La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/12/2022 | FRANCE | N°21/002051

France | France, Cour d'appel d'Orléans, C1, 01 décembre 2022, 21/002051


COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 01/12/2022
la SELARL PRUNIER-D'INDY
la SCP THAUMAS AVOCATS ASSOCIES
ARRÊT du : 01 DECEMBRE 2022

No : 186 - 22
No RG 21/00205
No Portalis DBVN-V-B7F-GI6R

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOURS en date du 10 Décembre 2020

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265262200457689
S.C.I. DE LA BECTHIERE
[Adresse 7]
[Localité 5]

Ayant pour avocat Me Constance

d'INDY, membre de la SELARL PRUNIER d'INDY, avocat au barreau de TOURS

D'UNE PART

INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 01/12/2022
la SELARL PRUNIER-D'INDY
la SCP THAUMAS AVOCATS ASSOCIES
ARRÊT du : 01 DECEMBRE 2022

No : 186 - 22
No RG 21/00205
No Portalis DBVN-V-B7F-GI6R

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOURS en date du 10 Décembre 2020

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265262200457689
S.C.I. DE LA BECTHIERE
[Adresse 7]
[Localité 5]

Ayant pour avocat Me Constance d'INDY, membre de la SELARL PRUNIER d'INDY, avocat au barreau de TOURS

D'UNE PART

INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé No: 1265263289066185
Madame [W] [K]
née le [Date naissance 3] 1952 à [Localité 6]
[Adresse 1]
[Localité 4]

Ayant pour avocat Me Sofia VIGNEUX , membre de la SCP THAUMAS AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de TOURS

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 20 Janvier 2021
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 1er septembre 2022

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats à l'audience publique du JEUDI 29 SEPTEMBRE 2022, à 14 heures, Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, en charge du rapport, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l'article 805 et 907 du code de procédure civile.

Après délibéré au cours duquel Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel D'ORLEANS, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de :

Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS,
Madame Fanny CHENOT, Conseiller,
Madame Ferréole DELONS, Conseiller,

Greffier :

Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors des débats et du prononcé,

ARRÊT :

Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le JEUDI 01 DECEMBRE 2022 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE :

Par acte notarié reçu le 27 octobre 1987, Mme [Z] veuve [Y] a consenti un bail commercial de neuf ans à M. [J] [I] portant sur le local à usage commercial lui appartenant situé [Adresse 2] à [Localité 9], dépendant d'un immeuble soumis au régime de la copropriété dont il constitue le lot no11. Ce bail a été cédé en dernier lieu, le 28 février 1997 à Mme [W] [K], pour y exercer sous l'enseigne "Ecritures" l'activité de vente de carterie, papeterie et gravure sur métaux précieux, vente d'objets liés à l'écriture.

Par acte notarié reçu le 29 août 2003, le local a été vendu à la SCI de La Becthière.

Le bail commercial a été renouvelé le 19 juillet 1996, puis à nouveau à compter du 7 juillet 2008 par acte notarié du 26 février 2009.

Suivant acte extrajudiciaire du 30 décembre 2016, réitéré le 17 mars 2017, Mme [W] [K] a notifié à la SCI de La Becthière sa volonté de renouveler le bail qui, en l'absence de réaction du bailleur, s'est renouvelé tacitement.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 26 juin 2017, la SCI de La Becthière a mis en demeure Mme [W] [K] de lui rembourser avant la fin du mois un reliquat des charges de copropriété de l'exercice 2015-2016 soit 289,99 euros au motif que la totalité des charges de copropriété devait être remboursée au bailleur, ainsi que sa part des taxes foncières échues entre 2010 et 2014, soit 1.996 euros.

Par courrier du 2 juillet 2017, Mme [W] [K] a réglé le loyer du 3ème trimestre 2017 ainsi que le reliquat de charges mais, s'étonnant de la demande tardive relative aux taxes foncières a indiqué "ne pas être opposée à ce paiement si vous êtes dans votre droit mais souhaiter régler en plusieurs fois".

Par courrier du 3 juillet 2018, la SCI de La Becthière a réclamé le règlement sous huitaine d'une somme de 289,12 euros au titre des charges de copropriété de l'exercice 2017/2018 (du 1er avril 2017 au 31 mars 2018).

Par acte d'huissier du 31 août 2018, la SCI de La Becthière a assigné Mme [W] [K] devant le tribunal de grande instance de Tours afin de la voir condamner à lui payer la somme de 2.104,92 euros au titre du montant de sa quote-part des taxes foncières échues entre 2010 et 2017 et celle de 289,12 € au titre des charges 2017-2018 afférentes aux parties communes de l'immeuble, majorée des intérêts au taux légal à compter de la demande.

En cours de procédure, par acte sous seing privé du 6 décembre 2019, Mme [K] a conclu avec Mme [C] [L], qui a ultérieurement constitué une SARL "Ecritures et petits papiers" une promesse synallagmatique de vente et d'achat de son fonds de commerce sous conditions suspensives moyennant un prix de 10.000 euros.

Le 12 décembre suivant, la SCI de La Becthière a fait constater par huissier que le local était inoccupé et le magasin fermé.

Le 30 décembre 2019, elle a réclamé à Mme [K] le paiement des charges de copropriété et, visant "les difficultés engendrées par (son) départ surprise à la retraite", a proposé de racheter son fonds pour 10 000 euros en précisant que cette offre était valable jusqu'au 31 janvier 2020.

Le 2 janvier 2020, Maître Vaslin, conseil de Mme [L], a informé la bailleresse du projet de cession.

Après échange de courriers, la SCI de la Becthière a indiqué à sa locataire par courrier recommandé du 24 janvier 2020 qu'elle allait intenter une action en résiliation de bail.

