte de chance de vendre le tracteur qu'il invoquait.

La société Sogelease a relevé appel de cette décision par déclaration du 16 février 2021, en critiquant expressément tous les chefs du jugement lui faisant grief.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 6 mai 2021 par voie électronique, signifiées le 7 mai suivant à M. [W], la société Sogelease demande à la cour, au visa des articles 1134 anciens et suivants du code civil, L. 332-1 (anciennement L.341-4) du code de la consommation, 2288 et suivants du code civil, de :
-infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Montargis en date du 18 décembre 2020 en ce qu'il a :
etgt;débouté la société Sogelease France de sa demande tendant à la condamnation en paiement de M. [E] [W] en sa qualité de caution solidaire,
etgt;laissé à la charge de chacune des parties les dépens exposés par elle,
etgt;débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
-débouter M. [E] [W] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,
-condamner M. [E] [W], en sa qualité de caution solidaire et dans la limite de son engagement, à payer à la société Sogelease France les sommes suivantes, au titre du contrat no 001139311-00, assorties des intérêts au taux légal à compter du 10 janvier 2017, date de mise en demeure :
-22 132,25 euros TTC au titre des loyers impayés,
-12 714,14 euros HT au titre de l'indemnité de résiliation.
-condamner M. [E] [W] à payer à la société Sogelease France la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamner M. [E] [W] aux entiers dépens de première instance et d'appel

Pour un plus ample exposé des faits et des moyens de l'appelante, il convient de se reporter à ses dernières conclusions récapitulatives.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 15 septembre 2022, pour l'affaire être plaidée le 20 octobre suivant et mise en délibéré à ce jour, sans que M. [W], assigné en l'étude de l'huissier instrumentaire, ait constitué avocat.

SUR CE, LA COUR :

Il résulte de l'article 472 du code de procédure civile que si, en appel, l'intimé ne conclut pas, il est néanmoins statué sur le fond, et que la cour ne fait droit aux prétentions de l'appelant que dans la mesure où elle les estime régulières, recevables et bien fondées, étant précisé que par application de l'article 954, dernier alinéa, du même code, la partie qui ne conclut pas est réputée s'approprier les motifs du jugement entrepris.

Sur la demande en paiement de la société Sogelease

Selon l'article L. 341-4 du code de la consommation, devenu l'article L. 332-1 du même code, dans sa rédaction antérieure à son abrogation issue de l'ordonnance no 2021-1192 du 15 septembre 2021, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Au sens de ces dispositions, qui bénéficient tant aux cautions profanes qu'aux cautions averties, la disproportion s'apprécie à la date de conclusion du contrat de cautionnement au regard du montant de l'engagement ainsi souscrit et des biens et revenus de la caution, en prenant en considération son endettement global, y compris celui résultant d'autres engagements de caution, dès lors que le créancier avait ou pouvait avoir connaissance de cet endettement.

C'est à la caution qui se prévaut des dispositions de l'article L. 332-1 de rapporter la preuve de la disproportion qu'elle invoque.

Le code de la consommation n'impose pas au créancier professionnel de vérifier la situation financière de la caution lors de son engagement, mais s'il le fait, il est en droit de se fier aux renseignements communiqués par la caution, sauf existence d'anomalies apparentes.

Le créancier peut en outre démontrer que le patrimoine de la caution lui permettait de faire face à son obligation au moment où il l'a appelée en paiement.

La disproportion manifeste du cautionnement s'apprécie au regard de la capacité de la caution à faire face, avec ses biens et revenus, au montant de son propre engagement, et non à l'obligation garantie, selon les modalités de paiement propres à celles-ci, c'est-à-dire, en l'espèce, aux loyers du crédit-bail (v. par ex. Cass. Com. 11 mars 2020, no 18-25.390). Il n'y a donc pas lieu, en l'espèce, de recherche comme l'a fait le premier juge à quelle part des revenus de M. [W] correspondait le montant des loyers dus par l'EARL Les Forges.

Au cas particulier, M. [W] s'est rendu caution solidaire le 8 avril 2014 des engagements souscrits par l'EARL envers le société Sogelease au titre d'un contrat de crédit-bail, dans la limite de 129 936,67 euros couvrant le principal, les intérêts et, le cas échéant, les pénalités ou intérêts de retard, ce pour une durée de 96 mois.

M. [W] a signé le 11 février 2014 une fiche de renseignements qu'il a certifiée exacte et sincère.

Sur cette fiche, sur laquelle il n'a pas précisé le montant de ses revenus, M. [W] a indiqué être célibataire, avoir un enfant à charge, et être propriétaire de divers biens immobiliers (terrains constructible et agricoles et bâtiment) qu'il a estimés, en valeur nette, déduction faite d'un encours de prêt de 107 000 euros, entre 400 000 et 500 000 euros.