Selon courrier du 31 janvier 2020, Mme [K] a avisé la SCI de La Becthière qu'elle ne pouvait répondre à sa proposition d'achat car elle attendait la réponse définitive de Mme [L] pour concrétiser la vente.

La SCI de La Becthière a formé devant le tribunal une demande additionnelle en résiliation judiciaire du bail.

La cession du fonds de commerce n'a pas abouti et par lettre recommandée avec avis de réception du 31 mars 2020, Mme [K] a donné congé pour cause de départ à la retraite avec préavis de six mois. Elle a formé devant le tribunal une demande de dommages et intérêts à hauteur de 10.000€ pour réparer le préjudice tiré de ce qu'elle n'a pu céder son fonds.

Par jugement en date du 10 décembre 2020, le tribunal judicaire de Tours a :
- condamné Mme [W] [K] à payer à la SCI de La Becthière la somme de 139,25 € au titre du solde des charges de copropriété 2017-2018,
- débouté la SCI de La Becthière de sa demande relative au paiement de charges de copropriété à échoir,
- débouté la SCI de La Becthière de sa demande en résiliation judiciaire du bail portant sur un local à usage commercial sis [Adresse 2],
- condamné la SCI de La Becthière à payer à Mme [W] [K] la somme de 10.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par un exercice abusif de ses droits de bailleur et du droit d'esther en justice,
- condamné la SCI de La Becthière à payer à Mme [W] [K] la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- débouté la SCI de La Becthière de sa demande fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné la SCI de La Becthière aux dépens qui seront recouvrés par Maître [D] si les conditions en sont réunies conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire,
- rejeté en tant que de besoin toute autre demande plus ample ou contraire à la motivation.

Pour statuer ainsi, le tribunal a considéré :

- sur les charges de copropriété : qu'au vu de la généralité des clauses du bail, l'intégralité des charges de copropriété est récupérable de sorte que sur les charges de copropriété de l'exercice 2017-2018, Mme [K] reste devoir un reliquat de 139,25 € ; qu'en revanche, s'agissant de la demande en paiement de charges à échoir, il ne peut être anticipé sur une éventuelle défaillance du preneur, Mme [K] ayant en outre réglé l'intégralité des charges de copropriété de l'exercice 2018-2019,

- sur la demande relative aux taxes foncières : que la SCI n'a pas repris cette demande dans le dispositif de ses dernières écritures et est réputée l'avoir abandonnée ; qu'en outre, le bail stipulait clairement que les taxes foncières restaient à la charge du bailleur, ce que ce dernier ne pouvait ignorer au regard du courrier de Maître [N], notaire rédacteur du bail renouvelé, en date du 18 juillet 2012, qui précisait que le règlement de l'impôt foncier était expressément stipulé à la charge du bailleur,

- sur la demande de résiliation judiciaire du bail formée en cours de procédure : que Mme [K] a cessé son activité en novembre 2019 compte tenu de la prévision de la date de cession intialement fixée au 1er décembre 2019 et de son état physique et de fatigue, et le délai de fermeture devait permettre au promettant acquéreur de réaliser les travaux d'embellissement et d'aménagement, que si le bail subordonne la cession ou la sous-location du local à l'autorisation du bailleur, cette autorisation n'est pas nécessaire en cas de cession au successeur, ce qui est le cas en l'espèce, qu'ainsi aucun motif de résiliation n'existe,

- sur la demande de dommages et intérêts formée par Mme [K] : que le bailleur, qui a engagé une procédure pour recouvrer une somme de 139,25 € au titre des charges de copropriété sans avoir recherché préalablement de solution amiable, outre des taxes foncières qu'il savait être à sa charge et en y ajoutant une demande de résiliation du bail destinée à faire échec à une cession du fonds de commerce et à lui permettre de reprendre le local afin de le vendre libre de tout occupant, a abusé de ses droits, causant ainsi un préjudice certain au preneur qui n'a pu céder son fonds de commerce, de sorte qu'il doit être condamné à lui verser en réparation la somme de 10.000 € correspondant au prix que le preneur devait retirer de la cession.

La SCI de La Becthière a relevé appel de la décision par déclaration du 20 janvier 2021, en intimant Mme [W] [K], et en critiquant tous les chefs du jugement sauf en ce qu'il a condamné Mme [W] [K] à lui payer la somme de 139,25 € au titre du solde des charges de copropriété 2017-2018.

Dans ses dernières conclusions du 24 décembre 2021, elle demande à la cour de :
- la dire et juger recevable et bien fondée en son appel et en conséquence infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Tours du 10 décembre 2020 sauf en ce qu'il a condamné Mme [W] [K] à lui payer la somme de 139,25 € au titre du solde des charges de copropriété 2017/2018,
Et statuant à nouveau,
- condamner Mme [W] [K] à lui verser le montant des charges afférentes aux parties communes telles qu'appelées par le syndic sur justificatifs et à première demande de la société bailleresse et ce pour la période 2019/2020, soit la somme de 536,84 € arrêtée au 30 septembre 2020,
- prononcer la résiliation judicaire du bail commercial liant la SCI de La Becthière à Mme [W] [K] aux torts exclusifs de cette dernière et dire que cette résiliation judiciaire prend effet au 30 septembre 2020,
- dire et juger que la SCI de La Becthière n'a commis aucune faute dans le cadre de l'opération de cession de fonds de commerce projetée par Mme [W] [K],
- débouter Mme [K] de sa demande tendant à la condamnation de la SCI de La Becthière à lui verser la somme de 10.000 € de dommages et intérêts et de ses plus amples demandes,
- la condamner à verser à la SCI de La Becthière une indemnité de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens d'instance et d'appel.

Elle fait valoir que le tribunal aurait dû condamner Mme [K] à supporter les charges de copropriété pour l'exercice 2019/2020 nonobstant l'absence de chiffrage de cette réclamation et qu'en tout état de cause, elle produit désormais les relevés de charges établis par le syndic et sollicite la somme de 536,84 € au titre des charges de

copropriété pour l'exercice 2019/2020, précisant que la vente du bien le 26 octobre 2020 est sans incidence sur ce point.

Elle estime que la résiliation judiciaire du bail aux torts de Mme [K] s'impose, d'une part car Mme [K] n'exploitait plus son fonds de commerce depuis novembre 2019 ce qui constitue une violation grave et renouvelée du bail, d'autre part car la locataire a autorisé le promettant acquéreur à se domicilier dans les locaux sans son accord, alors même que le bail stipule expressément que la sous-location doit faire l'objet du consentement exprès et écrit du bailleur. Elle ajoute au surplus que contrairement à ce que prétend Mme [K], le projet de cession de son fonds de commerce à un successeur dissimulait en réalité une cession de droit au bail et une despécialisation dans le cadre de son départ en retraite.

Elle soutient que la demande visant à obtenir le paiement des taxes foncières résulte d'une erreur induite par la rédaction particulière de l'acte notarié, que la demande de résiliation du bail ne constitue pas un abus de droit compte tenu des fautes commises par Mme [K] ; que compte tenu du congé donné le 31 mars 2020 à effet du 30 septembre suivant, la SCI était fondée à mettre en vente son local, qui a été vendu le 26 octobre 2020. Elle ajoute qu'aucun lien de causalité n'existe entre ces circonstances et le préjudice allégué, constitué par la perte du prix de vente du fonds de commerce, ce d'autant qu'elle a proposé à Mme [K] de racheter son fonds pour un prix identique de 10.000 €, ce que cette dernière a refusé, que ce faisant Mme [K] a contribué à la production de son propre dommage.

Mme [W] [K], par dernières conclusions du 17 août 2022, demande à la cour de :
Vu les articles 1134, 1147 et suivants, 1162 anciens du Code civil applicables au litige,
Vu les pièces versées aux débats,
Vu le jugement du 10 décembre 2020 rendu par le tribunal judiciaire de Tours,
- recevoir Mme [W] [K] en ses conclusions, l'en dire bien fondée et, en conséquence :
- confirmer le jugement rendu le 10 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Tours en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
- condamner la SCI de La Becthière à payer à Mme [W] [K] la somme de 56,06 € au titre du remboursement du trop-perçu relativement aux charges 2019/2020,
- débouter la SCI de La Becthière de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, - condamner la SCI de La Becthière au paiement de la somme de 2.500 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner la SCI de La Becthière aux entiers dépens d'appel et qui comprendront notamment les émoluments des officiers ministériels en application de l'article 696 du Code de procédure civile, dont distraction au profit de Maître Sofia Vigneux, membre de la SCPA Thaumas, Avocat aux offres de droit.

Elle soutient qu'elle a acquitté par anticipation entre les mains du gérant, la somme de 595 € par chèque du 25 novembre 2020 dûment débité le 4 décembre 2020, correspondant à l'estimation des charges de copropriété 2019/2020, de sorte que la SCI de La Becthière lui doit la somme de 56,06 € versée en trop, compte tenu du décompte de charges transmis ultérieurement.

Elle fait valoir que le bailleur a sollicité la résolution judiciaire du bail dans l'unique but de récupérer le local sans bourse déliée, que conformément aux stipulations du bail, l'accord du bailleur n'était pas requis s'agissant d'une cession du droit au bail à un successeur dans le commerce du preneur, que le conseil de Mme [L], Maître [G], a adressé en toute transparence au bailleur la copie de la promesse de vente et d'achat, que toutefois, le bailleur a informé son notaire de son opposition à l'acte projeté et poursuivi parallèlement la résiliation judiciaire du contrat de bail, que compte tenu de cette situation de blocage, Mme [L], promettant acquéreur, et Mme [K] ont dû renoncer à la cession du fonds, contraignant ainsi Mme [K] à demander à bénéficier de ses droits à la retraite pour mettre fin à son bail.

Elle précise que le bailleur n'a pas saisi le tribunal dans le délai de deux mois visé à l'article L.145-51 du Code de commerce pour faire valoir un prétendu droit de préemption sur la vente qui devait intervenir, de sorte que son accord à la cession aurait été réputé acquis et que l'activité devant être exercée par le promettant acquéreur était parfaitement conforme à la destination contractuelle des lieux. Elle ajoute qu'elle a donné congé par lettre recommandée du 31 mars 2020 à l'expiration d'un délai de six mois, que la bailleresse a récupéré son bien au 30 septembre 2020 et que la demande en résiliation judicaire est donc sans objet.

Elle indique enfin subir un préjudice résultant de sa perte de chance d'avoir pu céder son fonds de commerce emportant cession du droit au bail, du fait de la déloyauté du bailleur qui a refusé abusivement de régulariser par acte authentique le renouvellement du bail commercial, s'est opposé à la cession du fonds de commerce au successeur de Mme [K] alors que son consentement n'était pas requis, et a poursuivi la résiliation judiciaire du contrat de bail à réception de la promesse de vente entre Mme [K] et Mme [L] en exposant une version tronquée de l'affaire, faisant craindre à la cessionnaire que le bail ne se trouve résilié et qu'elle n'ait plus de titre pour exploiter son activité.

Il est expressément référé aux écritures des parties pour plus ample exposé des faits ainsi que de leurs moyens et prétentions.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 1er septembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur le paiement des charges de copropriété

L'acte de renouvellement de bail commercial conclu entre les parties le 26 février 2009 stipule en page 4 : "le preneur remboursera au bailleur lors du paiement de chaque terme trimestriel du loyer les charges afférentes aux parties communes, selon les appels du syndic de copropriété".