M. [W] n'a déclaré aucun encours de cautionnement à la rubrique « montant des cautions et sûretés consenties » et, à la rubrique « charges mobilières et immobilières », M. [W] a déclaré un encours de crédits d'un montant cumulé de 110 000 euros, au titre de deux prêts amortissables souscrits, respectivement, auprès de la BNP et du Crédit mutuel, pour financer des travaux de drainage et l'acquisition de matériel.

Tel qu'il l'a déclaré auprès de la société Sogelease, le patrimoine net de M. [W] peut donc être estimé, à l'époque de son engagement de caution, entre 183 000 et 283 000 euros.

Dès lors que l'engagement de caution donné par M. [W] à hauteur de 129 936,67 euros était d'un montant inférieur à la valeur de son patrimoine, en ce non compris la valeur de ses parts sociales dans l'EARL Les Forges, le cautionnement litigieux n'apparaît pas manifestement disproportionné aux biens et revenus de l'intimé lors de sa conclusion.

Rien ne justifie donc de priver la société Sogelease du droit de se prévaloir de l'engagement de caution en cause.

Selon l'article 2288 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016, celui qui se rend caution d'une obligation, se soumet envers le créancier à satisfaire à cette obligation, si le débiteur n'y satisfait pas lui-même.

En l'espèce, le contrat de crédit-bail souscrit par l'EARL les Forges contenait en son article 11 une clause autorisant le crédit-bailleur à résilier le contrat en cas de non-paiement à l'échéance d'un seul terme des loyers et prévoyait que, en cas de résiliation, le locataire serait tenu, en sus des loyers échus impayés TTC, d'une indemnité de résiliation égale à « la totalité des loyers HT restant à échoir postérieurement à la résiliation, majorés du montant de l'option d'achat prévue contractuellement, augmentée, pour assurer la bonne exécution de la convention, d'une peine égale à 10 % de la totalité des loyers HT restant à échoir majorée du montant de l'option d'achat HT ».

Au même article 11, il était prévu que si le matériel était reloué ou revendu, l'indemnité de résiliation serait diminuée des sommes perçues, sous déduction « d'une commission de replacement fixée forfaitairement à 10 % des sommes perçues ».

Dès lors que le tracteur objet du crédit-bail litigieux a été restitué et a pu être revendu, l'indemnité de résiliation, qui répond à la définition de la clause pénale des articles 1152 et 1226 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016, revêt un caractère manifestement excessif qui commande sa réduction d'office à un montant qui, pour conserver à la clause son caractère comminatoire, sera fixé à 55 000 euros (prix de revente non déduit).

En application de ces principes et au vu des pièces produites, notamment le contrat de crédit-bail et le dernier décompte en date du 16 septembre 2019, la créance de la société Sogelease sera arrêtée ainsi qu'il suit :

-loyers TTC échus au 30 avril 2016 restés impayés : 17 412,91 euros
-indemnité de résiliation (réduite d'office) : 55 000 euros
-prix de vente à déduire de l'indemnité de résiliation : 58 000 euros
-commission de « replacement » : 5 800 euros
Solde indemnité de résiliation, déduction faite du prix de revente : 2 800 euros

M. [W], qui ne justifie d'aucun paiement ni d'aucun fait libératoire au sens de l'alinéa 2 de l'article 1315 ancien du code civil, sera condamné à régler à la société Sogelease, en exécution de son engagement de caution, la somme TTC de 17 412,91 euros au titre des loyers impayés, outre la somme HT de 2 800 euros au titre de l'indemnité de résiliation, le tout avec intérêts au taux légal à compter du 13 janvier 2017, date de réception de la mise en demeure valant sommation de payer au sens de l'article 1153 ancien du même code.
Sur les demandes accessoires

M. [W], qui succombe au sens de l'article 696 du code de procédure civile, devra supporter les dépens de première instance et d'appel.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, M. [W] sera condamné à régler à la société Sogelease, à qui il serait inéquitable de laisser la charge de la totalité des frais qu'elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens, une indemnité de procédure 1 000 euros.

PAR CES MOTIFS

INFIRME la décision entreprise en toutes ses dispositions critiquées,

STATUANT À NOUVEAU sur les chefs infirmés et y ajoutant:

CONDAMNE M. [E] [M] [W] à payer à la société Sogelease France, au titre des loyers impayés, la somme TTC de 17 412,91 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 13 janvier 2017,

CONDAMNE M. [E] [M] [W] à payer à la société Sogelease France, au titre de l'indemnité de résiliation, la somme HT de 2 800 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 13 janvier 2017,

DEBOUTE la société Sogelease France de ses plus amples demandes en paiement,

CONDAMNE M. [E] [M] [W] à payer à la société Sogelease France une indemnité de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [E] [M] [W] aux dépens de première instance et d'appel.

Arrêt signé par Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : C1
Numéro d'arrêt : 21/005171
Date de la décision : 08/12/2022
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : Tribunal judiciaire de Montargis, 18 décembre 2020


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.orleans;arret;2022-12-08;21.005171 ?
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