Le tribunal a retenu de manière pertinente qu'au vu de la généralité de cette clause, l'intégralité des charges de copropriété était récupérable.

Le chef du jugement par lequel il a condamné Mme [K] à régler la somme de 139,25€ au titre du solde des charges de copropriété 2017/2018 n'est critiqué ni par l'appelante dans sa déclaration d'appel ni par l'intimée dans ses conclusions.

S'agissant du chef du jugement ayant débouté la SCI de la Becthière de sa demande relative au paiement de charges de copropriété à échoir, c'est à bon droit que le premier juge l'a rejetée au motif qu'il ne pouvait être anticipé sur une éventuelle défaillance du preneur. Ce chef expressément critiqué par l'appelante dans sa déclaration d'appel sera donc confirmé.

Devant la cour, l'appelante ne maintient plus cette demande et sollicite, compte tenu du départ de Mme [K] des lieux loués au 30 septembre 2020, sa condamnation au paiement de la somme de 536,84€ arrêtée à cette date, au titre des charges afférentes aux parties communes pour la période du 1er mars 2019 au 31 septembre 2020. Cette somme est justifiée par les appels de charges produits.

Mme [K] indique de manière inopérante que ces décomptes de charges ont été adressés les 1er juin et 2 juillet 2021 à la SARL Scraptrading, non à la SCI de la Becthière et que cette dernière ne justifie pas de sa qualité à agir pour demander le paiement de ces charges 2019/2020.

En effet, l'intimée ne sollicite pas l'irrecevabilité de cette demande dans le dispositif de ses écritures qui seul saisit la cour. En outre, la SCI de la Becthière établit qu'elle a vendu le local à la société Scraptrading par acte du 26 octobre 2020 et il ne ressort pas de cet acte que l'acquéreur se serait engagé à payer des charges de copropriété antérieures à son achat. Par suite, la SCI de la Becthière, toujours propriétaire des lieux au 30 septembre 2020 devait s'acqutter des charges de copropriété dues avant la vente du local et avait qualité à en demander le remboursement par la locataire en exécution du bail.

Mme [K] prétend ensuite avoir déjà réglé les charges de copropriété réclamées pour la période 2019-2020, de manière anticipée et même au delà de la somme due pour un montant de 56,06€, dont elle réclame le remboursement.

Elle verse aux débats la copie d'un chèque établi le 25 novembre 2020 à hauteur de la somme de 595€ à l'ordre M. [X], gérant de la SCI de la Becthière, ainsi qu'une copie de son relevé de compte dont il ressort que la somme de 595€ a été débitée le 4 décembre 2020.

A la date du 25 novembre 2020, les appels de charges des 1er juin et 1er juillet 2021 n'avaient pas encore été adressés au propriétaire et le total dû n'était pas encore arrêté de manière définitive même si une estimation était possible.

Si le chèque a été établi à l'ordre de M. [X], gérant de la SCI de la Becthière et non à l'ordre de cette dernière, la cour observe qu'il s'agit visiblement d'une pratique de Mme [K], procédant d'une confusion quant à l'identité du créancier, entre la bailleresse et son gérant, puisque la SCI verse aux débats un précédent chèque émis le 8 janvier 2020 à hauteur de 353,88€, déjà établi à l'ordre de M. [X] et non de la SCI, dont cette dernière ne conteste pas dans ses écritures qu'il se rapportait bien aux charges et ordures ménagères 2018/2019 dues à la SCI de la Becthière.

En outre, la SCI de la Becthière qui a pourtant conclu devant la cour postérieurement à l'émission du chèque et au débit de la somme correspondante est taisante sur ce règlement et n'allègue pas qu'il se rapporterait à une autre dette due par Mme [K] à M. [X].

Au vu de ces éléments, Mme [K] établit de manière suffisante avoir versé à la SCI la Becthière la somme de 595€ au titre des charges de copropriété dues pour la période 2019/2020 arrêtée au 30 septembre 2020.

En conséquence, la demande de condamnation formée par la SCI de la Becthière à ce titre pour un montant de 536,84 € doit être rejetée, cette somme ayant déjà été réglée.

Les charges s'élevant en réalité à la somme de 536,84€, il sera fait droit à la demande de l'intimée réclamant le trop versé et la SCI de la Becthière sera condamnée à lui versr la somme de 56,06€.

Sur la demande de résiliation du bail aux torts de Mme [K]

Ainsi que l'indique Mme [K], le congé qu'elle a délivré le 31 mars 2020 en raison de son départ à la retraite a mis fin au bail le 30 septembre 2020.

Néanmoins, les deux parties conviennent dans leurs dernières écritures que la SCI de la Becthière a sollicité la résiliation du bail aux torts de Mme [K] par conclusions du 24 janvier 2020, soit avant la délivrance du congé en date du 31 mars 2020. La cour ne peut donc se borner à dire que cette demande de résiliation aux torts de Mme [K] est sans objet, et doit l'examiner au fond.

Le premier juge a rappelé à bon droit que pour être prononcée, la résiliation judiciaire suppose la preuve d'une faute suffisamment grave pour entraîner cette sanction.

La SCI de la Becthière soutient que Mme [K] a manqué à ses obligations de preneur, en cessant l'exploitation du bail en contravention avec le bail et en autorisant une société tierce, la société Ecritures et petits papiers à ce domicilier dans les lieux loués sans l'accord de la bailleresse, ce qui est assimilable à une sous location non autorisée par le bailleur. Elle soutient en outre que sa locataire a formalisé un projet de cession de fonds de commerce dissimulant en réalité une cession de droit au bail et une déspécialisation, sans respecter les dispositions de l'article L145-51 du Code de commerce.

- sur l'absence d'exploitation

L'acte de renouvellement du bail en date du 26 février 2009 liant la SCI de la Bechthière et Mme [K] stipule en page 5 :
"le preneur tiendra les locaux loués constamment garnis de meubles, objets mobiliers, matériels et marchandises en quantité et de valeur suffisantes pour répondre à tout moment du paiement des loyers et accessoires ainsi que de l'exécution des clauses et conditions du présent bail. Il tiendra le magasin constamment ouvert et achalandé selon les usages en vigueur. Il s'interdit de cesser son commerce même momentanément."

Dans son procès-verbal de constat dressé le 12 décembre 2019, Maître [O] huissier de justice a constaté qu'à 17h20, le local [Adresse 2] à [Localité 8] était fermé, et pratiquement vide, seuls quelques cartons restant stockés dans les étagères pour la plupart vides, et que sur la porte se trouvait un écriteau sur leque il était indiqué : "Ecritures Fermé pour des aventures de retraite, merci à tous et toutes... à suivre une réouverture et une nouvelle "dame".

Mme [K] justifie avoir conclu le 6 décembre 2019 avec Mme [C] [L] une promesse synallagmatique de vente et d'achat de fonds artisanal et de commerce au prix de 10.000€, sous conditions suspensives, notamment d'obtention d'un prêt de 20.000€.

Il est mentionné en page 8 de l'acte au sujet des travaux d'accessibilité pour un établissement recevant du public :
"Le promettant vendeur déclare au promettant acquéreur qu'il n'a fait aucune démarche, ni aucune déclaration tant auprès de la mairie qu'auprès de la préfecture.
Il est convenu d'un commun accord entre les parties que le promettant vendeur fera intervenir sans délai une entreprise pour réaliser un diagnostic et les travaux nécessaires pour rendre conforme l'établissement aux règles d'accessibilité."

Il est également indiqué en page 14 de cet acte :
"Le promettant acquéreur, salarié de la Caisse d'épargne et dont le contrat de travail est suspendu depuis le 22 novembre 2019 pour congé pour création d'entreprise aurait dû acquérir le fonds artisanal et de commerce le 1er décembre 2019.
Les formalités d'acquisition du fonds artisanal et de commerce ont pris plus de temps que prévu et il est à ce jour prévu une prise de jouissance au 31 janvier 2020.
Néanmoins, compte tenu de la prévision de la date de cession au 1er décembre 2019 et de son état physique et de fatigue, le promettant vendeur a cessé son activité au mois de novembre 2019, ce dont le promettant acquéreur a pleinement connaissance.
Cette période de fermeture jusqu'à la prise de jouissance servira aux parties à faire réaliser les vérifications des installations électriques, rapport sur l'accessibilité ainsi que les travaux y afférents, enfin tous travaux d'embellissements et d'aménagement que souhaite réaliser le promettant acquéreur".

Dans un courrier du 2 janvier 2020 adressé à la SCI de la Becthière, Maître Vaslin avocat de Mme [L], a adressé à la bailleresse copie de la promesse de cession sous conditions suspensives et a confirmé les éléments contenus dans la promesse en précisant :
"Nous vous informons à toutes fins utiles qu'initialement Mme [L] devait faire l'acquisition du fonds le 1er décembre 2019 et Mme [K] s'était préparée pour cesser son activité à cette date. (...)
Différents évènements ont empêché de respecter cette date, de sorte que le local est actuellement fermé.
Il l'est à ce jour principalement pour permettre à l'acquéreur à l'acquéreur de réaliser des travaux d'embellissement et d'agencement et pour permettre également aux différentes entreprises d'intervenir pour réaliser toutes les vérifications au titre des installations électriques, d'accessibilité, extincteurs, etc..".

Il résulte de ces pièces d'une part que Mme [K] s'est préparée pour cesser son activité au 1er décembre 2019, date initialement prévue pour l'acquisition du fonds par Mme [L] qui n'a pu être tenue, sans qu'il ne ressorte d'aucune pièce que Mme [K] soit à l'origine de ce retard, d'autre part que des travaux étaient prévus dans le local, notamment pour réaliser un diagnostic et rendre conforme l'établissement aux règles d'accessibilité, ainsi que pour l'embellissement et l'agencement du local.

Pour ces deux raisons, le fait que Mme [K] ait quitté le local en novembre 2019 en vue de la réitération de la vente et de l'entrée de son successeur dans les lieux prévue initialement le 6 décembre 2019 n'est pas constitutif d'un manquement aux obligations du preneur justifiant la résiliation du bail à ses torts.

- sur la sous location sans autorisation de la bailleresse

L'acte du 26 février 2009 liant les parties stipule :
- en page 3 ("destination des lieux loués") : "les locaux devront être consacrés par le preneur à l'exploitation de son commerce de réalisation de gravures sur métaux précieux, d'achat et vente de carterie et papeterie. Conformément aux dispositions des articles 35-1 et 33-6 du décret du 30 septembre 1953, le preneur dans les conditions prescrites par lesdits articles, aura la faculté d'adjoindre à l'activité ci-dessus prévue, des activités connexes ou complémentaires et de demander au bailleur l'autorisation d'exercer dans leslieux loués une ou plusieurs activités",
- en pages 6 et 7 ("cession-sous location") : "le preneur ne pourra céder son droit au présent bail, sous-louer tout ou partie des locaux loués, ni se substituer à quel titre que ce soit une tierce personne dans la jouissance des lieux loués, sans le consentement exprès et par écrit du bailleur, si ce n'est toutefois à un successeur dans son commerce."

Ainsi, le bail subordonne la cession du droit au bail ou la sous-location du local à l'autorisation du bailleur, hormis en cas de cession au successeur du preneur.

Or, la promesse de vente et d'achat conclue le 6 décembre 2019 entre Mme [K] et Mme [L] et qui a été transmise en copie à la bailleresse le 2 janvier 2020 porte sur le fonds de commerce dans son ensemble, et non seulement sur le droit au bail. Elle stipule notamment en page 10 que le promettant vendeur, qui s'engage à mettre au courant le promettant acquéreur de toutes ses affaires et à l'aider de ses conseils pendant 15 jours avant l'entrée en jouissance et à collaborer avec lui pour lui faire connaître la clientèle, les fournisseurs, "a réalisé la mise au courant à partir du début du mois d'octobre 2019 jusqu'au mois de novembre 2019".

C'est en outre à tort que la bailleresse prétend que la SARL Ecritures et petits papiers créée par Mme [L] bénéficiaire de la promesse de vente n'exerçait pas la même activité que Mme [K] et que le projet dissimulait une déspécisalisation.

En effet, selon le bail, la destination des locaux est la "réalisation de gravures sur métaux précieux, l'achat et la vente de carterie et papeterie". Or , l'extrait Kbis de la société Ecritures et petits papiers mentionne comme activité principale : "achat revente de carterie, papeterie et articles divers liés à l'écriture et aux papiers", ce qui correspond bien à l'activité stipulée au bail.

S'il est mentionné dans le journal d'annonces légales du 24 janvier 2020 : "Objet : achat revente de carterie, papeterie et articles divers liés à l'écriture et aux papiers, création et fabrication d'articles de papeterie et objets en papier", c'est à juste titre que le premier juge a retenu que la bailleresse opérait un amalgame entre l'objet social (mentionné dans le journal d'annonces légales) et l'activité (principale) exercée, telle que mentionnée dans le registre du commerce et des sociétés.

L'activité principale (souligné par la cour) mentionnée au registre du commerce et des sociétés étant "l'achat revente de carterie, papeterie et articles divers liés à l'écriture et aux papiers", l'activité de "création et fabrication d'articles de papeterie et objets en papier" mentionnée en plus dans l'objet social constitue nécessairement une activité secondaire par rapport à celle mentionnée à titre principal au registre du commerce et des sociétés, que la personne morale se réserve éventuellement la faculté de pouvoir exploiter.

Mme [L] et la SARL Ecritures et petits papiers qui devait se substituer à elle doivent donc être considérés comme le successeur de Mme [K].

En conséquence, la bailleresse ne se trouvait pas en présence d'une cession ou d'une sous-location nécessitant son accord préalable mais d'une cession de fonds de commerce au bénéfice du successeur du preneur, qui, en application de la clause précitée du bail "cession-sous location", ne nécessitait pas son accord, la bailleresse devant seulement être informée.

Mme [K] n'a donc pas commis de faute à ce titre.

- sur le non respect des dispositions de l'article L145-51 du Code de commerce

Au terme de l'article L145-51 du Code de commerce :
"Lorsque le locataire a demandé à bénéficier de ses droits à la retraite ou ayant été admis au énéfice d'une pension d'invalidité (...), a signifié à son propriétaire et aux créanciers inscrits sur le fonds de commerce son intention de céder son bail en précisant la nature des activités dont l'exercice est envisagé ainsi que le prix proposé, le bailleur a, dans un délai de deux mois, une priorité de rachat aux conditions fixées dans la signification. A défaut d'usage de ce droit par le bailleur, son accord est réputé acquis si, dans le même délai de deux mois, il n'a pas saisi le tribunal judiciaire."

Ainsi qu'il a été dit, la promesse de vente et d'achat conclue le 6 décembre 2019 entre Mme [K] et Mme [L] portait sur le fonds de commerce dans son ensemble, y compris le droit de présentation de la clientèle, et non seulement sur le droit au bail. Mme [K] a cessé son activité en novembre 2019 dans la perspective de cette cession du fonds de commerce prévue initialement le 1er décembre 2019 et de son départ concommitant à la retraite.

Il ressort de ce même acte que Mme [K] avait réalisé sur l'exercice juillet 2018-juin 2019 un chiffre d'affaires de 70.010€ et un résultat d'exploitation de 12.702€. Au regard de ces précisions, l'unique pièce produite par l'appelante, un document intitulé "table financière de l'administration fiscale" dont la provenance est ignorée, est tout à fait insuffisant à établir, ainsi qu'elle l'allègue, qu'en réalité le prix de vente de 10.000€ correspondrait uniquement à la valeur du droit au bail.

En outre, il a été démontré ci-avant que la société créée par Mme [L] était bien le successeur de Mme [K] et qu'aucune déspécialisation n'était caractérisée.

En conséquence, l'appelante ne rapporte pas la preuve que la promesse du 6 décembre 2019 dissimulait en réalité une cession du droit au bail avec déspécialisation et que Mme [K] aurait dû suivre les dispositions de l'article 145-51 du Code de commerce. La cour observe d'ailleurs que la SCI de la Becthière a sollicité par conclusions du 24 janvier 2020, non le bénéfice de son droit de préemption prévu à l'article L145-51 du Code de commerce, mais la résiliation du bail.

Le moyen tiré de la violation de l'article L145-51 du Code de commerce doit être écarté.

Aucun manquement du preneur soulevé par la SCI de la Becthière de nature à justifier sa demande de résiliation du bail aux torts de la locataire n'étant caractérisé, cette prétention doit être rejetée.

Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts formée par Mme [K]

La SCI de la Becthière ne pouvait ignorer qu'en application du bail, l'autorisation de la bailleresse n'était pas nécessaire en cas de cession du fonds de commerce au successeur du preneur.

Si au 12 décembre 2019, date du procès-verbal établi par Maître [O] ayant constaté que le magasin était fermé et pratiquement vide, elle pouvait estimer que sa locataire avait manqué à son obligation d'exploiter le fonds, il est patent, qu'après réception du courrier du conseil de Mme [L] en date du 2 janvier 2020 qui lui transmettait la promesse de cession du fonds de commerce signée entre Mme [K] et Mme [L] le 6 décembre 2020, elle ne pouvait ignorer qu'une cession du fonds de commerce était en cours, que cette cession devait initialement intervenir dès le 1er décembre 2019 et que par suite, le départ de Mme [K] s'inscrivait dans la préparation immédiate de cette cession nécessitant en outre la vérification des installations électriques et de l'accessibilité ainsi que les travaux y afférents, et non dans un arrêt de son exploitation pouvant lui être imputé à faute.

Or, par courrier du 10 janvier 2020 adressé par son conseil, la SCI de la Becthière, sans tenir compte de ces explications, maintenait que Mme [K] avait "vidé" son local et que le projet de cession du fonds de commerce consacrait en réalité une cession de droit au bail nécessitant le respect de la procédure prévue à l'article L145-51 du Code de commerce.

En outre, dans ce même courrier, et alors même, que le conseil de Mme [L] rappelait dans son courrier du 2 janvier 2020, que Mme [K] lui avait signifié par huissier le 30 décembre 2016 une demande de renouvellement de bail commercial à laquelle la SCI n'avait pas manifesté de refus dans le délai de trois mois, ni saisi le juge des loyers commerciaux, de sorte que le bail avait été renouvelé à compter du 7 juillet 2017, elle refusait de régulariser un acte de renouvellement du bail "à jour de la loi Pinel du 18 juillet 2014", comme demandé par Mme [L].

De surcroit, la SCI de la Becthière indiquait dans ce courrier du 10 janvier 2020 qu'une procédure était en cours pour le règlement des charges de copropriété, et que pour elle, cette question devait être réglée préalablement à la matérialisation du bail renouvelé.

Or, ainsi que l'a relevé le premier juge, l'assignation délivrée par la bailleresse portait sur un reliquat de charges de copropriété à hauteur de 139,25€ sans avoir recherché préalablement de solution amiable, hormis une demande par lettre du 3 juillet 2018, ainsi que sur le paiement de la taxe foncière qui n'était pas due par le preneur, ce que la bailleresse devait savoir compte tenu d'un précédent survenu en 2012, Maître [N] notaire ayant adressé au preneur un courrier du 18 juillet 2012 lui demandant de ne pas tenir compte de son courrier précédemment adressé puisque l'impôt foncier était stipulé à la charge du bailleur.

Surtout, ainsi que l'a indiqué le conseil de Mme [L] par courrier du 17 janvier 2020, cette procédure en cours n'avait aucune incidence sur le renouvellement du bail commercial puisque le bail était renouvelé aux même charges et conditions.

En dépit de ces éléments, la SCI de la Becthière a persisté dans son refus et indiqué par courrier du 24 janvier 2020 qu'elle allait demander la résiliation judiciaire du bail. Elle ne demandait pourtant pas au tribunal d'exercer son droit de préemption prévu par l'article L145-51 du Code de commerce.

De surcroît, et alors que le bail était renouvelé depuis le 17 juillet 2017, la bailleresse, par courrier de son gérant en date du 27 janvier 2020 adressé à Maître [M] notaire, qui était selon ses propres termes "désigné pour recevoir un acte de cession de fonds de commerce et droit au bail au bénéfice de Mme [L]", lui indiquait de manière catégorique qu'elle s'opposait à cet acte, en précisant que le bail en raison du litige n'avait pas été renouvelé.

Selon la promesse du 6 décembre 2019, la vente du fonds de commerce devait être réitérée par acte authentique au plus tard le 31 janvier 2020.

A cette date, la bailleresse venait de notifier son opposition à l'acte et sa demande de résiliation du bail. Mme [L], qui avait pourtant obtenu le 17 janvier 2020 le prêt prévu dans la promesse et avait créé le 23 janvier 2020 la société destinée à exploiter le local, ne pouvait que constater que l'acte authentique ne pourrait être régularisé à cette date et qu'elle ne pourrait exercer son activité comme prévue, sauf à devoir attendre l'issue de la présente procédure judiciaire relative à la résiliation du bail, dont elle ne maîtrisait ni la durée ni le résultat.

Il s'en déduit que le fait que la signature de l'acte de cession du fonds de commerce entre Mme [K] et Mme [L] ne soit finalement pas intervenue est en lien direct avec l'attitude de la bailleresse qui, à plusieurs reprises, s'est opposée à un renouvellement du bail qui était pourtant déjà tacitement renouvelé, seule la rédaction d'un bail conforme à la loi Pinel étant sollicité par Mme [L], ainsi qu'à une cession de fonds de commerce pour laquelle son accord n'était pas nécessaire, au prétexte fallacieux du non respect de l'article L145-51 du Code de commerce dont les conditions n'étaient pas réunies, et a sollicité la résiliation du bail en l'absence de toute faute commise par Mme [K], ce que la bailleresse ne pouvait ignorer au regard des circonstances de fait précises ci-avant analysées et résultant notamment de la promesse de cession du 6 décembre 2019 et des courriers des 2 et 17 janvier 2020 transmis par le conseil du promettant acquéreur.

Mme [K] a notifié le 31mars 2020 la résiliation du bail pour cause de départ à la retraite sans pouvoir céder son bail.

Ainsi que le premier juge l'a observé, la SCI de la Becthière a aussitôt mis en vente son local commercial, puisqu'un premier projet de vente échouera le 26 août 2020 du fait de la renonciation de l'acquéreur, à la demande du vendeur, et que le local sera ensuite vendu dès le 26 octobre 2020 au prix de 135.000€ à la société Scraptrading. En s'opposant de manière non justifiée à la cession du fonds de commerce envisagée par Mme [K], la SCI de la Becthière a ainsi pu récupérer un bien libre de toute occupation et le vendre.

Pour l'ensemble de ces motifs et ceux du tribunal que la cour adopte, il convient de retenir que la SCI de la Becthière n'a pas seulement fait une mauvaise appréciation de ses droits mais en a abusé, et engage ainsi sa responsabilité contractuelle à l'égard de sa locataire.

S'agissant du préjudice subi, l'intimée sollicite expressément devant la cour la réparation du "préjudice tiré de la perte de chance d'avoir pu céder son fonds", causé par les manoeuvres dolosives de son bailleur qui a tout fait pour empêcher la cession du droit au bail afin de récupérer son local (page 13 de ses écritures).

Effectivement, même si la condition suspensive d'obtention du prêt avait été levé, il ne peut être affirmé avec une totale certitude que la la cession aurait été à son terme et n'aurait pas été retardée ou empêchée par une toute autre cause. En outre, Mme [K] pouvait le cas échéant trouver un autre repreneur.

Le préjudice subi par Mme [K] est donc uniquement, ainsi qu'elle l'indique elle-même, la perte de chance d'avoir pu céder son fonds de commerce emportant cession du droit au bail.

C'est à tort que la SCI prétend que Mme [K] n'a subi aucun préjudice dans la mesure où elle lui avait proposé de racheter son fonds de commerce au même prix soit 10. 000€ par courrier du 30 décembre 2019.

En effet, l'article L145-51 du Code de commerce n'étant pas applicable, le bailleur n'avait pas de priorité de rachat, de sorte qu'il ne peut être reproché à Mme [K], qui était au 30 décembre 2019 engagée envers Mme [L] par la promesse de cession signée le 6 décembre 2019, d'avoir pour cette raison décliné l'offre de sa bailleresse par courrier du 31 janvier 2020.

La SCI de la Becthière ne justifie par aucune pièce avoir formé à nouveau la proposition de rachat du fonds de commerce de Mme [K] au prix de 10.000€, après que le projet de cession à Mme [L] ait échoué.

Au regard des circonstances de fait susvisées dont aucune n'est imputable à Mme [L], et de la procédure en cours pour résiliation judiciaire du bail, il ne peut non plus être reproché à Mme [K] de ne pas avoir poursuivi la vente de son fonds en justice.

C'est donc à tort que la SCI prétend que Mme [K] aurait volontairement renoncé à la vente et à l'offre de la SCI et ainsi contribué à son préjudice.

Il s'en déduit que le préjudice de perte de chance subi par Mme [K] est caractérisé et résulte de manière directe des fautes de la SCI de la Becthière.

Mme [K] réclame la somme de 10.000€ qui correspond au prix de la cession envisagée.

Néanmoins, la réparation d'une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée.

Compte tenu du fait, d'une part que la cession n'a pu être régularisée au plus tard le 31 janvier 2020 comme prévu dans l'acte, ni d'ailleurs après, alors que la condition suspensive d'obtention du prêt était levée le 17 janvier 2020, que Mme [L] avait créé le 23 janvier 2020 la société devant exercer l'activité dans les lieux loués et que le notaire chargé de l'acte authentique avait été désigné, d'autre part que Mme [K], qui a notifié son congé le 31 mars 2020, en pleine période de pandémie et de confinement, avec très peu de probabilité de retrouver un repreneur, la chance perdue s'avère très élevée et doit être évaluée à 85 % du montant du prix de cession envisagé.

La SCI de la Becthière doit en conséquence être condamnée à verser à Mme [K] la somme de 8500€ à titre de dommages et intérêts, par infirmation du jugement quant au quantum retenu.

Sur les autres demandes

La SCI de la Becthière succombe pour l'essentiel en ses demandes. Le jugement doit en conséquence être confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles. Pour la même raison, elle doit être condamnée aux entiers dépens d'appel, dépens définis par l'article 695 du code de procédure civile sans qu'il y ait lieu de dire expressément qu'ils "comprendront notamment les émoluments des officiers ministériels", outre le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Maître Vigneux avocat qui en fait la demande expresse.

La SCI de la Becthière doit en outre être condamnée au versement d'une somme de 2500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et déboutée de sa propre demande sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

- Infirme le jugement déféré uniquement en ce qu'il a condamné la SCI de La Becthière à payer à Mme [W] [K] la somme de 10.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par un exercice abusif de ses droits de bailleur et du droit d'ester en justice ;

Statuant à nouveau du seul chef infirmé,

- Condamne la SCI de La Becthière à payer à Mme [W] [K] la somme de 8.500 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par un exercice abusif de ses droits de bailleur et du droit d'ester en justice ;

- Confirme le jugement en toutes ses dispositions critiquées ;

Y ajoutant,

- Rejette la demande de condamnation formée par la SCI de la Becthière au titre des charges afférentes aux parties communes pour la période 2019/2020 arrêtée au 30 septembre 2020, due pour un montant de 536,84 € ;

- Condamne la SCI de La Becthière à payer à Mme [W] [K] la somme de 56,06€ versée en trop au titre des charges 2019/2020 ;

- Condamne la SCI de La Becthière à verser à Mme [W] [K] une indemnité de 2500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Rejette la demande formée par la SCI de La Becthière au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne la SCI de la Becthière aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : C1
Numéro d'arrêt : 21/002051
Date de la décision : 01/12/2022
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : Tribunal judiciaire de Tours, 10 décembre 2020


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.orleans;arret;2022-12-01;21.002051 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award